fondudans l’ombre du parc comme un mauvais dessin qu’on efface. Jeremy avait juste. aperçu la longue robe de samouraï, portée par-dessus un élégant complet noir, que l’homme . avait retirée avant de s’enfuir. Et le visage vaguement asiatique, métissé, à la longue. moustache noire tombante, aux yeux brûlants de haine. Curieusement, un nom lui vint à. l’esprit. Gengis Khan Reminder of your requestDownloading format TextView 1 to 821 on 821Number of pages 821Full noticeTitle Revue du monde catholiquePublisher V. Palmé ParisPublication date 1900-01-01Relationship textType printed serialLanguage frenchFormat Nombre total de vues 49057Description 01 janvier 1900Description 1900/01/01 A39,T141,SER1-1900/03/15 A39,T141,SER6.Rights Consultable en ligneRights Public domainIdentifier ark/12148/bpt6k56569580Source Bibliothèque nationale de France, département Littérature et art, Z-23121Provenance Bibliothèque nationale de FranceOnline date 17/01/2011The text displayed may contain some errors. The text of this document has been generated automatically by an optical character recognition OCR program. The estimated recognition rate for this document is 97%.REVUE DU IMONDE CATHOLIQUE RECUEIL INTERNATIONAL BI-MENSUEL Dogmatique, Politique, Seientiîipe, Historique et littéraire TRENTE-NEUVIÈME ANNEE TOME CENT QUARANTE E T UNIEME DEUXIEME DE LA SEPTIEME SERIE Arthur SAVAÈTE, Éditeur-Gérant BUREAUX A PARIS 76, rue des Saints-Pères, 76 A BRUXELLES Rue de la Montagne A GENEVE; Chez H. TREMBLE Y, Éditeur 4, rue Corraterie, 4 IQOO REVUE DU MON ME 1 CATHOLIQUE REVUE DU RECUEIL INTERNATIONAL DOGMATIQUE, POLITIQUE, SCIENTIFIQUE, HISTORIQUE ET LITTÉRAIRE TRENTE-NEUVIÈME ANNÉE TOME CENT QUARANTE-UNIÈME DEUXIÈME DE LA SEPTIEME SERIE PARIS Arthur SAVAÈTE, Éditeur 76, DES SAINTS-PÈRES, 76 1900 L'ÉLÉMENT SURNATUBEL dans les conversions au catholicisme NOTAMMENT DANS CELLE DU COMTE DE STOLBERG I On ne saurait trop mettre en relief les grands triomphes que remporte de nos jours la vérité catholique, quand, par la seule force de son attraction et par l'impuissance de toutes les erreurs qui lui sont opposées, elle reconquiert les plus nobles de ses enfants que le malheur des temps lui avait arrachés. Quelle gloire pour l'Eglise fondée par Jésus-Christ, que sa doctrine, une fois pleinement connue, subjugue les plus belles intelligences, entraîne les plus nobles coeurs! Et cette gloire, qui peut sérieusement la lui contester de nos jours? L'illustre historien allemand des conversions au catholicisme au XIXe siècle résume admirablement dans les paroles ci-après l'hommage que tout esprit impartial doit rendre à la véritable Eglise A cette couronne d'épines qu'elle portait depuis la défection de Luther, laquelle a soustrait tant d'individus et de peuples à sa paternelle direction, a succédé aujourd'hui la couronne la plus brillante. Car si, depuis ce lamentable schisme de la chrétienté, on apprécie la valeur de ceux qui lui sont revenus de leur plein gré, ne projettent-ils pas autour d'eux un éclat incomparable? Cette Eglise ne peut-elle pas se faire un titre de gloire, humainement parlant, d'avoir été et d'être encore l'unique refuge de ces âmes d'élite, qui, recherchant sincèrement Dieu, ne le trouvent finalement qu'en elle 1? » A notre époque plus que jamais, elle exerce une action irréi. irréi. Bilder, etc. 5 vol. in 8°. Schaffouse, 1871 ; édit. par Hurter. Ier vol., partie allemande. Introd. Traduction française inédite. 6 REVUE DU MONDE CATHOLIQUE sistible sur tout ce que l'humanité compte de plus noble dans son sein. De tous côtés affluent au bercail ces âmes généreuses, qui, dociles aux inspirations de l'Esprit-Saint, veulent secouer la lourde chaîne des préjugés qu'on leur a inculqués dès l'enfance. Ne pouvant plus demander la plénitude de leurs satisfactions religieuses aux sectes séparées du corps de Jésus-Christ, et, par suite, plus ou moins de son esprit, elles se montrent infatigables dans la recherche de la vérité, bien assurées que le secours divin ne leur manquera pas. L'Eglise catholique, dit le cardinal Wiseman, est comme une cité à laquelle aboutissent une foule de voies on peut y arriver en suivant les directions les plus différentes, soit qu'on traverse les obscurs et tortueux labyrinthes de l'examen le plus rigoureux, soit qu'on marche dans les sentiers fleuris du sentiment, en se laissant guider par le coeur et ses aspirations. On pourrait dire ici en appliquant un proverbe bien connu, que tous les chemins mènent à Rome. » Dans les innombrables conversions qui se produisent, il y en a à peine deux qui se ressemblent complètement du point de vue des motifs et eu égard aux moyens dont la grâce divine se sert pour les réaliser. L'un sera conduit par les investigations historiques les plus consciencieuses, par la recherche des lois régissant les. évolutions des peuples, par le but même et l'esprit de ces lois, à reconnaître l'existence d'un ordre surnaturel; d'autres seront poussés, soit par l'étude de la philosophie, de la théologie, de toutes les questions ardues de ce double domaine, soit par celle du droit et de l'économie sociale, soit enfin par les sciences d'observation et de calcul propres à faire reconnaître l'utilité, la nécessité du principe 'religieux comme suprême régulateur de l'activité humaine. La Révélation chrétienne n'a pas sujet de redouter la lumière et ne la redoute pas. Un peu de science, dit Bacon, détourne de, la foi, et beaucoup y ramène. Les savantes études, ne sont pas sans doute nécessaires pour parvenir à la connaissance de la pleine vérité. Notre-Seigneur JésusChrist, l'auteur de tout bien, a su concentrer dans son Eglise, à un si haut degré, tout ce qui peut donner satisfaction à l'esprit et au coeur humain, qu'on peut dire qu'elle a des remèdes, des vertus souverainement efficaces et qui répondent à chaque besoin de l'âme. Les eaux qui jaillissent de cette source inépuisable, propre à guérir tous les maux de la partie intellectuelle et morale de notre être, à en vivifier toutes les facultés, se répandent dans le L'ÉLÉMENT SURNATUREL DANS LES CONVERSIONS J monde, et il n'y a pas d'homme qui puisse se soustraire à leur influence salutaire. Quelque diverses que soient les intelligences, les aptitudes professionnelles, les habitudes acquises, ces eaux fécondent le champ immense de l'activité sociale. Les propriétés sensibles de leur action se font sentir partout, en se diversifiant selon la nature sur laquelle ils opèrent. Aussi, on ne saurait le méconnaître, il y a presque autant de motifs de conversion que de personnes qui se convetissent. La raison en est que toute vérité intéressant l'homme, toute grande pensée chrétienne, pourvu qu'on s'y attache fortement et qu'on la suive jusqu'au bout, conduit nécessairement l'esprit jusqu'à cette Eglise qui renferme en soi la plénitude et la totalité de toutes les vérités religieuses et humaines. En elle réside le Christ, le centre lumineux d'où émanent tous les rayons qui portent le jour dans les régions les plus reculées de la vie naturelle et surnaturelle, et vers lequel tendent les êtres créés de toute l'énergie de leur essence, pour trouver chacun en lui sa perfection propre. Il suffit d'avoir des yeux et des oreilles, on l'a déjà dit avec beaucoup de raison, pour reconnaître la plénitude de la vérité dans le catholicisme. L'Eglise, fondée sur un roc inébranlable, est comme le centre d'attraction d'une sphère dont la circonférence s'élargit indéfiniment dans le temps et l'espace, pour comprendre tous les cercles concentriques possibles retenus dans leur orbite par la même attraction. Mais en dehors des motifs particuliers qui tiennent aux aptitudes également particulières de l'intelligence, aux circonstances et influences extérieures, telles que celles de l'éducation, des professions embrassées, il y a chez tous les convertis un dernier mobile commun. C'est ce mouvement du coeur qui, dépassant de plus en plus les limites du moi propre, s'élève vers Dieu par l'union croissante à Jésus-Christ. Il s'opère en chacun d'eux indistinctement un travail continu, quels qu'en soient le mode et les éléments déterminants, pour se rattacher à un ordre supérieur à celui de la simple connaissance, à l'ordre de la charité où le coeur exerce davantage son empire et où l'on se trouve plus près de Dieu 1. i. Notre grand Pascal avait déjà dit La distance infinie des corps aux esprits figure la distance infiniment plus infinie des esprits à la charité, car elle est surnaturelle. De tous les corps ensemble on ne saurait tirer la moindre pensée cela est impossible et d'un autre ordre. Tous les corps et les esprits ensemble ne sauraient produire un mouvement de vraie charité. Cela est impossible et d'un autre ordre tout surnaturel. » Pensées religieuses, ch. vi. 8 REVUE DU MONDE CATHOLIQUE Ce travail se poursuit surtout par la prière, où l'âme entre en communication avec l'Esprit-Saint sous l'action duquel la volonté se déprend insensiblement d'elle-même. Et plus celle-ci est forte, c'est-à-dire libre et servie par une forte intelligence, plus elle a besoin de s'attacher, et à mesure que ses liens se rompent, de monter vers Dieu par le désir, par l'amour. C'est ainsi que la volonté, après s'être développée en efforts successifs d'affranchissements, finit par remporter la victoire, en faisant de Dieu l'objet suprême et unique de ce désir, de cet amour. Aussi peut-on dire de tous les convertis que si le commencement du travail de leur conversion, les luttes subies, les difficultés à surmonter pour arriver à la plénitude de la foi diffèrent, la fin est toujours la même ; c'est le triomphe final de l'amour divin, de cet amour dont le chantre sacré disait 77 rachète la vie d,e son déclin; il la couronne de sa miséricorde et de ses tendresses; il comble tout désir de sa douceur, et il renouvelle notre jeunesse, comme celle de l'aigle. » II La conversion tient ainsi du miracle et fournit une éclatante manifestation de l'élément surnaturel. Cette manifestation se produit d'une manière marquée dans la conversion du comte de Stolberg 1 ; et l'on peut dire que la plupart de celles qui la suivirent en Allemagne peuvent y être ramenées comme à leur modèle et à leur prototype. Quelque particulièrement intéressant que puisse être l'exposé des motifs déterminants de son retour au catholicisme, d'autant plus nombreux qu'étaient plus vastes et multiples les besoins de sa nature, les exigences de sa raison, il suffit, eu égard au sujet traité, de se reporter à la manière dont se termine le long travail i. Cette conversion a donné lieu en Allemagne à des publications très intéressantes. La plus récente et la plus remarquable est celle émanant d'un théologien des plus érudits de l'Allemagne, du professeur Janssen, auteur de l'Histoire du peuple allemand depuis la Réforme jusqu'à la fin du XVlll" siècle, ouvrage traduit en partie en français, et qui fait autorité dans le monde catholique. Ce savant ecclésiastique, ayant eu à sa disposition toute la correspondance de Stolberg avant et après sa conversion, a publié d'abord, à l'aide de ces précieux documents, un premier ouvrage intitulé La. vie et les travaux de Stolberg, lequel a été presque immédiatement suivi de deux autres volumes où se trouvent colligées et coordonnées dans leur ensemble les lettres de l'illustre converti. L ELEMENT SURNATUREL DANS LES CONVERSIONS de ses recherches. C'est lui-même qu'il faut interroger, en ayant recours à ses propres explications sur ses dispositions intérieures au moment où la grâce devait agir une dernière fois. Comment comprendre, dit-il, le changement subit de ces dispositions, après la prière d'enfants venant de faire leur première communion à laquelle il avait assisté, froid et indifférent, si l'on n'admet une illumination directe de l'Esprit-Saint, achevant de dissiper toutes les ombres qui pouvaient encore ternir le pur éclat du soleil des âmes?... » C'est là ce qu'on peut appeler le côté surnaturel, miraculeux de sa conversion. Aussi, pour Stolberg, encore plus que pour les autres convertis, le retour à l'Egiise-Mère fut-il comme une entrée dans une vie nouvelle. Ayant été baptisé et renouvelé d'une manière directe et presque surnaturelle dans l'Esprit d'amour, il éprouve un sentiment de bonheur indicible de faire partie de la nouvelle communauté. Ce sentiment, qui remplissait son âme, débordait le plus souvent, surtout dans sa correspondance, en ferventes actions de grâces et en véhéments désirs de procurer à ses frères séparés une semblable félicité. Il y avait une telle force de conviction dans ses paroles, une telle ardeur d'amour pour Jésus-Christ, une telle sincérité dans ses aveux, dans des retours rétrospectifs sur le passé, que plusieurs de ses anciens coreligionnaires se sentirent ébranlés et finirent, à son exemple, par faire le pas décisif, seul capable de leur assurer le repos de l'âme. Si le sang des martyrs, disait-on autrefois, engendrait de nouveaux croyants, que dire de l'exemple des convertis encore plus facile à imiter? C'est avant tout aux protestants que notre illustre, converti fait appel dans ses nombreuses lettres, aux protestants, qui étaient déjà de son temps et sont encore plus aujourd'hui sur un sol mouvant, tant qu'ils ne passeront pas sur la terre ferme en revenant à l'Eglise-Mère. Tous ses efforts, tous ses travaux, même en partie ceux ayant précédé sa séparation d'avec eux, tendaient à leur montrer qu'ils trouveront là seulement les satisfactions réunies de l'esprit et du coeur. Il usait néanmoins ici d'une grande et sage réserve, blâmant tout zèle intempéré ou empreint de dureté de nature à froisser les consciences et les coeurs qu'il s'agissait de ramener. Sa noble ambition n'était pas tant de procurer une conviction immédiate, tant il savait qu'elle devait être le fruit du temps et de patientes recherches, mais plutôt de frayer la voie vers la pleine et intarissable source de la vérité et de l'amour à IO REVUE DU MONDE CATHOLIQUE quelqu'une de ces âmes si bien faites pour s'y désaltérer dès icibas, avant de s'y abreuver dans l'éternité. C'est à ce point de vue surtout que fut efficace le prosélytisme qu'il exerça autour de lui, au sein d'un monde qui ne laisse pas de lui être cher, et où il comptait tant de personnes qu'il avait su apprécier, vénérer, aimer, et qui étaient restées toujours bien dignes de son affection. III On comprend, eu égard au mobile final ou surnaturel de la conversion de Stolberg, en quel sens le dogme de la Trinité, qui recèle toutes les insondables profondeurs de la vie divine, à l'envisager dans ses conséquences pratiques, fut comme le point culminant de ses vues et travaux. Les vérités inhérentes à ce dogme ont passé dans son Histoire de la religion de Jésus-Christ, dans son Traité de l'amour divin, et se retrouvent chez les principaux convertis ses contemporains. Il trouvait le germe de ces vérités dans la doctrine des philosophes de l'antiquité. Un seul et même être, qui n'est autre que la pensée ou l'intuition de lui-même, apparaissant dans les puissances différentes de la matière sous mille formes et en mille opérations diverses, s'y retrouvant à peine aux degrés de la sensation et de l'intelligence, mais en possession éternelle de soi dans l'acte simple de la contemplation, telle est la conception dans laquelle se résume le plus haut point de la métaphysique ancienne, celui que représente Aristote 1. La métaphysique chrétienne, dont cette dernière n'était i. Essai sur la Métaphysique d'Aristote, par Ravaisson. La doctrine péripatéticienne y est nettement opposée à celle de Platon. Aristote, dit-il, ne conçoit pas la matière et la forme sous un rapport purement abstrait. Il les rattache par un lien réel et vivant. La forme, .qui est l'essence de l'être, devient la fin à laquelle tend et pour laquelle existe tout ce qui est en lui. Elle en est la fin; elle en est donc le bien ; et c'est par là qu'elle fait tendre vers elle les puissances diverses de la matière comme autant de moyens coopérant à un même but. Ce désir du bien, cette tendance vers lui, est toute la nature. L'acte n'est donc qu'un mouvement par lequel la puissance tend toujours à l'acte sans y parvenir jamais tout entière. Dans l'opération intellectuelle, il n'y a plus de matière ni de mouvement, rien que forme, rien qu'acte pur, surtout dans l'opération intellectuelle la plus digne L ELEMENT SURNATUREL DANS LES CONVERSIONS 11 qu'une préparation lointaine, qu'un obscur pressentiment, est bien supérieure, dérivant de la grande lumière projetée sur l'essence divine par la révélation du mystère de la Trinité. Elle établit un lien permanent d'union entre la pensée-sujet et la pensée-objet ; et ce lien se résout en l'amour infini. Dans le christianisme, il forme comme le foyer ardent et lumineux de l'intelligence première d'où partent d'innombrables rayons pour y revenir, et dans laquelle tout ne fait qu'un en esprit, perfection et vérité, foyer où tout se consomme et s'unit, transformé en sa flamme divine. Le Dieu-amour, disait Stolberg, est donc le dernier terme du transcendantalisme chrétien c'est le dogme de la Trinité qui donne le plus complètement la clef de la vie divine et de ses opérations. Dans son Histoire de la religion de Jésus-Christ, il s'efforça cle dégager de l'Ancien Testament les premiers linéaments du plan divin se rattachant à la pleine révélation de ce dogme dans le Nouveau, et qui en avaient ainsi donné comme l'avant-goût. Attachant ensuite à cette entière révélation la haute valeur pratique qui s'en déduit comme impliquant le parfait amour de Dieu par l'union la plus efficace à Jésus-Christ, il ne cesse de faire entendre, dans les préfaces de son ouvrage à l'adresse de ses enfants, les plus touchantes exhortations. Qu'on lise notamment celle qui est en tête du volume traitant de Jésus-Christ, et où il s'exprime en ces termes La religion de Jésus-Christ, chers enfants, ressemble à l'union conjugale. Elle demande un engagement irrévocable d'amour elle n'est, en définitive, qu'une union éternelle d'amour avec de ce nom, celle où l'intelligence toute en acte se contemple elle-même, où la pensée n'a d'autre objet que la pensée... La pensée de la pensée est donc l'être véritable, l'acte pur, la cause première de tout le reste, et comme telle, elle est éternellement fixée dans la conscience de soi, qui seule subsiste par elle-même, et par laquelle seule tout le reste subsiste. Dieu, l'être premier et absolu, c'est donc l'acte parfait de la pensée se contemplant elle-même. Chaque être particulier ou chaque nature, c'est un acte imparfait ou un mouvement dont la pensée est la cause, la fin, l'essence ; ou pour réduire le mouvement à son principe, c'est le désir par lequel la divine pensée présente à toutes les puissances que la matière renferme, les fait venir à l'existence et à la vie. L'aristotélisme rattache ainsi tous les êtres parle lien vivant du mouvement et du désir à une unité surnaturelle, qui les fait participer tous, par le désir même dont elle lés remplit, à sa propre perfection, selon leur capacité, et qui les surpasse tous. » 12 REVUE DU MONDE CATHOLIQUE Dieu en Jésus-Christ ; et ce même amour de Dieu en Jésus-Christ forme le lien indestructible d'attachement de tous les croyants entre eux 1. Il faut, avec la simplicité d'un coeur véritablement aimant, tenir nos yeux fixés sur Jésus-Christ, sur ce soleil de justice qui doit être le foyer central autour duquel sont appelées à graviter, malgré la pesanteur qui les entraîne vers la terre, nos âmes destinées au ciel. Il faut que de ce foyer l'intelligence reçoive la lumière, le coeur, la chaleur, et que notre vie devienne ainsi féconde en toute sorte de bonnes oeuvres. » Dans un autre passage, il dit encore, faisant allusion à la mystérieuse opération des personnes de l'auguste Trinité en nous Dieu a disposé toutes choses de manière à ce qu'il dépende de chacun de parvenir, par la foi en son être absolu, par l'espérance en ses promesses, par l'amour pour l'unique et premier principe de tout beau et de tout bien, à l'union avec lui 2. » Frédéric de Schlegel, qui exerça, une fois converti, une influence immense sur tous ses contemporains, et devint en Allemagne le vrai centre du mouvement catholique après Stolberg, fut fortement impressionné par l'oeuvre de ce dernier. Les observations qu'il lui communiqua à ce sujet ont une grande importance, notamment en ce qui touche le dogme de la Trinité. Pour moi, dit-il, le dogme de la Trinité est le point fondamental du christianisme. C'est la source première de toutes mes convictions, de toutes mes vues et aspirations religieuses. Ce mystère de la vie divine m'ouvre un jour nouveau sur tout l'ensemble des problèmes dont je cherchais la solution. Il est, à mes yeux, la clef de toute l'Ecriture, me fait mieux pénétrer l'homme, et sa lumière illumine à la fois les horizons du monde et de l'histoire. i. Dans un autre passage de ses oeuvres, développant davantage sa pensée, il dit Les bienheureux aimeront Dieu par-dessus tout, aimant tout pour l'amour de lui et en lui. De cet amour pour Dieu découle tout autre amour, qui est ainsi ramené à lui. L'amour est le but de leur existence et leur élément ; et cet amour ne cessera de se manifester par tous les modes possibles de communication et dans les actes les plus divers. En se manifestant, il s'exercera; et en s'exerçant, il ne fera que s'accroître et progresser à l'infini. » 2. Ce point de vue est mis admirablement en relief dans le grand ouvrage d'Hettinger, VApologie du Christianisme partie relative aux-dogmes. De même que l'esprit, la pensée et l'amour sont la représentation de l'image de Dieu en nous dans l'ordre naturel, de même la foi, l'espérance et la charité sont, dans Pordre de la grâce, des effets immédiats de notre ressemblance à la Trinité. Trois personnes dans la divinité, trois éléments constitutifs de l'âme humaine, trois vertus divines dans le racheté » nB chapitre, pp. 156-157 de l'ouvrage allemand. L'ÉLÉMENT SURNATUREL DANS LES CONVERSIONS 1} Dans un-autre passage, après avoir montré que les protestants ont perdu depuis longtemps l'intelligence de cette doctrine fondamentale du christianisme, il ajoute Ce mystère, au contraire, ressort, dans toute sa plénitude et avec le développement de ses merveilleuses proportions et conséquences, dans les dogmes, les principes, et même les coutumes et institutions de l'Eglise catholique'. C'est de là que part tout l'esprit divin qui anime et vivifie cette Eglise. Voilà aussi, bien vénérable ami, d'où est sortie pour moi une lumière à la fois plus pure et plus haute, pour moi qui, depuis les années de ma jeunesse, avais fait tant d'efforts pour saisir et atteindre la vérité, mais qui m'étais si longtemps trompé de route. » Marheinecke, l'un des représentants les plus marquants du protestantisme croyant, et qui eût tant voulu opérer un rapprochement, une union entré ce dernier et l'Église catholique, reconi. reconi. l'ouvrage d'Hettinger déjà cité se trouvent éloquemment résumés tous les enseignements de saint Thomas d'Aquin, des Pères de l'Eglise, surtout de saint Augustin, sur le dogme de la Trinité. Nous en extrayons le passage ci-après qui se réfère plus complètement à la pensée de Schlegel Le rapport réciproque des personnes en Dieu sert éminemment de fondement et de prototype aux rapports effectifs entre Dieu et la créature dans l'ordre surnaturel. A l'immanence de la Trinité, l'économie du monde de la grâce n'a cessé et ne cesse de se rattacher. La foi au Dieu un en trois personnes présente un souverain intérêt, même dans le domaine pratique, fournissant la base sur laquelle repose la vie surnaturelle de l'Eglise... Noël, Pâques, la Pentecôte, ces fêtes périodiques représentent d'une manière effective et vivante, à chaque renouvellement d'année, la Trinité dans le cycle de sa manifestation au monde, lequel se résume ensuite dans la fête de la Trinité. C'est ainsi que le chrétien ne perd jamais de vue la Trinité première, éternelle, de laquelle sort, dans le temps, la triple évolution de la création, de la rédemption et de la sanctification. Le Père conduit au Fils, le Fils nous donne l'espérance de la vie, l'Esprit opère l'amour dans nos coeurs. Ainsi, le baptême, qui est le principe en nous d'une nouvelle vie, dépose dans le coeur la foi, l'espérance et la charité. C'est le Dieu un dont les trois personnes, Père, Fils et Saint-Esprit, concourent également dans ce sacrement à restaurer l'image de Dieu dans l'âme humaine. Notre esprit se tourne vers le Père, dont il est l'image. Notre pensée, née de l'esprit, est l'image du Fils} notre amour, émanant de la connaissance, l'image de l'Esprit-Saint. De là suivent la foi au Père, l'illuminateur de notre âme, l'espérance dans la Fils qui porte vers le Père nos pensées, l'amour dans l'Esprit qui détermine notre volonté. » 14 REVUE DU MONDE CATHOLIQUE haït la hauteur du point de vue auquel se place Schlegel dans ses préférences pour cette Eglise 1 C'est avec pleine raison, dit-il, que Schlegel envisage la Trinité comme le mystère par excellence de l'amour éternel illuminant toutes les profondeurs de l'unité divine. » Dominant de cette hauteur toutes les vérités de l'ordre chrétien et révélé, il,entrevoit dans un prochain avenir les plus belles perspectives, le dogme le plus sublime devant être le fondement sur lequel s'assoira l'édifice religieux, et la théologie pratique devant en retirer les semences les plus fécondes et les fruits les plus abondants. Des plus hautes spéculations sur l'adorable mystère, Stolberg" tire le fruit pratique, quand il montre l'immense bonté de Dieu qui le pressait de se communiquer à sa créature, de lui donner la plénitude de sa félicité. L'essence de l'amour est de se donner 2. En donnant son Fils unique pour sauver le monde, Dieu a épuisé la mesure de sa bonté, et la création reçoit son dernier perfectionnement. Recréer en nous l'image divine et combattre l'amour désordonné de nous-mêmes, voilà le plan tout entier de la Révélation, tel qu'il se laisse apercevoir dans les Saintes Écritures. Celles-ci forment, suivant les belles expressions de Stolberg, un grand tout organique que vivifient la foi, l'espérance et la charité, a charité comprenant naturellement, outre l'amour pour Dieu, qui a promis et donné son Fils, l'amour pour le prochain, auquel nous sommes rattachés par les mêmes liens, alors qu'il peut devenir i. Histoire de la littérature allemande, par Julian Schmidt, t. II, p. 558.— Ouvrage allemand en 5 volumes, très important et non encore traduit en français. 2. Ces paroles de Donoso Cortès sont tirées de son Essai sur le Catholicisme, le Libéralisme et le Socialisme chap. îv. En voici le développement Le catholicisme est amour. Celui-là seul qui aime est catholique, et le catholique seul apprend à aimer, parce que, seul, le catholique puise sa science aux sources surnaturelles et divines. Le Père est amour, et il a envoyé le Fils par amour; le Fils est amour, et il a envoyé l'Esprit-Saint par amour. L'Esprit-Saint est amour, et il répand continuellement son amour dans l'Eglise. L'Eglise est amour et embrasse le monde d'amour. Ceux qui ignorent cela ou qui l'ont oublié ignoreront toujours la cause surnaturelle ou secrète des phénomènes apparents et naturels, la cause invisible de tout ce qui est visible, le lien qui assujettit le temporel à l'éternel, le ressort mystérieux des mouvements de l'âme, et comment l'Esprit-Saint agit dans l'homme, la Providence dans la société, Dieu dans l'histoire. » C'est encore Donoso Cortès qui, peignant l'état de l'âme dont la charité c'est la vïe, disait que non seulement son état est le plus sublime, le plus excellent qu'on puisse concevoir ici-bas, mais encore qu'il est un témoignage éclatant des prodiges de l'amour divin. LÉLÉMENT SURNATUREL DANS LES CONVERSIONS 15 comme nous un temple du Saint-Esprit. L'incarnation, qui réalise l'union de la nature divine et de la nature humaine dans la personne unique du Dieu-Homme, n'est qu'une extension à l'humanité de la vie divine, ou, pour employer l'expression énergique d'Hettinger, Une effusion surabondante en elle de cette vie qui se propage et se continue d'une manière permanente par l'Eucharistie dans chacun de ses membres. Par la communion, ils ne font tous qu'un corps dans le Christ, de même qu'il ne fait qu'un avec le Père ; et ainsi se réalise la sublime prière deJésus-Christ Ut sint unum, sicut et nos sumus. Ego in his et tu in me, ut sint perfecii in unum. S. Jean, ch. xxvn, 22, 23. L'homme élevé par l'incarnation et l'Eucharistie jusqu'à la participation à l'auguste Trinité, à la vie divine, voilà la plus haute réalisation possible de l'idéal religieux, de la communauté avec Dieu. Et cette communauté le fait aussi entrer en partage de toutes les richesses de l'amour divin, des Saint-Esprit dont la plénitude réside en Jésus-Christ et le rend capable du suprême acte d'amour, celui de se donner tout entier et sans réserve à Celui qui s'est promis lui-même dans le ciel pour récompense. Et ainsi, alors que l'homme ne vit plus pour lui-même mais pour Jésus-Christ, ou plutôt que ce dernier seul vit en lui, la vie du ciel, avec tout le bonheur inhérent à l'amour, se trouve réalisée sur la terre. Merveilleux spectacle qui fut donné par les premières communautés chrétiennes. Comme sont touchantes les aspirations répétées de Stolberg vers cette patrie céleste, si bien secondées par une auguste amie, la princesse de Gallitzin, l'instrument miséricordieux de la Providence à son égard, si complètement partagées par sa noble femme, par cette digne mère qui, par l'âme, ne faisait réellement qu'un avec lui! L'Église créée par Jésus-Christ, comme il en avait l'avant-goût par le coeur, avant de lui appartenir pleinement par l'intelligence ! Il comprenait d'instinct que cette Église ne pouvait être qu'une universelle communion de charité. Même avant sa conversion, il se référait souvent ici aux deux grands oracles du Nouveau Testament, saint Paul et saint Jean, qui ont le plus mis en relief cette grande vérité, pour ne pas dire que tout leur enseignement y était contenu. Qu'on lise par exemple la première épître de saint Jean; ses cinq. chapitres sont comme pénétrés, saturés de l'amour divin. Sa science, tout entière de Jésus-Christ et de Dieu, se résume dans la charité Dieu seul est bon, avait dit le Sauveur, et saint Jean l'explique en disant In hoc apparuit cari- 16 REVUE DU MONDE CATHOLIQUE tas Dei, quoniam Filium suum unigenitum misit Deus in mundum, ut vivamus per eum. Et la foi, dans saint Jean, ce n'est pas seulement la foi aux mystères, la foi aux choses inaccessibles à la raison; la foi, c'est la foi à la charité de Dieu Et nos cognovimus et credidimus caritati. Et chose profondément mystérieuse et qui se rattache au même ordre d'idées, la marque de prédestination serait la bonté Omnis qui diligit, ex Deo natus est et cognoscit Deum. Qui non diligit, non novit Deum » ; et la raison unique qu'il donne, et qui résume tous les attributs de l'infinité divine, c'est que Dieu est charité Deus caritas est, et qui manet in caritate, manet in Deo, et Deus in eo. Et la vie que nous devons avoir par lui ne fait qu'un avec cet amour même Qui habet Filium, habet vitam. Saint Paul, renchérissant sur ce langage, plonge peut-être plus avant dans les profondeurs du mystère de l'amour divin et des fins dernières de la création. Le chapitre xm de sa lettre aux Corinthiens vient corroborer en un sens la doctrine de saint Jean et contient la suprême glorification de la charité. Ce chapitre, qui . commence par ces étonnantes paroles Si linguis hominum loquar et angelorum, caritatem autem non habeam, facius sum velut ces sonans aul cymbalum tinniens », se résume en quelque sorte et trouve sa conclusion dernière dans le verset 8 Caritas nunquam excidit, sive prophetice evacuabuntur; sive lingtm cessabunt, sive scientia destruetur. » Pas besoin d'expliquer la cessation du don des langues, des prophéties devenues inutiles après la fondation de l'Église ; mais cette locution énergique et absolue Scientia destruetur ne se rapporte-t-elle pas à cette vue du monde à travers un miroir et comme en énigme que saint Paul exprimait si bien quand il disait Invisïbïlia enim ipsius, a creatura mundi, per ea quoe- facta sunt, intellecta, conspiciuntur, sempitema quoque ejus virtus et divinitas, vue qui n'a plus d'objet et s'éclipse devant ce que saint Paul appelle la vision facie ad faciem, autrement dit, la vision béatifique? Par la même raison, la foi, l'espérance, s'effacent devant la charité, qui est le but suprême, le reste ne devant être considéré que comme moyen pour y arriver ce qu'énonce l'Apôtre par ces dernières paroles Nunc autem manentfides, spes, caritas, tria hoec major autem horum est caritas. Toutes les grandes âmes se sont pénétrées de cette pensée que la vie éternelle était une vie d'amour commencée sur la terre par l'union à Jésus-Christ dans l'Église qu'il a établie. C'est là le prin- L ELEMENT SURNATUREL DANS LES CONVERSIONS 17 cipe fondamental qui, s'emparant de plus en plus de l'esprit et du coeur de quelques membres marquants des sectes séparées, a éminemment contribué à les ramener à l'Église mère, en excitant leurs désirs, leurs aspirations, sous l'impulsion la plus pressante de la grâce. C'est aussi ce principe qui avait agi, nous l'avons vu, de la manière la plus décisive sur Stolberg et tint son âme en éveil, ne lui laissant aucun repos, jusqu'à ce qu'il se fût rattaché indissolublement à cette Eglise. Dans le langage qu'il fait entendre après sa conversion, on voit que ce sentiment, si longtemps nourri et surchauffé dans son âme, fait explosion, notamment dans sa lettre à la princesse Hohenlohe L'Église, dit-il, se montre vraiment une bonne mère et la véritable épouse de qui nous a enseigné le plus pur amour divin par les leçons de toute sa vie et par sa mort, en ce qu'elle embrasse tous ses enfants par les liens d'une sainte et divine communauté. La communion des Saints est sans doute admise dans les professions de foi des sectes chrétiennes dissidentes; mais elles n'en pénètrent pas la véritable signification. Ce que le catholique entend par là est inexprimablement grand, aussi saint que consolant. Il se sent déjà uni ici-bas par les liens éternels d'un amour croissant à tous ceux qui font partie de la vigne du Seigneur, dont les branches s'élèvent au delà et au-dessus du temps, pour s'étendre dans les espaces sans fin et les éternités du ciel. » Et quelle influence n'exerça-t-il pas non seulement sur sa famille, dont tous les membres furent des modèles de vraie piété, mais sur les plus grandes intelligences de son temps, notamment sur celles de Frédéric de Schlegel, et de Adam Millier de Rittersdorff ! Ce dernier ne se lassait pas, une fois converti, de mettre en relief les liens d'étroite union entre les croyants, si fortement cimentés par la véritable Église ; et pour gagner à la sainte cause Gentz, son principal ami, il lui écrivait 1 Le propre de la religion chrétienne, c'est qu'on ne puisse y atteindre et en posséder la connaissance sans qu'on ait en même temps le plus ardent désir de la vpir embrasser des liens de sa sainte communauté tous les siècles, tous les peuples, tous les hommes. Par cela même que le Christ a montré comment Dieu s'est révélé à l'infini dans l'humanité, on ne saurait pleinement adhérer à la Révélation, sans se rattacher fortement, avec tout ce qu'on est et tout ce qu'on possède, à l'humanité. Qui croit au Christ doit aussi nécessairement croire à la 1. Ouv. précité de Rosenthal, ior vol., partie allemande, p. 74 et suiv. l8" REVUE DU MONDE CATHOLIQUE communauté une, éternelle, indivisible, des hommes dans le Christ, autrement dit à l'Église 1. » Une autre illustre convertie, Mme de Swetchine, a des accents vraiment inspirés, quand elle dévoile l'immensité des horizons qu'ouvre à l'esprit et au coeur le dogme de la communion des Saints compris dans le vrai sens catholique. C'est à propos de la prière, qui nous fait entrer en communication avec tous ceux qui aiment Dieu, qu'elle fait entendre ces prestigieuses paroles La prière, c'est l'éternité; elle embrasse tous les temps. La prière, c'est l'immensité; elle embrasse tous les lieux. Tout ce qui est, ô mon Dieu, tout ce qui a été, tous les hommes dans la durée et l'espace, leur sort présent et futur, leur félicité, leur amour, leur vertu, tout cet infini des âmes et des coeurs se réfléchit dans l'humble et ardente prière, comme le firmament céleste se réfléchit dans l'onde ignorée du moindre ruisseau. » Les quatre dernières années de la vie de Stolberg furent des années de suprême recueillement. Après avoir perdu deux de ses fils, l'un tout jeune encore à la suite d'une longue et cruelle maladie, l'autre mort en brave sur le champ d'honneur, il se retira définitivement à la campagne. Sa correspondance avec les divers membres de sa famille ou ses amis reflète la douce paix de son âme qu'entretenait cette attente du ciel qu'il désirait tant pour eux. Après avoir fait entendre un suprême avertissement à son siècle, jetant des hauteurs de sa foi un clairvoyant regard sur le plus lointain avenir dans une brochure, l'Esprit du temps, qui fit alors tant de bruit et suscita de si ardentes colères, il ne songea plus qu'à l'éternité. Concentrant une dernière fois sa pensée sur un objet qui s'était emparé depuis si longtemps de toutes les puissances de son âme, il écrivit un traité de Y Amour de Dieu. Ce fut, pour reproduire ici le beau langage de Rosenthal, le dernier chant du cygne, que cet opuscule sur la charité, écrit avec le coeur d'un saint et les transports d'un prophète, suprême legs du père à ses enfants, de l'ami i. Dans un coup d'oeil général sur les travaux d'Adam Mùller, M. Rosenthal fait observer qu'une fois revenu au catholicisme, ce savant conçut mieux la loi de l'histoire, l'unité du plan divin. Dans l'étude des rapports de la vie politique et sociale, il ne manqua jamais de remonter à leur source première, à Dieu même, montrant comment une religion qui ne s'adresserait, qu'à l'âme sans pénétrer à là fois le corps et l'esprit n'assurerait pas la véritable paix, qui existe dans l'unité harmonique du corps, de l'esprit et de l'âme. L ÉLÉMENT SURNATUREL DANS LES CONVERSIONS 19 à ses amis, du chrétien à ses frères, un écho du testament du bienheureux Jean Mes enfants, aime^-vous les uns les autres. Le 5 décembre 1819, quelques jours après avoir terminé cet opuscule 1, il expirait au milieu des siens à la suite d'une courte maladie, et les dernières paroles que murmurèrent ses lèvres en mourant furent Loue soit Jésus-Christ ! Sa tombe devait fournir un témoignage de sa foi, une suprême et permanente affirmation de l'amour divin qui avatt inspiré toute sa vie. Elle portatt comme unique inscription qu'il avait luimême demandée, ce texte de saint Jean Dieu a tant aimé le monde . qu'il a donné son Fils unique, afin que tous ceux qui croient en lui ne soient point perdus, mais aient la vie étemelle. Toute la correspondance de Stolberg démontre que ses préférences pour l'Eglise catholique sont fondées sur l'amour plus effectif de celle-ci pour le divin Sauveur. C'est là le point de vue dominant qui, nous l'avons vu, achève de dissiper tous ses doutes, et qu'il croit le plus propre à ramener les plus pieux et les plus sincères de ses anciens coreligionnaires. On voit en lui une preuve à jamais mémorable que le véritable adorateur de Dieu en esprit et en vérité trouve dans le catholicisme le moyen par excellence de laisser pénétrer jusque dans les dernières profondeurs de son être la vie de Jésus-Christ, et d'arriver, dès ici-bas, à ce degré suprême d'union qui assure l'exercice des plus sublimes vertus et le détachement le plus complet des intérêts purement terrestres. C'est à cette hauteur de spiritualité, qui ne saurait se confondre avec le mysticisme, qu'aspirait l'âme de Stolberg; et nul n'avait été moins impressionné par tout ce qui constitue les pompes et formes extérieures du culte catholique. Ce n'est point son imagination qui avait subi un entraînement quelconque, comme les protestants eussent voulu fausssement le faire entendre. Sa raison et son coeur seuls étaient attirés vers le catholicisme, dont les rites et cérémonies le rebutaient plutôt. On peut même dire que, dans la période où il se sentait le plus ébranlé, ces cérémonies, dont il ne pénétrait pas suffisamment la signification cachée, le lond symbolique, furent 1. Comme Stolberg, Schlegel voulut, lui aussi, faire entendre, avant de mourir, un suprême hommage à l'amour divin, sur lequel s'étaient concentrées ses plus ardentes spéculations. Ses Conférences sur la religion chrétienne, où, en traitant de la foi et de l'espérance, il avait pénétré leurs plus mystérieuses profondeurs, devaient se terminer par trois leçons sur la charité. Mais Dieu se contenta de ce désir, et on peut dire qu'il mourut en l'accomplissant. Il écrivait encore les pages de la première de ces leçons quelques heures avant d'expier. 20 REVUE DU MONDE CATHOLIQUE pour lui une pierre d'achoppement. Rien de plus étrange pour ceux qui le connaissent, disait l'évêque de Kellermann *, que de prétendre que le côté purement extérieur du culte, les rites et cérémonies l'eussent attiré à l'Eglise catholique. Peu de personnes, peut-on dire, poussaient plus loin que lui l'adoration de Dieu en esprit et en vérité. Qui s'élevait davantage contre tout ce qui pouvait détourner le regard des croyants de l'unique objet nécessaire, de la vue de notre Sauveur? Qui se défendait davantage comme lui de toute autre confiance que celle qu'on doit uniquement avoir dans les mérites du divin Rédempteur ? Les cérémonies de l'Eglise catholique, alors qu'après un long examen il ne vit plus en elle des déviations du culte en esprit et en vérité, ne l'ont point, il est vrai, empêché d'entrer dans le giron de cette Eglise ; mais elles donnèrent peut-être lieu au plus rude combat intérieur contre tous les préjugés de son éducation, fortifiés d'ailleurs par quelques abus de l'époque. Toutes les grandes conversions qui suivirent la sienne présentèrent le même cachet de profondeur et mirent en relief la puissante fécondité du catholicisme, qui répondait à la fois aux plus ardentes aspirations du coeur et aux plus hautes exigences de la raison. Le retour de natures aussi foncièrement diverses que celles de Schlegel, d'Adam deMûller, deWerner, de Charles de Haller, réfute de la manière la plus péremptoire les reproches de petitesse d'esprit, d'étroitesse de vues, faits à l'Eglise catholique. IV Le côté transcendantal des spéculations de ces savants, lequel semble croître en se proportionnant au surcroît de lumières, et par suite, d'amour divin qui suit leur conversion, nous paraît dû à l'action de ce que nous avons! appelé l'élément surnaturel. Cet élément, c'est celui, répétons-le, qui va puiser directement l'efficace de sa vertu aux sources de la vie divine elle-même 2. i. Admis dans l'intimité de Stolberg, alors qu'étant simple abbé il fut agréé comme précepteur de ses enfants, il a été plus à même que tout autre de connaître à fond ses dispositions d'esprit. 2. Dieu n'est pas seulement l'acte pur de la pensée ou de l'intelligence absolue, tel que le concevaient Platon et Aristote. Il est l'acte pur de la volonté ou de la liberté absolue, c'est-à-dire qu'il se veut lui-même infiniment. Dieu est pour ainsi L ELEMENT SURNATUREL DANS LES CONVERSIONS 21 Toutes les citations que nous avons faites en preuve de cette action continue de l'élément surnaturel sur les convertis peuvent se résumer dans ces expressions d'une lettre de Stolberg au philosophe Jacobi La religion de Jésus-Christ est devenue la vie de ma vie, l'âme de mon âme. » C'est donc sur la volonté qu'influe cet élément, sur la volonté libre, qui peut être considérée, au point de vue chrétien, comme le noeud vital de notre être, étant le [souverain régulateur de toute la vie morale et intellectuelle. Développer une plus grande puissance de volonté et de liberté, c'est l'acte par excellence de Dieu en l'homme, l'action de la grâce, pour me servir du langage de la théologie. Ce développement poussé à son degré extrême explique seul les miracles de l'héroïsme chrétien des premiers siècles qui a éclaté au milieu de la plus abjecte servitude. C'est au moment du plus haut degré d'abnégation et de renoncement de lui-même que l'homme acquérait la plus haute puissance de volonté et de liberté, et maîtrisait la nature dans son corps jusqu'à en comprimer le cri et endurer tranquillement les plus affreux supplices. Dépouillée de la faiblesse inhérente à l'être fini, la volonté était en quelque sorte, à l'instant où elle abdiquait en apparence, rendue par Dieu au centuple, et grandissait alors jusqu'à se confondre en un sens avec la liberté de l'Etre infini. Il en faut dire autant de la plupart des convertis, qui ne sont rendus capables des grands et permanents sacrifices qu'entraîne leur retour à la vraie foi que par l'effort suprême de volonté que seul peut assurer un véritable amour de Dieu. C'est de cet amour que notre grand pyschologue Maine de Biran disait qu'il consiste dans le sacrifice de soi-même à l'objet aimé. Saint Augustin et saint Thomas disent également que l'amour de Dieu dans sa plus haute expression consiste dans le sacrifice pleinement volontaire de soi-même à l'objet aimé. La charité, dans sa mystérieuse ascension, se confondrait d'après eux avec l'amour infini que Dieu a de lui-même et diviniserait ainsi tout l'homme. Le converti finit, en coopérant à l'action continue de la grâce, par dire tout moi. Il est moi dans son principe et dans sa foi il est par suite l'unité absolue. C'est là le Dieu-Trinité. De même qu'en Dieu, l'être par soi ne saurait se concevoir sans l'absolu de la liberté et de la parfaite personnalité, et l'implique nécessairement, de même aussi, en l'homme créé à la ressemblance de Dieu, la liberté ne se comprend que comme l'essence même de son être, la substance de l'âme. 22 REVUE DU MONDE CATHOLIQUE acquérir cette vertu par laquelle il n'agit plus qu'en vue et pour l'amour de Dieu, et c'est alors seulement qu'il peut surmonter tous les obstacles matériels et moraux de nature à retarder sa rentrée dans le giron de la véritable Eglise. A. CHAUFFARD, Ancien magistrat. Le Mystère de Caria i Généralement 1 l'on se contente de dire Le Christ a assisté aux noces de Cana, donc c'est à Cana qu'il a institué le sacrement de mariage. Et alors, à cette idée préconçue l'on s'empresse de rapporter tous les textes latins ou grecs qui parlent de la sanctification ou de l'honneur du mariage. C'est très facile, mais cela ne prouve rien. Chose singulière ! nous n'avons pas trouvé un seul texte, avec preuves à l'appui, qui affirmât l'institution à ce moment. Billuart lui-même ne donne pas de preuves 2. Presque tous, même saint Cyrille, passent immédiatement du sens littéral aux considérations mystiques. Il en résulte dans l'esprit du lecteur une désespérante indécision touchant ce mystère. Essayons d'en sortir. Dire 3 que, par sa présence aux noces Notre-Seigneur Jésus-Christ a béni toutes les noces en général en sorte qu'il n'y a plus qu'à ajouter la formule pour avoir la grâce, est une conception assez ingénieuse, une belle fleur de l'imagination, mais sans réalité. Outre que l'on semble favoriser par là l'opinion réprouvée du prêtre ministre du sacrement, rien n'indique qu'il en ait été ainsi. Il n'est personne qui ne soit frappé, au contraire, du concours apporté à la doctrine de l'Église sur le ministre du sacrement, par i. M. l'abbé Trillon de La Bigottière, dont la Revue du Monde Catholique a déjà publié plusieurs travaux savants et bien étudiés, justement remarqués des hommes compétents, nous adresse un nouvel article sur le Mystère de Cana. Ce n'est qu'un chapitre pris dans un ouvrage qu'il doit prochainement publier sur Les Noces de Cana', mais nous pensons que la gravité du sujet et la manière neuve dont il est présenté intéresseront le lecteur, à qui nous sommes heureux d'en offrir la première lecture. 2. Billuart, de Matr. diss., i, A. 3. Invitatus ad nuptias, illas insigno miraculo approbavit, atque illis benedixit, eis conferendo vint causandi gratiam. Ita tradùnt S. P., Cyrillus, etc., etc. » 3. Voir entre autres Theob. Lienhart, Th. Argent., t. III, p. 581. 24 REVUE DU MONDE CATHOLIQUE l'opinion qui unit à l'Incarnation la source de cette grâce. On ne peut en effet reporter à Cana ce que nous avons dit de l'Incarnation comme source et production de cette grâce sacramentelle ici, l'oeuvre silencieuse de la grâce se comprend; à Cana, il eût fallu au moins un acte, une parole créatrice du sacrement ; or, rien de semblable. Toute l'action du récit évangélique converge vers le mystère du changement de l'eau en vin, et non vers la noce. Il est très joli, mais peut-être un peu naturaliste, de dire Le Christ, en se mettant à table, a béni toutes les noces. Malgré soi l'on pense à l'arôme du festin, au délicieux fumet des bons vins d'Engaddi ou de Sorec, aux celliers de l'époux, voire même au bon appétit du vieil Isaac ou au fin odorat du gourmand Esaù; entourage de pensées plus digne du signe sensible que de la grâce, mais comment s'en déprendre? Cette idée fit école. Eh! n'avait-il pas à l'esprit les noces évangéliques et plus encore à la bouche le parfum délicat des mets exquis de la table royale, ce brave Père Auger, ami et familier de Charles IX, qui, tout en tonnant de grand coeur contre les hérésies et médisances des Calvinistes, Bézéans, Ochinistes, Mélanchtoniens et autres mécréants, dans son discours au roi, se défend bien de distraire le sacrement de mariage des noces de Cana et surtout de l'éloigner du bon vin qu'il n'a garde d'oublier Même, s'écrie-t-il, que le Christ a voulu à l'entrée de ses voyages, et tout au commencement de son issue du désert, bénir et sanctifier le saint état du mariage par sa présence et y faire tout premièrement reluire sa puissance et grandeur, par un excellent miracle 1, » Tel est ce que j'appellerais le côté matérialiste on naturaliste du mystère de Cana; il n'a pas peu contribué à égarer l'opinion. Inutile d'établir une comparaison avec le baptême de NotreSeigneur. On dit qu'en se baignant dans le Jourdain, Jésus-Christ a sanctifié toutes les eaux de la terre pour le baptême et les a désignées. comme matière première en attendant la formule. Sens- plus accommodatice de la piété que réel. On trouve cela partout. La piété a toujours aimé un aliment de cette sorte, plus inoffensif et subtil que vrai ; base de la piété sentimentale si à la mode de nos jours et fondement vulgaire de nombreux petits livres spirituels, vraie peste de la dévotion. Bien des âmes simples s'en i. Emd. Auger, S. J, 1572 Discours dédié au roi Charles IX. "b=r~'* LE MYSTÈRE DE CANA 2$ contentent et sommeillent ainsi dans une spiritualité sensualiste sans progrès. Il est triste que des âmes plus richement douées en spiritualité en soient elles-mêmes réduites, faute de mieux, à de si maigres aliments. Dans le cas présent, il est très vrai que le Seigneur a sanctifié les eaux du Jourdain comme tous les autres lieux par où il a passé. L'âme pieuse peut s'en réjouir dans l'action de grâces, et jeter en même temps un regard sur toutes les piscines sanctifiées pour le baptême par la vertu du Christ, en rattachant l'une et l'autre sanctification au même mystère. Mais cela ne fait pas que les eaux du monde entier soient sanctifiées parle baptême de Jésus-Christ. La preuve en est dans les nombreuses bénédictions par le signe de la croix, dans le mélange sacré de l'huile sainte et surtout dans les violentes imprécations et les rigoureux exorcismes employés pour chasser le diable. La sanctification du Jourdain ne dépasse pas le degré de sanctification des lieux de pèlerinage où, sous l'action bienfaisante de la grâce concentrée en ces lieux par la volonté divine, l'influence diabolique et toute pestilence de Satan est diminuée, écartée, anéantie, afin de rendre, l'endroit propice à l'âme et digne des effusions privilégiées du ciel. S'il en est ainsi pour le Jourdain vis-à-vis du baptême, comment soutenir que la présence divine à Cana ait sanctifié les noces universelles, en sorte qu'il n'y ait plus que le signe sacramentel à ajouter ou à former? Aucun rapport, aucune dépendance entre la sanctification particulière des noces de Cana et la sanctification universelle des mariages. J'en appelle à tous les hommes vivant dans la chair. Pour qu'il en soit ainsi, autour du contrat matrimonial trop de démons rôdent à l'infini, fort difficiles à expulser et trop bien établis jusque dans le signe sensible. Dire que le Sauveur, à Cana, a prononcé une formule sacramentelle instituant le sacrement, est une assertion gratuite puisque aucun acte, aucune parole, ne sont signalés en ce sens dans l'Evangile. Et ne serait-il pas étrange que le mariage, seul fût institué dès le début de la vie publique, par un acte positif, avant la formation du collège apostolique, alors que tous les autres sacrements ne le furent qu'à la fin? Pourquoi cette exception extraordinaire? Que l'Eucharistie soit annoncée d'avance, que Simon reçoive le nom de Céphas, que la grâce du mariage soit prête dès l'Incarnation, très bien rien n'est plus conforme à la conduite de Jésus-Christ. Mais la dispensation des dons et des pouvoirs est réservée à la fin. 20 REVUE DU MONDE CATHOLIQUE Cette hâte attribuée au Messie pour l'honneur du mariage donne aux naturalistes modernes l'occasion de gloser 1. Dire que l'institution part du changement de l'eau en vin, parce que le vin est meilleur que l'eau et le mariage sacramentel meilleur que l'union purement naturelle, et que, par conséquent ce changement fait au repas des noces fut le signal de la grâce, est une affirmation également sans fondement. En effet, l'on en pourrait dire autant de tout changement in melius, et la circonstance du repas de noces ne fait rien à la chose puisque les Juifs ne se mariaient pas à table. Et puis quel rapport entre le changement de l'eau en vin et le contrat conjugal ? Ne serait-ce pas l'occasion de répéter le Qiiid mihi et tïbi ? Une substance chassant l'autre ! J'y verrais bien plutôt un symbole de séparation et de divorce. Quelle circonstance plus répulsive pourrait-on choisir pour asseoir un symbole d'union et y fixer à jamais la grâce sacramentelle? Enfin, je le répète, peut-on croire que le Christ, qui a dit Baptisez-les. — Prenez et mangez. — Faites ceci en mémoire de moi. — Remettez les péchés, etc. », en pleines noces, eût institué un sacrement de cette importance en gardant le silence, sans en souffler un traître mot, sans y faire même la plus petite allusion, et par un acte qui semble contraire? Les auteurs qui l'ont affirmé l'ont avancé sans preuves ni raisons et sur la seule analogie du mariage de Cana ce n'est pas suffisant. Le mystère des noces de Cana n'est pas le mystère "u sacrement de mariage. Étudions donc dans la tradition sa signification. II Loin de rapporter au mariage le mystère de Cana, l'antiquité chrétienne en a fait tout un autre symbole. Les noces de Cana, dit M. Rohault de Fleury 2, dans le changement de l'eau en vin, symbolisent la conversion des Gentils et aussi la sainte Eucharistie, et se rencontrent souvent dans les premières représentations des. scènes évangéliques. Elles semblent avoir d'abord tenté le génie i. Voir sur ce ton Renan, Vie de Jésus, ch. iv et v, Reuss, t. IV, page 132 et suivantes, et tous les exégètes plus ou moins pornographes de cette école. 2. Rohault de Fleury CEvang., Etud. Jean., 1, ch. xxn, p. 118 et 123. LE MYSTÈRE DE CANA 27 des sculpteurs dans des sarcophages antiques où, au lieu de six hydries, on en voit souvent cinq et quelquefois une seule. NotreSeigneur les touche avec une baguette. » Évidemment l'idée des premiers chrétiens se portait vers le mystère de la résurrection des corps, mystique changement de l'eau en vin, dont l'Eucharistie était le gage. Cette pensée sépulcrale des catacombes nous écarte passablement de la noce. Le Sauveur seul devant les amphores, c'est Dieu et la nature. S'il n'en frappe qu'une, c'est le Surge qui dormis du souverain Maître de la vie et de la mort. S'il en touche un nombre indéterminé, c'est le symbole de la croyance chrétienne à la résurrection générale d'abord, ensuite à la conversion des peuples païens à la foi. Pour les premiers fidèles, le mystère de Cana est encore l'image de l'Eucharistie et la figure de la transformation surnaturelle de leur vie sous l'action de la grâce. Au début du christianisme la scène est. très simple et ne cherche que l'expression du symbole, et ce symbole n'est jamais autre que ce que nous venons de dire. Plus on avance, dès le XIe et XIIe siècle, et plus la scène se complique. Elle paraît moins préoccupée du symbolisme et se rapproche davantage du texte évangélique. Mais qui osera soutenir que la perfection du dessin ou de la représentation ait fait disparaître les sens primitivement adoptés, lesquels se résument en celui de manifestation par transformation ? Ainsi l'entendirent d'abord les temps apostoliques. La nécessité d'une prédication évangélique désormais plus étendue força les Pères d'abandonner le sens intime du mystère, de s'attacher uniquement aux dehors de la scène, de n'y voir plus que l'honneur fait au mariage par la présence du Messie, afin d'en tirer de légitimes conclusions morales. Ce n'était pas nier le sens vrai du mystère, c'était s'arrêter aux nécessités pressantes de la situation, dans une appréciation moins approfondie mais non moins réelle. Il ne faut donc pas chercher autre chose dans les Pères que la réhabilitation de l'union conjugale par l'honneur que rend au mariage la présence du Sauveur. Ce qui n'empêche pas la tradition désormais d'être de plus en plus déconcertée par cet objectif, touchant le sens du mystère de Cana. La corruption du lien matrimonial a été le grand champ de bataille contre l'ennemi du dehors, comme l'hérésie fut la grande 28 REVUE DU MONDE CATHOLIQUE lutte contre l'ennemi du dedans. L'on comprend dès lors l'importance, aux yeux des Pères, de la démarche bienveillante de Jésus ce fut le point de départ d'un renversement complet des idées païennes de l'époque. Léon XIII le reconnaît clairement Quïbus cousis vel ex eo die in hominum conjugia novoe cujusdam sanctitu^ dinis videniur esse profecta 1. Mais la défense chrétienne une fois fortement opérée sur l'exemple du Christ, immédiatement les Pères se tournent vers l'union divine dans l'Eglise et dans les âmes ou dans la personne même du Verbe incarné, et alors ils s'élèvent, du fait historique, aux plus sublimes pensées. Pour eux donc, même dans la nécessité qui les fait parler, le mariage n'est rien moins que la partie majeure du mystère. Dans la conception même de leur défense contre le paganisme, rien de l'institution du sacrement; S'agit-il de prévenir ou d'anéantir les fausses conclusions de l'hérésie le mystère de Cana n'offre pas aux Pères de l'Église d'autres armes de combat. Et il est singulier que pas un ne pousse l'argument jusqu'à ce raisonnement topique C'est là que fut établi le sacrement ! » Si ce dernier mot sort de leur bouche, c'est toujours avec le sens mystique de transformation ou d'union spirituelle. III Chose singulière! le Moyen-Age, si épris du symbolisme religieux, est l'époque la plus pauvre touchant le mystère de Cana, soit comme explication, soit comme représentation. Pourtant, deux choses étaient alors en honneur la sainteté du mariage, dont la cause rendit tant de fois illustre l'héroïsme des nobles chevaliers, et la chasteté religieuse si vénérée sous tous ses aspects. Comment expliquer, sous ce double rapport, l'absence presque complète du mystère de Cana au Moyen-Age? La raison en est, d'abord en ce qui concerne le mariage, qu'en ce temps-là, pas plus qu'aux premiers siècles, l'on ne crut à l'institution du sacrement à Cana. Si d'autre part le côté mystique fut également délaissé, ce fut moins i. Le mot Sanctitudo » dont se sert Léon XIII, à la suite des Pères, a un sens trop vague, trop général, pour être restreint à un cas particulier ; il se prend toujours soit pour le résultat d'un acte sanctificateur, soit pour l'ensemble de la justification, mais il ne saurait spécifier l'acte même. Il n'est donc pas question ici du sacrement. LE MYSTERE DE CANA 29 à cause de son évidence à laquelle l'on ne fit que peu d'attention, qu'en raison du sens liturgique nouvellement adopté et plus éclatant, et surtout de l'ardeur générale qui se porta vers le Cantique des Cantiques, mine spirituelle bien autrement précieuse en fécondité où le rôle de l'époux et de l'épouse mystiques, traité de main de maître ex professo, était évident. Une nouvelle interprétation, disons-nous, avait alors pris une importance majeure éclipsant tout autre point de vue. Du triomphe même de la civilisation chrétienne sur l'antique société païenne, surgit cette nouvelle ou plus claire interprétation du mystère de Cana La manifestation du Christ ». Jésus manifesté, c'est tout le Moyen-Age. Ce caractère spécial du mystère devint le cachet propre de cet âge heureux et comme le cri de joie de la chrétienté. L'antique paganisme était donc vaincu, la chrétienté était formée. Le Christ régnait dans les lois, dans les moeurs et jusque sur le trône des rois. Aux empereurs païens, aux julien, aux Valens, avaient succédé de nouvelles générations d'empereurs et de rois qui fléchissaient les genoux et présentaient au Christ Seigneur l'hommage d'un coeur dévoué et orthodoxe. Théodose, Charlemagne, Alfred le Grand, Etienne de Hongrie, Edouard le Confesseur, Henri II l'empereur, Ferdinand de Castille, Louis IX de France, se prosternaient avec les rois mages aux pieds du divin Enfant et lui ouvraient leurs trésors 1! » Ainsi ces paroles Et manifestavit gloriam suam, eurent leur actualité historique, devinrent de plus en plus chères au coeur de l'épouse sacrée de Jésus et fixèrent d'une façon authentique le sens du mystère en le faisant entrer désormais dans l'auguste théophanie. Une phase nouvelle s'était donc ouverte et absorbait tout le sens du mystère dans celui de la manifestation divine. Son triomphe fut dès lors dans la liturgie. Oh ! combien il convenait aux splendeurs de la chrétienteté, telle qu'elle nous apparaît radieuse au Moyen-Age, d'attacher aux noces de Cana le caractère de la divine manifestation ! 11 y a dans cette conception plutôt oeuvre d'amour, de joie, d'action de grâces, de jouissances spirituelles et de célestes louanges, que raisonnements didactiques. C'est le cri de joie d'un coeur rempli de la science divine, débordant de gratitude et jouissant des triomphes de l'Époux céleste. 1. DOM GUÉRANGER, Ami. Lit., t. II. 30 REVUE DU MONDE CATHOLIQUE La liturgie sacrée s'empara donc du mystère envisagé à ce point de vue, et il faut convenir qu'à côté du lyrisme de son enthousiasme, toute représentation par la sculpture ou la peinture eût été bien froide. Voilà pourquoi, en ces jours de foi vive, cette représentation s'est faite rare. A la louange silencieuse l'on préféra l'élan du coeur, et le Tribus miraculis de l'Epiphanie résonna plus chèrement dans les âmes que le bruit monotone du ciseau à froid. L'Eglise fait officiellement, du mystère de Cana, le mystère de la manifestation du Christ. Tel est l'enseignement de son autorité doctrinale par l'organe de la liturgie; et il est vrai de dire encore une fois que la loi de la prière est devenue la loi de la croyance. On sent ici battre le coeur de l'épouse. Ce ne sont plus les dehors, mais c'est l'intime même du mystère qui nous est dévoilé. N'est-ce pas, du reste, le sens propre indiqué dans l'Evangile? Il est doublement sage de l'adopter dans toutes ses conséquences. S'il s'agit d'un mariage, l'Eglise invoquera le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob, citera comme modèles la sagesse de Rébecca, la fidélité de Sara, l'amabilité de Rachel ; mais elle ne songera pas à Cana, malgré la présence de Jésus-Christ à ces noces. Ce silence significatif cesse d'être une simple preuve négative quand la grande voix de la sainte liturgie se fait entendre et dit Cana, c'est le mystère de la manifestation de Jésus, c'est là son cachet, sa signification Manifestavit seipsum. » Embrasée du désir de faire connaître, aimer, adorer son Epoux céleste, ce qui est le plus saint et le plus sacré de tous ses devoirs, on comprend que l'Eglise ait eu hâte d'unir cette manifestation tout intime et mystique de Cana à la grande manifestation du 6 janvier. C'est ce qu'elle a saisi de tout temps, dit Baronius l. L'Epiphanie, en effet, est Jésus manifesté, mais sous un triple aspect par le mystère des rois adorateurs, c'est la grâce prévenante qui vient au-devant de nous; par le baptême de Jésus au Jourdain, c'est l'âme correspondant à la grâce par la conversion et la pénitence ; mais par le mystère de Cana, c'est la rencontre des coeurs de l'Epoux divin et de l'épouse mystique dans la jouissance de l'éternel amour. Rien n'égale la joie de l'Eglise quand elle songe à ce mystère d'union i. Non una eademque die.. sunt peracta, sed ipsorum tantum memoriam eadem die ah Ecclesia recenseri solitam testantur Patres. » LE MYSTERE DE CANA } I O solemnis feslum loetilioe Qno uniliir Christus Ecclesioe, In quo noslroi saluiis nuptioe Cclebrantur ! Hélas ! le Moyen-Age perdit peu à peu de sa chaleur. Survinrent les hérésies du XVIe siècle si fatales à l'expansion de la piété, et, en même temps, s'éleva l'aurore de la Renaissance si préoccupée de la forme. On laissa le symbolisme mystique pour courir à la défense du dogme, et l'on oublia l'accent de la piété pour n'envisager que les beautés de l'art. Le mystère perdit son fruit qui ne fut plus goûté. Alors les noces de Cana réapparurent, mais sous un nouvel aspect qu'elles n'avaient jamais eu et qu'elles n'ont plus quitté depuis. Elles devinrent l'excellent miracle du bon Père Auger, et rien que cela. IV Cette situation trop réaliste a laissé une empreinte frappante dans l'histoire de la peinture c'est là qu'il faut l'étudier. La société d'alors était encore trop pénétrée de christianisme, et ce christianisme était trop puisé dans la vie des monastères pour que le talent de l'artiste n'offrît pas comme un reflet des enseignements théologiques du temps. L'hérésie avait nié le sacrement de mariage on la combattit. Dans la lutte, des champions plus zélés qu'éclairés crurent trouver un accommodement dans la distinction du contrat et du sacrement, chose inouïe jusque-là. Ce fut l'origine de la nouvelle doctrine du prêtre ministre du mariage. Les époux se mariaient, c'était oeuvre naturelle, contrat civil; voilà pour satisfaire l'hérésie. Le prêtre était ministre, bénissait, recevait l'élément de contrat, l'élevait à la grâce sacramentelle en donnant la matière et la forme; voilà pour contenter l'Eglise. Empruntée à Melchior Cano, cette doctrine envahit l'Ecole et fut presque universelle. A cause du service qu'elle rendit au début, sans grave inconvénient, et les gouvernements n'ayant pas encore élevé leurs prétentions sacrilèges du Mariage civil à la hauteur d'une vérité, l'Eglise se tut d'abord. Aujourd'hui l'Eglise ayant parlé ex cathedra, serait hérétique celui qui soutiendrait cette doctrine. Mais alors la distinction du contrat et du sacrement parut ingénieuse, on lui chercha un appui dans l'Ecriture, et les noces de 32 REVUE DU MONDE CATHOLIQUE Cana passèrent sans conteste pour la preuve d'Ecriture sainte, pour l'argument de foi, pour la raison majeure à l'appui de la thèse. Quoi de plus facile que d'y adapter toute la scène évangélique ? Le sacrement n'est-il pas surajouté au contrat par la présence divine et peut-être même trois jours ou plus après le mariage ? Voilà donc les noces de Cana devenues, au XVIe siècle, origine du sacrement de Mariage, et Notre-Seigneur disciple de Melchior Cano ! L'enseignement en a été tellement universel et si peu contesté, que je crois fort bien surprendre ici plus d'un confrère, très soumis d'ailleurs aux enseignements récents de Rome et aux définitions de Pie IX et de Léon XIII, mais qui croient de tout leur coeur qu'à Cana Jésus-Christ a institué le sacrement de mariage. Peut-être, et sans s'en rendre bien compte, sont-ils aussi un peu trop attachés aux anciens pouvoirs de leur Ego conjungo vos. Une telle descente découronna le mystère et déconcerta l'artiste. On peut peindre une vertu à l'aide des emblèmes et atteindre ainsi un certain idéal. Henri Goltzius, Gérard de Lairesse, Léonard Bramer, etc., ont excellé dans ce genre. Mais comment peindre un sacrement en dehors de la représentation du signe sensible et des personnages qu'il met en jeu? Le sacrement, séparé du contrat, fut forcément relégué dans le domaine des choses purement mystiques, invisibles, surnaturelles, insaisissables à toutes prises autres qu'à la foi. Il dut être laissé de côté par l'artiste, qui n'eut plus devant lui qu'une réunion vulgaire de contractants. Le contrat perdit en même temps tout son idéal divin et laissa l'artiste aux prises avec la forme. La préoccupation de l'esthétique remplaça naturellement l'inspiration puisée naguère aux sources de la foi. L'évolution artistique était conforme à l'enseignement dogmatique de l'Ecole, mais précipita la décadence. Autour de la table des noces de Cana s'assit une société purement mondaine. Jésus et Marie commencèrent à produire dans les tableaux un singulier contraste, ils y parurent presque déplacés, et l'on comprend à ce sujet l'embarras et l'hésitation des peintres. Ils s'en sont adroitement tirés de deux façons d'abord en négligeant le sujet, puis en le traitant, quand par hasard ils l'ont fait, avec le plus extrême réalisme, sans quoi que ce soit d'idéal. V Ils l'ont négligé au point que nous n'avons pu compter en Europe qu'une vingtaine de Abcès de Cana, et encore presque uniquement dans une ou deux écoles, italienne ou flamande. LE MYSTERE DE CANA 33 Voici celles que nous avons trouvées. Sans doute quelques-unes ont échappé à nos recherches, mais elles ne peuvent être en nombre. Ce sont Carlo Bononi i569-1632; — Domenico Fiasella, dit le Sarzane 1589-1669; —Josépin, César d'Arpino 1566-1640; — JeanPaul Panini j 695-1766 ; — Alexandro Bonvicino 1498-1560 ; — Jacques Bassan 1510-1598; —Jacques Tintoret 1512-1594; — Paul Véronèse 1528-1588; — Alex. Varotari, dit le Padouan 1590-1650 ; — Domenico Tiepolo 1726, une estampe; — Andréa Vincentino 1539-1644; — Alex. Allori 1535-1607 ; — un inconnu, n. 596, au Louvre, quinzième siècle; — encore Véronèse Paolo Cagliari, au musée de Dresde, 4 mètres sur 2 m. 25, plus beau que celui du Louvre, au dire de M. Lavice ; — un troisième de Véronèse, au musée Brera, à Milan ; — un quatrième, du même, au musée de Madrid. — Ecoles hollandaises et allemandes Jean Steen 1636-1689; — Rottenhammer, à la Pinacothèque de Munich; —Ambroise Francken le Vieux 154 5-1618, collection Mertens, à Anvers ; — Ludger 1562, à Berlin. —De l'école française, nous n'avons que François Lemoyne 1681-1737. — Ajoutez un vitrail récent à Notre-Dame de Bon-Secours, de Munich, par Roeckel 1839, l'unique assiette-corbeille de Palissy, au Louvre, collection Sauvageot, seule pièce dans la céramique que nous connaissions, une mauvaise tapisserie de Reims et la belle cheminée de l'hôtel de ville d'Anvers, et vous aurez à peu près tout. C'est peu, surtout en comparaison des nombreux et magnifiques tableaux peints à cette époque avec une si heureuse expression d'idéal et de spiritualisme. Quel peintre italien n'a pas ses Fiançailles de sainte Catherine ? on les compte par centaines 1. Quelles suaves compositions n'a pas inspirées la chaste Suzanne, si chère à l'école française? nous ne saurions les nombrer. Qui ne sait qu'alors le Mariage de la Vierge*, la Cène, l'Annonciation, la 1. Voici ses principaux peintres Le Primatice, dell. Tibaldi, G. Procallini, L. Sabbatini, A. S. Coello, P. Mignard, B. Luini, F. Mazzuoli, B. Boccaci, le Corrège, N. dell. Abate, G. Mazzuola, G. Maratti, V. Tomagni, L. Lotto, G. Licinio, Van Eyck, Otho Venius, Abr. Van Diepenbeck, N. Roose, Ph. Luppi, Fr. Bartholomeo, G. Bugiardini, Zampieri, Tisi, Tiarini, Del Sarte, Robusti Tintoret, Ghirlandajo, Feti, Ferrari, Betoni, Allegri, Alfani, etc., etc. 2. Ceux qui ont le plus excellé dans ce sujet sont Les Castillo, Ch. de La Fosse, J. Jouvenet, C. Vanloo, F. Mazzuoli, B. Boccaci, L. Cambasio, le Sarzane, D. Piola, V. Castello, F. Solimena, le Pérugin, L. Costa. Raph. Sanzio, B. Van Orley, H. Van Balen, Th. Boeyermann, le Rosso, etc. REVUE DU MONDE CATHOLIQUE 1or JANVIER 19OO 2 34 REVUE DU MONDE CATHOLIQUE sainte Famille, la Conversion de Madeleine, Noël et le Calvaire, les Disciples d'Emmaûs, si souvent reproduits, ont comme spiritualisé l'art de la peinture ? En est-il ainsi des Noces de Cana? Non. On a pu donner une expression aux tableaux de l'Enfant prodigue, du Bon Samaritain, mais comment exprimer quelque chose d'idéal et de surnaturel dans les Noces de Cana, si ce ne sont que des noces? Les peintres d'intérieurs, de scènes rustiques, de vie commune, de portraits ou de tabagies, et les spécialistes ont généralement laissé de côté les sujets religieux, préférés des peintres de la nature et de l'histoire, et cependant c'est chez eux que l'on trouve les Noces de Cana ! Peignez les faits historiques, la belle nature, les ruines, vous arriverez facilement aux emblèmes, à l'idéal, au religieux ; mais si avec Gérard Dow vous peignez VEpiciere du village, la jeune Ménagère, la Cuisinière hollandaise, la jeune Fille aux oignons ou la Nourrice, vous ne serez jamais peintre religieux, eussiez-vous fait l'Ermite. Hélas ! c'est cependant à ce niveau qu'il faut descendre pour rencontrer la Noce de Cana. Larousse, dans son fatras de dictionnaire, si recherché des folliculaires et des feuilletonnistes, en fait brutalement la remarque. Mettre de côté le sens de manifestation adopté par l'Eglise et qui n'était au fond qu'une sanction, qu'un résumé des interprétations antiques ; découronner le Mariage de l'auréole gracieuse du sacrement; laisser entre les mains de l'artiste le contrat seul, entièrement nu, furent les causes majeures de la sécularisation de ce mystère. Aussi le trouvons-nous dans des mains étranges c'est Benvenuto Tisio, qui met sur le même chevalet les Noces de Cana et les Noces de Bacchus et d'Ariane c'est l'allemand Ludger, de Berlin, qui n'en fait littéralement, dit M. Waagen, qu'une grande cuisine garnie d'une foule d'accessoires ; c'est Jean Steen, qui souvent peignit la noce et la fit plus souvent encore et dont le pinceau irrespectueux représenta à Cana une vraie scène à boire, miroir trop réaliste du caractère joyeux de l'artiste. La Noce des Paysans, les Paysans sous la treille, les Buveurs, la Dispute au cabaret, étaient bien mieux son affaire 1. i. Voir CH. BLANC, Hist. des peintres, Ecole holl. Jean Steen vécut au cabaret et finit même par en faire un de sa maison. Entré en ménage d'une façon équivoque, deux fois failli, sur le point d'être saisi, il riait encore en disant Là où il n'y a rien à prendre, le diable perd ses droits et le roi aussi. » Le sentiment comique de l'artiste perce jusque dans son Jésus prêchant dans le désert et dans ses Noces de Cana. Ces dernières furent mises aux enchères à la vente du duc LE MYSTÈRE DE CANA 35 Ainsi comprises, les Noces de Cana devinrent une mine précieuse ce fut comme une découverte. Elles suscitèrent d'abord un élan nouveau vers l'idée singulière de remplacer la figure idéale et surnaturalisée des saints par des portraits connus. Pourquoi pas, du moment que le point de vue spirituel de Cana était absent ? L'archéologue aujourd'hui y trouve son butin. La reconnaissance envers des bienfaiteurs, la flatterie plus ou moins intéressée envers les grands, la voix du sang, une certaine curiosité historique, en firent presque un devoir. Bien difficile, incompris et grincheux celui qui y trouverait à redire. Les Noces de Cana n'ont pas peu contribué à vulgariser cette laïcisation de la sainteté, alors si à la mode, et aujourd'hui encore apparente sur nos vitraux modernes. Tandis que Jacques Bassan, dit Charles Blanc, envoyait tour àtour ses robustes filles remplir le rôle de l'épouse à Cana, de Madeleine à Capharnaùm, de reine de Saba à Jérusalem, ou les chargeait de porter des poules à la Crèche, nous voyons Paul Véronèse donner le grand ton aux Noces de Cana. Tous à l'envi l'ont imité sans le surpasser il a fixé à jamais sur la toile le naturalisme de ces Noces c'est son chef-d'oeuvre. Il n'en est guère de plus étonnant dans tout le royaume de l'art. Cent trente figures s'y meuvent à l'aise, en plein air, au soleil. Le banquet est servi dans la cour intérieure d'un palais de marbre, à deux pas d'un portique en brocatelle rose de Vérone. Au loin, par delà une terrasse à balustrade, on aperçoit un campanile et d'autres palais ornés de statues qui forment, avec le ciel, un encadrement des plus nobles. Le peintre nous fait arriver au moment où s'accomplit le miracle. Jésus-Christ est assis dans le fond, au centre de la table. A cette même table figurent François Ier, CharlesQuint, le sultan Achmet, la reine Marie d'Angleterre. Le marié, beau jeune homme à barbe noire, vêtu de pourpre et d'or, est Alphonse d'Avalos, marquis du Gast, et la mariée, Éléonore d'Autriche, soeur de Charles-Quint et reine de France. Plus loin, une femme élégante tient un cure-dent, c'est Vittoria Colonna, marquise de Pescaire. Puis viennent des cardinaux et des moines. Au premier plan, des musiciens. Le Titien joue de la contrebasse, Bassan de la flûte, Paul Véronèse du violoncelle, le Tintoret de même. Debout, B. Gagliari, frère du peintre, tient une coupe de vin, de Berry, 1839. Elles faisaient, par leur comique, les délices de la veuve douairière à qui, chaque jour, elles étaient présentées comme un spécifique puissant contre les idées de tristesse, d'ennui et de mort prochaine. » 36 REVUE DU MONDE CATHOLIQUE dont, dit la chronique, il était quelque peu friand. Puis viennent 1 de nombreux valets. Ce tableau est le triomphe de Véronèse et peu ? s'en faut qu'il ne soit le triomphe de la peinture. » Il fut le modèle j envié et la cause d'un véritable enthousiasme pour ces sortes de j compositions. L'enthousiasme fut si grand que le Titien ne ren- j contrait plus Véronèse dans les rues de Venise, qu'il ne l'embrassât l comme un fils. ' \ La signification du mystère se transforma de nouveau et ] s'amoindrit encore. j On y vit bientôt, moins une réponse péremptoire aux négations \ des novateurs et une sanctification du mariage, qu'une généreuse j condescendance du Messie envers l'humanité, qu'un acte de cour- \ toisie et de charité, qu'une approbation tacite du bien-être apporté dans la vie par les ressources du progrès. Le Padouan Varotari, dans la scène magnifique qu'il nous a donnée de Cana, a illustré cette dernière transformation, l'a spécifiée pour ainsi dire en un pur acte de bonté et de bienfaisance. N'a-t-il pas placé près de Jésus et au premier plan, couché à terre, un pauvre à qui tout le premier semble être versé le vin du miracle? 11 y a plus bas. Notre dix-neuvième siècle s'est prostitué, touchant le miracle de Cana, jusqu'à l'ignominie. Sur ce point l'école naturaliste a perdu toute honte et la plume se refuse ici à laisser même soupçonner les sens pornographiques des fils de Satan, jamais la licence n'est allée si loin et il est regrettable qu'il se soit trouvé dans le langage humain des termes pour rendre les pensées des régions infernales. Parmi les catholiques d'aujourd'hui, les mieux intentionnés ne vont même pas jusqu'au dévouement du Padouan. Pour eux, le miracle de Cana est tout simplement un acte fortuit de courtoisie occasionné par l'imprévoyance ou la surprise de nos jeunes fiancés, exposée le plus naturellement du monde par Marie à son fils. Le bon Jésus, n'écoutant que son coeur, vint au secours de ses amis et, sans en penser plus long, fit le miracle pour les tirer d'embarras. Cela, paraît-il, fit du bruit et sa gloire commença de se manifester. Tout naturellement^ Personne ne s'étonnera, n'est-ce pas, qu'il n'y ait plus de Noces de Cana sur le chevalet de nos peintres ? LE MYSTÈRE DE CANA 37 VI A partir de Véronèse, les Noces de Cana quittèrent l'église, où n'était plus guère leur place, pour entrer au réfectoire. Son tableau du Louvre avait été peint pour le réfectoire des Pères de SaintGeorges-le-Majeur, vis-à-vis le palais ducal, à Venise. Chaque communauté voulut dès lors orner de peintures son réfectoire. Le bon Père Torlioni, des Servîtes, réclama le premier pour son couvent de. Saint-Sébastien, et Cagliari leur fit en 1570 le Repas che% Simon le pharisien au Louvre. Trois ans plus tard le voici chez les Dominicains des Saints-Jean-et-Paul, à peindre le Repas che% Lévi. Pendant ce temps, Alex. Varotari, dit le Padouan, peignait pour les Chanoines réguliers de Saint-Jean-de-Latran les mêmes Noces de Cana dans leur réfectoire de San Giovanni di Verdara, de Padoue. Jacques le Bassan ne donne pas à sa toile une autre destinée. Le côté purement matériel va donc en s'accentuant et ce ne sera bientôt plus que par un effort mystique de piété que les bons moines trouveront un sens religieux aux Noces de Cana. Voyez Robusti, dit le Tintoret, quel art il déploie dans le réfectoire des Padri Cruciferi ! II semble avoir pris à tâche de consoler les bons Pères de leurs longues abstinences en prolongeant l'illusion culinaire dans leur réfectoire La table s'enfonce, dit M. Charles Blanc, dans la perspective et se couvre d'une vive lumière qui fait briller les mets du festin et rayonner les visages des convives, isposition hardie, clair-obscur fort intéressant. A droite, dans une demi-teinte, sont les serviteurs qui portent le pain et les viandes et versent l'eau changée en vin. Cette peinture produisait une illusion charmante, parce que la perspective observée dans le tableau, en faisant la continuation du réfectoire et en perçant la muraille, figurait comme une rallonge où les bons Pères voyaient assis à leur table le Christ .et la Vierge avec les disciples de Galilée, qui buvaient fraternellement le vin du miracle. » Les bons moines en question pouvaient aussi se rappeler certaines multiplications miraculeuses des biens de ce monde, obtenues de la divine bonté et consignées dans les légendes des saints. Le tableau de Cana était pour eux comme une promesse vivante que le ciel ne cesserait de leur être favorable. C'était aussi comme une riche action de grâces votée par le monastère à ses bienfaiteurs et aux chefs monastiques qui s'étaient attiré leur bienveillance, car les uns et les autres y voyaient leurs portraits. 38 REVUE DU MONDE CATHOLIQUE Sous ces divers rapports, les Noces de Cana avaient encore un aspect religieux qui leur permettait l'entrée du couvent. Elles le perdirent bientôt, parurent bien profanes et ne furent tolérées qu'à titre de décoration simple. Plusieurs puristes y virent même la marque évidente de la décadence monastique et du relâchement religieux. Les Noces de Cana devinrent comme un scandale dans le cloître, toléré uniquement, dans ce lieu mi-religieux, mi-profane, qu'on nomme réfectoire, à peu près comme les étrangers qui y étaient admis, au nom de l'amitié, de l'esthétique ou de la pitié. On rechercha une décoration en harmonie avec le lieu, voilà toute la pensée directrice. Et, selon le goût du temps, l'on mélangea le sacré avec le profane dans une promiscuité honteuse. Carlo Bononi peint les Noces de Cana plusieurs fois pour les Chartreux, le Souper d'Assuêrus, pour les chanoines réguliers de Saint-Jean, à Ravenne, le Festin d'Hérode. François Lemoyne peint sept tableaux, religieux et profanes, pour le réfectoire des Cordeliers d'Amiens, et parmi eux il devait adjoindre les Noces de Cana, lorsque la question d'argent fit rompre le marché 1. L'esprit de tolérance s'étendit encore et l'on ne fut plus offusqué de voir les Noces de Cana quand elles se trouvèrent sur le même pied que les Noces de Bacchus et d'Ariane, de Neptune et d'Amphitrite, de Ménélas, de Persée, de Cléopâtre. L'on ne put arriver plus bas. Chose singulière! le pur assemblage artistique redonna, pour un instant seulement, l'entrée de l'église aux Noces de Cana; plus qu'une tolérance, ce fut presque une réhabilitation. Un jour donc, le prieur de la Chartreuse de San Martino, de Naples, s'en vint trouver d'Arpino et lui dit Seigneur César, nous voulons décorer notre église, les voûtes sont à compartiments, quatre tympans se trouvent au-dessus des fenêtres du choeur, quels sujets y mettrons-nous? » L'artiste réfléchit, et, comme l'on décorait directement au-dessus de la table d'autel, que d'ailleurs la mode était aux festins, il répondit sans hésiter Révérendissime Père, dressons quatre tables, si vous le voulez bien banquet du pharisien, pains de proposition de David, le Christ à Emmaùs, et puis, quoi?... les noces de Cana !» i. Nommé académicien et fier de sa gloire, il voulut refaire son tarif avec les religieux; ceux-ci maintinrent leurs droits et l'artiste vendit en Amérique ses Noces de Cana, qui furent perdues pour nous. LE MYSTERE DE CANA 3 9 Accepté! » dit le prieur; et ainsi la noce rentra à l'église. Il n'est pas jusqu'aux conventions avec l'artiste qui n'aient une forte odeur de réfectoire .et de naturalisme Combien me donnerez-vous pour ma toile ? dit Véronèse au prieur de Saint-Georges. — 324 ducats d'argent. — Bien! et ma nourriture? — Et votre nourriture. — Et le don d'un tonneau de bon vin ? — C'est entendu », dit le prieur 1. Une conclusion plus triste encore finira cette étude. Le Mystère de Cana est tellement oublié, et la Noce sainte est tombée si bas, que les artistes ont fini par l'abandonner bien avant les décrets sauvages qui fermèrent les réfectoires. Quelle est donc l'église où se trouve une Noce de Cana? Ah ! plaise à Dieu que cet humble écrit inspire à quelqu'un de nos artistes chrétiens l'idée'de nous peindre enfin les Noces de Cana et de leur donner ce ton angélique et céleste, puisé à l'intime du mystère, et seul digne de les représenter ! Nous croyons pouvoir le dire, même en face du chef-d'oeuvre de Véronèse le Mystère de Cana attend encore son peintre. Désormais donc, hors de la contrainte imposée à leur verve par la présence des personnages sacrés, et plus à l'aise dans un pur laïcisme, les artistes quittèrent Cana pour se donner de la noce à coeur-joie. Les compositions les plus échevelées et les plus fantaisistes parurent le Contrat de mariage de Jean Steen, sa Noce des paysans ; les Noces de Clorus et de Rosette de Corneille Troost les Noces de Gamache de Charles Coypel les Bambochades de Jean Miel, et mille autres de ce genre, universellement goûtées et imitées de nos jours. Le temps approchait où Siméon Chardin, en bonnet de nuit, créait l'Ècureuse, la Blanchisseuse, la Pourvoyeuse, la Récureuse et la Râtisseuse de navets. Tout autre idéal avait disparu et l'on n'avait plus pour s'élever que les Plaisirs de l'âge d'or, Vénus et TAmour dans un paysage ! Tout était prêt aux Beaux-Arts pour recevoir la Belle Cuisinière ou le Jardinier galant et Mme de Pompadour pou1. pou1. ducats, environ3000 francs. — Elle estestimée aujourd'hui 750,000 francs. Larg. 9mao; haut. 6m66. Fut terminée le 8 septembre 1563.— Venue en France à la suite des guerres d'Italie, elle nous resta en échange du Repas cheç le Pharisien de Lebrun. 40 REVUE DU MONDE CATHOLIQUE vait prendre son thé en contemplant le chef-d'oeuvre de Potter. En vérité, n'était-il pas temps d'excuser le Sauveur d'avoir été aux noces ? Père, disait à cette époque une dévote, assez mondaine, vous nous prêchez la pénitence et la fuite du inonde... mais Jésus-Christ a bien été aux noces ! — Ma fille, répondit avec humeur le cher Père, ce n'est pas ce qu'il a fait de mieux ! » L'un et l'autre étaient bien de leur époque 1. Nous nous sommes étendu sur ce côté de la question parce qu'il n'a pas été étudié jusqu'à présent et qu'il nous semble, quoique neuf, singulièrement favoriser notre thèse, en aidant à fixer le sens du mystère de Cana. CHARLES TRILLON DE LA BIGOTTIÈRE. I. W. DUCKOTT, Dict. de la Conv. Suppl., i, p. 781.— Les peintures ci-dessus mentionnées sont de Henri Van Limborch, Fr. Boucher, P. A. Baudoin, Carie Vanloo ; le chef-d'oeuvre de Potter est au Louvre. Impressions d'Angleterre Tous les chemins mènent à Rome, dit-on. Pourtant si l'on veut visiter une ville belle ou intéressante, il vaut mieux choisir, pour y entrer, la route qui en révèle plus parfaitement la physionomie, en découvre du premier coup d'oeil le caractère. Il faut entrer à Paris par l'Arc-de-Triomphe et les Champs-Elysées, aborder Naples par son golfe, Venise par la lagune, Constantinople par les Dardanelles et la Corne-d'Or; de même si l'on veut ressentir dans toute leur intensité les premières impressions qui se dégagent de la ville de Londres, la première capitale du monde par le commerce et par l'industrie, si l'on désire avoir une idée juste et exacte du mouvement perpétuel, de l'activité surexcitée et fiévreuse qui règne dans cet immense marché des produits de toute la terre, l'on doit entrer à Londres par la route naturelle qui y mène, par la Tamise. La Tamise est un très large fleuve, aux eaux bourbeuses, assombries des teintes grises de la vase, ou brillant de ces reflets métalliques et de ces lueurs blafardes qui annoncent la proximité et le grand nombre des usines. Les hangars immenses, les magasins noirs et élevés, les vastes entrepôts qui s'alignent le long de ses rives, les usines gigantesques qui sont là en files interminables, avec d'immenses cheminées dont la fumée se confond avec celle des milliers de vaisseaux qui sillonnent la grande route silencieuse the silent high way », comme l'appellent les Anglais, les bruits confus, étouffés et toujours grandissants de la ville qui s'approche, tout cela forme un spectacle saisissant, mélancolique, solennel et grandiose c'est la meilleure préparation pour considérer et comprendre la vie grave, sérieuse, laborieuse, si différente de la nôtre, dans laquelle on va entrer. Voilà la vraie, la seule manière d'aborder Londres et l'Angleterre, du moins pour l'observateur sérieux avant tout, pour l'économiste, le savant ou le philosophe. Quant au simple touriste en quête d'impressions agréables, qui 42 REVUE DU MONDE CATHOLIQUE demande à de riants paysages, à des scènes nouvelles, à toutes sortes de changements pittoresques, de l'introduire dans une terre étrangère, qui craint une traversée trop longue ou trop mouvementée, il se contente de prendre à Calais le bateau. Il le quittera cinquante minutes après à Douvres, après une courte traversée, parfumée de senteurs marines, rafraîchie par la brise arrivant froide et salée des immenses plaines liquides du Nord. On ne perd pas plus tôt de vue la côte basse et souriante de la France, qu'on se trouve en face des hauteurs crayeuses de l'Angleterre, réfléchissant la lumière comme d'éblouissants miroirs. Puis l'un des trains de l'une des nombreuses Compagnies qui se disputent voyageurs et marchandises vous transportera, sans autre transition, au milieu des prairies ombreuses et des vertes collines. Après les longues étendues planes du nord de la France, les marais arides et desséchés, aux mornes alentours, de la côte du Pas-de-Calais, on se trouve au milieu d'un pays de collines fertiles et ombragées, coupées de vallées très fraîches, vertes d'une verdure que l'on ne connaît pas en France, qui cachent leur profondeur sous le feuillage épais, sombre et arrondi des hêtres et des chênes. La première impression de calme, de solitude et de tranquillité, que donne cette campagne si fraîche et si touffue, s'accentue à mesure qu'on s'y enfonce, que se succèdent sous les yeux reposés les teintes foncées des grands arbres se fondant si harmonieusement avec les couleurs plus vives de la prairie. De loin en loin, des champs de chaume, des houblonnières, zèbrent de traînées grises ou dorées, d'une dorure un peu mat, les lointains verts, ou bien forment de larges éclaircies au milieu des sommets mouvants des arbres si nombreux et si beaux, qu'ils donnent à la campagne distante l'aspect d'une futaie immense et non interrompue. Tout est vaporeux, tout porte à une calme et molle rêverie ; les rayons de lumière semblent se noyer parmi les brouillards qui flottent dans l'air ; il sort de la terre des exhalaisons humides et pénétrantes; les plantes, les fleurs, la prairie, laissent échapper des vapeurs ténues sous ces influences presque insensibles mais continues, les angles s'arrondissent, les contours s'émoussent, les nuances s'unissent, les couleurs paraissent se confondre. Tout cela laisse dans l'esprit l'idée de quelque chose de flottant, d'indécis, d'incertain, l'idée d'une grande vie vague, diffuse, mélancolique », que M. Taine appelle la vie de la contrée humide ». A l'approche des grandes villes, de Londres, la campagne change d'aspect plus cle vallées sauvages, ni de champs cultivés mm IMPRESSIONS D ANGLETERRE 43 sur le versant des collines; ce ne sont que chalets et cottages coquettement enfouis dans la verdure. On les voit à peine; on les devine aux couleurs un peu crues de leurs briques rouges, aux feux tremblants que lancent leurs bordures de céramique multicolore, et aussi aux formes élancées de leurs pignons de bois peint et sculpté, à leurs toits pointus qui émergent au-dessus des fondaisons touffues. Sur les murs de brique, le long des poutres qui avancent et des toits qui débordent, grimpent et courent à l'assaut des portes et des larges fenêtres, le lierre, les lilas, les clématites et toutes ces plantes vertes ou fleuries qui donnent à la maison qu'elles revêtent une apparence à la Jean-Jacques Rousseau », si négligée et si rustique, en même temps que coquette et confortable. Autour de ces jolies villas, toutes vertes et toutes roses, qui laissent deviner un intérieur joyeux et soigné, s'étendent des parcs souventtrèsvastes, toujoursadmirablemententretenus, avec delarges bosquets de roses, de jasmin et de rhododendrons, qui forment au milieu du velours des gazons de ravissantes corbeilles multicolores. Une simple palissade de bois assez mince sert d'entourage; quelquefois ce sont de petits murs en briques, jamais on ne voit de ces vilains murs de maçonnerie, très hauts, très gris et très tristes, qui donnent trop souvent à nos jardins français l'aspect d'une cour de prison. A mesure que l'on approche de Londres, les parcs et les jardins se rapetissent, les villas se pressent les unes contre les autres. Bientôt elles font place à une suite interminable et ininterrompue de petites maisons égales et grises. Toutes sont construites sur le même modèle, encadrées de la même petite cour carrée, avec des palissades en bois toujours identiques. Dans chaque cour, un petit carré de gazon ratissé, peigné, foulé, arrosé avec un soin jaloux, égayé de ses couleurs d'émeraude la longue et triste enfilade des demeures ouvrières ; il sert à la fois de tennis, de cricket, et de foot-ball ground, pour les nombreux enfants de la famille pauvre, en même temps qu'il tient lieu de séchoir pour le linge rapiécé et les habits tout reprisés. Cette suite si monotone de petites habitations ouvrières annonce Londres, en même temps que le nombre toujours croissant des voies ferrées, qui s'entrecroisent en un réseau inextricable dont les mailles se rétrécissent rapidement. De chaque côté de soi, au-dessus, au-dessous, à droite et à gauche, ce ne sont que trains de voyageurs lancés à toute vitesse et longs convois de marchandises. Puis l'atmosphère s'épaissit peu à peu sous l'influence des brouil- 44 REVUE DU MONDE CATHOLIQUE lards de la Tamise, unis à la fumée acre et épaisse que lancent des milliers d'usines; les clameurs de la grande ville s'unissent et se confondent on est à Londres. . Londres est avant tout une ville de contrastes. Au point de vue extérieur d'abord, Londres n'est pas une ville, mais une réunion de villes juxtaposées, n'ayant entre elles d'autres rapports que ceux qui naissent du voisinage un quartier n'a, la plupart du temps, aucun trait de commun avec le quartier voisin, et cette diversité paraît étrange dans des espaces relativement peu étendus. On peut voir dans Londres trois villes la ville commerçante et industrielle sur les bords de la Tamise, des deux côtés du Strand, dans la Cité tout entière; une ville pauvre, misérable, n'offrant que tavernes, que misère et que boue, à Saint-Gilles, à Clerkenwell et dans quelques autres endroits; enfin la ville riche, avec les grands parcs, les palais de la noblesse et des grands dignitaires de l'Etat, les hôtels confortables des classes riches et aisées, dans toute la région du West-End. Dans chacun de ces quartiers, ou plutôt dans chacune de ces différentes villes, l'architecture change, et avec elle l'aspect des voies publiques. Dans la Cité, qui est le comptoir et aussi le coeur de Londres et de l'Angleterre, le nombre des maisons d'habitation diminue tous les jours elles font place aux boutiques, magasins, comptoirs, agences, bureaux, à tout l'outillage des maisons de banque et de commerce. Aussi l'Anglais y est bien chez lui, il aime la Cité, car elle est le résumé de sa grandeur et de sa puissance c'est là qu'il peut toucher du doigt les résultats immenses auxquels il parvient, en achetant, en revendant de la laine, du coton, du fer, de la houille et du pétrole. Dans les rues sombres, à l'aspect repoussant, larges à peine de quelques mètres, on ne voit que magasins et entrepôts là se concentrent en effet tous les commerces et toutes les industries, là se déploient les énergies de l'activité humaine. Ici la concurrence, cette nécessité des sociétés avancées, principe et danger du progrès », enfante des choses qui sont à la fois des merveilles et des monstruosités. Qui n'a pas pénétré dans ces rues sombres, sans soleil et sans air, étroites et surplombantes, ne sait à quel degré . d'acuité l'homme peut pousser la fièvre du gain, la soif de la richesse, et ce que par un juste retour ces passions peuvent faire de l'homme, un numéro, une machine, un engin perfectionné et IMPRESSIONS D ANGLETERRE 45 vivant, capable de produire et de faire produire à son semblable tout l'effort qu'il est capable de donner. Les quelques grandes artères de la Cité convergent toutes vers le Stock-Exchange; et de dix heures à six heures, elles roulent à pleins bords les flots mouvants de la foule. Une foule bien différente de la nôtre, qui parle peu, au milieu de laquelle on n'entend pas un cri, pas une exclamation, mais dont l'oeil avide, la physionomie tendue, rigide et froide, le pas rapide et surmené, font deviner le souci unique, la seule préoccupation faire des affaires et gagner de l'argent. Pas d'oisifs ni de flâneurs ; les policemen, ailleurs si calmes, si dignes avec des mouvements d'automate, deviennent fébriles au contact de la foule surexcitée qui les entoure un étranger reste-t-il immobile, résiste-t-il au mouvement, à l'activité générale, personne ne comprend, sa place n'est pas ici, on le soupçonne presque, et le policeman l'invite à circuler Move on, sir ! » A côté de cette Cité, où les hommes et les choses prennent un caractère fiévreux, sombre, surexcité, presque maladif, qui cause une impression de malaise à l'étranger qui contemple ces scènes pour la première fois ; à côté de ces comptoirs immenses qui regorgent des denrées du monde entier, on trouve des hommes qui manquent de tout, même des choses les plus indispensables à la vie c'est le dénuement le plus complet, la pauvreté la plus abjecte. Nulle part en effet cette pauvreté n'a un aspect plus sordide, plus repoussant, plus infâme et plus triste qu'en Angleterre, et principalement à Londres. Et pour la trouver, il n'est pas besoin de la rechercher dans les quartiers affreux où la plupart du temps elle se cache aussitôt entré dans la ville, aux alentours des gares, aux abords des quais de débarquement, le voyageur se voit entouré de ce pâle troupeau des misérables » qui attristeront ses regards au milieu des richesses et des grandeurs de la ville. La misère de ces malheureux n'a rien de commun avec la pauvreté des pays réchauffés par le soleil; celle-ci a pour elle certains côtés pittoresques qui semblent en adoucir l'amertume, en poétiser, jusqu'à un certain point, "l'horreur et la tristesse. Le mendiant du sud de la France, d'Espagne ou d'Italie a pour lui une sorte de mise en scène ; ses haillons appellent le crayon ou le pinceau ; souvent ses traits sont expressifs, son regard vif et intelligent. Tout indique un homme qui reste homme malgré sa pauvreté, qui garde une idée de sa dignité d'homme. Sa misère ne lui pèse pas trop, il la supporte allègrement, il ne semble pas mécontent de son sort. 46 REVUE DU MONDE CATHOLIQUE Rien de tout cela a Londres la misère n'est que la misère sans compensations d'aucune sorte ; les misérables sont lamentables à voir, avec leurs traits creusés par la faim, brûlés de fièvre, leurs yeux hébétés ou pleins de convoitises; l'expression générale abrutie et hideuse. L'accoutrement qui revêt ces pauvres corps concourt encore à l'horreur et à l'ironie du tableau ; le mendiant anglais se couvre des défroques de l'habit d'un gentleman, et se coiffe d'une guenille informe qui fut l'élégante coiffure d'un dandy ou l'impeccable haute-forme d'un lord ou d'un évêque. Et cette caricature misérable n'est pas rare; à Londres même, il y a plus de de ces malheureuses victimes du paupérisme, la plaie vive de l'Angleterre, dont quelques-uns disent qu'elle mourra. C'est là le fléau mortel des sociétés où la vie industrielle et commerciale est poussée à l'excès, où le développement de la pauvreté, de la misère, correspond fatalement à celui de la richesse accumulée et de la force productive. Plus qu'aucune ville du monde, Londres renferme ces masses de déshérités, rejetés hors du mouvement de la civilisation, qui ne s'en approchent que pour être broyés par elle les lois économiques qui ont donné à l'Angleterre une suprématie, une royauté incontestée dans le monde, ont en même temps broyé et pétri dans la boue une partie de sa population, et tous les jours cette partie-là augmente, je n'entreprendrai pas ici la triste peinture de ces villes de la pauvreté, Saint-Gilles, Clerkenwell, où naissent, végètent et meurent, à deux pas des plus heureux quartiers, dans le dénuement le plus complet, le plus abject, les parias de la nation qui se qualifie merry England ». Dans les ruelles sombres, un rideau de fumée acre, de brouillard épais et jaune, dérobe aux malheureux leurs derniers biens, l'air pur et la lumière du ciel; la terre détrempée n'est plus qu'une boue visqueuse et gluante ; l'humidité fétide s'infiltre et pénètre à travers les murailles de ces taudis bas et de ces sortes de caves, où s'entassent et grouillent des dégénérés, aux traits hâves et flétris, dont la vie s'étiole dans l'ombre, dont les joies mêmes ont quelque chose de plus poignant, de plus effrayant que leur douleur, car elles attestent plus clairement leur irrémédiable dégradation. De ces quartiers immondes, où pourrissent les derniers éléments et les bas-fonds de la société de la grande ville, l'on peut passer presque sans transition dans la ville riche et somptueuse, dans la région des parcs et des palais, dans le West-End. Ici tout a été prévu, combiné à l'avance, tous les besoins, satisfaire IMPRESSIONS D ANGLETERRE 47 toutes les fantaisies des favoris de la naissance ou de la fortune. Nulle part la ville n'est plus ingénieusement, plus intimement mêlée à la campagne. Des jardins magnifiques, le voisinage des grands parcs, donnent aux splendides demeures le confort et l'agrément, l'air et la lumière, partout ailleurs si parcimonieusement distribués. Une ligne continuelle de verdure, d'eaux vives, d'ombrages et de fleurs, s'étend au milieu de ces régions fortunées, et entretient une éternelle fraîcheur. Sur plus de deux lieues de longueur, on peut se croire à la campagne, tout en restant au coeur de Londres. Les rues, très larges et régulièrement coupées, reçoivent largement le grand air et le grand soleil. Les palais des grands dignitaires de l'Etat, des ambassadeurs, des grands seigneurs, du haut clergé anglais, High Church », s'échelonnent dans le même quartier, et autour de ce point unique se groupent tous ceux qui ont pris la peine de naître » comme ceux aussi qui ont conquis — ils sont nombreux en Angleterre — à force de courage et de persévérance, les situations les plus enviées, avec la richesse et la considération. Autour de ce centre aristocratique, du côté de Kensington, dans ces prolongements immenses de la ville, s'étendent de vastes quartiers, qui conservent, à différents degrés, l'aspect de la richesse et du bien-être ; nous y trouvons les résidences des familles riches et aisées, de la gentry », de la haute et de la moyenne bourgeoisie. Là on peut voir la véritable maison anglaise, la maison type, toujours soignée d'extérieur comme d'intérieur, propre et confortable ». Chaque rue, chaque quartier, paraît l'oeuvre d'un seul et même architecte, qui n'a voulu le doter que d'un seul genre de constructions, tiré à des milliers d'exemplaires. Les maisons se ressemblent tellement qu'on ne pourrait les distinguer sans le secours du numéro. La vulgarité, l'uniformité, en est irritante pour tous autres yeux que ceux d'un bon Anglais ; et pourtant il en est fier ; sa maison est la maison idéale, il n'en connaît pas ni n'en veut connaître d'autre ; un ou deux étages, rarement trois, pas de porte cochère, car on ne loge chez soi ni chevaux ni voitures; un fossé recouvert de barreaux ou protégé par une grille, qui sépare la maison du trottoir et l'isole encore de la rue. Au fond de cette tranchée, toutes les dépendances cuisine, office, cellier, etc., desservis par un escalier spécialement réservé aux fournisseurs, qui ne causent ainsi aux maîtres ni dérangement ni trouble ; voilà qui donne une idée succincte de la maison anglaise. Ajoutons qu'une seule famille y habite, ce qui exclut cette plaie vive que 48 REVUE DU MONDE CATHOLIQUE nous appelons le concierge. Sur la porte en chêne, un petit écusson de cuivre porte les noms, titres et qualités de l'habitant. Divers marteaux ou sonnettes s'offrent aux visiteurs, aux gens d'affaires ou de service ; chacun sait où il doit frapper ou sonner, et nul ne s'y trompe. Le facteur ne laisse pas tomber le marteau comme l'épicier ; le nombre et la sonorité des coups indiquent l'importance qu'un vrai gentleman » ne manque jamais de s'accorder à lui-même ; partout on retrouve cette hiérarchie, ce classement, conditions nécessaires et indispensables de la vie anglaise. Un autre caractère propre aux maisons de Londres, aux riches et aux pauvres celui-là, c'est la couleur, une couleur la plus triste du monde. C'est un gris sale, partout déposé par une fine pluie de charbon qui s'échappe des milliers d'usines, et retombe en poussière impalpable et pénétrante. La teinte primitive de tous les édifices, de toutes les maisons, disparaît sous cette couche épaisse, qui donne à tous une livrée de deuil uniforme; quelle différence avec les tons chauds, fauves, mordorés ou éclatants de blancheur, que donne chez nous le soleil à la pierre, qu'il semble pénétrer de sa lumière, et qui garde comme un reflet de son éclat!... J'ai essayé de retracer l'aspect général des différents quartiers ou plutôt des différentes villes dont l'ensemble forme l'immense cité londonienne. Les différences profondes, les oppositions si tranchées qui existent en elle, l'empêchent de prétendre à un caractère propre, à un cachet bien défini, à une unité même relative ; à moins que ce caractère, ce cachet spécial, consistent à n'en point avoir. Aussi est-il malaisé de rechercher, plus encore de définir, l'impression générale qui se dégage de cet immense assemblage d'hommes, d'habitations, de cette juxtaposition de quartiers et de villes. Ou bien cette impression est une impression indéfinie et triste, car il y a de la tristesse dans son activité elle-même. Rien n'y semble naturel, tout est transformé, violenté, depuis le sol et l'homme jusqu'aux moindres facteurs de la vie, jusqu'à l'air et la lumière. Les monuments abondent, grandioses et fort beaux quelquefois, mais isolés ; ils restent tristes et dépaysés dans leur grandeur il y a de belles rues, de beaux quartiers, mais ils restent confondus au milieu des ruelles sombres et des agglomérations sans air auxquelles ils aboutissent. Quelques merveilles de l'art et de l'architecture, comme l'abbaye de Westminster ou les Parliament Houses » avec leurs formes élancées, leurs délicates nervures, et leur profusion de sculptures, qui conviennent si bien à une atmosphère naturellement obscure, ne parviennent pas à annihiler ni même à com- IMPRESSIONS D'ANGLETERRE 49 battre l'impression de mauvais goût de la plupart des constructions et des monuments publics. Les lieux d'amusement, les parcs, sont plus nombreux que partout ailleurs ; pourtant la ville garde un aspect glacial et guindé qui tient à la fois aux hommes et aux choses. Et pourtant il ressort de cette ville immense, étonnante, merveilleuse, un caractère de force tranquille, de grandeur consciente, qu'il est impossible de méconnaître. Ce caractère, nous le retrouvons dans l'aspect général de la nation anglaise ; tout y prend un caractère de sérieux, de mesure et de pondération, tout y annonce un ensemble de qualités qui gagnent en force, en solidité et en profondeur, ce qu'elles perdent peut-être en éclat. Les peuples sont, en général, modelés sur le pays qu'ils habitent; les qualités des individus correspondent à celles de la terre qui les a vus naître, qui a été le berceau de leur race, ou l'a lentement façonnée avec le temps ; l'Anglais n'échappe pas à cette règle universelle. H est bien adapté par son tempérament physique et moral au sol qui le nourrit, duquel il doit tirer les éléments nécessaires à la vie; autant le climat et le sol anglais diffèrent du français, autant le type anglais s'éloigne du type français, physiquement, intellectuellement et moralement ; il paraît moins dégagé, moins élégant, moins délicat; il est aussi plus fort, plus solide et plus calme. Au point de vue physique d'abord, on se trouve souvent en face d'hommes robustes, grands, larges d'épaules et solidement bâtis. Les colosses, hauts de six pieds et plus, ne sont pas très rares ; on les voit dans toutes les classes de la société; ils sont particulièrement nombreux parmi les domestiques de bonne maison, qui doivent dignement représenter leurs maîtres ; on ne voit qu'eux dans les troupes d'élite, en particulier dans le corps des life-guards », dont on rencontre à chaque instant des détachements à Londres. On croirait, à les voir passer, assister à un défilé des lauréats d'une exposition de produits humains » ; ce sont de belles masses, très imposantes, mais trop lourdes et souvent gauches dans leurs mouvements. On devine sur leur visage un fonds inépuisable de belle humeur et de bonhomie. Ils possèdent aussi, et à un très haut degré, cette espèce de naïve fatuité, particulière au soldat anglais. Avec leurs pantalons collants, leur courte veste rouge qui dessine les larges proportions de leur torse, la petite galette de clown qui leur sert de coiffure, posée sur des cheveux trop pommadés, une raie tirée au cordeau sur le milieu de la tête, ils paradent de leur personne, de l'air le plus satisfait du monde. Pas un mouvement 50 REVUE DU MONDE CATHOLIQUE spontané, pas un de leurs gestes qui dévie d'une ligne; les épaules rejetées en arrière, la poitrine bombée, ce sont de véritables automates; on devine les soldats choisis, triés, la troupe d'élite. Ce même type athlétique et charnu, fréquent chez les paysans du nord de l'Angleterre, est assez rare chez les véritables gentlemen. On le rencontre pourtant, et souvent l'excès de nourriture donne un amas de chairs rouges et pantelantes, qui, joint à une physionomie presque inanimée, à des petits yeux ternes et inexpressifs, offre une vague ressemblance avec la bête de boucherie. Ce n'est là évidemment qu'une des extrémités du type, qui tourne avec l'âge à l'horrible, à la caricature apoplectique et gonflée. On voit plus fréquemment de grands corps osseux, pleins de saillies, pas trop bien agencés, avec des pieds et des mains immenses, l'aspect raide et compassé, les mouvements gauches, mais capables de travail soutenu, de résistance et d'effort, ce qui est la caractéristique de la race. Si vous joignez à ce grand corps vigoureux et massif une physionomie flegmatique, sur laquelle aucune impression ne produira ni trouble ni expansion, contraste parfait de la pétulance et de la passion méridionales, des traits réguliers et immobiles, une expression froide et réfléchie, vous réalisez le type le plus commun parmi les classes moyennes. Et si ce type peut s'exagérer, se déformer, il peut aussi s'affiner, se perfectionner; c'est alors celui que l'on rencontre chez la plupart des gentlemen. La taille bien prise et de tournure hardie, le teint vif et les yeux un peu pâles, les traits réguliers, le regard loyal, intelligent et calme; il ne leur manque peut-être qu'un peu de vivacité et d'expression en plus, pour en faire les plus beaux types de l'espèce humaine. Chez les femmes, nous retrouvons les mêmes qualités et les mêmes avantages, aussi les mêmes imperfections, les mêmes exagérations de la personne physique. Certaines figures anglaises vont à l'extrême de la beauté le teint très clair, un teint de fleur et d'enfant, des yeux très bleus ou d'un noir pâle, la taille longue et parfaite comme les traits du visage, l'expression rêveuse, quoique très gaie et très simple, excluant toute recherche et tout excès de coquetterie voilà ce qu'il vous est parfois donné d'admirer. Mais il faut reconnaître que ce parfois est rare, et qu'il arrive plus souvent à l'Anglaise de répondre au portrait railleur mais assez juste, qu'a tracé Hamilton Mme Wetenhall, dit-il, était proprement ce qu'on appelle une beauté tout anglaise; pétrie de lis et de rose, de neige et de lait IMPRESSIONS D'ANGLETERRE 51 quant aux couleurs ; faite de cire à l'égard des bras et des mains, de la gorge et des pieds ; mais tout cela sans âme et sans air ; son visage était des plus mignons, mais c'était toujours le même visage; on eût dit qu'elle le tirait le matin d'un étui, pour l'yremettre le soir en se couchant, sans s'en être servie. Que voulezvous ? La nature en avait fait une poupée dès son enfance, et, poupée jusqu'à la mort, resta la blanche Wetenhall... » En outre, chez la plupart des Anglaises, le teint trop clair s'altère vite et aisément, et puis quand les caractères de la race s'exagèrent, on voit des choses extraordinaires de grandes filles lymphatiques, aux cils et aux cheveux presque blancs, des tailles plates et mal emmanchées, des poteaux longs de six pieds dans des robes bouffantes, des pieds et des mains longs de plusieurs aunes, des dents immensément pointues et plantées en avant, qui débordent presque de la mâchoire. Et puis, très peu d'élégance, ou même d'aisance naturelle ou recherchée. La toilette dénote la plupart du temps ce que manifestaient déjà les gestes et la physionomie, savoir le manque d'habileté, de souplesse, de mesure et de goût. Sauf l'amazone ou le costume de sport, qui traduit mieux que tout autre sa personne, l'Anglaise, quand elle s'habille, est généralement d'une exagération de costume choquante. C'est souvent d'un éclat brutal, et je me souviens avoir entendu justement comparer l'Anglaise, à un champ clos, où des couleurs ennemies se rencontrent et se livrent bataille. A cet ensemble de caractères physiques, correspondent, dans une certaine mesure, les caractères moraux et intellectuels de l'individu la physionomie froide et sérieuse dénote cette qualité excellente qui consiste à rester toujours maître de soi-même, à ne rien laisser paraître au dehors de ses plus violentes impressions, ce que l'on appelle le flegme britannique. L'Anglais est parfaitement maître de son système nerveux ; il érige en vertu nécessaire, fondamentale, cette qualité de son tempérament. Pour lui, le principal mérite d'un homme est de garder toujours a clear and cool head », la tête froide et reposée, de ne jamais agir sans réflexion, sans peser le pour et le contre, en un mot de ne jamais s'emballer ». On retrouve dans les plus petites choses cette volonté froide et maîtresse d'elle-même voyez déjeunes Anglais s'exercer au football, au cricket; ils se bousculenx, se blessent, font des fautes et des maladresses; pourtant pas un cri, pas un reproche, à peine une observation. Les balles sont renvoyées, les poteaux abattus, la 52 REVUE DU MONDE CATHOLIQUE partie gagnée ou perdue dans le calme le plus absolu, presque en silence; du reste, les Anglais parlent toujours bas, et pour qui a passé quelque temps parmi eux, entendre des méridionaux paraît assourdissant. Pour beaucoup d'Anglais, parler semble même désagréable ils assistent aux conversations les plus intéressantes, aux discussions les plus captivantes, sans souffler un seul mot. Pourtant ils sont attentifs et n'éprouvent ni distraction ni ennui; ils écoutent, cela leur suffit, Les interroge-t-on directement ils résument leur pensée en quelques mots et retombent dans un silence obstiné; le bavardage n'est pas leur fait ce sont des gens de peu de paroles, few words ». Cette disposition du tempérament, d'apparence paisible et silencieuse, n'est nullement incompatible avec l'aptitude au travail et à l'effort, à l'endurance physique et morale. Chez l'Anglais, ces qualités se manifestent dès l'enfance. Tous les petits Anglais sont amoureux du danger, dit Eliot ; vous en trouverez dix pour se joindre à une chasse, grimper un arbre, traverser une rivière à la nage, et vous n'en trouverez qu'un pour jouer aux billes, rester tranquille sur un sol uni ou là où il a pied. » Le petit Tom, écrit-il autre part, passe une nuit très froide sur l'impériale d'une diligence, en se rendant au collège. II gèle, le froid le saisit, pourtant il reste exposé à l'air, parce qu'il éprouve ce plaisir silencieux, si cher à tout Anglais, d'endurer, de résister, de lutter contre quelque chose et de ne pas céder. » Plus tard, cette prédilection pour la lutte froide et tenace se manifestera mieux encore dans les batailles de la vie l'Anglais appliquera ce besoin d'action, cette énergie, cette sorte de force d'inertie, à la profession qu'il embrassera; il aura toute la puissance de travail nécessaire, il supportera facilement la fatigue et l'assujettissement à la tâche la plus pénible et la plus ennuyeuse ; son tempérament flegmatique supprime les sursauts d'idées, les agacements, les petites émotions intervenantes 1 », et lui permet de fonctionner avec une régularité de machine. Un certain manque de délicatesse nerveuse, l'insensibilité acquise, l'habitude des sensations ternes suppriment non seulement le besoin d'un plaisir vif et varié, mais le désir du changement, de la nouveauté, l'empêchent de se révolter contre une tâche, si monotone, si insipide sait-elle. Une aptitude naturelle à l'effort, .et peu d'aversion pour la monotonie d'un travail quelconque, voici les deux grandes qualités de i. Taine. IMPRESSIONS D ANGLETERRE 53 l'Anglais ; qualités qui en font dans tous les métiers et dans toutes les professions un ouvrier patient, puissant et productif. Ce besoin de lutter et d'agir ne se rencontre pas uniquement chez les travailleurs manuels ou intellectuels de toutes sortes, mais encore chez tous les Anglais, de tout âge, de tout sexe et de toute condition. Ils ont l'amour, ils éprouvent le besoin de l'exercice fréquent, rude et périlleux; cela tient en grande-partie au climat, plus froid et surtout plus humide que le nôtre, qui nécessite un travail plus actif des muscles. Toutes les jeunes filles dès l'enfance, toutes les femmes, même arrivées à un certain âge, sortent chaque matin à cheval ; les longues excursions à pied, les marches les plus dures ne les effraient pas ; une lady qui ne monte pas à bicyclette est une rareté ; beaucoup affrontent les voyages les plus lointains et les plus périlleux ; elles ont du reste une réputation acquise et méritée de courage et d'intrépidité. Tous les jeunes gens font partie d'un club de foot-ball et de cricket ils s'y exercent plusieurs fois par semaine, de manière à acquérir et à conserver l'entraînement. Le rêve de beaucoup, leur plus grand bonheur, serait de se voir admis à lutter pour leur comté dans les grands matchs annuels. J'ai souvent entendu de jeunes Anglais me dire avec conviction Si j'avais le moyen de ne rien faire, je m'entraînerais solidement et tâcherais de devenir assez fort pour être admis dans l'équipe du Kent. » Pendant toute la saison, juillet et août, on ne parle que des grands matchs du jeu national. Chacun se passionne, et l'on s'arrache les cinq ou six éditions que les journaux font parfois paraître dans la même journée, à seule fin de renseigner sur les péripéties des différentes luttes. J'ai vu à Londres un de ces matchs entre deux équipes assez renommées il y avait là, debout et en plein soleil, de 15 à individus, hommes et femmes, échelonnés autour de l'immense cricket ground » ; ils paraissaient captivés et ne quittaient pas une seconde les joueurs du regard ; il y avait des applaudissements, des hurrahs pour les vainqueurs, et aussi des exclamations de mépris et des mots ironiques lancés au camp malheureux. Pour un Français, ce jeu est tout à fait insipide ; il faut être Anglais pour le trouver very much exciting ». Les Anglais ont aussi la passion des voyages; nombre déjeunes gens et d'hommes faits vont chaque année pêcher le saumon en Norvège, tirer le daim au Canada ou l'éléphant au Cap ; les plus 54 REVUE DU MONDE CATHOLIQUE modestes chasseurs se contentent d'aller tuer la grouse » dans les Highlands d'Ecosse; tout homme qui a la fortune suffisante est plus ou moins sportman ; beaucoup trouvent dans l'exercice de ces sports l'occupation de leur vie entière. J'ai dit tout à l'heure que l'habitude des sensations ternes faisait acquérir à la longue une certaine insensibilité, qui, jointe à peu d'habitude et d'habileté dans la perception de la sensation, était l'une des caractéristiques du tempérament anglais. Cette inaptitude des sens, par manque de finesse naturelle et aussi d'exercice, se découvre dans les choses les plus matérielles. Ainsi la cuisine anglaise est désavantageusement connue pour son manque de délicatesse toujours en mouvement, très robustes, les Anglais ont de grands besoins physiques ; le climat, les brouillards, la grandeur du travail physique ou même intellectuel, tout pousse à la consommation ; mais la quantité est-elle trop souvent obtenue au détriment de la qualité. D'énormes portions de viandes graisseuses et de légumes fades, bouillis dans l'eau, sans assaisonnement, sans sauces et sans saveur voilà le fond de l'alimentation. C'est une nourriture saine et forte, mais que l'on n'a pas d'agrément à manger. La seule flatterie pour un palais anglais, ce sont des condiments extraordinaires poivre, piment, vinaigres concentrés, moutardes'd'un piquant exagéré ; tout ce qui emporte la bouche et produit sur un palais français une sensation de brûlure. Leurs vins ordinaires, porto, sherry, très chauds et liquoreux par eux-mêmes, déjà renforcés par la falsification, sont encore coupés dJeau-de-vie c'est alors un mélange plein de charme pour un Anglais, quoique tout l'arôme, toute la finesse, soient partis. De vrais vins de Bordeaux, même de Bourgogne, leur semblent trop légers; au pale aie » ils préfèrent ces affreuses et noires boissons, le stout et le porter, ou bien des grogs chauds, dans lesquels l'eau-de-vie entre pour moitié. Le gosier anglais doit être raclé, gratté, brûlé cela suffit pour le satisfaire. Toutes ces remarques indiquent des sens moins exercés et moins fins. L'homme doit s'endurcir, se raidir, pour s'accoutumer aux exigences de la vie, à l'inclémence du climat. Un pauvre des régions méridionales n'est pas malheureux ; les choses les plus belles et les meilleures ne lui coûtent rien il a peu de besoins à satisfaire. Quant aux choses absolument nécessaires, il les procurer pour quelques sous. Pour quelques sous, il a une abondance de fruits, un verre de muscat, une livre de raisins, tout cela digne d'être servi aux banquets de l'Olympe il acquiert ainsi IMPRESSIONS D ANGLETERRE 55 l'idée de la sensation délicate et exquise. Pareille idée ne peut naître dans un cerveau anglais, qui commande à un palais solide, à un gosier vigoureux, lequel ne connaît rien au-dessus d'une large tranche de boeuf et d'un verre de whisky. Dans les pays du Nord, il faut acquérir par le travail toutes les choses nécessaires à la vie la nourriture abondante, le feu, la lumière, l'habitation bien close, les habits chauds... Ayez vingt mille livres de rente, ou bien vous ne vivrez pas. Nulle part la pauvreté n'est plus dégradante et plus pénible c'est en grande partie pour l'éviter que l'Anglais poursuit si âprement la richesse. 11 la lui faut pour vivre, car elle est à ses yeux l'accompagnement, l'aliment, la condition sine qua non de la distinction, de la moralité, de l'instruction, de toutes les qualités qui font le gentleman. C'est là le perpétuel coup de fouet 1 » qui fait que chacun travaille à acquérir son idéal, lequel consiste en une maison bien sèche, bien propre, bien close et bien, chauffée, un foyer animé par une femme dévouée, bonne ménagère, et des enfants propres, bien habillés et bien élevés ; avec l'abondance des meubles, des ustensiles utiles ou agréables, de tous ces menus objets qui rendent le home » vraiment confortable et agréable à habiter. Cet idéal réalisé, il est peu d'Anglais qui éprouvent le besoin d'autre chose. A quoi bon se passionner pour les hautes spéculations de l'esprit, pour les théories d'art et les belles oeuvres littéraires? Dès le collège, du reste, les Anglais sont accoutumés à reléguer en seconde ligne la science et la culture de l'esprit; les connaissances pratiques, le courage, la force et l'adresse du corps viennent en premier rang. La première qualité d'un bon maître de collège, c'est d'être un bon joueur de cricket et de foot-ball le reste a bien moins d'importance. » Voilà ce que j'ai entendu cent fois répéter en Angleterre, et c'est là le défaut principal de leur éducation, qui a d'autre part sur la nôtre de si grands avantages. Un Anglais ne va pas au collège uniquement pour se bourrer de grec ou de latin, mais pour apprendre à devenir un brave Anglais, utile, serviable, véridique, un chrétien, un véritable gentleman » dans toute la force du mot malheureusement la part n'est pas faite assez grande, d'ordinaire du moins, aux études purement théoriques ; la formation de l'intelligence reste incomplète, et les gens qui possèdent une forte culture intellectuelle sont bien rares, sauf dans les classes riches et dirigeantes. i. Taine. 56 REVUE. DU MONDE CATHOLIQUE Puis l'oeuvre commencée par l'éducation se continue dans les différentes phases de la vie ; le combat en est particulièrement rude en Angleterre la concurrence deux fois plus violente et acharnée que partout ailleurs en est une preuve. Un des signes extérieurs de cette concurrence, c'est la réclame énorme que chacun fait à son produit, à sa drogue, au raffinement qu'il a inventé dans l'espoir de flatter une envie, un caprice, une manie. Cette réclame envahit tout, depuis les pages entières de journaux jusqu'au moindre espace libre des murs et des constructions ; elle est particulièrement abusive dans les gares, où souvent les annonces empêchent de distinguer le nom de la localité où l'on passe ; il n'est pas rare de voir des étrangers à qui l'usage de la langue anglaise est encore peu familier, se demander s'ils sont à Herne-Hill ou à Sunlight soap », à Sydenham ou à Champion's Vinegar », à Chislehurst ou à Elliman's Embrocation ». Ce qui se dépense de talent, je dirais presque de génie, à inventer de nouveaux modes de réclame, est incalculable. Etonnez-vous ensuite qu'il n'en reste plus pour créer des oeuvres artistiques durables et vraiment belles ! Le goût baisse et s'émousse, tout devient boutiquier, trades m an » âpre et dur, inquiet et triste make money », gagner de l'argent, et ce de quelque manière que ce soit, voilà l'idée qui absorbe et dévore toutes les autres. Aussi, tout ce qui donne la mesure moyenne de l'esprit artistique d'un peuple les objets d'art, les porcelaines, les marbres, les bibelots, les bijoux, tout cela est laid, trop éclatant, trop riche, trop brillant, sans finesse et sans goût. Les expositions, les magasins, croient atteindre un style riche et pompeux, et n'exposent que des choses brillantes, mais grossières ou de mauvais style. Les artistes sont peu considérés ; en France, ils sont mis et surtout se mettent bien au-dessus du bourgeois, du philistin », du profanum vulgus en Angleterre, c'est l'inverse. Les musiciens, dont pourtant on fait à Londres une énorme consommation, sont des singes payés qui viennent faire du bruit dans un salon. Les peintres, les sculpteurs, sont des artisans barbus, mal payés, mal habillés, prétentieux, à peine supérieurs d'un degré aux photographes. Ces idées étroites se modifient peu à peu il y a vingt ans elles étaient telles que je les décris, et ces bons Anglais n'en revenaient pas de voir à Paris les artistes aller de pair avec les gens i. Taine. IMPRESSIONS D'ANGLETERRE 57 du monde, et Delaroche et Horace Vernet dîner chez le roi 1 ». Pour le gros John Bull, un peintre, un musicien, n'est pas un gentleman, car il se sert de ses mains ; il n'est pas respectable, car il n'a pas de ressources régulières, de rentes ni de traitement qu'il touche à jour et à heures fixes or, la respectability », la qualité de gentleman », sont tout en Angleterre. Ces deux mots reviennent sans cesse de l'autre côté de la Manche est-ce un gentleman? est-ce une lady? Voilà les deux seules questions, et la réponse qu'on y fait, y es or no », suffit à donner la mesure exacte du caractère, des moeurs, de l'éducation, de la fortune, de la religion, de toute la vie, de toute la personne de l'être humain dont il est question. Un gentleman, c'est quelqu'un qui occupe une position indépendante, qui a un certain train de maison, une certaine tenue extérieure, des habitudes de luxe ou tout au moins d'aisance, de bonnes façons, et sait tenir sa place dans le monde. C'est encore un homme vraiment noble par le coeur, l'esprit et les manières, un homme d'honneur, un homme de conscience, qui agit bien, non seulement en vertu de ses instincts généreux, mais encore par réflexion, par sentiment du devoir. Ce n'est pas tout, pour être un gentleman, il faut encore être un chrétien ; car l'Anglais reste toujours religieux il croit, sans trop de ferveur souvent, mais il garde les allures extérieures d'un croyant. Les opinions d'un Anglais sur la religion sont fixes et enracinées elles sont une partie de son éducation, des traditions de la grande nation à laquelle il appartient. Il accepte le protestantisme et l'Église anglaise comme il accepte la constitution parlementaire de son pays. Sa religion est un auxiliaire du pouvoir civil, un établissement d'hygiène morale, de bonne régie des âmes ». II faut reconnaître, du reste, que le dogme protestant s'accorde bien avec les instincts moraux, sérieux et un peu puritains de la race. Ils n'ont pas besoin d'effort pour le suivre, ils auraient besoin d'effort pour le rejeter 1 ». Un incrédule ne peut pas être un bon Anglais, ni un honnête homme, cela est généralement admis. Aussi le respect du christianisme s'impose à l'opinion publique comme un devoir, j'allais dire comme une bienséance. Il est vrai qu'en Angleterre tout ce respect de la religion, toute cette foi si vive à l'extérieur, sont trop souvent plus apparents que 1. Taine. 58 REVUE DU MONDE CATHOLIQUE réels. La mode, le désir de se faire bien voir, tiennent lieu de conviction vraie et profonde. Tout est permis qui n'est pas vu ; tout est toléré qui n'est point entendu par les voisins ; certains disent qu'en Angleterre, l'hypocrisie sert de manteau à tout. Cela est certainement exagéré, mais non complètement faux. Si le christianisme consistait à aller souvent et le plus apparemment possible à l'église, le peuple anglais serait le plus chrétien du monde ; et le plus pieux et le plus croyant, si la foi et la piété consistaient uniquement à se quereller sur les dogmes de la religion, au lieu d'en appliquer les principes. Il est vrai que le dimanche, pour se rendre à l'église, hommes et femmes, ladies and gentlemen », rivalisent de zèle et d'affectation. C'est à qui emportera le plus de livres et les plus gros; ils n'ont, du reste, pas loin à les porter, car les églises de toutes les confessions sont bientôt aussi nombreuses que les public houses ». La religion est devenue bien plus affaire de mode que de conscience les Anglais se vantent d'être le peuple le plus religieux du monde, comme ils se vantent de posséder une foule de vertus, de qualités, dont ils n'ont souvent que l'apparence. C'est le contraire du Français, qui n'est qu'un fanfaron du vice l'Anglais n'est qu'un fanfaron de vertu, quelquefois un simple hypocrite. Les preuves individuelles de cette hypocrisie abondent, les preuves sociales ne sont pas rares l'une des plus saillantes à mes yeux consiste dans l'observation du dimanche à Londres. Tandis que l'aristocratie, les classes élevées et les classes moyennes passent, aussi ostensiblement que possible, la plus grande partie de leur journée à l'église, tous les lieux de distraction, de promenade sont obligatoirement fermés ; on ne laisse d'ouvertes que les tavernes, les public houses » la raison en est simple mais odieuse, à mon avis. Interrogez un Anglais à ce sujet, il vous répondra Nous avons nos maisons, nos clubs bien confortables, nos églises, où nous entendons de bonne musique et de bons prédicateurs, nous ne ressentons pas, le dimanche, le manque de distractions. Quant au bas peuple, qui vit dans d'infâmes quartiers, s'entasse dans d'abominables demeures, il est dans notre intérêt de lui laisser ce jour-là la seule chose qu'il apprécie. Tant qu'il sera stupéfié par la boisson, il ne nous causera ni trouble ni inquiétude. Le dimanche où nous fermerons à Londres les public houses, nous aurons une terrible révolution. » Voilà la morale anglaise pour nous la Bible et l'Évangile; pour les malheureux la taverne et l'eau-de-vie. C'est sans doute un sentiment analogue qui pousse IMPRESSIONS D ANGLETERRE 59 les commerçants anglais à vendre l'opium aux Chinois et aux Indous !... Et maintenant, quelle conclusion tirer de ces quelques impressions d'Angleterre ? Elles sont nécessairement trop superficielles, trop incomplètes pour que je me risque à fonder sur des bases aussi fragiles une comparaison plus ou moins exacte entre la France et l'Angleterre, entre deux nations si différentes par les moeurs, les traditions, le caractère et le climat, qu'une foule de facteurs, très nombreux et très complexes, contribue encore à distinguer l'une de l'autre ; ou bien dois-je examiner s'il convient de dire avec Voltaire Si j'avais eu à élire le lieu de ma naissance, j'aurais choisi l'Angleterre »? Il ne m'appartient pas de résoudre ni de trancher d'un mot de si graves questions et de si importantes controverses. Je dirai simplement qu'en somme, l'Angleterre donne l'impression d'une grande et puissante nation grande par le travail, le sérieux, la constance, l'intrépidité et le nombre de ses enfants; grande par la liberté qui y règne, par la forte organisation de la famille et de la société, par la puissance de ses traditions sociales, politiques et religieuses, et le respect que chacun en garde ; que c'est une nation bienfaisante par ses institutions de charité et de prévoyance, par sa large et franche hospitalité ; peutêtre trop froide de manières, trop lourde et trop tranquille d'esprit, manquant de ressort et d'élasticité. Je crois pouvoir dire d'elle qu'elle est petite par ses préjugés, par l'affectation de son fanatisme biblique et de son puritanisme exagéré, attristée et grossière par le paupérisme et par le vice trop fréquent de l'ivrognerie. L'Anglais se trouve bien en Angleterre, le Français préfère la France; chacun a raison, car, comme ledit spirituellement M. Taine, chacun a le manteau convient le mieux ». JACQUES GAZEAU. Manoeuvres d'automne en 1899 Suite et fin SOMMAIRE § 4. Marches d'approche i° en formation de masse ; 2° en formation demiouverte ; 3° en formation ouverte. — § 5. Déploiement Troupes de préparation, de choc et de réserve. — Des bonds. — §6. Assaut. — § 7. Conclusion. 111e PARTIE. — Manoeuvres de l'Est. — § 1. Intérêt particulier des manoeuvres de l'Est. — § 2. Terrain des opérations. — §3. Principales démonstrations. •— § 4. Conclusions. iv° PARTIE. — Expériences et desiderata. — § 1. L'alimentation sucrée. — § 3. Emploi des automobiles. — § 3. Inventions nouvelles. — § 4. Passage des cours d'eau. — § 5. Les effectifs. — § 6. Conclusion générale. Le manque d'initiative, disait Bugeaud il y a soixante ans, oblige le chef à tirer lui-même la voiture qu'il devrait n'avoir qu'à conduire. J'ai insisté sur ce point de vue, parce que le manque d'initiative est peut-être encore aujourd?hui un des plus grands défauts de nos officiers et surtout de nos sous-officiers, malgré les louables efforts qui ont été faits, je le reconnais volontiers, pour nous délivrer de cette servitude si contraire à notre caractère français, pétillant, actif et primesautier. Trop de chefs considèrent encore tout acte d'initiative comme attentatoire à leur autorité, presque comme un acte d'indiscipline. C'est un préjugé néfaste qu'il faut déraciner à tout prix. § 4. MARCHES D'APPROCHE. — Le directeur, sans rien préciser pour les emplacements de l'artillerie, qui sont absolument subordonnés aux circontances, décrit la marche de l'infanterie jusqu'au moment où les premiers bataillons entreront dans la zone efficace du tir de l'artillerie ennemie, puis de son infanterie. La vulnérabilité va évidemment en augmentant à mesure que les distances diminuent. Pour en atténuer les effets, le général MANOEUVRES D'AUTOMNE EN 1899 61 Giovanninelli prévoit trois formations de marche la formation même de rassemblement, une formation demi-ouverte et une formation ouverte. Dans toutes ces formations, les sections s'avancent par le flanc. Chaque chef d'unité, véritable guide de sa troupe, marche devant elle pour en assurer la direction^ soit sur un point déterminé, soit par rapport à l'unité de direction, base du mouvement. Ces trois formations ne diffèrent entre elles que par les intervalles et les distances. La marche en formation de rassemblement est employée en dehors de toute action de l'artillerie ennemie et en terrain uni et découvert, soit jusqu'à environ quatre kilomètres des batteries adverses. La formation demi-ouverte dans laquelle les compagnies prennent entre elles 50 mètres de distance et 50 mètres d'intervalle, les bataillons, 100 mètres s'emploie en terrain accidenté ou couvert, et lorsqu'on approche de la zone d'action de l'artillerie. Les brigades s'espacent à 300 mètres en utilisant l'intervalle de 1000 mètres qui ^existait entre les divisions rassemblées. Ce dispositif ne saurait être conservé à moins de 3500 mètres de la position ennemie. La formation ouverte espace les sections de 20 à 40 mètres l'une de l'autre; les compagnies s'échelonnent en profondeur à 100 mètres, les bataillons à 300. Cette formation n'est du reste qu'une transition entre la marche d'approche proprement dite et le déploiement. Elle ne saurait être conservée à moins de 3000 mètres des positions ennemies. § 5. DÉPLOIEMENT. — Le principe fondamental posé par le général directeur est que toute troupe engagée doit constituer, au début, trois éléments un groupe de préparation, un groupe de choc et un groupe de réserve. Quand un des éléments se fondra dans l'élément précédent, les troupes de l'arrière seront utilisées pour maintenir intact le principe des trois éléments d'action. Il s'agit, bien entendu, ici du combat inoffensif. Les sections de première ligne ouvrent leurs intervalles jusqu'au front de déploiement; elles se forment en ligne, vers 800 mètres ou seulement vers 600, quand elles sont obligées de riposter par le feu au tir de la défense. Elles progressent ensuite, soit par bond de toute la ligne, soit par échelon, jusqu'à la distance d'assaut vers 200 ou 150 mètres de l'ennemi. Les sections des compagnies de première ligne sont suivies et 62 REVUE DU MONDE CATHOLIQUE successivement renforcées, d'après les prescriptions du règlement, par les compagnies de réserve des bataillons. Cette marche de déploiement, qui s'effectue de 3000 à 150 mètres, constitue le combat de préparation c'est la phase la plus laborieuse, parce qu'elle s'effectue aux distances où le tir ennemi de plus en plus efficace n'est pas encore impressionné par la marée montante dont l'effet moral ne se produit qu'à courte distance. La seule particularité à noter ici est le procédé de cheminement préconisé par le directeur, frappé à juste titre de la précipitation avec laquelle cette marche s'effectue d'ordinaire, pendant les manoeuvres, sans doute à la satisfaction de la galerie, mais aussi d'une façon très peu vraisemblable, qui a, au surplus, l'inconvénient de ne pas laisser aux troupes voisines le temps d'exécuter les mouvements tournants ou enveloppants. Par une note en date du 31 août 1899, M. le général de Longuemar, commandant le 5" corps, expose comme il suit la façon de progresser Cette instruction, dit-il le schéma Giovanninelli, veut que, dans la zone dangereuse, les sections en formation ouverte cheminent par bonds de 100 à 50 mètres au moins, suivant le terrain, et homme par homme. Cette prescription sera toujours observée dans les marches d'approche pendant les manoeuvres. Les sections arrêtées doivent ou se mettre à genoux ou se coucher. Le chef de section se porte de sa personne à 50 ou 100 mètres en avant, au point où sa section doit se rendre en un bond, puis le mouvement s'exécute lentement, homme par homme, ceux qui doivent se porter en avant se relevant seuls, de manière à n'offrir à l'ennemi qu'un but restreint ou même invisible. » C'est parfait comme procédé, mais à condition d'en restreindre l'emploi aux circonstances exceptionnelles, si l'on ne veut pas tomber dans l'excès contraire à la précipitation, Avec ce procédé, il faut au moins une demi-heure pour gagner cent mètres. En tenant compte des arrêts, il faudrait plus de vingt heures pour arriver sans incident à la distance d'assaut. Vingt heures à passer ainsi sous le feu, c'est évidemment absurde. Dans la pratique, aux manoeuvres de garnison, on a dû faire partir à la fois souvent plusieurs hommes et même plusieurs rangs. Il en serait de même à la guerre. § 6. ASSAUT. — Toutes les réserves encore disponibles,, dit le règlement, et au besoin le bataillon de deuxième ligne, rejoignent la MANOEUVRES D'AUTOMNE EN 1899 63 ligne de combat pour l'entraîner à l'assaut. » Dans quelles formations? Le règlement est muet. Et cependant à ce moment, où la surexcitation de tous est à son comble, il sera à peu près impossible de donner d'autres ordres que le cri £ avant! à la baïonnette! » Le général Giovanninelli a indiqué la formation suivante pour les colonnes d'assaut les groupes seront au maximum d'un bataillon. Le bataillon part de la formation ouverte à courte distance de la ligne de combat où le feu crépite avec violence, ses sections se serrent dans chaque ligne, sans intervalle, sur la section de base. La deuxième ligne suit la première à 100 mètres. Si les compagnies sont à 200 hommes, le bataillon se présente ainsi, dans chaque ligne, avec 32 hommes de front sur 12 rangs de profondeur. Le maniement de cette masse est évidemment un peu lourd ce bloc fournit une belle cible, il faudrait le voir sous les balles! Mais il est permis de croire que la réunion et la conduite de cette colonne n'est pas impossible; car il est reconnu qu'à la distance d'assaut, la justesse du tir d'infanterie est nulle, et l'artillerie des deux partis a cessé le tir sur les premières, lignes pour ne pas s'exposer à faucher ses propres troupes. § 7- CONCLUSION. — Telles sont en résumé les leçons à retenir du schéma Giovanninelli. C'est la première fois qu'un directeur de manoeuvres, parlant en maître qui enseigne, fait sentir son impulsion et affirme sa volonté, sans rien prescrire de contraire aux règlements de manoeuvres. Tout n'est pas à conserver dans ces procédés, mais ils méritent de fixer l'attention de la commission chargée de la révision du règlement de manoeuvres de l'infanterie. Pour récompenser le directeur, on le déclare physiquement incapable ! On lui retire son commandement. Certes, le général Giovanninelli n'a pas une taille de guêpe; mais c'est avec son embonpoint actuel qu'il a fait la campagne du Tonkin, et personne n'avait le droit de lui reprocher une infirmité que son énergie et sa grande vigueur ont domptée'devant l'ennemi. TROISIÈME PARTIE Manoeuvres de l'Est § 1. INTÉRÊT PARTICULIER DES MANOEUVRES DE L'EST. — Le ministre de la guerre ayant supprimé les manoeuvres de Touraine, sous le misérable prétexte de fièvre aphteuse, tout l'intérêt 64 REVUE DU MONDE CATHOLIQUE I I des opérations effectuées en 1899 se concentre sur les grandes manoeuvres de l'Est, exécutées par les 6e et 20e corps généraux Kessler et de Monard sous la haute et brillante direction de M. le 1 général Hervé. En Touraine il s'agissait de progrès tactiques à faire sanction- J ner par l'expérience. Dans l'Est, la question est tout autre l'ob- ? jectif a été l'étude pratique d'une portion de frontière, au point de vue des éventualités possibles en cas de guerre avec l'Allemagne. Cela vaut la peine qu'on s'y arrête. § 2. TERRAIN DES OPÉRATIONS. — Le pays sur lequel a évolué f le 6e corps 40e et 42e divisions renforcées de la 12e, général j Hartsmidt, et de la 6e brigade de cavalerie, général d'Hugonneau contre le 20e corps, représentant-l'ennemi, est la terre classique \ des invasions ce sont les hauts bassins de la Meuse et de la Moselle, de Bar-le-Duc à Nancy. Les principales phases se sont déroulées entre Saint-Mihiel, Pagny et Thiaucourt ; les derniers j engagements ont amené les combattants sur le vaste plateau de f la Woevre, qui se termine au Nord par les trop mémorables champs de bataille de Gravelotte et de Saint-Privat. j On a manoeuvré si près de la frontière que, pendant l'action, cer- ] tains partis du 20e corps ont pu entendre tonner les canons aile- 1 mands. C'était le 15e corps prussien qui opérait, lui aussi, du côté j de Château-Salins. \ Ce terrain très mouvementé, coupé par de nombreux cours \ d'eau, souvent boisé sur de grandes étendues, est très favorable aux S études militaires. Il a fourni plusieurs fois aux chefs de groupe, et J en particulier à la cavalerie, l'occasion d'exécuter d'heureux mouve- ments tournants. 1 § 3. PRINCIPALES DÉMONSTRATIONS. — Nous n'avons pas l'in- \ tention d'exposer toute la suite des thèmes et d'en discuter f l'exécution. C'est à coup sûr intéressant pour les gens du métier; \ mais cela nous entraînerait beaucoup trop loin. Nous nous borne- puisse y avoir un remède meilleur. 96 REVUE DU MONDE CATHOLIQUE esquissé un peu mieux pendant deux années dans trois autres. 11 est inutile de montrer combien tout cela est inférieur à nos baccalauréats, à nos brevets même, d'autant plus que l'examen est fragmentaire, sans l'épreuve finale qui synthétise, sans l'oral qui prouve la possession du sujet. A la place de nos épreuves françaises, qu'il est facile à un jury de rendre probantes, nous n'avons ici que des revues de demi-année, soumises aux conditions précaires que nous avons signalées, à toutes les influences malsaines qui découlent des différentes causes que nous avons indiquées l. L'examen de matriculation, à johns Hopkins comme à Bryn-Mawr, est le fondement de l'édifice scolaire, en ce qu'il représente l'ensemble des connaissances communes à tous les divers groupes de spécialités, le minimum de l'enseignement unifié à sa base. Aussi donnons-nous dans l'appendice des détails complets sur ce programme, — ainsi qu'un tableau des cours faits au Collège et à l'Université. — Malheureusement, la possibilité de diviser cet examen en deux ou plusieurs parties, la faveur d'être admise sous condition pour une moitié des matières, sans parler d'autres motifs, enlèvent beaucoup à l'importance officielle de l'épreuve. Il est fâcheux qu'une administration qui autorise et laisse croître des procédés qui n'ont rien de pédagogique ne tire pas un meilleur parti des très bons éléments qui se rencontrent au collège. Pour ce qui concerne les langues vivantes, il serait difficile de trouver mieux. Le français, l'allemand, sont les seules langues usitées dans les classes de ces départements ; le cours supérieur d'italien se faisait, en 1895-96, dans l'idiome de Manzoni. Malgré l'esprit peu travailleur des élèves, malgré les absences cuis qu'elles se permettent bien facilement et sans motif, on obtient de très beaux résultats. Le jour où professeurs et élèves pourront donner tout ce qu'ils ont, le jour où Bryn-Mawr sera soumis à la seule discipline digne d'une institution sérieuse, les défauts qui frappent bien vite l'observateur disparaîtront. — Je suis profondément convaincu que si les maîtres étaient mieux chez eux, si les chefs de départements ne voyaient pas leur autorité et leur compétence enrayées par des interventions étrangères, c'est-à-dire que s'ils étaient libres de dire leur mot souverain à propos de collaborateurs qu'on leur impose ou 1. On trouvera dans VAppendice quelques renseignements sur l'examen américain. Sa caractéristique, disons-le en quelques mots, est de n'avoir aucun oral, aucune revue d'ensemble, et d'être divisé au moins en huit sections, scindées en autant d'examens partiels, dont le programme n'est autre que l'enseignement donné dans les dix à douze semaines précédentes. L EDUCATION EN PENNSYLVANIE 97 qu'on leur enlève sans les consulter, et selon le seul caprice d'autres qu'eux-mêmes, Bryn-Mawr, qui devient de plus en plus l'institution à la mode, serait facilement le vrai collège des jeunes filles. — Mais le Conseil académique n'est qu'une chambre d'enregistrement, la Faculté ne compte pas, les Trustées sont désarmés, et le pouvoir exorbitant, autocratique, que s'attribue la présidence est la cause de tout le mal. — Si un homme peut aisément abuser de l'autorité absolue, que sera-ce lorsqu'une femme est ainsi maîtresse suprême?... Ces abus sont d'autant plus difficiles à réprimer, que l'on n'ose parfois les signaler. Mon devoir de rapporteur spécial m'obligeait à écrire ce que, en mon âme et conscience, je crois être la vérité, et je le résume en ces termes Bryn-Mawr ne peut être-un collège véritablement digne d'avenir et d'attention que le jour où professeurs et élèves seront traités comme il convient, c'est-à-dire bien différemment de ce qui se fait aujourd'huil. Philadelphie La grande ville mérite une mention spéciale, parce que, dans les premières époques, elle fut le foyer d'où vinrent l'activité et la lumière. C'est là que fut établie en 1687 la William Penn Chartered School, qui devait, dans l'esprit du fondateur, être comme le siège de la direction intellectuelle ; si le but rêvé ne fut pas entièrement atteint, l'influence morale, la contagion de l'exemple, exercées par cette institution, demeurée aujourd'hui encore de tout premier ordre, furent souveraines pour l'établissement d'autres écoles et le maintien de l'idéal supérieur. La Germantown Academy, préparée à l'avance par Christophe Sower, ne fut ouverte qu'en 1761, c'est-àdire alors que les difficultés commencèrent dans le Collège de Pensylvanie , et que les Allemands craignirent de ne plus avoir 1. UEducational Review juin 1896 publiait un article de M. Ch. F. Thwing, dans lequel était dénoncé le pouvoir souverain que s'attribuent les présidents, et qui est d'ordinaire fatal au bon gouvernement des études et du collège. Aussi un grand changement s'est fait depuis quelques années. Le Président de l'Université de Chicago, M. Harper, écrit qu'il se ferait scrupule de prendre une décision quelconque à l'égard d'un maître sans consulter le professeur en chef C'est la Faculté qui doit avoir le dernier mot », écrivait un autre président. — Hélas ! je n'ai rien vu de semblable à Bryn-Mawr ! — Peut-être que les trustées comprendront un jour le préjudice qu'une semblable direction cause au collège qu'ils ont le devoir d'administrer de leur mieux. A Yale, par exemple, les trustées ne décident d'une nomination ou d'une révocation que sur avis motivé de la Faculté. CorrîtJiërTd'abus de pouvoir et de dénis de justice auraient pu être évités à Bryn-Mawr si on" avait adopté cette conduite ! / ..''..' s •'/, ' REVUE DU MONDE CATHOLIQUE — Ier JANVIER 19OO { ~ ; \ \ .4 " 98 REVUE DU MONDE CATHOLIQUE pour leur langue et leur littérature une chaire qui leur donnât toute satisfaction. L'école épiscopalienne de Locust Street fut fondée en 1785, sous les meilleurs auspices et avec une donation de la Législature s'élevant à dix mille acres de terre. Très riche et très aristocratique, le Seminary anglican continue son existence élégante, au profit presque exclusif des fidèles de l'Eglise. Nous avons parlé des institutions catholiques pour jeunes filles, de celles du moins que la Mère Fournier fit naître sur un sol qui semblait peu fertile ; depuis, en 1847, une académie du Sacré-Coeur et. tout au moins vingt-deux autres écoles du même genre ont été bâties jusqu'à ce jour. Les Pères Jésuites érigent le Saint-Joseph Collège, dont la charte d'incorporation remonte à 1852. Onze ans plus tard, les Frères des Ecoles chrétiennes obtenaient l'ouverture de La Salle Collège. Le zèle a été général et constant pour l'instruction, et la liste des nombreuses écoles serait bien longue. Ce qui distingue l'enseignement ici, c'est l'empreinte laissée par Franklin qui donne un; caractère professionnel et technique à l'éducation secondaire et même à celle du premier degré. A ce point de vue, Philadelphie a donné le branle par les Institutes, mais non pas en dehors de notre Stéphen Girard, qui, le premier, présenta, sous forme sensible et pratique,, les idées du grand éducateur. Nous avons parlé déjà du système de Lancaster, —qui fut essayé sur une large échelle à Philadelphie. L'Amérique est le pays des enthousiasmes faciles, des engouements rapides mais peu durables il semble qu'on soit toujours jeune, bien jeune, et que toutes les. nouveautés attirent de façon irrésistible ce peuple d'autant plus impressionnable qu'il n'a pas de traditions et qu'il cherche passionnément à se fixer. Ajoutons qu'il se détourne avec beaucoup d'aise de ses anciennes amours, comme un enfant d'un jouet qui ne sert plus et pour lequel pourtant il avait versé bien des larmes. Le Lancasterian System eut son heure; déjà, en 1803, le système de Pestalozzi avait inspiré toute une série d'actes non équivoques.. William McGlure, de Philadelphie, visitant la Suisse, assistait à une leçon du célèbre maître, — et il n'eut pas de repos avant d'avoir obtenu l'assurance d'une future école de ce genre en Amérique. Joseph Neff, ancien coadjuteur de Pestalozzi, qui, avec un succès, médiocre, essayait d'impianter la méthode à Paris, fut heureux, d'accepter les offres séduisantes de l'enthousiaste Américain *. 1. L'histoire de ces démarches a été écrite par Neff lui-même en une plaquette aujourd'hui assez rare, publiée en 1808 sous ce titre Sketch of a plan and meihod' L'ÉDUCATION EN PENNSYLVANIE 99 Des déceptions l'attendaient en ce pays; son école n'eut qu'une éphémère durée. On se détourna de ce système pour aller à un autre; puis, Fellemberg, Froebel, et toute une série à la suite se poussent et se chassent l'un l'autre dans l'esprit perpétuellement inquiet du peuple et des chefs. Mais si les souvenirs d'autrefois, si l'action des éducateurs ont pu sauver cette seconde forme de l'instruction, on ne peut écrire le même éloge des écoles primaires, dont l'état fut si longtemps déplorable et qui ne sont point encore sorties de la médiocrité. — Une étude sur l'organisation scolaire de Philadelphie a été publiée par le Forum t. XV, mars 1893, par M. Rice. Avec une grande sincérité et une indépendance qui sont le gage d'une consciencieuse et loyale étude, réminent écrivain a indiqué les graves lacunes, les défauts considérables du système, lacunes et défauts qui ont pour cause l'intrusion du politicien dans l'école. Peu de villes ont un agencement administratif plus mauvais de vue scolaire. Le pouvoir réside, en théorie, dans le Central Board, composé de trente-six membres désignés par les juges du tribunal civil Common pleas, un pour chacun des wards ou quartiers; mais les bureaux de quartiers accaparent l'autorité. Ceux-ci sont formés par douze membres élus au vote populaire et présidés par le représentant du tiard au Central Board ils sont les maîtres absolus. Le droit de veto que possède le bureau central n'est jamais mis en oeuvre. Or non seulement il n'y a pas de responsabilité pour personne en particulier, mais ce sont les pires, parmi ces êtres indignes que sont les politiciens américains, qui sont les maîtres. Ils donnentles diplômes, nomment aux diverses places ils agissent sur l'instituteur pour conférer des graduations aux élèves qui ne les méritent pas, ils sont les éléments les plus actifs pour la mauvaise organisation qu'une simple visite permet de constater. En 1883, de bons esprits finirent par s'alarmer et on se • nommer un surintendant. Mais celui-ci est demeuré longtemps dans l'impuissance contre tous ceux qui s'armèrent pour résister à son ingérence. Ce nouveau pouvoir, dit M. Rice, n'a pu se faire pardonner son existence qu'en se tenant dans l'immobilité presque absolue. Aussi les difficultés demeurent-elles les mêmes et les écoles sont tout à fait inférieures. Le jour où la fatale influence des passions politiques ou personnelles, ce qui est tout un en ce pays où la poliof poliof founded on an analysis of the human Faculties and natural Reason, suitahle for the offsprings of a Free People and for ail Raiional Beings. IOO REVUE DU MONDE CATHOLIQUE tique ne se fait pas pour des principes, ne pèsera plus sur l'école, Philadelphie sera la première ville de l'Union par l'ensemble de son organisation. Malgré tout, quelque chose du vieil esprit est resté sous les abus et les erreurs. Le travail pour le dégagement se poursuit dans des Sociétés, des brochures, des conférences, quelques campagnes de presse trop rares, hélas !. Puissions-nous aider à briser l'obstacle! J'ai rarement été plus charmé dans mon voyage que par la visite faite à l'École normale pour jeunes filles en mai 1894. La construction est magnifique, splendidement luxueuse dans le goût un peu tapageur et voyant des collèges et Universités. Le principal, M. Felter, beau et bon vieillard qui allait épouser bientôt une des prof essor esses, me montrait avec amour tous les détails de l'école., qui est son oeuvre en grande partie cours de musique, de chant, de couture, de coupe de vêtements, de cuisine, de gymnastique, tout cela très bien dirigé et exécuté. Les classes elles-mêmes paraissaient moins accomplies les maîtresses ne semblaient pas passionner follement l'auditoire, lequel avait beaucoup de distractions ; mais le grand défaut de cette école normale est de préparer fort peu d'institutrices la plupart s'en vont de très bonne heure, sans se préoccnper de l'avenir pour lequel on les a préparées ; par exemple, en 1892, trois cent dix jeunes filles, sur sept cent deuxy sortent de l'école sans certificat. Depuis 1885, il y a une école pratique de travail manuel, Manual Training School ». C'était justice dans le pays de Franklin, et après Stéphen Girard. Le succès a été considérable il a fallu, en 1890, ouvrir une nouvelle école, et bientôt plusieurs seront nécessaires. Les éléments de la science professionnelle, pour ainsi parler, sont enseignés dans une école spéciale. A cela doivent s'ajouter les cours industriels, de dessin, de sculpture, semblables à ceux que beaucoup de nos villes de France, Nice par exemple, ont su se donner depuis longtemps. En somme, comme nous l'avons indiqué déjà, les bases du système, ses principaux organes, sont bons; mais tout est vicié, rendu presque stérile par l'introduction du politicien dans le mécanisme. Je ne puis que m'associer aux justes critiques de M. Rice, que mon expérience personnelle a confirmées en toute manière, et, comme lui, j'appelle le moment où Philadelphie saura secouer le joug honteux et redevenir la noble et grande ville que rêvait William Penn et que Franklin a essayé de constituer. BARNEAUD. La Fleur merveilleuse de Woxindon Suite LIVRE QUATRIÈME CHAPITRE XIX Deux prétendants, l'un heureux, l'autre malheureux Arrivés en haut, nous laissâmes nos regards errer délicieusement sur le paysage qui se déroulait devant nous, semblable à un merveilleux tapis émaillé d'or brillant aux feux du soleil couchant. Elle me nomma les clochers des nombreux villages qui se succédaient le long de la Tamise jusque bien loin dans la plaine ondulée de Middlesex. Je contemplai la tour qui émergeait sombre et triste de la longue traînée de brume de la Tamise, et j'admirai les nuages frangés d'or derrière lesquels le soleil se couchait lentement. Le .spectacle était si ravissant que ma compagne elle-même, qui n'avait pas cessé une seconde son joyeux babil, se tut quelques instants, et l'on n'entendit plus dans le silence du soir que le gazouillement des hirondelles voltigeant autour des créneaux. Lorsque le soleil eut disparu, Miss Anna m'avertit qu'il était temps de songer au retour. Je jetai une dernière fois un long regard sur cette admirable scène, à laquelle je ne pouvais m'arracher, et en me retournant j'aperçus un petit portefeuille, très élégamment relié en parchemin, oublié sur un banc de pierre du parapet. Je le reconnus aussitôt, l'ayant vu souvent entre les mains de Babington, dont il portait d'ailleurs le nom gravé en lettres d'or. 102 REVUE DU MONDE CATHOLIQUE Qu'est-ce que ceci? m'éciïai-je étonné en prenant le joli livret, le portefeuille de Babington! Comment se trouve-t-il ici? » Miss Anna, déjà tournée vers l'escalier, se précipita vivement vers moi en poussant un cri et m'arracha le livre des mains. Mais presque aussitôt elle se rendit compte qu'elle venait de se trahir elle devint pourpre et me dit d'une voix tremblante Pour l'amour de Dieu, cher monsieur Windsor, n'en dites rien à grand-mère ni à ma soeur. » La pauvre enfant était si troublée que j'eus pitié d'elle. Je ne me sentais d'ailleurs ni goût ni mission pour lui faire un sermon, ni aucune inclination pour le métier de délateur, d'autant plus que je ne suspectais aucunement les intentions de Babington. Mais j'étais outré de ce qu'il n'avait pas craint d'amener cette pauvre jeune fille, très innocente mais quelque peu étourdie, à une rencontre cle ce genre dans le vieux château, et je suppliai miss Anna d'être plus prudente à l'avenir, puisqu'elle sentait combien une telle manière d'agir mécontenterait les siens. Elle me le promit avec une sincère expression de regret. En me renouvelant sa prière de ne pas la trahir, elle voulut me faire une confidence, puisque j'étais l'ami de Babington c'est que déjà avant la mort de son père elle était devenue secrètement la fiancée de Babington. Elle trouvait que sa grand-mère était injuste à l'égard de Babington; elle savait bien qu'elle n'obtiendrait jamais son consentement, mais c'était un si bon et si joyeux jeune homme, et ils se convenaient si bien tous les deux, que jamais elle ne renoncerait à lui. Maintenant que je possédais son secret, je devais être assez discret pour n'en pas livrer une syllabe. De son côté, elle promettait de m'aider à conquérir sa soeur Marie, car elle avait bien remarqué que je songeais à elle. Tout en causant de la sorte nous nous approchions de la maison. Sur sa promesse de secours, je lui donnai à entendre que je n'aurais sans doute pas à y recourir, vu que mon affaire avec sa soeur semblait prendre déjà assez bonne tournure, et que j'avais l'assentiment de sa grand-mère. La jeune fille ouvrit de grands yeux et traita sa soeur d'hypocrite pour ne lui avoir rien dit. Je demandai en riant si elle-même lui avait parlé de la jolie vue qu'on a de la tour. Mais miss Anna avait réponse à tout. Son cas, dit-elle, était tout différent et exigeait le secret, car l'antipathie prononcée de sa grand-mère pour Babington ne lui laissait aucun espoir de succès pour une explication et une demande en règle. Nous rentrâmes juste à temps pour le souper, et la soirée se LA FLEUR MERVEILLEUSE DE WOXINDON 103 passa sans incident. Le lendemain, dimanche, ce fut l'oncle Barthy qui officia, le Père Weston étant parti pour une de ses courses de mission dans les comtés de l'intérieur. Après la pieuse réunion et les prières qui tenaient lieu de messe, je descendis avec Frith pour babiller et nous promener au jardin. Je remarquai un cheval sellé, et étonné d'un départ si matinal le dimanche, je me dirigeai avec l'enfant vers la grande porte. Quel ne fut pas mon étonnement de voir arriver Babington ! Il paraissait surexcité, bouleversé. En m'apercevant il eut un geste de colère et brandit sa cravache vers moi, en criant Bavard! vieille commère! » Puis la cravache s'abattit sur les flancs de sa Diane, qui, peu accoutumée à un pareil traitement, se cabra et faillit le désarçonner. Je voulus le retenir et le questionner, mais il passa près de moi comme un ouragan et disparut en quelques secondes dans la forêt. Frith et moi nous le regardions partir ahuris. Quelques instants après je vis passer miss Anna, hors d'elle-même et tout en larmes. Traître ! me cria-t-elle de loin avec colère. » J'eus alors le mot de l'énigne. On avait rapporté à lady Bellamy le rendez-vous de la tour; elle en fit de sérieux reproches à Babington, et comme celui-ci semblait prendre la chose à la légère, elle lui signifia de ne plus reparaître à la maison. Et tous deux m'accusaient maintenant d'avoir détruit leur bonheur. Cet incident me fut très pénible. C'en était fait de mes relations d'amitié avec Babington. Plus tard même, lorsqu'il eut appris que c'était le vieux John qui l'avait dénoncé à sa maîtresse, il continua à me tenir rigueur, ce qui me mit probablement dans l'impossibilité d'empêcher bien des malheurs. Pour ce jour-là cependant, tout entier à ma joie,, j'oubliai presque cette fâcheuse aventure. Après midi, je fus appelé dans le grand salon du haut, que je connaissais si bien. J'y trouva la vénérable darne et miss Marie. Lady Bellamy me montra la fleur merveilleuse que j'avais vue à diverses reprises déjà elle était dans son plein épanouissement, et sur les cinq petites branches les fleurs rouges étaient ouvertes. Jamais je n'en avais vu de semblables, et je n'ai jamais pu comprendre comment, ayant pris racine dans le plâtre du plafond, elle y trouvait assez de force et de sève pour un pareil accroissement. J'en fis la remarque à lady Bellamy; elle me répondit qu'elle considérait toujours cette plante extraordinaire comme un signe visible de la faveur céleste, et qu'elle avait toujours plaisir et consolation à la regarder. Car, qu'elle fût ou non une fleur naturelle, 104 REVUE DU MONDE CATHOLIQUE ce n'était que par une volonté et une disposition spéciales de Dieu qu'elle avait poussé et grandi en cet endroit. C'est pour cela qu'elle m'avait appelé ici, afin que je pusse offrir ma main et mon premier baiser à ma fiancée sous l'égide de cette fleur céleste. Et bien qu'il ne pût être question en ce moment de fiançailles publiques à cause de leur deuil, Marie avait résolu dès ce jour de m'engager sa parole. Imaginez-vous avec quel bonheur, sous la fleur merveilleuse et en présence de la vénérable aïeule, je mis ma main dans la main de ma chère Marie. L'aïeule fit sur nos fronts le signe de la croix. Ce n'était point au milieu des plaisirs et du bruit, mais sous l'égide de Dieu, comme il convient aux enfants des saints, que nous devions faire ce premier pas si sérieux qui conduit à l'autel, à l'autel de l'alliance, où nous serions un jour, si Dieu le voulait, unis par les liens du grand sacrement, figure de l'union de Jésus-Christ avec sa sainte Eglise. Ainsi eurent lieu nos fiançailles, le dimanche Jubilaie de l'an de grâce 1586. Mais avant les joies du mariage il devait couler bien des larmes. CHAPITRE XX Le médecin de Marie Stuart Peu de chose à dire de notre visite à la cour. Conduits par Saint-Barbe, Babington et moi, nous amenâmes à Richmond le petit Frith, vêtu d'un fort joli pourpoint de soie vert, et portant crânement sa nouvelle toque de velours à plumes. Mais la reine, ce jour-là, était indispoée, ou bien de méchante humeur ; elle ne quitta pas ses appartements. En vain nous passâmes un long temps au milieu des courtisans pour pouvoir la saluer au passage ; nous en fûmes pour nos frais. Saint-Barbe et moi nous devions pourtant partir le lendemain pour Chartley. En conséquence, nous confiâmes l'enfant, avec des recommandations toutes spéciales, à lord Chamberlain, qui avait la haute direction des pages. Saint-Barbe se montra très aimable pour Frith, et lui remit même un billet à l'adresse de miss Cecil, pour la prier de s'intéresser à l'orphelin. Cette lettre, d'ailleurs, ne contenait rien de particulier, à ce qu'assure Saint-Barbe, sinon une exhortation à LA FLEUR MERVEILLEUSE DE WOXINDON IO5 miss Judith à rester ferme dans la foi, avec la promesse de réfuter bientôt Campion. Je pris congé de Frith, en l'embrassant comme mon futur petit beau-frère, et lui recommandai de ne jamais oublier ses petites prières à la bonne Mère et à son Ange Gardien, d'être avec cela toujours gai et aimable, et de s'adonner avec application aux exercices de chevalier, dans lesquels on instruit les jeunes pages. Lorsque nous le quittâmes il riait, mais dans ses yeux bleus il y avait des larmes. Et il dut bien un peu pleurer ce jour-là lorsqu'il, se vit seul au milieu de tous ces étrangers. Mais ces larmes ne font pas de mal; c'est comme une pluie de mai qu'un beau soleil sèche bientôt sur les feuilles et les fleurs. Le lendemain de bonne heure nous quittions Londres. Lorsque nous traversâmes Harrow, le soleil se levait et dorait de ses premiers rayons les girouettes des tours de Woxindon. Naturellement, je regardai vers la chère demeure, et voilà que tout à coup j'aperçois, à la fenêtre du grand salon où j'avais été fiancé sous la fleur merveilleuse, une jeune femme debout, qui saluait avec son mouchoir. Ai-je besoin de vous dire si je rendis le salut? Mon compagnon semblait peu expansif; il me fut d'autant plus aisé de jouir de la beauté calme de cette aimable contrée du Middlesex et de Buckingham que nous mîmes toute la journée à parcourir ; et je redisais avec mon cher Virgile Rura mihi et rigui placeant in vallibus amnes Flmnina amem silvasque. Combien j'aime ces vastes campagnes, et les ruisseaux sinueux au fond des vallées, et les rivières et les forêts ! Oui, j'apprécie ces beautés, et comme Virgile, j'envie le bonheur de ces laboureurs, qui, loin des luttes et du bruit des armes, trouvent en abondance sur le sol natal toutes les choses nécessaires à la vie. O frotunalos nimium, sua si bona norint Agricolas ! Sur ce thème tranquille du bonheur de la vie champêtre, si bien chanté par le poète des Géorgiques, je voulais entamer une conversation avec mon compagnon. Car je n'ai aucun plaisir, je dois le dire, à chevaucher de longues heures, muet comme un chartreux, à côté d'un autre humain. Je réussis à lui arracher quelques mots, et je remarquai bien vite que je n'avais point affaire à un ami des IOÔ REVUE DU MONDE CATHOLIQUE Muses, mais à un homme sérieux qui- m'eut bientôt engagé dans une véritable discussion sur différents points de doctrine religieuse. jamais je n'ai aimé les disputes, alors fort à la mode, sur les questions religieuses avec des personnes d'une autre croyance. L'expérience m'a fait voir qu'il n'en résulte le plus souvent qu'une obstination et une amertume plus grandes de part et d'autre. Pourtant, je regardais comme un devoir pour moi de répondre à toutes les questions et de défendre ma foi si l'on venait à l'attaquer. C'est ce que je fis en cette occurrence avec Saint-Barbe ; je repoussai de mon mieux des attaques souvent très fortes ; et je dois lui rendre cette justice, qu'il parlait avec plus de calme et de raison que je ne l'aurais attendu d'un puritain. Déjà même je me prenais à espérer que je réussirais peut-être à le convaincre. Grâce à cette causerie, le voyage nous parut court, et malgré tous nos désaccords, nous étions restés très bons amis quand, le soir du second jour, nous arrivâmes à Burton. Mais Saint-Barbe n'était pas encore le moins du monde décidé à embrasser notre religion, dans laquelle il persistait à voir toujours trop d'éléments humains. A l'auberge du Dragon vert, je fis à mon tour la connaissance du brasseur Tommy Bulky. Je ne pus m'empêcher de rire en voyant pour la première fois le gros homme, et de redire à mon compagnon le mot du vieux Romain Toius ter es atque rotundus. Tout rond et cylindrique. Tommy ne parut pas autrement offusqué de mon rire. Il demanda seulement à mon compagnon si ce que je venais de dire n'était pas un verset de la Bible, car on l'avait déjà souvent comparé à ce vieux roi d'Amalec que Saùl immola sur l'autel du Seigneur, à Galgala. Saint-Barbe répondit que c'était un mot des auteurs païens, que je connaissais bien mieux que la Bible, mais qu'il n'y avait là rien de mauvais. Le gros homme me regarda de travers et dit quelques mots tout bas à Saint-Barbe. Celui-ci fit un signe de tête affirmatif, sur quoi le brasseur me tendit en riant sa grosse main. Pardon, Monsieur, j'aimerais bien que vous sachiez mieux les sentences de la Bible que celles des vieux païens. Mais puisque vous êtes le médecin de la prisonnière de Chartley, qu'on nous a annoncé ces jours-ci de Londres, je ne veux pas vous prendre de LA FLEUR MERVEILLEUSE DE WOXINDON IO7 pointe. Car, voyez-vous, c'est moi qui fournis la bière à la prisonnière et à toute sa maison, et de la bière, Monsieur, comme on n'en boit pas de pareille dans toute la chrétienté; de la bière qui vaut mieux que toutes les potions imaginables des médecins du monde entier. Croyez-moi, Monsieur, c'est la pure vérité. Du reste, je dois encore vous dire une chose, c'est que je suis un partisan du pur Evangile, et que je ne crois rien quand on ne peut pas me le prouver par un bon texte de la Bible. — Dans ce cas, prenez garde, maître brasseur, répliquai-je en riant, je crains bien que vous ne puissiez pas trouver dans la Bible un seul texte recommandant de boire de la bière. Au contraire, c'est le vin qui a la préférence, puisque saint Paul recommande à son disciple Timothée d'en boire un peu à cause de la faiblesse de son estomac Modico vino utere propter stomachum. — En effet, Monsieur, il n'est pas question de la bière dans l'Écriture, et à vous dire vrai, c'est la plus grave objection que j'aie entendue de ma vie contre le pur Evangile. J'en parlerai encore à notre prédicateur, le Révérend Ezechiel Bitterstone. » En achevant ces mots, il donna un grand coup sur la table ; puis se ravisant aussitôt, il reprit Malgré tout, voyez-vous, je ne crains pas de dire que si saint Paul avait connu notre bière, il n'aurait pas manqué de la recommander à Timothée, plutôt que le vin, et quand je dis notre bière,, vous me comprenez, c'est la bière de Buston, la mienne, Monsieur. » On rit et l'on se sépara bons amis. R. P. SPILMANN. A suivre. AUTOUR DU MONDE Le voyage de M. Delcassé à Saint-Pétersbourg a-t-il dépouillé notre ministre des affaires étrangères de son anglomanie que d'aucuns disent incurable? Rien ne le prouve et certaines paroles, des démarches et des actes sembleraient même établir le contraire. Les optimistes malgré tout, ces hommes toujours intimement heureux parce que, bien pourvus, ils nient le malheur ; ces braves gens, quand on va leur dire que Delcassé abat des noix, haussent les épaules et doucement murmurent Vous n'y êtes pas. Delcassé ! mais regardez-le donc et dites-nous dans un instant, après un examen sommaire, si cet homme lumineux n'est pas le phare de la diplomatie universelle ? Cela, un ami obstiné de l'Angleterre, quand la fortune change et quand la débâcle est proche ? Décidément, pauvre homme, vous n'y êtes plus! —Cependant. — Cependant quoi? quand nous disons, nous, que vous n'y êtes pas! » Et très satisfaits d'eux-mêmes, les oracles se retirent. Estimez-vous heureux que, pour vous assommer davantage, ils n'aient pas ajouté Delcassé! caudataire des Anglais! mais il en est la terreur ! Ah ! je vous entends objecter Singulière terreur qu'inspire ce complaisant qui, après tant de bluff, de provocations gratuites et de menaces outrageantes, après Fachoda enfin, est encore le président de l'entente cordiale ! — Qu'est-ce que cela prouve? se seraiton contenté de vous répondre ! A moitié convaincu vous-même et remémorant des faits récents, vous arrivez presque à cesser de douter. Vous songez que Delcassé a vu le tsar, que cette relation tout inattendue l'a charmé et grisé; qu'il a vu aussi des grands-ducs, frayé avec les hauts dignitaires de l'empire! En conversant amicalement avec le comte de Mouraview, Delcassé crut avoir réellement entrevu l'envers des cieux. Ambitieux, il en veut voir maintenant l'autre côté. AUTOUR DU MONDE IO9 L'ambition aidant donc l'amitié, Delcassé selon vous sera fidèle à l'allié de Dieu... Comme preuve, vous rappellez-vous les toasts pleins de cordialité échangés à Saint-Pétersbourg, et dans lesquels M. Delcassé affirmait que l'alliance franco-russe se resserrait de plus en plus et ne pouvait avec le temps que gagner sans cesse en confiante cordialité. Ces paroles aimables, ces toasts chaleureux me font penser à l'arche sainte qui contenait les tables où a été gravée l'alliance conclue entre Dieu et Israël. David dansait ferme et chantait fort, mais c'est l'âne de Balaam qui aux yeux du peuple glorifiait réellement le Seigneur, parce que, stupide à souhait, il donnait du relief à la vérité qu'il proclamait lorsqu'il ne pensait qu'à... braire. Ainsi Delcassé devant l'arche de l'alliance franco-russe... Ne croyez pas que j'exagère. Si Delcassé avait eu une notion exacte des devoirs qui incombent à un patriote français, à l'allié sincère de la Russie, est-ce qu'après Fachoda, alors que, au cours d'une alerte poignante l'opinion publique chez nous avait obtenu l'armement de nos côtes, la mise en défense de nos colonies, l'envoi de troupes sur tous les points de notre domaine où l'animosité et la rapine pouvaient pousser notre implacable ennemie, est-ce que le lendemain d'une menace de guerre aussi inique que l'agression dont souffre l'Orange et le Transvaal, cet étrange ministre des affaires étrangères se serait replongé dans une incurie fatale à l'honneur, aux intérêts de la France? dans cette incurie coupable, faite d'autant de stupidité que de complaisances, dans laquelle l'Angleterre puise son insolence et sa sécurité? Est-ce que les renforts envoyés en Algérie et en Tunisie eussent été rappelés en France, d'où il faut aujourd'hui les réexpédier? Est-ce que les travaux de Bizerte eussent été ralentis, et l'armement des points d'appui de notre flotte laissé à l'état de projet ? Est-ce que Madagascar serait encore à la merci d'un coup de main, et nos intérêts en Chine mis en échec jusques aux portes même de Laos et du Tonkin? Aurions-nous enfin assisté à cet inénarrable spectacle M. Lockroy, ancien ministre de la marine, demande 500 millions, partie pour la réfection et l'augmentation de nos escadres, partie pour la mise en état de défense de notre littoral et pour l'armement des points d'appui de notre flotte. La commission spéciale, frappée par l'exposé des motifs et convaincue de la nécessité urgente des mesures proposées, vota le crédit des 500 millions à l'unanimité. Alors surgit M. Delcassé 500 millions, dit-il, pourquoi faire? Et il les refuse, ayant autre chose à proposer. Il avait MO REVUE DU MONDE CATHOLIQUE sans doute à consulter l'Angleterre, à apprendre d'elle quelles mesures défensives pouvait adopter la France sans éveiller les susceptibilités de la Grande-Bretagne ! On dira après cela que Delcassé est un patriote ; qu'il est, de plus, un "ami sincère de la Russie, notre puissante alliée il n'en est rien; à Saint-Pétersbourg on le sait, et la patience qu'on témoigne à Péterhof repose uniquement sur la situation précaire du cabinet français actuel. Le tsar sait que le peuple français sympathise avec le peuple russe et qu'aucune défaillance gouvernementale chez nous ne prévaudrait contre l'alliance cordiale qui lie le sort de deux nobles nations également éprises de justice, d'honneur et de sage liberté.. Il faut donc regretter que l'angoissante Affaire Dreyfus soit arrivée à diviser les esprits chez nous, jusqu'au point de rendre possible au Quai d'Orsay un ministre ignare, sympathisant avec les pires ennemis de la France ; à la Rue Royale un de Lanessan sectaire, qui a compromis la défense de nos côtes, la sécurité de nos colonies, et qui voudrait en outre repartir sur plusieurs exercices les crédits que les plus autorisés, les plus clairvoyants proposent d'appliquer à l'achèvement rapide des navires en construction dans nos chantiers, comme s'il avait à donner ainsi à l'Angleterre des gages des sentiments d'abnégation et d'effacement qu'il impose à la vaillante marine française; il faut regretter encore que, pour le même motif, un Galliffet haineux et rageur puisse désorganiser notre armée, décourager ses chefs, désaffectionner, qui pis est, le soldat de la discipline et du noble idéal qu'entretient dans le coeur de la jeunesse la vue suggestive du drapeau glorieux ; il faut regretter, en un mot, que les politiciens sans conscience et les ploutocrates sans patrie guident la France héroïque dans les sentiers tortueux où sombrent aisément les instincts et l'honneur d'une race, comme aussi la sécurité d'une patrie. Croyez-le bien, ce n'est que sous l'irrésistible pression de l'opinion, alarmée par les menaces persistantes de l'Angleterre, par ses projets avoués contre nos colonies, que le ministère français se décide enfin à tenter quelque chose pour compléter la défense de nos côtes et de nos possessions lointaines. Il a mis fin brusquement au voyage d'agrément commandé à l'amiral Fournier en Orient. Il faut croire qu'on s'est rendu compte à la Rue Royale, un peu tard nécessairement, que l'étrange concentration des escadres anglaises à Gibraltar justifiait la concentration des forces françaises AUTOUR DU MONDE II I à Toulon ; on a pensé que les desseins inavoués que laissait transpirer cette concentration anglaise imposaient des mesures préservatrices, même dans l'Atlantique, et l'on a réuni en toute hâte l'escadre du Nord dans le port de Brest pour compléter son armement, pour remplir les soutes en vue des pires éventualités. On a prescrit, en outre, d'activer les travaux des chantiers, et l'on se hâte de diriger sur l'Algérie et la Tunisie, sur Madagascar, des troupes et du matériel de guerre. De grands travaux sont de plus entrepris dans les ports du Havre, de Cherbourg, de Bizerte et d'Oran pour en faire des refuges accessibles aux plus forts cuirassés; la défense de la Corse sera enfin assurée par la création d'un régiment nouveau et l'organisation de cadres capables d'utiliser les réserves et les volontaires de cette île qui pourrait être isolée •de la France et livrée à elle-même. La Chambre a voté deux douzièmes provisoires pour n'en point perdre la mauvaise habitude. Jugeant ensuite inutile, vu le temps déjà perdu et l'impossibilité d'aboutir avant la fin de l'année dans l'examen du budget de 1900, elle a sollicité un congé anticipé que le gouvernement n'eut garde de lui refuser. Par la même occasion, et pour mettre à profit l'impatience qu'on avait autour de lui de regagner ses foyers, Waldeck-Rousseau a revendiqué pour lui seul la responsabilité du procès pendant devant la Haute Cour. Il avoua même, et sans façon, qu'il ne s'agissait là ni de réprimer un complot ni de poursuivre des délits avérés, mais simplement de répondre aux défis des nationalistes ! Depuis quand donc la Haute Cour a-t-elle charge et mission de réprimer les défis qu'un parti politique peut jeter à un autre? Les Invalides du Luxembourg trouveront peut-être, et avec raison, que ce service de plongeurs de la vaisselle ministérielle est répugnante; que la Constitution, du reste, leur donne dans l'Etat un rôle plus relevé à tenir, et qu'il leur importe peu de défendre les parias de la politique interlope contre le flot montant du mépris public. Jusqu'ici cependant il semblerait qu'ils sont moins fiers que cela et que les petits profits de la complicité ne les rebutent pas. . Tous les témoins ont été entendus, toutes les preuves, .bonnes et mauvaises, authentiques et fabriquées, ont été produites, et désormais il est établi jusqu'à l'évidence qu'il n'y a jamais eu entente entre les partis politiques incriminés et que, par suite, de complot il n'en existe pas ! D'où il résulte que la Haute Cour, ayant . été réunie pour connaître d'un formidable complot contre les insti- I 12 REVUE DU MONDE CATHOLIQUE tutions publiques, devrait reconnaître l'inanité de l'accusation, acquitter les accusés en leur offrant des excuses légitimes et une indemnité équitable... demander aussi au gouvernement dans quel but il l'a couverte de ridicule en se moquant d'elle. Ils préféreront condamner parce qu'ils sont, avant tout, avant même d'être des juges, des hommes de parti, des politiciens militants, prévenus, haineux, trop satisfaits de tenir à leur discrétion un adversaire courageux, qui les méprise voilà le crime ! Déroulède, quoique terrassé par les privations, les intempéries et par un mal implacable, s'arracha de sa couche et se traîna jusqu'à l'audience. M. Marcel Habert, député de Versailles, réfugié à l'étranger, venait de rentrer en France pour reprendre sa place à côté de son ami, pour souffrir la persécution injuste avec lui. Malgré l'immunité parlementaire qui le couvrait, M. Marcel Habert fut arrêté et incarcéré le 19 décembre. M. Déroulède voulait, en personne, plaider la cause de son ami, protester contre la haine féroce qui s'acharnait après lui. Messieurs, dit-il à ses juges, je tiens à revendiquer, dans le retour de mon ami Marcel Habert, la part qui me revient. Marcel Habert est parti à ma prière, parce que je considérais qu'il était inutile de nous asseoir tous les deux sur les mêmes bancs, pour être tous les deux certainement condamnés. Mais Marcel Habert m'a vu malade. Bien que je l'aie rassuré en vain par mes lettres, il s'est dit Aucun de nous ne pourrait prendre la défense de notre cause devant vous. 11 a vu, par les articles de M' 110 Gyp et de mon ami François Coppée, que l'on s'en inquiétait ; il savait que je ne pouvais occuper ma place ici ; il a voulu défendre devant vous la République du peuple, pour et par le peuple, il a voulu attaquer à son tour, comme moi, la République du Parlement au profit du Parlement. Lorsque j'ai su qu'il était arrivé, dès hier, je voulais prendre place ici, non pas pour discuter son droit de combattre à mon côté, mais pour le remercier publiquement de ce qu'il avait fait. Il paraît qu'on veut délibérer pour savoir si l'on doit nous disjoindre après que nous nous sommes rejoints je ne puis le croire. Les avocats plaideront le droit qu'ont deux complices, qui marchent côte à côte et coeur à coeur depuis trois ans, d'être jugés ensemble. Je ne sais pas ce que répondra l'esprit judiciaire du Sénat. Je veux croire qu'il y a parmi vous assez de solidarité, de sentiment humain et que vous ne me séparerez pas de mon camarade de combat, de mon camarade de condamnation. Si j'avais fait plus tôt l'effort que je fais aujourd'hui, il ne serait pas là. Ne lui faites pas payer l'inquiétude qu'il a éprouvée pour son ami. Il est venu pour remplir un devoir rendez-le à la justice qui va le condamner. Ne vous attardez par sur ce point de droit discutable. Il ne viendra pas pour vous faire perdre votre temps. Il vient pour servir sa cause au milieu de vous, frappez-le, mais au moins jugez-le ! » Le président. — Voici, messieurs, la requête qui m'est transmise par Me Chenu, au nom de Marcel Habert AUTOUR DU MONDE IIJ Le requérant a l'honneur, messieurs, de vous exposer qu'à la date du 10 décembre présent mois, l'ordonnance portant qu'il serait tenu de se représenter dans les dix jours, a été régulièrement affichée et publiée ; Qu'à la date du 19 décembre, et par conséquent dans ledit délai, le requérant s'est présenté à la Haute-Cour pour déférer au voeu de ladite ordonnance; qu'il a été le même jour appréhendé et incarcéré ; Qu'il a été régulièrement interpellé d'avoir à se présenter à l'audience pour y être jugé, tant par ladite ordonnance que par l'arrêt de renvoi et l'acte d'accusation ; Qu'en conséquence, il doit être conduit à l'audience pour y être jugé en même temps que les autres accusés ; Il requiert donc qu'il vous plaise, messieurs, dire qu'il sera conduit à l'audience, et que sa cause sera jointe à celle des autres accusés pour être sur le tout statué par un seul et même arrêt. Et ce sera justice. » Malgré ce droit évident et les arguments péremptoires de la défense, la Haute-Cour déclara disjoindre la cause des deux amis. En même temps la Chambre déclarait suspendue l'immunité parlementaire en ce qui concerne M. Marcel Habert. Ce qui donne la mesure de l'iniquité dont sont capables deux assemblées délibérantes subjuguées parla crainte et le parti-pris. Outré par des violations incessantes de la loi toujours renouvelées et par le débordement de l'esprit sectaire chez des juges qui affectaient de n'être en la circonstance que des exécuteurs aux gages du gouvernement, Déroulède rentre en scène frémissant de colère Déroulède. — En venant ici, j'avais fait pour Marcel Habert un effort pénible. Après ce qui vient d'être dit, et n'ayant aucun doute, d'une part, sur l'obéissance de la magistrature assise aux ordres du gouvernement... Le président. — Monsieur Déroulède, je vous arrête... Déroulède. — Je suis déjà arrêté ! Le président. — Vous venez d'adresser un outrage à la juridiction devant laquelle vous comparaissez, à la magistrature.. Déroulède. — A l'une et à l'autre; à celle-ci et à celle-là. Le président. —Je donne la parole à M. le Procureur général. Déroulède. —J'ajoute, Monsieur le Président... Le président. —Je vous retire la parole. Vous avez prononcé des paroles outrageantes pour la Cour. Déroulède. — Je tiens à les répéter... Le président. — Vous n'avez rien à dire! Déroulède.—"i M s i "' p Revue Financière Les Boers sont des sectaires sincères et loyaux dont l'erreur, aux yeux du théologien, paraîtra transitoirement invincible. Us sont justes et braves, et comme Israël avant la prévarication, ils aiment et ils craignent le Seigneur, ils espèrent en lui. Cela vaut mieux que d'être, comme l'Anglais jingoë et autre, sectaire uniquement pour le prompt placement d'une pacotille, fût-elle biblique. Or donc, l'Anglais, comme le citoyen romain, se sentant riche, se croyait invincible, et il ne se gênait pas, par amour de la tradition, d'envier le bien du pauvre et de vouloir l'accaparer en passant. Le pauvre, c'était le Boer, et le chemin que parcourait ce bandit légendaire qui rôde sur les grands chemins du continent, qui écume les mers, passait par le cap de Bonne-Espérance. Le bon espoir reposait évidemment sur le voisinage des mines d'or et des mines de diamant*, enfin il y avait par là, pour l'Anglais cupide, de la bonne espérance. L'Angleterre, la grande Angleterre, déclare la guerre au petit Transvaal ; 400 millions d'hommes contre habitants rustiques, isolés, méconnus, et, pour cause de faiblesse notoire, abandonnés à leur pénible sort. L'Angleterre songé à une promenade militaire de Bloemfontein à Pretoria 3 elle prépare plutôt les violons que les canons, et elle se met en route. Le Transvaal, qui ne veut ni chant ni danse, mais qui voudrait raisonner uniquement, prépare des flûtes à sa façon. On en écouta les premiers accords à Giencoë, à Elangslaate, à Mafeking, à Kimberley, à Ladysmith, à Nicolson' neck ; la contre-danse se poursuivit à Belmont, à Grasspan, à Modder-River, à Maggersfontein ; d'autre part, à Stormberg et à Colenso; enfin, pour le pirate universel, il n'était plus, après vingt échecs sanglants, question de penser à Majouba-Hill, mais uniquement de se sauver la face dans une épouvantable mésaventure où ses meilleurs calculs trahissaient son attente, mettant en jeu sa fortune séculaire. En un mot, la scie triomphait de la baleine ; et malgré les suprêmes efforts et la mobilisation des réserves dernières, l'issue de la lutte est ajournée, en tous cas reste douteuse. Et tout ce remue-ménage dans le Sud-Africain nécessite des dépenses lourdes, imprévues. Or, ces dépenses nécessitées par l'entretien d'énormes effectifs, par des transports insolites et des approvisionnements onéreux, coïncident avec la suspension des 30 à 40 millions d'or des mines du Transvaal, avec les retraits qu'occasionne l'humeur nomade des nationaux britanniques à cette saison, avec les exigences du commerce d'importation britannique. D'où disette d'or en Angleterre et nécessité de l'élévation du taux d'escompte de la Banque d'Angleterre. D'où pour l'Angleterre crise commerciale, crise financière, crise politique et militaire. Les Anglais qui, ayant escompté les victoires anglaises et considéré prématurément les valeurs minières. du Transvaal comme des valeurs britanniques, REVUE FINANCIÈRE 125 s'étaient gavés de mines d'or jusqu'à l'étranglement, n'ont pu attendre le triomphe ; il a fallu rendre les achats, comme on rend l'âme, avec déchirement! d'où crise des mines d'or et faillites nombreuses à Londres. On aurait pu se réjouir sans réserve de la débâcle britannique si la solidarité des marchés financiers n'avait été un fait inévitable. Londres fléchissant, Paris baisse, et Berlin, et Francfort, et Bruxelles. Pour éviter le drainage de notre or, la Banque de France a dû porter son escompte de 3 1/2 0/0 à 4 1/2 0/0 et ses avances sur titres de 4 à 5 0/0. Ces taux d'emprunt et d'escompte élevés alors que la rente et les obligations ne rapportent guère que 3 h. ^ 1/2 0/0, découragent la spéculation et la ralentissent, d'où crise à la Bourse et déjà crise commerciale, et voilà comment, à Paris même, le monde des affaires, très content de voir rincer l'Angleterre, pâtit de ses mésaventures... par contre-coup, passager certainement. La Banque d'Angleterre attend son salut, comme en 1890, de l'intervention de la Banque de France et de la Russie ; mais aujourd'hui, ni la France ni la Russie n'interviendront pour encourager les pirates qui opèrent sur les confins du Transvaal. Nous devons aux Boers, sinon des encouragements militaires, du moins l'aide d'une coalition financière qui peut préparer sinon amener la victoire du faible opprimé. 11 n'est pas vrai que la Finance internationale soit sans prévoyance et. sans coeur. Le marché a donc été très mouvementé cette quinzaine. Toutes les banques d'Etat ont élevé le taux de leur escompte à un cours inusité. On cote 3 0/0 99 ; Amortissable, 99,22 531/2 0/0, 101,45 ; Extérieure espagnole, 65,60; Italien, 93,50; Portugais 3 0/0, 23. Les fonds égyptiens sont faibles la Privilégiée, 99,75; VUnifiée, 102,90; la Daïruh-Saniet,-102; le Brésilien, faible à 58,60 ; le Russe j 0/0, 1891, 85,90; 1896, 85,90. Les fonds turcs ont suivi le courant général en arrière Série B, 46; Série C, 25,72; Série D, 25,75; l'Obligation 5 0/0 1896, 491. Banque de France, 4320; Crédit Foncier, 725; Banque de Paris, 1087; Crédit Lyonnais, 997; Société Générale, 599; Crédit Industriel, 627,50; Lfon, 1810; Nord, 2135; Orléans, 1690; Midi, 1340; Est, 980; Ouest, 1074; Sucç, 3520; Messageries maritimes, 550; Chargeurs Réunis, 1205; Transatlantique, 367,50; Omnibus, 1760; Voitures, 574; Gaç de Paris, 1075; Mines d'or les Anglais étant en déroute, on parie pour les Boers; mais les mines baissent en attendant l'issue de la guerre qui s'éloigne dans les brouillards de l'avenir incertain. La Robinsoua. fléchi à 198; la Ferrcira à 472; la Simmer and Jack à 127,50; la Wemmer à 242; la Geldenhuis a monté de 136 à 141 ; la Village main reef réagit à 197 50; la Consolidated main reef à 48; la Rand Mines de 836 à 815; VEasl Rand de 149,50 à 140,50; la société Goerç et Cio de 57 à 56. La Robinson deep a fléchi de 109 à 103 ; la Geldenhuis deep, de 205 à 194; la Mossamedès, de 23 à 2i. La Chartered passe de 79 à 74,25. VHippodrome a été négocié entre 116 et 113. Syndicat des Mines d'Anthracite de Saint-Martin de Belleville et de Montagny {Savoie. — Nous attirons la plus sérieuse attention de nos lecteurs sur le Syndicat des Mines d'Anthracite de Saint-Martin de Belleville et Montagny, et nous' leur recommandons instamment de s'intéresser dans cette excellente affaire qui ©ftre, outre tant d'avantages particuliers, un intérêt national incontestable. Par suite de la résolution prise par le ministre compétent d'accorder à la commune de Saint-Martin, à titre de concession définitive, la légère portion distraite d'un commun accord de l'importante concession demandée parle Syndicat des Mines I2Ô REVUE DU MONDE CATHOLIQUE d'Anthracite de Saint-Martin de Belleville, cette dernière demande a dû être modifiée et réintroduite sods une forme nouvelle, diminuée naturellement de la faible partie cédée à la commune intéressée. M. Adrien Gacon, agissant au nom du Syndicat, a fait sa demande de fouilles, et pour l'appuyer, comme l'annonce Y Avenir des Alpes du 25 écoulé, M. Gacon a déposé une somme de francs entre les mains de Mc Jorioz, notaire, qui en a délivré un reçu ainsi libellé ETUDE DE Mc JORIOZ, NOTAIRE A MOUTIERS SAVOIE. Reçu de M. Gacon Adrien, demeurant à Paris Syndicat des Mines d'Anthracite de Saint-Martin de Belleville, la somme de DIX MILLE FRANCS à verser éventuellement à la commune de Saint-Martin de Belleville. Moutiers, le 17 novembre 1899. Signé M° JORIOZ, notaire. » Ces fonds ont été déposés par M0 Jorioz à la Caisse des dépôts et consignations le 18 novembre 1899, récépissé n° Nous avons vu, ajoute Y Avenir des Alpes, avec le plus vif plaisir M. Gacon renouveler sa demande de permis de fouilles des Mines d'Anthracite de SaintMartin de Belleville. Il est à souhaiter que le conseil municipal de la commune prenne en sérieuse considération cette demande, qui fixera aussi bien les demandeurs que les propriétaires sur la valeur de ces anthracites. Dans l'intérêt du pays, il est à souhaiter que les fouilles confirment la tradition qui indique les gisements de Saint-Martin comme étant d'une richesse exceptionnelle. Cela permettra alors au Syndicat d'apporter des capitaux importants pour la mise en exploitation sérieuse de ces gisements. Le Syndicat de Saint-Martin de Belleville, en attendant la décision qu'il sollicite et dont le résultat ne peut que lui donner satisfaction, a tourné son activité vers le massif de Montagny dont les richesses houillères ne le cèdent en rien à ceux de-Saint-Martin. Nous avons déjà dit les acquisitions que le Syndicat y a faites, les fouilles heureuses qu'il y a opérées ; il vient enfin d'être admis à l'affichage de la demande de concession pour Montagny que voici RÉPUBLIQUE FRANÇAISE PREFECTURE DE LA SAVOIE DEMANDE EN CONCESSION DES MINES D'ANTHRACITE AVIS Par une pétition du 26 août 1899, M. Adrien Gacon, agissant au nom du Syndicat des Mines d'Anthracite de Saint-Martin de Belleville Savoie, dont le siège social est à Châteauroux Indre, 19 bis, avenue de Déols, et dûment autorisé à cet effet, sollicite une concession de mines d'anthracite sur le territoire de la commune de Montagny, arrondissement de Moutiers Savoie. Cette concession sera limitée ainsi qu'il suit Au nord, par une ligne droite allant du point 1, angle ouest d'un pré au Cudrayy appartenant à Clerc Angeline, et cadastré sous le numéro 97 de la mappe ir° partie, au point 2, angle ouest d'une masure, sise à Prachefert, appartenant à Favre Martin, et cadastré sous le numéro 3346 de la mappe montagne. Au nord-est, par une ligne droite joignant ledit point 2 au sommet du clocher •de la chapelle de Morange, et prolongée jusqu'au point 3, sur l'axe du ruisseau de la Roche. REVUE FINANCIERE I 27 Au sud-est, par l'axe dudit ruisseau depuis le point 3 jusqu'au point 3 bis, sur le bord nord du chemin vicinal numéro 3 des Vignes. Au sud, par le bord nord dudit chemin, depuis ledit point 3 bis jusqu'au point 4, angle ouest d'une vigne à Champ-Long, appartenant à Thomas Martin, et cadastrée sous le numéro de la mappe 6e partie^. Au sud-ouest, par une ligne droite joignant ledit point 4 au point 5, angle ouest d'une grange, sise à la Thuile, appartenant à Eynard-Machet Jean-Baptiste, et cadastrée sous le numéro 8241 de la mappe 2e partie. Au nord-ouest, par une ligne droite joignant ledit point 3 au point 1 de départ. Lesdites limites renfermant une étendue superficielle de 5 kilomètres carrés 1 hectare. Le pétitionnaire offre aux propriétaires des terrains compris dans la concession demandée une redevance tréfoncière annuelle de sept centimes et demi par hectare. Il s'engage à livrer à 1 fr. 25 les 100 kilogrammes, sur le carreau de la mine, le charbon nécessaire au chauffage des écoles et de la mairie de Montagny. Il s'engage à livrer à 1 franc les 100 kilogrammes, sur le carreau de la mine, le charbon nécessaire aux habitants de Montagny, pour leurs usages personnels. Il s'engage en outre à verser, pour terminer la route de Montagny à Moutiers, une redevance de dix mille francs fr.. A la demande est annexé un plan en triple expédition et sur une échelle de dix millimètres pour cent mètres de la concession sollicitée. Ladite demande porte sur le même périmètre que celle de MM. Duras, EynardMachet, Léger et Chapuis, affichée en vertu d'un arrêté préfectoral du 13 mai 1899. ARRÊTÉ Le Préfet de la Savoie, Vu la loi du 21 avril 1810, modifiée par la loi du 27 juillet 1880, Arrête Le présent avis sera affiché pendant deux mois, du 12 novembre 1899 au 12 janvier 1900, à Montagny, à Moutiers et à Chambéry. Il sera, pendanr la durée de l'enquête légale, inséré deux fois, et à 1 mois d'intervalle, dans les journaux du département et dans le Journal officiel. 11 sera en outre adressé au Préfet de l'Indre, qui est prié de le faire également afficher pendant le même délai à Châtcauroux, où est situé le siège de la Sociétédemanderesse. 11 "sera publié dans les communes ci-dessus désignées, devant la porte de la maison commune et de l'église, à la diligence des maires, à l'issue de l'office, un jour de dimanche, au moins une fois par mois, pendant la durée des affiches. La pétition et les plans sont déposés à la préfecture, où le public pourra en prendre connaissance en vue des oppositions et des demandes en concurrence auxquelles la demande actuelle pourrait donner lieu. Chambéry, le 30 octobre 1899. Le Préfet, A. DU GROSRIEZ. On sait que l'anthracite est, de tous les charbons de terre, le plus recherché et le plus cher conseillé, sinon exigé par tous les appareils calorifères. Les gise- 128 REVUE DU MONDE CATHOLIQUE ments de Saint-Martin de Montagny commençant en affleurement sur des sommets de montagnes, et la main-d'oeuvre étant bon marché, l'extraction est facile et peu chère. On sait, d'autre part, quelle hausse se produit sur les charbons. Le prix des transports a été évalué avec la plus grande précision. Il ressort un bénéfice net de plus de vingt francs par tonne. Chaque année, il y aura progression considérable dans l'extraction, qui peut atteindre cinquante à soixante mille tonnes par an. Qui connaît l'histoire d'Anzin et des autres principales mines de charbons ne sera point étonné de pareils résultats et ne saurait émettre un doute sur l'avenir d'un pareil titre. Dès la formation du Syndicat, la part a été cédée à ioo francs sans majoration. Nous la proposons maintenant à 102 et ajoutons Nous surveillerons vos intérêts, d'autant mieux et plus efficacement que nous faisons partie du Conseil de surveillance. Pour cette souscription, nous vous donnerons de grandes facililtés, c'est-à-dire si vous n'avez pas de fonds disponibles en ce moment, la faculté de régler le montant de votre achat par des traites acceptées et payables dans trois mois. Nous avons cru vous être agréable et servir vos intérêts en vous mettant à même de saisir au passage cette occasion exceptionnelle. » VOIR AUX ANNONCES. Novo Pavlovlia à partir du 25 écoulé le coupon des obligations de Novo Pavlovka est payable à raison de Banque française d'Emissions l'Assemblée tardivement convoquée pour le 23 décembre n'a pu être tenue faute d'un nombre d'actions suffisant représentées. L'Assemblée est remise au 10 janvier et elle aura à se prononcer sur la fusion de cette banque avec la Banque nationale des Industries, directeur M. E-ardeL Sacs et cornets en papier l'Assemblée générale convoquée pour le 18 décembre n'a pu être tenue faute d'actionnaires représentés. La Société, compromise par les sieurs Le Picard et Péval, ne marche plus. Les actionnaires auront des comptes à demander à ces administrateurs responsables. Le Picard, immédiatement mis en cause, s'est comporté comme Bideldans sa ménagerie il voulait jeter à la porte les actionnaires récalcitrants, d'où lui vient le surnom de Picard la Foire ou Bidel l'Ecorné. Ces violences ne le dispenseront cependant pas de fournir des comptes à qui de droit. Nous engageons les actionnaires lésés de s'unir au besoin pour exercer leurs revendications. Alliance de la Presse; 133. — Ligugé Vienne, — Imp. Saint-Martin. M. Bluté. — 12-99. L'Eglise catholique à la fin du XIX' siècle Nous vivons au milieu de l'Eglise, et nous ne la connaissons pas ! N'est-ce pas, en vérité, ce que peuvent se dire le très grand nombre, je ne dis pas des incroyants et des indifférents, mais des catholiques? Faire connaître l'Eglise dans son organisation, dans sa hiérarchie et dans son administration actuelle voilà donc ce qui a inspiré à un comité de savants prélats et de religieux éminents — de nationalités différentes, pour offrir une image plus sensible de l'Eglise universelle — la pensée d'élever en cette fin de siècle, et en l'honneur de cette même Eglise, un monument durable et digne d'attirer et de retenir l'attention. Pour cela, les éditeurs se sont servis de toutes les ressources de l'art et de tous les procédés d'invention récente pour mettre l'exécution artistique de l'ouvrage à la hauteur de son objet ». Et de fait, merveilleuse — si j'en juge d'après les livraisons déjà reçues — merveilleuse en sera l'illustration, qui comprendra un portrait en couleur du Saint-Père, soixante portraits hors texte, et environ onze cents illustrations intercalées dans le texte. Léon XIII a daigné honorer l'hommage de cette grande publication et a donné sa bénédiction aux éditeurs, aux différents écrivains, auteurs, artistes, et à tous ceux qui y collaborent » Lettre du cardinal Rampolla. Quant aux noms des souscripteurs, ils seront réunis dans un album pour être déposés aux pieds de Sa Sainteté comme hommage et comme témoignage d'universelle vénération. De plus, et pour répondre au voeu du Souverain Pontife, l'ouvrage doit être publié en plusieurs langues. La première édition, en langue allemande, a déjà paru à Vienne. L'édition française a été confiée à la maison Pion, dont la renommée n'est plus à faire. Ceci dit, entrons dans le coeur de l'ouvrage. A la lumière des REVUE DU MONDE CATHOLIQUE 15 JANVIER I9OO 5 130 REVUE DU MONDE CATHOLIQUE premiers fascicules, nous étudierons d'abord le Pontife dont la sereine et verte vieillesse préside à cette fin de siècle. Les fascicules suivants nous fourniront l'occasion de pénétrer dans l'intime de la constitution de l'Eglise. 1, — LÉON XIII 1 Nous sommes au 7 février 1878. Pie IX vient de mourir après une courte agonie. L'émotion fut profonde, alors ! elle fut universelle aussi ! Certes, la Providence avait départi dans une large mesure à Pie IX l'art 'de gagner les coeurs des catholiques de tous les pays. Il sut grouper les peuples dans un rare esprit de concorde autour du Pasteur suprême; mais ni lui ni son Secrétaire d'Etat, Antonelli, ne parvinrent à cultiver et à entretenir avec les gouvernements ces relations amicales dont l'Eglise a besoin de tant de manières pour l'accomplissement de sa mission. Cela tenait sans doute en grande partie aux circonstances générales du temps, aux opinions, aux préjugés,, aux tendances des hommes d'Etat, à l'esprit antichrétien et anticatholique qui dominait les partis arrivés au pouvoir. Le fait n'en est pas moins évident à la fin de son règne, Pie IX ne restait pas moins isolé, abandonné même des gouvernement catholiques et conservateurs et en rupture déclarée avec les autres. » Est-ce pour cela qu'on l'entendait répéter sans cesse dans ses dernières années Il est temps qu'un autre vienne à ma place ! » Mais quel sera cet autre ? et que lourde sera la succession qu'il acceptera ! Rassurons-nous Dieu veille toujours sur son Eglise. Le lundi 18 février, les cardinaux entrèrent en conclave vers les quatre heures de l'après-midi. Le lendemain 19, dès le premier scrutin — le scrutin des politesses, disent les Romains, — le cardinal-camerlingue Pecci recueille vingt-trois voix sur soixante et un votants ; au troisième tour, quarante-quatre voix — c'est-à-dire plus des deux tiers —lui étaient acquises l'élection était faite. L'archevêque de Pérouse s'inclina sous la volonté manifeste de Dieu ; et lorsque le cardinal doyen lui demanda Çhtomodovis vocari? il répondit, pâle, mais d'une voix ferme Léon». A ce nom déjà si grand dans les fastes de l'Eglise, le nouveau Pontife devait 1. Fascicules i à 5. L'ÉGLISE CATHOLIQUE A LA FIN DU XIXe SIÈCLE 131 ajouter un bien vif éclat. Il servit cependant de cible à la malignité Non è Pio, non è Clémente, EÈ Leone senza dente. C'est un lion, mais qui ne mord pas. » La prophétie, dit Msr A. de Waal, s'est vérifiée dans un sens que ne soupçonnait pas celui qui la prononçait. Le règne du lion a été pour l'Eglise et pour le peuple une source d'innombrables bénédictions il a fait du chef actuel du monde catholique l'un des plus grands hommes de notre siècle et qui permet presque d'oublier Pie IX lui-même. Cependant Léon XIII revêt les habits pontificaux, passe à son doigt l'anneau du Pêcheur, reçoit les hommages des cardinaux, — ses égaux tout à l'heure, et tandis que le cardinal Cate ri ni jetait du haut de la loggia extérieure de Saint-Pierre YAnnuntio vobis gaudium magnum; tandis que, de leurs grandioses volées, les cloches de la basilique chantaient aux fidèles qu'ils avaient un nouveau Pape » et les convoquaient sous les-voûtes de Saint-Pierre, le Pape, du haut du balcon intérieur de la loggia, donnait sa première bénédiction pontificale. La scène ne dura qu'un instant; mais elle était poignante, cette première entrevue du Pape et des fidèles. Peu de personnes le connaissaient; mais il représentait Jésus-Christ, et, du coup, la foi et l'amour établissaient un lien incomparable entre le peuple chrétien et le Pontife. » Je n'ai pas à retracer ici la biographie de Léon XIII ; je n'ai pas à le montrer enfant, étudiant, référendaire, nonce en Belgique, archevêque de Pérouse. Le sujet a été traité trop souvent, pour que mes lecteurs en ignorent. Mais à ceux qui seraient tentés de s'étonner du contraste entre l'obscurité relative où avait vécu le Pontife avant sort élévation suprême et la profondeur de ses vues Comme de ses lettres encycliques, qu'il me suffise de citer ces paroles de M. LeroyBeaulieu Le Pontife Romain, dit-il en parlant de Léon XIII, n'a guère fait qu'exécuter ce qu'avait rêvé aux montagnes de FOmbrie l'archevêque-évêque de Pérouse. Mais, au rebours de ce qui se voit d'habitude, l'action du Pontife a été plus hardie et a porté plus loin que les songes de sa jeunesse ou les méditations de sa maturité. A mesure qu'il devenait plus vieux, il a osé davantage, sans jamais pour cela se départir de la prudence de son âge, restant sage et modéré jusqu'en son apparente témérité. C'est que ses audaces ont été le fruit de son expérience. » Et de fait, ajoute Msr de T'Serclas, telle est bien l'impression 132 REVUE DU MONDE CATHOLIQUE que l'on éprouve en comparant les mandements du cardinal Pecci avec les encycliques du Pape Léon XIII. C'est le même fond d'idées, la même préoccupation de montrer dans l'Eglise la mère, la protectrice de tout ce qui est grand, juste et beau, de rendre hommage aux aspirations légitimes de notre époque ; la même sollicitude pour former des générations d'ecclésiastiques vertueux, savants et capables. 11 est vrai que la pensée et l'expression, chez l'évêque, n'ont pas tout à fait l'ampleur, la force, la noble clarté à laquelle parvient le Souverain Pontife. La raison en est, peut-être, que le cardinal écrit en italien, le Pape en latin. Peut-être aussi cette différence tient-elle au changement de situation. La parole d'un Pape a une autre portée que celle d'un évêque; elle emprunte à l'élévation même de celui qui la prononce une majesté, une sérénité particulière. Ce sont les mêmes qualités de fond qu'on retrouve, à quelques années de distance, dans les oeuvres du cardinal Pecci et de Léon XIII, mais, dans ces dernières, elles ont atteint leur point extrême de développement et d'entière maturité. » Une des grandes choses du pontificat de Pie IX, c'est assurément l'essor qu'il sut imprimer à la vie catholique. Sous aucun pape, écrit Ms1'Antoine de Waall, il n'a été établi autant d'évêchés. En beaucoup d'Etats, la hiérarchie a été restaurée ou mieux réglée. Pie IX a approuvé plus de cent nouvelles Congrégations religieuses, qui rivalisent saintement avec les anciens Ordres, qui déploient leur activité dans les missions populaires, les écoles et les hospices. Les associations de tout genre ont fleuri parmi les catholiques et enseigné à leurs membres à mieux connaître et à défendre plus efficacement la religion et l'Eglise. Les évêques de tous les pays ont employé leur saint zèle à créer des institutions et des séminaires destinés à former un clergé pieux et savant. Les découvertes faites dans les catacombes, grâce au généreux concours du Pape, les recherches et les travaux des théologiens et d'écrivains très remarquables ont fait progresser toutes les branches de la science ecclésiastique. L'art ne s'est pas développé avec moins de rapidité architecture, peinture, musique, ont refleuri avec une vie nouvelle. Dans la haute Eglise d'Angleterre s'est dessiné un mouvement de retour vers Rome. En Prusse, les députés du centre se firent une chaire de la tribune aux harangues pour répandre leurs convictions religieuses. Aux Etats-Unis, des couvents et des associations innombrables ont surgi du sol et ranimé la vie catholique dans L'ÉGLISE CATHOLIQUE A LA FIN DU XIXe SIÈCLE 133 toutes les classes de la population. Après les orages de 1848, le plus admirable labeur a rempli les longues années de paix qui ont suivi ; l'humanité, tous les dix ans, a réalisé les progrès d'un siècle entier. Toute cette germination puissante, cet élan intellectuel a spécialement profité à l'Eglise catholique! » s'écriait avec joie Windthorst. De fait, jamais la foi n'a été si forte et si vivante, la piété si profonde et si intime, le dévouement si libéral et si inépuisable. Ainsi le catholicisme était devenu dans presque toutes les nations une puissance avec laquelle les gouvernements les plus hostiles devaient compter le Pape, dépouillé de ses Etats, avait à ses ordres des légions spirituelles de très fidèles champions l'oreille toujours ouverte à sa parole et prêts à tout sacrifier pour lui. A l'avènement de Léon XIII, des esprits craintifs —pusillus grex — purent redouter comme une diminution de cette vie catholique. Leurs appréhensions furent bientôt dissipées. Quatorze jours après son exaltation, en effet, les lettres apostoliques Ex supremo montrèrent que le nouveau Pontife avait à coeur de continuer l'oeuvre commencée par son auguste prédécesseur. Voici d'ailleurs, d'après Msr Daniel, quelques chiffres précis — arrêtés au icr janvier 1897 — qui donneront mieux que toutes les narrations une idée précise de l'accroissement réel de la hiérarchie catholique sous Léon XIII. 2 PATRIARCATS à Goa, Indes orientales; — à Alexandrie, dans la Haute-Egypte. 13 SIÈGES ARCHIÉPISCOPAUX CRÉÉS à Bukarest, en Roumanie; — à Vrhbosna ou Serajevo, en Bosnie; — à Saint-André Edimbourg et à Glasgow, en Ecosse ; à Carthage, en Tunisie ; — à Alexandrie d'Egypte ; — à Tokio, dans le Japon ; — et dans les Indes orientales, à Agra, Bombay, Calcutta, Colombo, Pondichéry, Vérapoly. 16 ÉVÊCHÉS ÉLEVÉS AU RANG D'ARCHEVÊCHÉS Pérouse, en Italie; — Sébaste ou Sivas uni à Tokat, dans la Turquie d'Asie ; — Kingston, Montréal, Ottawa, dans le Canada;—Antequera, Durango, Linares, dans le Mexique; — Chicago, Dubuque et Saint-Paul de Minnesota, dans les Etats-Unis ; —Wellington, dans la NouvelleZélande; — Saint-Sébastien ou Rio de Janeiro, dans le Brésil; —- Adélaïde, Brisbane et Hobart, en Australie. 97 ÉVÊCHÉS FONDÉS, en y comprenant ceux qui furent publiés dans le consistoire du 24 mars 1898 Italie Chiavari ; — Principauté de Monaco Monaco ; — Angleterre Leeds, Portsmouth, Middlesborough; —Ecosse Aberdeen, Argyll, Dunkeld, Galloway ; — Autriche Stanislaow rite ruthène; 134 REVUE DU MONDE CATHOLIQUE — Pologne russe Kielce; — Bosnie Banjaluka; — Herzégovine Mostar ; — Roumanie Jassy ; — Suisse Lugano ; — Brésil Les Amazones, Curtyba, Parahyba, Spirito Santo ; — Mexique Campoche, Chihuahua, Colima, Cuernavaca, Sinaloe, Saltillo, Tabasco, Tehuantepec, Tepic; — Colombie Socorro, Tolima, Tunja; — Canada Alexandrie, Chicoutimi, Nicolet, New-Westminster, Peterborough, Valleyfield; — Etals-Unis Boise-City, Belleville, Cheyenne, Concordia, Saint-Cloud, Dallas, Davenport, Denwert, Duluth, Fargo, Gran-Rapids, Helena, Kansas-City, Lincoln, Manchester, Omaha, Sacramento, Salt-Lake-City, Syracuse, SiouxFalls, Trenton, Tucson, Wichita, Winona; — République Argentine Santa-Fé, Tucuman ; — Uruguay Melo ; — Venezuela Zulia; — Egypte rite copte Thèbes Louqsor, Hermopolis Major ou Minieh; —Arménie Muse; — Indes Orientales Allahabad, Coïmbatour, Dacca, Damas, Golle, Hyderabad, Jaffna, Kandy, Kishnagur, Lahore, Malacca, Mangalore, Mysore, Nagepur, Poona, Quiton, Trichinopoly, Tricomalie, Vizagapatam; —Japon Hacodate, Nagasaki, Osaka ; — Australie Grafton, Port-Auguste, Rockhampton, Sale, Wilcania; Nouvelle-Zélande Christchurch ; Iles Seychelles Port-Victoria. 2 ABBAYES iiullius dioeceseos ; 2 DÉLÉGATIONS APOSTOLIQUES", 46 VICARIATS APOSTOLIQUES; IO PRÉFECTURES APOSTOLIQUES ÉRIGÉES EN VICARIATS", 25 PRÉFECTURES APOSTOLIQUES. C'est-à-dire un total de 213 sièges nouveaux ajoutés par Léon XIII à la hiérarchie de l'Eglise catholique. Mais cette expansion de l'Eglise dans le monde ne suffisait pas au zèle et au coeur du Pontife. Il se souvenait trop qu'il était le vicaire du Christ, du Bon Pasteur, pour ne vouloir pas courir aussi à la recherche des brebis égarées. Dois-je énumérer tout ce qu'il a tenté en faveur de la réunion des Eglises dissidentes ? L'Encyclique Proeclara, du 20 juin 1894, toute de paix et de suavité, qui renferme un appel direct à tous les chefs d'Etat, à tous les princes et peuples de l'univers, et les engage, par la charité de Jésus-Christ, àne former qu'un seul troupeau-, afin d'obéir aux désirs du Rédemp^ teur,, à sa volonté clairement exprimée tandis qu'il vivait en ce monde? La lettre Amantissimoe voluntatis, du 4 avril 1895, qui, avec, une infinie bonté, engageait les Anglais à retourner à l'unité religieuse, seul gage pour eux de paix et de salut ? La lettre Unitatis,, du 11 juin 1895., qui rappelait aux Coptes les liens étroits L'ÉGLISE CATHOLIQUE A LA FIN DU XIXe SIÈCLE. 13 5 qui ont uni l'Eglise d'Alexandrie à l'Eglise Romaine? Enfin l'Encyclique Cognitmn, du 29 juin 1896, qui définit aux dissidents quel genre d'unité Jésus-Christ désire voir régner parmi ses fidèles, et leur prouve que le centre de l'unité voulue de Dieu n'est autre que l'Eglise Romaine dont ils se sont éloignés ? Il nous resterait maintenant à parler de Léon XIII poète; il nous resterait à montrer de quels soins le Pontife glorieusement régnant a entouré les sciences et les arts. Mais ce sont là sujets que la plume des publicistes chrétiens — et même non chrétiens — a trop souvent abordés pour que j'estime suffisant de me borner à cette simple mention. 11 est temps, d'ailleurs, de clore cet article. Mais comment le faire sans dire un mot de l'influence croissante de la Papauté sous Léon XIII, sans montrer comment, à aucune période de l'histoire, l'autorité morale du Saint-Siège n'a été aussi grande que dans le temps présent ». Intelligence vaste et pénétrante, écrit le Père Zocchi, esprit fin et adroit qui devine les susceptibilités de la politique mondaine et en évite les pièges, âme équilibrée, coeur droit, volonté forte et souple à la fois, Léon XIII a prouvé qu'il possédait par-dessus tout la longanimité qui ne se lasse jamais dans la poursuite d'un but et dans l'essai de moyens multiples pour l'atteindre. Et comme la victoire appartient aux patients, il a tout lieu de se réjouir des nombreux succès obtenus, surtout dans l'ordre religieux et moral, depuis le commencement de son glorieux pontificat. En montant sur la chaire de Pierre dans un âge déjà avancé et au milieu de circonstances difficiles, il ne donna aucun signe de découragement, mais employa toutes les qualités précieuses de son intelligence à pacifier le monde en l'éclairant... Tous les chefs d'Etat entretiennent des relations régulières avec le Pape, qui demeure renfermé dans les murs de son palais, mais n'en reçoit pas moins les hommages officiels des ambassadeurs accrédités près de sa cour et les visites solennelles des souverains de passage à Rome. Il traite en souverain avec tous les gouvernements, il écrit des lettres aux empereurs, aux rois, aux présidents de république et reçoit leurs réponses autographes pleines de vénération et de respect. Dans les contestations internationales, n'est-il pas choisi parfois comme arbitre ? Les chefs des plus grandes puissances ne î'invoquent-ils pas comme un allié nécessaire pour brider le socialisme, pour maintenir Tordre intérieur des Etats et la paix des consciences? I36 REVUE DU MONDE CATHOLIQUE Léon XIII est parvenu à conquérir les hommages universels des hautes sphères officielles en renouant des relations amicales même avec les gouvernements qui s'étaient éloignés du SaintSiège, dans les dernières années du règne de son prédécesseur. Mais en même temps il gagnait le coeur des peuples, ainsi qu'en témoignent l'enthousiasme et l'élan indescriptibles qui accompagnent les manifestations dont sa personne sacrée est entourée, comme le fut autrefois le Pape Pie IX, de populaire mémoire. » A suivre. Abbé P. HOURAT. Les Petites Soeurs des Pauvres POÉSIE Qu'il est aimable et doux, ce nom, Petites Soeurs Des Pauvres ! — C'est en vain qu'aux échos de l'Attique, A Socrate, à Platon, sages du monde antique, Et du dogme chrétien timides précurseurs, On va le demander. — Or, en Ille-et-Vilaine Ce nom fut prononcé pour la première fois Par une humble servante... et les flots et la plaine Sur la terre bretonne ont entendu sa voix Qui bientôt s'élançait par delà la frontière, Où l'on prie, où l'on souffre, où l'on verse des pleurs. Entrez dans la maison qui s'ouvre hospitalière A ceux qui de ce monde ont connu les douleurs ; Hommes, femmes, vieillards, sans appui, sans famille, Y vivent dans le calme et la sérénité ; Jusqu'à leur dernier jour sur eux le soleil brille, Soleil dont les rayons s'appellent Charité. — Et qui donc osera dans la modeste enceinte D'un sort impitoyable adoucir les rigueurs, Et sans un sou vaillant remplir la tâche sainte? Qui donc? demandez-vous. Mais les Petites Soeurs LES PETITES SOEURS DES PAUVRES I37 Des Pauvres] — Elles vont, dès l'aube matinale, L'Evangile pour guide et la foi pour soutien, Par l'ardente chaleur ou la bise hivernale, Quêter les vêtements, le pain quotidien, Pour tous ces grands enfants dont elles sont les mères ; Et cela, chaque mois, et cela, chaque jour ! Sur leurs lèvres jamais de paroles amères ; Le Maître leur apprit l'indulgence et l'amour. Et depuis soixante ans, ces anges de la terre, Sous le voile, souvent, dérobant la beauté, De l'abnégation suivent la route austère, La route qui conduit droit à l'éternité. Au sein des fiers palais, au seuil de la chaumière, Facilement, sans doute, elles trouvent accès ; On leur fait bon accueil... Rejeter leur prière, Mais, ce serait forfaire au vieil honneur français! S'il en était encor, dans ce pays de France, Où le coeur bat toujours, vibrant et généreux, Des citoyens imbus d'orgueil, d'intolérance, Insensibles au cri poignant des malheureux, Nous leur dirions Au nom de la loi fraternelle, A nos Petites Soeurs ouvrez à deux battants Votre porte. — Donnez ! songez que sous leur aile Elles ont abrité de pâles combattants, Des vaincus, dont la vie était un long martyre, Qui s'en allaient périr de misère et de faim. Comme un aimant sacré que leur deuil vous attire; Soyez bons, dévoués, soyez hommes enfin. Ah ! si vous pouviez voir, quand la mort implacable Frappe une Soeur, objet de respect et d'amour, Voir ces déshérités que la douleur accable Auprès du lit funèbre, accourir tour à tour, En murmurant bien bas Mère, soyez bénie ! Au séjour des élus, Mère, priez pour nous! Vos yeux se lèveraient, vers la voûte infinie, Vous ne rougiriez pas de tomber à genoux. AMÉDÉE BURION. Le Pinturicchio au Vatican 1 i La faucille de diamant que la lune avait laissée tomber dans le ciel de Pérouse avait, depuis une semaine, développé l'ampleur de sa lame brillante à couper les blés mûrs dont les derniers épis d'or se tressaient, maintenant, en couronne autour d'elle. Heureux aussi de la gerbe abondante que nous avions glanée autour du berceau même des premiers maîtres ombriens, nous étions reparti sur le chemin de Rome, où un pape, grand tenancier des Alexandre VI et des Jules II dans le domaine impérissable des arts, nous allait inviter à la première» du Pinturicchio, restauré par sa munificence. En descendant les pentes douces de l'Ombrie, par les portières de l'express que les étoiles striaient d'or, nous regardions dans le silence de la nuit s'épanouir, sereine comme une fleur des jardins infinis, cette lune agrandie qui nous prêtait encore sa clarté à travers les campagnes endormies et préludait, par sa splendeur, à la belle fête qui nous attendait au réveil. Le jour allait venir. Des monts Albains, déjà tout ruisselants d'aurore, le soleil, surgissant dans l'air bleu, nous apparut bientôt entre les arches séculaires de l'aqueduc de Claudius, comme s'il fût sorti de son tombeau. Et dans la plaine immense et grise où Rome s'étendait, comme une fleur fanée par une lumière si matinale et si chaude, la lune finissait par tomber blanche et morte, derrière la géante coupole de Saint-Pierre qui se dressait, sur la Ville éternelle, ainsi qu'un mont sur un mont. — Roma, signori !... Roma ! Si ferma !... C'était la halte à la station finale. Quelques heures plus tard, nous étions de retour au Vatican, et, profitant de la faveur de pénétrer dans les chambres Borgia avant le jour officiel de l'inaui. l'inaui. Gli Affreschi del Pinturicchio nell' Appartemento Borgia. Commentaire de Fr. Ehrle et H. Stevenson ; Rome, Danesi, édit. LE PINTURICCHIO AU VATICAN 139 guration, nous prenions, sur l'appartement, notes et photographies qui nous serviraient plus tard de commentaire. Pour une première vue d'ensemble sur les Borgia et leur cour, nous nous sommes trop attardé peut-être autour de l'oeuvre de leur peintre et à la porte de leurs chambres qu'il importe de visiter. Ici, l'abondance des documents sera telle que nous nous bornerons à l'énumération des salles et à leurs trésors artistiques, et que nous réserverons pour la suite de notre étude les impressions esthétiques et les trouvailles d'histoire qui nous attendent là', à chaque pas, à chaque figure peinte, à chaque portrait découvert. Et d'abord, dès la porte d'entrée de l'appartement, notre oeil découvre sur une même ligne droite les quatre premières chambres. Pour pénétrer dans les deux dernières, il nous faudra gravir quelques marches et tourner de quelques mètres vers* la droite où la tour Borgia, qui commence là, s'y cantonne en carré de château-fort. La première salle, appelée la Salle des Pontifes, servait de vestibule ou à'anticamera à la maison du pape. C'est à la seconde que commençaient les appartements particuliers du pontife. On les appelait, pour cet office, les camere segrete, et on en comptait trois qui se commandaient l'une à l'autre et que, d'après les fresques peintes dans chacune d'elles, on appelait la Salle des Mystères, la Salle des Saints et la Salle des Arts Libéraux. Par celle-ci, dans le fond, on accédait à une chambre de recul, qui servait à Alexandre VI de chambre à coucher, où il mourut. Les deux dernières salles, qui se prolongent dans la tour Borgia et qui portent les noms de Salle du Credo et de Salle des Sibylles, servirent apparemment, avec deux autres pièces qu'on trouve encore dans la tour, aux familles du pape et à ses gardes-nobles. De ces huit pièces, on n'en a retenu que six où les beaux-arts ont laissé trace de leur passage, à des degrés différents. La Salle des Pontifes, par où l'appartement débute, ne mesure pas moins de 220 mètres carrés de superficie. Cette pièce, la plus vaste, est aussi celle qui a souffert les plus injurieux assauts du temps. Les meilleurs feux de garde que les soldats du connétable de Bourbon allumèrent dans Rome, pendant un siège mémorable, ne semblèrent pas avoir trouvé de place plus appropriée qu'en cette salle. Les premières peintures de la voûte, que la tradition veut attribuer à Giotto, se ressentirent de la fumée des bivouacs, au point d'en être entièrement obscurcies. La même tradition veut que le Pinturicchio y ait repeint une Histoire des Papes ; mais les couches énormes du salpêtre qui en a dévoré les sujets, peints i. 140 REVUE DU MONDE CATHOLIQUE jadis dans l'or et l'azur, n'en laissent subsister aujourd'hui que les inscriptions des lunettes supérieures. Ainsi peut-on savoir, par ces devises, qu'à tel endroit de ces frises, remplacées aujourd'hui par des tapisseries, l'artiste avait représenté le sacre de Charlemagne par Léon III, en l'an 800 ; qu'à tel autre il avait brossé les murs du Borgo que Léon VI éleva autour de la Cité Léonine, après la défaite des Sarrasins. La partie la mieux conservée est la voûte que, dans la suite, Léon X confia aux pinceaux de Perin del Vaga et de Jean d'Udine. Ces deux maîtres de la peinture d'ornement et des grottesche y ont laissé, dans une infinité de petits cadres clairs, un amalgame anodin des signes du zodiaque aussi peu mouvementés que l'était le système planétaire avant les découvertes de Galilée. Au centre de la voûte, quatre victoires aptères essayent de s'envoler, avec un essor lourd qui ne vaut pas en mouvement celui du cygne au col goulu, ou du bélier capricolant au voisinage. Cette salle, de toutes la plus étendue, que les grottesques » de la voûte ne suffisent pas à rendre intéressante, ne nous arrêterait guère si le carrelage éblouissant, en majoliques renouvelées de l'antique, ne nous signalait ici, avec le nom de M. Giovanni Tesorone, celui du restaurateur le plus digne d'éloges pour une trouvaille d'art à peu près inespérée et un succès qui, de salle en salle, ira s'affirmant davantage. Ici c'est dans une prairie émaillée de pâquerettes blanches, de pimpons d'or et d'herbes tendres, que vous marchez; et rien n'est plus agréable à voir que ces printanières couleurs, inondées de la lumière éblouissante qui tombe de ces voûtes solaires sur ce tapis transparent de clarté où, comme dans les limbes peints à la palette de Virgile, va pousser l'asphodèle. Seul un classique et un imaginatif mêlé, de la complexité du maître Tesorone, pouvait raviver ces couleurs aux fours éteints et à jamais perdus, croyait-on, des Cosmas et des trois Robbia. La céramique moderne apprend aujourd'hui le nom d'un trouvère nouveau, émule et rival des maîtres anciens en cet art elle ne l'oubliera pas. Les tapis de verdure que nous frôlions dans la première Salle des Pontifes s'arrête brusquement au seuil de la salle suivante, comme ferait un pré au bord d'un lac. Ici les tons brunissent; le tendre vert devient un bleu profond. N'entrons-nous pas dans la Salle des Mystères où tout doit s'éteindre et se taire, pour ne voir et n'écouter que d'incomparables fresques? Dans cette salle, la plus complète peut-être, le Pinturicchio inaugure une épopée chrétienne qu'il nous raconte en huit sujets. C'est la Vierge naissant, blanche LE PINTURICCHIO AU VATICAN I41 comme le lis de Jessé que chanta le prophète et que, sous l'escalier, chante le choeur des fileuses filant, sur leurs quenouilles, le manteau qu'ont les lis et dont Salomon n'a pas eu le pareil. — C'est l'Annonciation avec l'Ange et la Vierge se mirant face à face encore dans un lis, le plus fidèle miroir de leur beauté. — C'est la Nativité du Christ, l'enfant engendré de ce lis et la première fleur de divinité que l'humanité fit éclore. — Ce sont les rois qui viennent reconnaître le Maître, entre le boeuf et l'âne, à la souveraine douceur d'un enfant ; et, dans le groupe des monarques pieux, nous ne sommes pas loin de reconnaître, à son bonnet original et aux fleurs de lis qui le couronnent, le roi de France, Louis XI, en personne. — Et puis, c'est la Résurrection,, avec le pape Alexandre à genoux, comme les vrais grands de ce monde, devant le Christ qui échappe aux ignominies de la terre et qui instruit son Vicaire en lui montrant comme on s'élève parfois sur les tombeaux. — Et puis, l'Ascension; et puis, l'Assomption; encore et encore des survivances glorieuses que le pape Borgia regarde, les mains jointes et peut-être aussi blanches de crimes que de carnation, le visage radieux et serein, comme il convient à ceux qui relèvent d'un autre tribunal que de celui des hommes... Dans cette chambre où de si grandes fresques devaient tenir tant de place, on n'introduisit probablement jamais aucun meuble ; et ce sont des buffets peints sur les murailles qui en constituent encore l'ornement rare et sévère. La troisième pièce est la Salle des Saints. Sacrifiant aux faiblesses d'un père trop indulgent peut-être pour ses enfants, le peintre d'Alexandre VI semble avoir accumulé sous cette voûte les plus riches trésors de son art. La fresque principale est celle dont Lucrèce Borgia compose, à elle seule, le charme incomparable sous le symbole de sainte Catherine comparaissant devant l'empereur Maxence pour se justifier. Et ce charme n'est fait que de douceur, comme cette beauté fragile n'est faite que de grâce enfantine. Quand donc cette frivole libellule prendra-t-elle corps, et quand l'enfant qui comparaît devant nous sera-t-il cette femme que l'histoire a citée à sa barre sous des traits monstrueux que son peintre fidèle, l'incorruptible Pinturicchio, lui refusa obstinément? D'autres portraits l'environnent, et nous reconnaissons sans peine son accusateur qui serait mieux son accusé, sous les traits de César Borgia usurpant sans pudeur le siège de Maxence et. posant à la prévenue des questions auxquelles seul il peut répondre. Où est Gaspard de Procida?... Où est Sforza de Pesaro?... Où est Alphonse d'Aragon?... Le sait-il, lui, qui n'ignore pas où est le duc de Gandie, 142 REVUE DU MONDE CATHOLIQUE où sont les invités du bal funèbre de Sinagaglia? Elle, innocente, compte sur ses trois premiers doigts le nom des trois infortunés maris qui ne fixèrent pas son triste sort. Peut-être le quatrième consolidera-t-il l'anneau tremblant qui danse aux doigts de la victime, avec une goutte de sang en rubis que cet anneau avait serti déjà, trois fois, autour de son chaton funeste... Et l'assemblée silencieuse attend la sentence du juge indigne, avec une mélancolie que ne surpasse pas celle du prince Djem si haut dans sa tristesse, sur ce cheval du désert qui n'emportera plus son maître là-bas, loin de ces hontes, au pur soleil de la liberté. On veut se soustraire à ces impressions navrantes, se détacher de cette fresque accusatrice pour regarder celles qui l'accompagnent, dans la même salle la visite de saint Antoine abbé à saint Paul ermite, le martyre de saint Sébastien, celui de sainte Barbara, autant d'idylles dont la touchante piété n'a d'égale que la grâce naïve avec laquelle l'artiste les exprima. L'oeil fasciné revient encore et surtout à Catherine la Sainte, qui, se confiant à l'avenir, attend en paix la sentence que les calomniateurs de Lucrèce, silencieuse et accusée, rendront un jour aux partisans de Lucrèce entendue et reconnue innocente. Le théologien pieux de la salle précédente se présente, dans celleci, en historien troublant ; et la plume saura bientôt peut-être rendre au pinceau du premier avocat de Lucrèce l'hommage qui lui sied. Après avoir jeté un coup d'oeil ravi sur la décoration des parois qu'Alexandre VI avait confiées au Pérugin et que Léon XIII a fait revivre sous l'habile pinceau du maître Fringuelli, après avoir encore remarqué, dans cette Salle des Saints, les boiseries qui les entourent et que le pape Sixte IV avait commandées pour sa bibliothèque au sculpteur Jean des Dolci, nous passons dans la salle dite des Arts Libéraux. La cheminée du milieu, due au dessin de Sansovino et au ciseau de Simone Mosca, est, sans doute, un des plus purs morceaux que laissa en marbres de ce genre le XVIe siècle. Mais, là encore, que regarder après les peintures symboliques des sciences où le théologien et l'historien que fut précédemment Pinturicchio se métamorphose en poète de l'idéal, aux crôatiuiis sans rivales? Sous ces ogives aux courbes adorables, où le boeuf des Borgia promène de frise en frise sa corpulence et sa majesté, l'artiste a suspendu pour l'éternelle admiration des âges les créations les plus divines de la réalité matérielle. C'est Y Arithmétique portant, avec une tristesse inénarrable, la table des chiffres par lesquels les jours de l'homme et la fragilité des choses con- LE PINTURICCHIO' AU VATICAN ï%$ tingêntes sont comptés. C'est la Géométrie jouant du triangle, comme d'un éventail; et sa grâce est si parfaite que Bramante, facilement reconnaissable à la calvitie précoce de son front, brise de désespoir son lourd compas aux pieds de son invincible souveraine. C'est la Musique préludant, avec son violon, au concert qu'ordonnent autour d'elle, jusqu'à leur dernier souffle harmonieux, ses insatiables amants, Et combien d'autres créations idéales par lesquelles le Trivium et le Quadrivium des Sciences abstraites auront trouvé, dans ces fresques indescriptibles, leur plus inénarrable expression ! Et le concert de ces grâces savantes finit avec la Rhétorique, une beauté .plus fascinante que ses autres compagnes et qui, voulant personnifier ironiquement Yorê fotondo de l'éloquence cicérohienne, tient d'une main une boule au bout d'un fil, et dé l'autre une épée qui tranchera ce fil, tôt ou tard, comme l'exemple le plus typique de la plus magnifique vanité de ce monde. La leçon est instructive, et nous la retiendrons. Aussi bien, qu'aurions-nous à voir encore, dans la Salle du Credo et dans la Salle des Sybilles où le Pinturicchio n'a pas accompagné Benedetto Buonfigli, à qui il confia l'exécution de ses dessins ? Le maître n'avait-il pas assez travaillé pour l'immortalité, dans les salles précédentes, et le repos si mérité n'allait-il pas fermer en croix ses deux bras sur. son coeur et arrêter sa vie, à l'heure où d'autres comptent sur la leur pour de longs jours encore et pour l'oeuvre qui restera ? La sienne devait finir en moins de cinquante-neuf ans, et une vie si courte n'aurait rien à envier aux plus longues. Le dernier Pontife du Moyen-Age lui avait livré ses chambres pontificales et ses trésors souverains, pour y faire naître et y doter la Renaissance, Cette vraie fille dont le pape Borgia était vraiment le père. La plus fastueuse des cours avait posé devant l'artiste, pour les portraits les plus inconnaissables de femmes adorables et d'hommes magnifiques. A la suite des princes et des rois que ce prince heureux avait comptés à son service, Machiavel arrêtait la*plume qui écrirait plus tard Du Prince, et Bramante le compas qui mesurerait San Pietro; et, perdues dans la foule, les autres célébrités du temps qui faisaient à l'artiste son cortège de modèles. Jusqu'à Raphaël même qui, quelques années plus tard, montant aux Chambres de Jules II, s'arrêtera dans les Chambrés d'Alexandre VI et emportera du Pinturicchio une impression si souveraine que, sans y prendre garde, les créations de l'un serviront de copie aux créations de l'autre. Regardez lé Bramante de 144 REVUE DU MONDE CATHOLIQUE Y École d'Athènes et le Bramante de la fresque des Arts Libéraux, et niez que le Pinturicchio fut l'inspirateur de Raphaël... II Par l'escalier à cordonato où les mules des cardinaux montaient jadis à l'aise chez le Pape, et où le cheval blanc du prince Djem promena tant de fois et avec une si noble élégance son prisonnier mélancolique, nous étions descendus, midi sonnant, dans les soubassements de l'appartement Borgia. Dans une vaste salle, qui avait dû servir de corps de garde aux soldats de la maison pontificale et où les armes d'Alexandre VI régnent encore en clef de voûte, le jour entrait par une meurtrière béante ; et le soleil s'étalait gaiement sur la longueur de deux mètres de table qu'on avait disposée, pour nous, dans l'épaisseur des deux mètres de muraille massive où cette meurtrière s'ouvrait. — Vous êtes dans la tour des Borgia, sous l'appartement que vous venez de visiter. Et vous allez partager le repas des maîtres et des ouvriers, dans cette espèce de restaurant improvisé, sous le chantier auquel nous avons donné le nom pittoresque de Grottino. Là, sans façon, asseyez-vous à notre petit déjeuner ! Le galant homme de qui vient une invitation si cordiale n'est autre que le professeur Tesorone lui-même. Il veut que notre visite à YAppartamento qu'il repave soit terminée ici par un cordial déjeuner. C'est dans cet imposant sous-sol des gardes-ducorps des Borgia que, entre le %abaglione et le caffè, le distingué directeur de l'Institut technique de Naples veut nous faire encore part de quelques souvenirs personnels et nous permettre de terminer, comme nous avions commencé, dans l'intimité même du Pape Léon XIII, cette initiation à la vie et à l'oeuvre de Pinturicchio que nous entreprendrons de raconter dans les pages suivantes, sous les auspices d'un grand Pontife à qui un grand peintre doit sa résurrection inespérée et sa souveraine restauration. C'était un dimanche, le 4 juillet 1895. Les cinq heures d'aprèsmidi venaient de sonner à l'horloge de la cour Saint-Damase. Les salles Borgia, où était suspendu pour un jour le travail qui n'y chômait guère depuis plusieurs années déjà, étaient, tant bien que mal, préparées à recevoir la visite du Pape. On venait d'ouvrir les portes. Encore que, çà et là, traînassent les pièces à conviction des peintres, des maçons, des menuisiers, des marbriers, néan- m LE PINTURICCHIO AU VATICAN M5 moins ces chambres historiques semblaient ressusciter tout à coup à la vie et au cérémonial des Pontifes Romains, après quatre siècles de mort. A travers les vitraux blancs des larges fenêtres de marbre qui donnent sur la vaste cour du Belvédère et d'où, jadis, tombaient les tapisseries d'or pour Alexandre VI et sa suite qui venaient s'y accouder pour assister de là aux carrousels brillants et aux joutes fastueuses, on sentait flotter alentour la tiède ondulation d'une après-midi d'été. Au loin, Rome se reposait, lasse et sans voix. Des hauteurs du Vatican, un silence majestueux et presque lourd tombait sur ces murs séculaires. Telle l'ombre du soir, sur les montagnes. Nous étions quelques-uns seulement, dans les salles Borgia, à attendre l'arrivée du Pontife Monseigneur le majordome Délia Volpe, le comte Vespignani, les commandeurs Seitz et Galli, les professeurs Sneider et Fringuelli. A cinq heures un quart, on signale l'arrivée de la Cour. Presque aussitôt, nous entendîmes les pas cadencés des gardes-suisses se profilant dans le lointain des premières Loges de Jean d'Udine. Ils avançaient de front, par quatre, la hallebarde au flanc, le casque à panache blanc en tête. Derrière eux venaient les gardes-nobles, au port princier. Et puis les familiers, au mantelet rouge et damasquiné aux armes du Pontife, au justaucorps de velours rouge et frappé aux mêmes armes, aux culottes gonflantes et se fermant au genou sur des bas rouges aux soies éblouissantes. Ils portaient à six la chaise du Souverain, à pas cadencés, comme en retenant le souffle. D'autres gardes-nobles et d'autres gardes-suisses fermaient ce court et imposant cortège, avec le scintillement de leurs sabres au clair, de leurs casques d'acier et de leurs jugulaires d'or. Toute la suite ayant pénétré dans la première Salle des Pontifes, la lourde porte d'entrée se ferma et le Vatican retomba dans son majestueux silence. Face à nous, les nobles et les suisses se développèrent de front et présentèrent les armes, tandis que les ' familiers déposaient doucement à terre la portantine tapissée de soie rouge et passementée d'or dans laquelle était assis, tout blanc et toujours bénissant, le grand vieillard. Le majordome s'avança vers la chaise à porteurs, et deux prélats en manteau violet firent une inclination à la garde papale, qui rompit les rangs. Alors Léon XIII apparut, souriant dans l'ivoriale blancheur de son visage où les yeux, vifs étonnamment, rivalisaient en éclat avec les diamants de la croix pectorale constellant la blancheur de la soutane immaculée. Il promena un long regard per- 146 REVUE DU MONDE CATHOLIQUE çant autour dés salles et dit, encore assis dans sa chaise à porteurs et en accompagnant ses paroles graves et lentes avec le geste large qu'on lui sait — Nous voici donc dans ces chambres célèbres que Nous voulions voir revenir à leur ancienne splendeur. Il souleva ses mains longues et presque diaphanes de blancheur. Par petits coups tremblants mais vigoureux, il plaça sur son nez les lorgnons d'or. Alors, il releva toute sa personne d'un mouvement plein d'énergie et, évitant comme par distraction le bras que lui offrait son majordome, il vint vers nous, d'un pas ferme et résolu. J'avais fait placer mes essais de carrelage dans la quatrième salle, appelée la salle des Arts Libéraux. Il fallait donc, pour les voir, que Léon XIII parcourût l'appartement Borgia presque en entier. Passant de chambre en chambre et offrant bienveillamment sa main aux artistes, à ses chers artistes », comme il les appelait et qui s'inclinaient devant lui, il voulut bien me reconnaître dans le nombre. Se retournant vers moi, sans attendre que monseigneur le majordome eût le temps de me présenter au Pontife — Ah! vous êtes là?... me dit-il, pendant que je posais mes lèvres sur la grosse émeraude, sertie de diamants, qui constellait son anneau pastoral et dont sa main si maigre paraissait alourdie. Vous êtes là, Tesorone ! Je viens ici voir vos essais de carrelage, et vous savez que je les attendais avec impatience. Vous, Vespignani — continua-t-il, — et vous, Seitz, les avez-vous déjà vus ? Que vous en semble ? Sont-ils dignes de l'entreprise ? Cependant le Pape arrivait à la seconde salle, arrêtant son regard sur les voûtes superbes et sur les parois où un pinceau savant avait cherché à raviver les vieilles fresques éteintes; il parut se courber de fatigue sur le côté droit. Cependant, refusant encore tout appui, il continua l'examen des peintures, à petits pas tout au plus comptés; ici, louant les retouches ; là, glorifiant l'oeuvre magnifique de Pinturicchio — Ce serait pour le Saint-Siège une honte, dit-il, que de voir plus longtemps abandonnées ces Chambres, qui rivalisent en beauté avec celles de Raphaël. Quiconque cultive les arts, quiconque est amateur du beau, prendra plus tard rendez-vous dans ces salles, comme dans une école. Et l'étranger aura encore à admirer le faîte où atteignirent les premiers maîtres de notre art italien ! ajouta-t-il avec un fin sourire. Nous faisions cercle autour de lui. De mon bras, je frôlais sa LE PINTURICCHIO AU VATICAN 147 soutane. Chemin faisant, nous évoquions les oeuvres laissées par Pinturicchio, à Sienne, à Spello, à Rome même où la Sixtine, Y Ara Cceli et Sainte-Marie-du-Peuple en conservent ; mais elles sont toutes dépassées par celles des Borgia, pour l'harmonie décorative des parties et de l'ensemble. Ainsi devisant, nous étions arrivés à la quatrième salle. On avait disposé, devant mes essais de carrelage, un grand fauteuil aux hautes boiseries dorées, tapissé de -velours rouge. Le Pape s'y assit et regarda d'un trait la voûte, les parois et les majoliques des pavés, comme pour en surprendre l'égale harmonie des couleurs répondant, par l'uniformité des tons, à l'unité de l'ensemble. De mon côté, sur son auguste personne et sur son entourage, je complétais l'étude de ces mêmes couleurs que ces salles devaient faire chanter en une si parfaite harmonie. Sous ces voûtes sévères, où le bleu avait pris la valeur vitrée et éteinte d'un antique collier phénicien, où le vert s'était diapré, où s'était bronzée la dorure, la blanche soutane du Pape jetait une note à la fois douce et vive, qu'accentuaient davantage le rouge intense du manteau dont il était revêtu et l'or rayonnant des joyaux qui le paraient. Faites chanter encore sur cette gamme, en accompagnement, le bariolage des gardes-suisses audacieusement costumés par Raphaël, et le scintillement des autres armes et des autres costumes dont la Maison Pontificale est habillée. Et vous aurez la raison de la sobriété des fresques répondant à la richesse des soutanes, et réalisant vraiment dans ces chambres la plus magnifique harmonie dont la blanche personne du Pape est le centre unique et toute la raison. — Cet essai de majoliques me semble définitif, dit-il. Il répond heureusement à la coloration des voûtes. Pourtant la partie du milieu ne serait-elle pas un peu assombrie ? J'osai répondre que ces petits losanges étaient semblables aux anciens que nous avions pu retrouver dans les chambres. Ces derniers figuraient, encastrés dans la muraille, pour servir précisément de campioni ou de. point de repaire à la comparaison. Léon XIII eut, sur ses épaules, comme un soubresaut de légère impatience — Ce n'est pas là une raison suffisante pour me persuader. Je crois plutôt que ce sont les voûtes qui doivent expliquer les tons rembrunis du carrelage des pavés, tant elles se sont obscurcies avec les siècles. L'important est que l'harmonie résulte, aujourd'hui comme autrefois, de l'ensemble. Il continua à observer telle chose et telle autre, et à discuter pied à pied nos réponses. Je ne dissimulerai pas l'étonnement que je 148 REVUE DU MONDE CATHOLIQUE ressentais, à voir cet auguste vieillard pénétrer les raisons techniques d'un art si spécial que celui des carrelages anciens peut le paraître ; et cela, avec une perspicacité d'esprit qui permet à Léon XIII de s'improviser maître en tel sujet qui lui plaît et qui serait étranger pourtant aux pensées ordinaires de sa vie. — Et maintenant, reprit-il en se tournant vers moi, à quand la reprise des travaux? De vous, je demande encore plus qu'un effort de volonté. Je demande, oserai-je le dire ?... Eh bien ! oui, un prodige ! ajouta-t-il en souriant. Comprenez la raison qui m'oblige à vous parler ainsi. Je voudrais avoir la grande joie de voir accomplie cette restauration des salles Borgia, avant que ma vie ne s'arrête. Et, loin de se troubler, donnant plutôt à ses paroles une expression de béatitude et d'aimable résignation, comme s'il eût voulu corriger ainsi la tristesse qui avait tout à coup saisi son entourage attentif, il ajouta — La fin du jour, ahimè ! n'est maintenant guère lointaine ! Un silence profond accueillit ces paroles, traduisant ainsi l'émotion de toute l'assistance. Le grand vieillard reprit haleine et continua — Je ne voudrais pas qu'il m'arrivât une infortune pareille à celle de mon prédécesseur, le pape Alexandre Ottoboni, qui désira, de tout son coeur, voir achevé le palais qu'il érigeait aux Fiano, et qui mourut avant que la bâtisse en fût finie. Allons, courage ! remettez-vous vivement au travail. Dans trois mois, n'est-ce pas? vous aurez achevé le carrelage de cette salle. — Oui, Saint-Père, je ferai tout ce qui dépendra de moi pour obéir aux ordres de Votre Sainteté ! répondis-je, non sans me rendre compte de la gravité d'un tel engagement. — Et pour quand, le carrelage de la grande salle d'entrée ? Certainement, pour le milieu de l'année prochaine ? Je fis signe de la tête, sans mot dire ; car ces paroles marquaient une telle force de volonté, qu'elles ne permettaient pas la moindre hésitation. — Et pour la fin de l'année tout le reste, n'est-ce pas ? Prenez bien garde que je prends acte de votre engagement. . Cela dit, il quitta résolument le fauteuil pour terminer l'inspection, avec la visite des deux dernières salles situées dans la tour Borgia, au-dessus même du Grottino, où je vous raconte ces souvenirs inoubliables, pour moi et pour ceux qui furent les témoins. Je m'attarderais trop à vous raconter par le menu cette visite aux salles Borgia, qui dura plus d'une heure et dont les moindres LE PINTURICCHIO AU VATICAN 149 détails restent présents à ma mémoire. Parlant tantôt à son majordome, tantôt à l'architecte Verpignani, tantôt au professeur Seitz, Léon XIII ne cessait de recommander à tous la plus grande activité pour la prompte exécution des travaux. Avec une étonnante précision des choses et des dates, il rappelait, chemin faisant, le passé de ces chambres et leur oubli injustifié, depuis le pontificat de Jules II jusqu'à celui de Pie VIL Le pape Chiaramonti avait eu, enfin, l'idée de le convertir en musée de peinture, pour y recevoir les tableaux pris par Bonaparte et restitués par Louis XVIII. Et puis survint leur malheureuse conversion en décharge de bibliothèque où les volumes, grimpant aux murs, avaient fini par atteindre aux voûtes. Ce fut en 1884 que, soucieux de rendre aux fresques de Pinturicchio la splendeur qui leur était bien due, le pape Pecci ordonna le désencombrement des salles et confia l'étude des travaux de restauration complète à une commission, qui conclut à une immédiate mise en train. J'ai rarement constaté chez les vieillards une mémoire aussi rapide et aussi sûre que celle dont use Léon XIII. Elle touche parfois jusqu'à l'invraisemblance. A propos de ces carrelages renouvelés des anciens et des essais de majolique ombrienne que je venais d'entreprendre au Cambio de Pérouse en même temps qu'au Vatican, le Pape vint à parler de ce pays aussi cher à son coeur que le pays natal. Il me guidait bien mieux que je n'aurais su le faire moi-même, et nous cheminions par la pensée à travers cette Ombrie idéale, à laquelle la Nature et les Arts à la fois ont si divinement souri. J'en vins à nommer Deruta, un village assez éloigné de Pérouse, là-bas, dans la campagne, du côté de Todi. Jadis, ce hameau fut célèbre pour ses majoliques aux reflets d'or , et le sol où surgirent de si magnifiques fabriques en conserve encore des restes précieux. Je parlai d'un vieux paysan de ce village, un certain Carloni, qui occupe ses dernières années à recueillir et à collectionner, en autant de fragments qu'il trouve, ces carrelages primitifs — Deruta ! fit le Pape avec un accent d'inexprimable tendresse. Le beau pays, où je suis allé me reposer tant de fois !... Eh ! ditesmoi, Carloni vit-il encore ? — Le vieux Carloni dont je parle, répondis-je, ne peut être celui dont Votre Sainteté se ressouvient. C'est un pauvre paysan... — ... Qui a mon âge ! ajouta Léon XIII. Oui, oui, c'est bien notre même Carloni. Je le vois encore homme jeune, au travail, dans les champs où je le rencontrais. Je me rappelle encore l'endroit où s'élevait sa maison. 150 REVUE DU MONDE CATHOLIQUE Et Léon XIII se plut à me la dépeindre dans le pittoresque charmant du pays ombrien dont l'idéale vision poursuivait manifestement l'auguste Souverain dans ce Vatican clos d'où il ne sortirait, sans doute, jamais plus. Vers six heures trois quarts, le Pape, suspendant sa visite, revint s'asseoir dans la chaise à porteurs, que flanquaient de droite et de gauche les gardes-nobles et les gardes-suisses. Visiblement, il était satisfait. N'emportait-il pas, avec nos promesses, l'espoir d'inaugurer, — lui, pape Léon XIII, — les chambres du pape Alexandre VI? Et cet appartement historique ne serait-il pas élevé, sous le protectorat d'un Pecci, à la dignité de monument pontifical? La portantine se releva doucement, précédée et suivie de son familial cortège. Je les regardais s'en-aller sous les arceaux fuyants, dans la lointaine perspective des Loges bramantesques ; et cependant, dans mon imagination, à larges traits, se profilaient les grandes figures de Julien de La Rovère, de Léon Médicis, de Paul Farnèse, au temps où les Arts furent rois et où les Papes se firent leurs serviteurs les plus fidèles... Sur ce dernier tableau, la conversation de Tesorone, mon précieux introducteur, s'arrêta, cependant que, par la géante meurtrière du Grottino où notre table était dressée dans la tour Borgia, je regardais vers la pleine lumière du dehors. De cette vieille tour flanquant l'ancienne construction de Nicolas V comme une inébranlable forteresse, je voyais se développer les énormes arceaux sur lesquels le lourd balcon des chambres Borgia est assis. Sur la même longueur, au deuxième étage, se développaient les festons plus légers, plus élégants peut-être, des chambres de Raphaël. C'était donc là que, d'un étage à l'autre, la gloire avait convié, pour les siècles, deux amis, deux rivaux." Pinturicchio et Raphaël ainsi retenus chez les Papes, l'un au premier, l'autre au deuxième, n'étaient pas près de déserter de longtemps, avec leurs incomparables génies, cet asile inviolable de la plus enviable immortalité. Et, sinon la gloire, du moins la justice ne préparait-elle pas une intronisation nouvelle au Vatican, après quatre cents ans d'un bannissement peut-être immérité, en la personne du plus merveilleux initiateur de la Renaissance des arts et de la politique modernes, sans qui Pinturicchio eût été une ombre et Machiavel un fantôme, ce pape Borgia Lenzuoli, qui eût également épuisé tout l'or de la nouvelle Amérique sur la magique palette de son peintre et, sur l'échiquier branlant de la vieille Europe, la séculaire patience des anciens papes unie à la moderne diplomatie des pontifes de la Rome nouvelle ? LE PINTURICCHIO AU VATICAN I 5 I III Pour cette première » du 8 mars 1897, midi sonnant, YAnticamera pontificale n'avait lancé que les invitations d'office aux cardinaux résidents, aux ambassadeurs accrédités, aux officiers et aux familiers de la maison papale, aux artistes collaborateurs de Sa Sainteté Léon XIII pour la restauration de YAppartamento Borgia, qui était enfin prêt et qu'on allait ouvrir à l'admiration du siècle. Malgré la réserve imposée à cette fête des beaux-arts dans un palais qui ne célèbre que les fêtes du culte, une insolite animation régnait au Vatican depuis les premières heures de cette matinée où un grand pape allait recommander son nom à la reconnaissance des âges. Au portail de bronze, la consigne avait doublé le poste des gardes-suisses dont la tenue, tri-partie noire, rouge et jaune, mettait une première note d'éclat et de gaieté à cette fête des arts. La gendarmerie pontificale stationnait à la cour Saint-Damase, le colback aux grands poils noirs et à l'aigrette rouge bridée de cordelière blanche, la tunique noire à collet et à manchettes de buffleteries blanches, passementée de brandebourgs blancs se rattachant, sur un côté, à l'épaulette blanche et, sur l'autre, au ceinturon de la cartouchière dont le large cuir blanc plastronnait en sautoir de haut en bas, sur la poitrine ; la culotte de peau blanche et les bottes vernies complétaient le brillant costume de ces gardes, sabre au poing, dontla taille et l'allure rivalisaient avec celles des plusbeaux hommes de Rome. Les plus distingués, qui joignaient à la majesté de la stature l'élégance des manières, étaient les gardes-nobles, en tuniques rouges ou noires galonnéees d'or ou d'argent, selon le grade, en culottes blanches collant aux hanches dégagées et aux bottes éperonnées d'acier, l'eline d'argent mi-drapé de noir à la dragonne d'or, à l'aigrette blanche et rouge, à la crinière flottante ils tenaient, sabre au clair, la garde d'honneur dans les appartements pontificaux. Autour de la portantine de gala, à capitons rouges et en bois dorés, se disposaient les six sédiaires de service en jabot blanc, gilet rouge, bas et escarpins rouges, veste flottante, culotte courte à velours frappé de rouge sur soie rouge, en gants blancs. Les cardinaux, en mantelette paonnée et en simple tenue de ville, arrivaient l'un après l'autre, accompagnés chacun de son majordome en longue redingote noire, passementée de noir et ouvrant sur le gilet noir, la culotte noire, les bas noirs, les souliers noirs à boucles d'or. Le service des introductions était fait I52 REVUE DU MONDE CATHOLIQUE par les camériers d'honneur, en cape de velours noir s'agrafant de travers, en fraise blanche et toque noire à boucle d'or, en tunique à jupe noire dont les plis flottaient sur la culotte courte, les bas noirs et les souliers découverts. L'antichambre des invités était précisément celle de l'appartement Borgia, dans la partie où celui-ci tourne et longe les Loges de Jean d'Udine, au voisinage de la chapelle Sixtine, à laquelle ces deux pièces, admirablement décorées par Louis XIV de tapisseries d'Arras et des Gobelins, sert de vestiaire auxEminences depuis le siècle du grand roi. — Sua Eccellen^a, corne sta?... De cardinal à ambassadeur et de prélat participant à officier de la maison du pape, on se présente ses hommages dans un demisilence où les soies des manteaux font plus de bruit que les voix des maîtres et n'empêchent pas d'entendre sonner enfin midi à l'horloge de la cour Saint-Damase. Aussitôt s'ouvrent les portes de la partie des chambres Borgia que leur généreux restaurateur, Léon XIII, s'est proposé d'inaugurer aujourd'hui. Sur les tapis qui étouffent les pas, nous suivons le sillage de pourpre qu'ouvrent les xardinaux et, avec eux, nous pénétrons dans la première salle, dite des Pontifes, où des fauteuils sont disposés en hémicycle, autour de celui qu'occupera le pape sur une petite estrade formant trône} au centre, et sous le buste commémoratif que le sculpteur Ugolini a érigé là. Pendant qu'on découvre le monument voilé, je lis, sur le socle de marbre noir, l'inscription suivante LEO XIII P. M. PAVIMENTUM REFECIT PARIETES EXORNAV1T C'est, en effet, dans une prairie d'asphodèles, de violettes et de myosotis, que nous marchons en cette espèce de vestibule des Champs-Elysées des Beaux-Arts que nous promet le sage; tant ce carrelage de majoliques imitées des anciennes et d'une composition heureuse répond à l'éclat des voûtes peintes en clair par Pierin del Vaga, comme une glace vénitienne aux reflets pâles qui en reproduirait à terre la splendeur. Comme la suite de l'inscription commémorative l'indique, le contour des murailles est tapissé d'authentiques Arrazzi et de vieilles broderies de Flandre, par carrés fort harmonieux qui représentent les scènes de la Bible. Entre ces LE PINTURICCHIO AU VATICAN 153 tapisseries et la voûte où le peintre collaborateur de Raphaël prodigua autour des signes du Zodiaque la richesse de ses arabesques et de ses grotesques follement imagées, une bordure de panoplies de tous les styles orne les frises et fait, de cette salle, une armeria merveilleuse qui place, sur cette matière, le Vatican en rivalité avec les plus intéressantes collections de l'Europe. Je remarque, entre autres, aux deux angles extrêmes de la longue muraille du fond, l'armure fine aux ciselures que Jules II aurait portée sous un rochet de dentelles, pendant le siège de Bologne, et celle du connétable de Bourbon dans laquelle il mourut à la porte Cavallegieri, pendant le sac de Rome dont l'histoire rend responsable ce fils déchu de France et de l'Eglise. Cette armure, lourde de forme, ne porte pour tout enjolivement qu'un creux fait au cuissard par la balle'dont le connétable mourut, soit que cette balle fût celle de l'arquebuse dont se prévaut Benvenuto Cellini dans ses Mémoires^, soit que ce farouche Bourbon n'ait pas voulu d'autre artiste et d'autre trait pour agrémenter son pesant uniforme de guerre. Mais voici que l'officier chargé de la garde de cette salle signifie à haute voix son commandement aux suisses, dont le fer des hallebardes domine l'assistance — Attenti!... Garde à vous !... 1. Comparso di già l'esercito di Borbone aile mura di Roma, il detto Alessandro del Béni mi prcgo che io andassi secoa farli compagnia cosi adammoundi quelli miglior compagni ; e per la via con esso noi si accompagno un giovannetto addomandato Cecchino délia Casa. Giugnemmo aile mura di Campo Santo, e quivi vedemmo quel maraviglioso csercito, che di già facevaogni suo sforzo per entrare. A quel luogo délie mura dove noi ci accostammo, v'era molti giovani morti da que di fuora quivi si combateva a più potere era una nebbia folta quanto immaginar si possa. Io mi volsi a Alessandro e li dissi Ritiriamoci a casa il più presto che sià possibile, perce qui non è un rimedio al mondo; voi vcdete, quelli montano e questi fuggono. » Il ditto Lessandro spaventato disse Cosi volesse Iddio che venu noi non ci fussimo. » E cosi voltossi con grandissima furia per andarsene. Il quale io ripresi dicendogli Da poi che voi mi aveto menato qui, gli è forza fare qualehe atto da uomo. » E volto il mio archibuso dove io vedevo un gruppo di battaglia più folta e più serrata, posi la mira nel mezzo apounto a uno che io vedevo sollevato dagli altri ; per la quai cosa la nebbia non mi lasciava discernere se questo era a cavallo o a piè. Voltomi subitto a Lessandro et a Cecchino, dissi loro che sparassino i loro archibusi ; ed insegnai loro il modo, acciocchè e' nen toccassino una archibusata da que' di fuora. Cosi fatto due volte per uno, io mi affacciai aile mura destramente, e veduto in fra di loro ug tumulto istraordinario, fu che da questi nostri colpi si ammazzo Borbone ; e fu quel primo che io vedevo rilevato dagli altri, per quanto da poi s'intese. Benvenuto Cellini, t. 1, pp. 93-94, edit. ail' Inegna di Dante, Fircnze. 154 REVUE DU MONDE CATHOLIQUE La porte principale, donnant sur les loges, s'ouvre aussitôt aux deux battants; et le soleil, qui entre le premier dans l'appartement Borgia, fait briller éblouissamment les dalles marbrées du passage extérieur d'où la foule est, balayée en un clin d'oeil, comme dans une fantastique avenue du désert où restent seules, entre les arcatures de l'immense baie vitrée, les ombres concentriques que la lumière du jour y dessine comme sur une grande page blanche. Et là-bas, tout au fond, des silhouettes rouges, violettes, blanches, noires, se profilent marchant vers nous. C'est la Maison du Pape qui arrive. Quatre gardes-suisses flanquent en quenouille l'escorte, leur officier au milieu ouvrant la marche, tout de^pourpre vêtu, la canne du commandement à la main. Suivent les deux massiers, en tunique noire à fraise blanche, en mantelette violette, l'épée à poignée d'or au ceinturon, la masse d'argent sur l'épaule, la toque noire à bordure violette les coiffant. Puis viennent les chapelains privés en soutane violette et en aumusse noire sans manches ; les camériers violets et rouges, les gardes-nobles en tenue noire et les exempts-colonels en tenue rouge, l'épée tirée à une main et le fourreau vide à l'autre. Au centre, les sédiaires et la portantine qu'ils portent et qui balancent triomphalement au soleil ses soies rouges, ses bois d'or et ses glaces biseautées où la lumière se joue, comme dans un prisme dansant, dans un arc-en-ciel qui marche. Est-ce le signe gracieux de l'union mystique des arts et de la religion, dont Léon XIII avait si noblement parlé dans son discours du trône l'autre matin? Le voici lui-même, en soutane blanche et manteau rouge ; une clémentine de velours ponceau, bordée d'hermine, le coiffe et semble accentuer la pâleur du visage et la maigreur des traits. La portantine pénètre dans l'appartement et s'arrête devant le fauteuil pontifical où Léon XIII, sur pieds, se dirige en bénissant ses gardes qui lui présentent les armes, un genou en terre, et l'assemblée qui s'incline sur son passage. Tandis que les porteurs se retirent avec la portantine et vont attendre la fin de la cérémonie sur le pas de la porte refermée sur eux, le pape, d'un mouvement qui lui est familier quand il est assis, relève droit et ferme son buste souverain et, s'aidant du lorgnon d'or, inspecte d'un regard ravi la belle ordonnance de la salle. Puis, de sa longue main de marbre où brille le plus bel anneau d'or de sa cassette pontificale, il a fait signe au Comm. Seitz qu'il, lui donne la parole, pour la remise de l'appartement Borgia dont la restauration avait été confiée à cet article. — Santo Padrel... Très Saint-Père!... LE PINTURICCHIO AU VATICAN I 55 D'une voix chaude et parfois éloquente, c'est l'historique de ces chambres et l'exposé des travaux faits en dix années d'un labeur long et difficile, que le sympathique artiste développe en son nom et en celui de ses dévoués collaborateurs, rangés derrière lui. Léon XIII écoute ce discours avec une attention soutenue, non sans laisser parfois ses yeux se promener des voûtes aux murailles, et des murailles aux carrelages du parquet. A ce discours terminé, le pape répond par quelques paroles de remerciement et de satisfaction à l'adresse des maîtres distingués qu'il a appelés à son aide, dans ces salles que le Vatican ouvre aujourd'hui à l'admiration du monde ». Puis, se levant brusquement, il veut visiter chaque chambre. De l'une à l'autre, son cortège le suit en recueillant de sa bouche les impressions qui lui inspirent surtout les fresques des plafonds et la grande oeuvre du Pinturicchio, remise enfin dans le cadre d'honneur qu'elle attendait depuis longtemps. Comme si Léon XIII avait voulu se rappeler la célèbre réminiscence de Pie IX citant au général Kanzler les premiers vers de la Gerusalemme Liberata du Tasse, quand les troupes pontificales, revinrent de Mentana, Canto l'armi pietose e 1' capitan Che il sepolcro libero di Chiisto, l'heureux restaurateur de ces chambres célèbres traduisait ce triomphe nouveau de la Papauté dans les Beaux-Arts qui furent placés de tout temps sous sa tutelle, par ce vers de la Divine Comédie qu'il répéta plusieurs fois, au cours de cette visite Onorate l'altissimo poeta! L'ombra sua torna ch'era dipartita. Et ce n'était pas seulement la mémoire du Pinturicchio qu'évoquait la parole de Léon XIII. C'était,, autour du glorieux vieillard, la phalange entière de la Renaissance qui s'éveillait sous ces voûtes, comme dans son tombeau, et qui faisait à Léon XIII son escorte, avec le souvenir de leur grandeur passée; ne semblaient-elles pas tout à coup renaître, avec leurs portraits mêmes se détachant des fresques et acclamant l'inespéré thaumaturge? Voici d'abord les peintres que Nicolas V avait amenés de Florence, pour commencer à faire fleurir, dans Rome et dans la maison même des papes que Thomas de Sarzano voulait habiter magnifiquement, cette glorieuse Renaissance qui avait déjà germé dans les couvents et dans les palais;de la Toscane. Voici l'Angelico, qui porte dans son nom le 156 REVUE DU MONDE CATHOLIQUE caractère de son idéale palette ; et voici Benozzo Gozzoti, son élève fidèle jusqu'à l'imitation du génie par le génie l'un sort de la chapelle du pape Nicolas, où il a célébré les actes de saint Laurent; l'autre, de la chapelle du Saint-Sacrement, qui n'existe plus que par le souvenir des belles fresques qu'il y exécuta et que Paul III a abattues depuis, pour faire place à la Salle Royale. Leurs élèves les suivent, demandant justice aussi pour les oeuvres perdues qu'ils laissèrent au Vatican ; Buonfigli le naïf, Simone le mystique, Gentile daFabriano et Zanobi Strozzi, Bartolomeo deFoligno et Andréa del Castagno, sur qui pèse encore, injustement peut-être, le meurtre de Domenico Veneziano, qu'il eût assassiné pour garder à lui seul le secret de la peinture à l'huile, trouvée et révélée, dit-on, par ce joueur de guitare à ce joueur de stylet. Qu'en saura-t-on jamais? En attendant, l'épitaphe suivante de Saint-Marie-la-Neuve ne pèset-elle pas trop cruellement, encore aujourd'hui, sur ces deux malheureuses mémoires ? Castaneo Andreae mensura incognita nulla, Atque color nullus, linea nulla fuit. Invidia exorsit fuitque proclivis ad iram ; Domitium sic hinc Venetum sustulit insidiis, Domitium illustrem picturoe. Turpat acutum Sic soepe ingenium vis inimica mali. Le stylet meurtrier de l'assassin réel du Veneziano servit, sans doute, à graver ces mauvais vers sur la tombe du Castagno, qui attend encore son vengeur. Comme l'on aime mieux lire sur la tombe de l'Angelico de Fiésole ces deux distiques, dictés par Nicolas V lui-même, à la mémoire de celui qu'il avait voulu faire évêque et qui préféra rester peintre Non mihi sit laudi, quod eram velut Apeîles, Sed quod lucra tuis omnia, Christe, dabam Altéra nam terris opéra exstant, altéra caelo. Urbs me Joannem flos tulit Erutria3. Et puis voici la phalange des Ombriens, moins divins et plus naturels, moins grandioses et plus harmonieux que les magnifiques Toscans. C'est le sobre Piero délia Francesca, dont le pinceau fut une toise et la palette un volume de géométrie; ce même Traité des Proportions que le maître écrivit et que signa, en le publiant, un élève. Et la mémoire de ce juste ne devait-elle pas éprouver un plus irréparable outrage, avec le vandalisme qu'osa commettre Jules II, LE PINTURICCHIO AU VATICAN I 57 ce barbare sublime, sur les fresques que Piero avait peintes à la place où figurent depuis la Délivrance de saint Pierre et le Miracle de Bolsène? Raphaël, le coupable, substitua ainsi son oeuvre, non sans avoir relevé les portraits historiques de Spinola, de Bessarion, de Fortebraccio, de Colonna, de Vittellesco, de Charles VIII, dont étaient illustrées les fresques premières de Piero et dont s'enrichirent les cartons de Jules Romain, qui les transmit à Paul Jove !... C'est encore l'élève glorieux d'un tel bon maître, le non moins correct mais plus élégant Luca Signorelli, à qui il fut donné de venger la victime des chambres de Jules II, en attachant leurs deux noms inséparablement unis par le même dessin serré qui les caractérise, dans la chapelle de Sixte IV. C'est ce même rang de gloire qu'y partagèrent également Ghirlandajo, Botticelli, Roselli, Pérugin et Pinturicchio. Et voici, à leur tour, ces deux derniers amants de la même grâce idéale, dont le premier fut tout au plus l'aîné, et le second l'émule, sans que ni l'un ni l'autre n'aient pu emprunter à leur misérable famille un nom valable. L'injustice le remplaça par un sobriquet devant lequel, depuis, les fronts les plus hauts se découvrent. Le Pérugin, non plus, ne voulut pas risquer contre l'ingratitude de la postérité son immortelle mémoire, et, dans le Camhio qu'il avait choisi pour son tombeau impérissable, il eut bien soin d'inscrire sous son portrait ce pauvre nom d'un montagnard qui traverserait les âges, avec la légende suivante Petrus Peruginus, egregius pictor; Perdita si fuerat, pingendo hic retulit artem ; Si nunquam inventa esset, hactenus ipse dédit. Restait aussi au Pinturicchio à relever, à son heure, l'insulte du sobriquet de barbouilleur » que des contemporains jaloux lui avaient infligée. Le doux Bernardino Betti avait-il, de son vivant, porté d'autre qualificatif que cette appellation bouffonne? En avaitil. été épargné même par le plus ardent de ses premiers imitateurs, ce Sanzio Raphaël du premier poil dont Pérugin avait été le maître et dont Pinturicchio, malgré la différence de l'âge et par respect pour le génie qu'il découvrit en ce jeune homme, n'avait accepté que l'amitié? Lequel des deux y avait-il falli? Etait-ce Pinturicchio, se complaisant à répéter dans ses fresques le portrait idéal de Raphaël? Etait-ce Raphaël, acceptant sans y contredire l'honneur d'avoir tracé, à la Libreria de Sienne, des cartons prodigieux pour lesquels un maître si expérimenté n'eut, certes, pas besoin d'un si habile élève, —trop habile peut-être, et peut-être pas assez franc pour démentir à temps I58 REVUE DU MONDE CATHOLIQUE l'odieuse légende qui plane encore, à Pérouse, sur un de ces cartons? C'est la cinquième fresque qu'expose le palais Baldeschi à la curiosité des visiteurs. L'heure de la réparation devait venir. Cette heure a attendu quatre cents ans pour sonner; et c'est un pape qui s'en fait le sonneur, aujourd'hui, dans ce même Vatican où la grande mémoire de Raphaël pesait peut-être injustement sur celle de l'ami qui l'aima tant! Aujourd'hui, dans cette même aile du palais à deux étages que le pape Nicolas V édifia pour un duel fameux qu'il n'aurait pu prévoir, le pape Léon XIII ouvre toutes grandes les portes et s'en vient, conviant le monde des beaux-arts et de la critique au spectacle de haute lice qu'y engagent deux champions redoutables, deux maîtres peut-être également calomniés et également immortels? Une dernière réparation s'imposait à l'histoire, dans ces chambres célèbres où le pape Borgia vécut. Et le voici aussi lui-même, au milieu de sa famille nombreuse, aussi sacrifiée que celle du vieux roi dont Homère et Virgile ont chanté les malheurs. Comme le vieux Priam à genoux devant l'aveugle fatalité qui vouait aux enfers la race maudite des Dardanides, l'inconsolable père d'un autre Hector tend vers un autre Achille ses mains jointes et ses supplications. Du haut de la fresque imposante où le pape Alexandre règne encore, descend, vers le pape Léon, qui lui a succédé, cette prière qu'il entend. Est-ce parce qu'un vaincu de l'histoire est par terre qu'il faut à tout jamais refuser de l'entendre? Qu'était donc l'Etat pontifical, du temps des Borgia, sinon un vaincu aussi à qui Alexandre VI ne craignit pas de tendre sa forte main pour un relèvement presque inespéré? Agonisant sous les étreintes conjurées de France et d'Aragon, trahi de Milan à Naples par ses propres vassaux dans sa propre Italie, que lui restait-il à faire du patrimoine de saint Pierre confié à sa charge, sinon ce qu'il en fit? Ses mains furent de fer, mais les clefs d'or de la papauté en furent du moins conservées? Par une politique géniale que les détracteurs des Borgia ne se refusent plus de reconnaître, ne maintint-il pas en échec la France et l'Espagne, entre le Milanais et le Regno? Eh! que fut autre chose qu'une oeuvre de génie ce groupement, par la persuasion ou par la force, de tous les petits Etats italiens autour du grand Etat national, avec un seul maître pour souverain lé pape ? La formule qu'Alexandre VI avait trouvée, Victor-Emmanuel l'appliqua quelques siècles plus tard; et c'est la même, avec là différence que, sous les Borgia, les papes eussent conquis à l'Italie son unité sans le secours des Savoie qui ne l'obtinrent'que bien plus LE PINTURICCHIQ AU VATICAN l59 tard. Quql est donc ce crime irrémissible qu'auraient commis alors les Borgia et dont les Savoie seraient absous aujourd'hui? Ce crime- qui consiste à. comploter le bonheur d'un peuple divisé en l'unissant, malgré lui-même, sous la tiare d'un pape ou. sous la couronne d'un roi ? Tel fut pourtant cet acte qu'osa jadis une famille de maîtres en politique; et ce fut aussi dans ce projet digne d'une fortune meilleure que sombrèrent la gloire d'un grand pape, la valeur d'un invincible capitaine, la fortune et l'honneur d'une famille entière dont les malheurs ne sont plus comparables qu'à ceux de quelque atroce Orestiade ou de quelque Priamide sanglante, pour le récit desquels il faudrait ressusciter encore de nos jours quelque antique Eschyle, quelque Homère préhistorique et fabuleux. Sed si fata deûm, si mens non Leva fuisset, Trojaque nunc stares, Priamiquc arx alta maneres! Et ce sont, devant le pape Léon XIII dépouillé de son patrimoine séculaire et généreux réparateur des restes magnifiques que ses prédécesseurs lui laissent, ce sont autour du pape Alexandre VI à genoux et demandant grâce, toutes les gloires de la Renaissance qui, du haut de leurs fresques où le peintre des Borgia les portraitura dans ces chambres, escortent le Pontife déchu, le redressent et l'amènent au tribunal devant lequel l'histoire n'a pas toujours gagné fous ces procès. Devant cette cour souveraine où eurent leur place d'honneur les plus belles figures de la politique, des lettres et des arts dont les Borgia furent les protecteurs fastueux. Machiavel s'est déjà levé pour la défense. Le prince Djem attend sur son cheval qu'on l'appelle, en témoignage de l'hospitalité inviolée qu'il a reçue. Bramante, à l'écart, plus loin, ouvre déjà son compas pour mesurer les chefs-d'oeuvre qu'on lui commande. Cent autres gloires présentes, dont Pinturicchio a illustré ces voûtes, s'approchent à leur tour et demandent à proclamer le nom et la magnificence de ces maudits Lenzuoli d'Espagne, sans lesquels l'Italie du XVe et du XVIe siècle, n'aurait pas écrit, au chapitre de ses arts et de sa politique, la grande page qu'il nous importe aujourd'hui de tourner d'une main moins hésitante, et de lire avec un esprit plus tranquille. N'est-ce pas l'heure où la fille de Cicéron vient de se réveiller dans la beauté intacte de son corps d'ivoire et de sa chevelure d'or qui lui servait de vêtement, au fond d'un tombeau presque deux fois millénaire de la voie Appienne? Et cette belle morte, qui res- 1ÔO REVUE DU MONDE CATHOLIQUE suscite aux acclamations de Rome entière assistant au miracle, n'est-elle pas le plus gracieux et le plus consolant symbole de l'antique vertu qui se révèle encore au monde et qui lui demande tout à coup, pour lui préparer la terre idéale qu'il lui sied d'habiter, une armée d'artistes précédant celle des génies de la science et des héros de l'épée 1? BOYER D'AGEN. I . L'étude du Pinturicchio et son OEuvre sera publiée cette année par notre collaborateur à la Société d'édition artistique, Pavillon de Hanovre, 32-34, rue Louis-le-Grand, Paris. N. D. L. R. Une famille sous la Terreur LES BAILLARD DE TROUSSEBOIS Vivarais et Bourbonnais Le 24 avril 1794 — 5 floréal an II, — à huit heures du soir, une jeune femme, presque une enfant, dix-huit ans, se présente au commissaire de police. Elle se déclare émigrée, suspecte, et veut être emprisonnée ; elle sait que la prison dans ces conditions, c'est la mort. Aussi, est-ce la mort qu'elle veut. Elle est dans une telle exaltation qu'elle ne répond que d'une façon incohérente. On la presse de questions ; elle ne sait rien, sinon qu'elle veut être arrêtée. Laquelle, raconte le procès-verbal, laquelle interpellée de nous dire ses nom, prénom, âge, pays de naissance, profession et demeure, a répondu se nommer Louise-Armande-Amédée Baillard Troussebois, âgée de dix-huit ans environ, née à Paris, vivant originairement sic dans la maison de son père, et mariée depuis environ deux ans à Charles Renaud, militaire, homme de loi et négociant, lequel elle avait épousé dans une ville d'Italie près de Gênes, et revenue à Paris aussitôt leur mariage, et séparée de lui depuis environ deux mois, refusant de dire où est sa demeure à Paris. A elle demandé si elle sait où est maintenant son mari ; — a répondu qu'il y a deux mois il était à la Conciergerie, et qu'il y est mort. Si elle était avec son mari, lorsqu'il a été arrêté; — a répondu non; qu'elle était séparée d'avec lui; et nous a dit qu'elle ne pouvait ni ne voulait nous déclarer où elle résidait, ni où elle avait résidé depuis ; mais qu'elle travaillait comme ouvrière; n'a pas eu d'enfant de son mariage; et sur l'interpellation faite à la répondante de nous déclarer où elle avait travaillé et résidé à Paris REVUE DU MONDE CATHOLIQUE 15 JANVIER I9OO IÔ2 REVUE DU MONDE CATHOLIQUE depuis son arrivée, — a répondu par des gestes et des déclamations qui caractérisaient une personne qui est dans un état d'affaissement et de crispation difficile à décrire. A elle demandé dans quel endroit elle a séjourné avec son mari en revenant d'Italie ; — a répondu qu'elle a séjourné à Lyon, environ un mois, pour voir la famille de son mari à laquelle elle fut présentée. A elle demandé où ils sont descendus en arrivant à Paris ; — a répondu qu'elle croit se rappeler qu'ils sont descendus dans un hôtel garni, rue Thomas du Louvre. A elle demandé si, lors de son arrivée à Paris avec son mari, elle y avait des parents, et si elle les vit ; — a répondu qu'elle avait vu sa mère; et par réflexion ajoute qu'elle ne l'a point vue. A elle demandé si elle avait encore son père lors de son arrivée à Paris et si elle sait où il est ; — a répondu qu'elle avait son père, mais qu'elle ne savait où il était. A elle observé comment il est possible qu'elle se soit trouvée si éloignée de Paris sans le consentement de son père et de sa mère; —a répondu que, se trouvant en Italie, et son mari rentrant en France, elle l'a suivi par suite de l'attachement qu'elle avait pour lui. Son mari s'est mis copiste et a cherché à vivre de ce travail ingrat. Pour elle, elle a vécu du travail de ses mains commeouvrière. Sa mère, Charlotte Bigeard de Saint-Maurice, demeure rue du Foin, au Marais. En ce moment, elle la croit détenue aux Anglaises. Son père a été aussi arrêté; et son mari, craignant d'être enfermé, crut prudent de se cacher — Mais, lui demande-t-on, comment vos parents vous ont-ils laissée dans la misère? » Elle ne répond pas. * Evidemment il y avait quelque chose d'extraordinaire dans tout cela. Une jeune fille,' mariée à seize ans en Italie, séparée de son mari, abandonnée de ses parents, noble et riche, forcée de se faire couturière, et venant un soir devant un administrateur du département dé la police, se soumettre à la loi sur la police de sûreté générale décrétée par la Convention nationale, et demander quelle marche elle doit suivre pour y satisfaire », n'était-ce pas-un fait étrange? Quel roman, quel mystère se cachait là ? Le commissaire de police ne vit qu'une aristocrate bonne pour la guillotiné. Il essaya encore de tirer d'elle de plus amples renseignements. Vu la réticence, l'avons interpellée de nouveau à nous parler d'une manière plus claire et plus catégorique. — A persisté à garder le silence et a ne vouloir rien nous dire de plus ». Et UNE, FAMILLE SOUS LA TERREUR 163 ; ont signé Louise-Armande-Amédée Baillard TROUSSEBOIS, PARO, LELIEVRE. » Il l'envoie donc tout simplement au tribunal révolutionnaire, où Fouquier-Tinville la saura bien faire parler. Nous soussignés, administrateur au département de la police ; vu ce que résulte de l' et attendu que. ladite Troussebois cherche à éluder sur nos demandes, et. feint d'être dans, un état qui. pourrait faire croire qu'elle est en démence, tandis qu'elle nous paraît avoir toute sa raison; que de plus il paraît qu'elle a émigré, vu qu'elle ne conteste pas sa rentrée en France, disons qu'elle sera traduite au tribuual révolutionnaire pour y être jugée suivant la loi... Disons de plus Troussebois sera traduite en la maison d'arrêt de la Conciergerie pour y être écrouée et y rester jusqu'à ce qu'il en soit autrement ordonné. — PARO, LELIEVRE. » On savait mieux qu'elle ce qu'on lui demandait ; et il y a une ironie bien cruelle à l'interroger sur son père, qui depuis deux mois est mort guillotiné, et sur son mari depuis vingt jours. Sa mère en prison, son oncle et sa tante en terre, qu'avait-eîle à faire ici-bas ? Elle était jeune, et l'on sait avec, quelle facilité à son âge on fait le sacrifice de la vie. Ce jour-là même, elle avait vu guillotiner du coup trente-quatre personnes, parmi lesquelles celles qu'on a appe- . lées les vierges de Verdun. Ce spectacle affreux et touchant, joint à l'horreur de sa position, l'avait-il exaltée au point d'en vouloir finir avec la vie? Sans ressources, privée par l'échafaud de tout ce qu'elle aimait et qui était son appui, tombée de l'opulence dans la misère, en fallait-il davantage pour réduire au désespoir une jeune femme de dix-huit ans naturellement exaltée? Louise-Armande-Amédée-Victoire Baillard de Troussebois était née à Paris en 1776. Elle était fille de Jean-Jacques Baillard de Troussebois, colonel au régiment de Savoie-Carignan, et de Charlotte-Victoire-Armande de Saint-Maurice de Béjeard. A quinze ans, elle avait suivi son père à la cour du roi de Sardaigne. Elle devait épouser le comte d'Harcourt et devenir dame d'honneur de la comtesse d'Artois. Beaux projets! Que s'était-il passé? Comment ces rêves d'avenir avaient-ils en si peu de temps abouti au bureau du commissaire de police du 24 avril 1794? Cette date peut expliquer bien des catastrophes. Or ce dénouement tragique avait été précédé d'un roman. 164 REVUE DU MONDE CATHOLIQUE I Dans l'église romane de Besson, canton de Souvigny, à douze kilomètres de Moulins-sur-Allier, on voit un pilier sur lequel une inscription gravée atteste qu'il a été refait aux frais du seigneur de Ris, le 30 mars 1625. Ce seigneur de Ris, qui était aussi seigneur de Saint-Aubin, est nommé sur la cloche; c'est Jean-Florimond de Troussebois, principal bienfaiteur de l'église ». La marraine est damoiselle Jeanne de Troussebois, veuve d'Antoine de Chantelot, écuyer, sieur des Gardais ». Jean-Florimond de Troussebois avait épousé Geneviève de La Croix, dont il eut un fils, le 27 septembre 1652. Les Troussebois, dont Thaumas de La Thaumassière, Histoire du Berry, adonné, page 998, la filiation, étaient une ancienne famille du Berry et du Bourbonnais, qui remonte jusqu'à Sadon Troussebois vivant en 1150. De la branche aînée de la maison de Troussebois il ne resta qu'une fille, Elisabeth, fille de Charles, marquis de Troussebois, qui en a porté les biens dans la maison de Montboissier, en épousant 1749 Edouard de Beaufort-Montboissier, comte de Canillac, dont le fils Charles, patrice romain, prince de l'Eglise, contre-amiral, commandeur de Saint-Louis, né au château de Beaumont, commune d'Agonges, le 17 mars 1753. La seconde branche était représentée par Louise-Madeleine, fille de Jean-Louis de Troussebois, écuyer, seigneur de Launay, et de Madeleine Gardet de Chervil, et par son cousin-germain, Jean-Baptiste-Ferdinand de Troussebois, officier dans le régiment royal d'artillerie. LouiseMadeleine de Troussebois, qui mourut en 1763, avait épousé, par contrat du 6 juin 1736, Jean-Marcellin Baillard des Combeaux, écuyer, seigneur baron de La Mothe-Mourgon, de Beauvoir, de Chervil 1, etc. De cette union vinrent i° le 9 mars 1740, Jean-Jacques de Baillard de La Motte, capitaine au régiment de Provence, colonel au régiment d'Angoulême, maréchal de camp ; 20 le 1. Il demeurait en son château de Chervil, dars l'Ardèche, paroisse de Gluyras,. au diocèse de Viviers. Né le ier juillet 1705, il était issu des Baillard des Combeaux, en Vivarais, originaires du Languedoc, qui portaient Ecartelé aux 1 et 4 d'or, au rameau de 3 palmes de sinople; et aux 2 et 3 d'azur au croissant d'argent accompagné de 3 mollettes d'éperon d'or, qui est de Charbonnel de Retz. Voir pour les Baillard, La Chenaye, II, 193, et d'Hozier. UNE FAMILLE SOUS LA TERREUR 165 28 décembre 1743, Jean-César-Martial de Baillard de Chervil, premier page de Madame la Dauphine, lieutenant de dragons au régiment d'Autichamp, chef d'escadron au régiment de Languedoc; 30 le 14 février 1747, Louis-Ferdinand de Baillard de Beaurevoir, mousquetaire du roi; 40 le 28 décembre 1736, Louise Baillard des Combeaux; 50 le 16 janvier 1738, Marie-Anne de Baillard de Chervil; 6° le 29 janvier 1737, Françoise-Hélène de Baillard du Rivier, née le 29 janvier 1737, mariée à Jean de Luzy, écuyer, mousquetaire du roi dans la seconde compagnie ; 70 le 20 février 1749, Thérèse-Elisabeth de Baillard de La Motte, religieuse à l'abbaye royale de Saint-André-le-Haut, à Vienne en Dauphine; 8° le 9 octobre 1754, Agathe-Angélique de Baillard de Beaurevoir. Nulle famille n'a payé un plus lourd tribut à l'échafaud. L'aîné, Jean-Jacques Baillard, comte de Troussebois l, parut dans les assemblées de la noblesse en 1789, pour des biens situés dans les châtellenies d'Ainay et de Billy. Le cadet, Jean-César-Martial de Chervil, y fut aussi présent. Au moment de la Révolution, pendant que Troussebois remplissait une mission, à la cour de Sardaigne, Chervil vint avec sa soeur, Louise-Madeleine Baillard des Combeaux, habiter la Motte-Mourgon. en la paroisse de Magnet, district de Cusset 2. Troussebois ayant été considéré comme émigré, ses biens furent mis sous séquestre et sa maison sous scellés; on le voit à la séance du 29 novembre 1792 du directoire du district, où Garaud, receveur de l'enregistrement, étant venu raconter sur des bruits que le mobilier avait été enlevé, on nomma pour vérifier le fait Bilhaud et Gontier 3. 1. Jean-Marcellin Baillard des Combeaux, son père, à la suite de son mariage avec dame Madeleine de Troussebois de Chervil, avait été autorisé à relever le nom et les armes des Troussebois. " 2. La Mothe-Mourgon, aujourd'hui propriété de M. Rigal, de Montpellier, avait appartenu aux Coligny-Saligny. Echue à René Bardon, écuyer, sieur du Méage, elle fut vendue en 1721 à Alexis Robert, écuyer du duc d'Orléans, et en 1730 acquise par Jean-Marcellin Baillard, gentilhomme originaire du Velay. 3. Le citoyen Garaud, receveur de l'enregistrement, est venu annoncera l'administration qu'il soupçonnait que les scellés, apposés dans la maison de l'émigré Troussebois, n'avaient pas été respectés et qu'il craignait d'après divers bruits qui se répandent que les effets de cet émigré n'eussent été enlevés et conduits nuitamment dans des maisons tierces ; il a donné quelques renseignements qui paraissent justifier ses soupçons. L'administration, délibérant sur la pétition du citoyen Garaud, considérant qu'elle est chargée de surveiller les propriétés des émigrés déclarées nationales par la loi, et qu'il est important de vérifier promptement les bruits qui se répandent l66 REVUE DU MONDE CATHOLIQUE La vente est annoncée pour le 13 mai 1793. Le 8, Baillard-Chervil et la citoyenne Baillard-Descombeaux, sa soeur, demandent à. rester à La Motté-Mourgon. jusqu'après, la vente du mobilier de l'émigré Baillard,. leur frère». répond qu'il n'y a pas lieu à délibérer, les pétitionnaires se trouvant dans l'un des cas prévus par l'arrêté du conseil .général du, département au 18 de ce mois 1 ». Deux mois après, on s'en prend aux personnes. Le 24 juillet 1793, .Givois,.le procureur syndic du district, donne avis au comité de surveillance publique que Baillard-Chervil, frère de l'émigré Troussebois, tient journellement des [propos] inciviques qui tendent à troubler l'ordre public; il publie que la. Convention a détruit la religion, que les rebelles de la Vendée se proposent de la rétablir ; il vante beaucoup .les* villes qui ont insurgé contre la Convention ; il cherche à faire croire, que le succès de la mauvaise cause est infaillible., que tous les députés qui ont voté la mort de l'infâme Capet, méritent d'être suppliciés. suivies faits le juge Dufloquet, le citoyen Mativet, levicaire Goûte', la domestique d'Artaud, négociant, celle de Fontbouillant et les autres personnes que ces témoins indiqueront. Telles sont les dénonciations qui ont été faites au procureur syndic ; il prie le comité vérifier dans le jour ; et a signé .F. Givois. » Givois à lui seul pouvait faire guillotiner M. de Chervil 2. Mais sur l'enlèvement du mobilier Troussebois; après avoir entendu le procureur-syndic, a arrêté que les citoyens Bilhaud et Gontier, administrateurs, se transporteront le plus promptement possible Motte-Mourgon pour y constater l'état actuel des scellés, s'assurer s'ils n'ont pas été forcés et altérés de quelques manières que ce soit; faire, s'il est besoin, le récolement de l'inventaire, recevoir les déclarations de ceux qui auront connaissance de quelques enlèvements ou autre voie de fait exercés sur la propriété nationale de l'émigré Troussebois; à cet effet, autorise lesdits commissaires à se faire assister de la gendarmerie nationale et à requérir, s'ils le jugent à propos, la force publique pour l'exécution de leur mission. » {Registre du directoire de Cusset, p. 17. 1. Fournier, administrateur du district, avait été chargé de surveiller la vente des meubles du comte de Troussebois. Mais on le nomme commissaire du dépar- tement de l'Allier. Le 14 mai, on le remplace par Mure, autre membre du district, 2. Givois, dit l'opuscule Crimes connus des principaux terroristes de [Cusset, p. 19, livrait au tribunal révolutionnaire tous ses ennemis ; et des notes envoyées à Fouquier-Tinville dispensaient de témoins. Cet envoi de notes est prouvé par le rapport de ceux qui ont vu la lettre écrite au sujet de Baillard, dans laquelle Givois disait à Fouquier-Tinville Voici les prémices de notre contingent » ; parce qu'il dit après la condamnation de Dubost, que des notes suffisaient et qu'il ne fallait pas de témoins, et par ce qu'il dit encore chez Virotte Que faites-vous de cette vieille B... de Dupuis Lajarousse? Voulez-vous la faire guillotiner? Son affaire UNE FAMILLE SOUS LA; TERREUR ^n pour être plus sûr du succès, il employait son oncle Pierreioresl tier. C était lui qui avait découvert le domicile-de M de Trousse 12, page 54 du Secret des horreurs commises dans le district l'affirme Givois. a dit souvent que Forestier son. oncle, avait découvert la. maison qu'habitait Troussebois xi que bientôt il disparaîtrait du sol de la liberté. » A eux deux ils croient venir à bout de leurs victimes. Le 5 août 1793, Forestier écrit de Paris au citoyen Julien de Toulouse, qui faisait alors partie du comité de sûreté générale de• la Convention Revenu depuis hier, mon-cher collègue, je me suis empressé de venir à ce comité demander des nouvelles de l'affaire ci-jointe ; il a fallu bien du temps pour la retrouver .• ^elle me paraît très grave. Je te prie de l'examiner et de faire prendre par le comité les mesures nécessaires et plus promptes — FORESTIER. » Toutefois il faut croire que Julien n'avait pas autant à coeur la mort du malheureux car on ne se pressait pas d'envoyer Chervil a l'echafaud ; et lui, qui ne savait trop ce qu'on lui voulait demande sa mise en liberté au comité de Cusset. Le .24août 1703' le comité, considérant que le comité général de la Convention est saisi de cette affaire et qu'il demande copie de toutes les pièces », déclare qu'il n'y a pas lieu de délibérer jusqu'à la réponse, du comité. Mais le service des gendarmes étant nécessaire auprès des commissaires chargés de la vente du mobilier de Busset il arrête que le commandant de la garde nationale désignera chaque jour un garde national qui remplacera la gendarmerie-chargée de garder Baillard-Chervil, lequel sera tenu de payer ladite garde à raison de cent sous par 24 heures— Signé Brizard, Garaud, Poucet, F. Givois, procureur syndic, et Brunet, secrétaire. » ..... Six jours après, nouvelle demande du prisonnier. 11 trouve quepayer cent sous, par jour le plaisir d'être tenu -en charte privée même par un garde national à la place d'un gendarme, c'est un peu cher, d'autant qu'il n'a, rien pour Alors le comité délibérant sur la pétition présentée par le citoyen Baillard-Chervil' tendant à .obtenir qu'il ne soit pas .gardé, à vue, sous la cautionqu il a prise de sa personne de celle du citoyen Bouquet, un des notables de ..cette. ville ; le comité, considérant l'extrême détresse du citoyen Baillard-Chervil ; considérant qu'il n'a d'autre but que sera bientôt faite. J'ai deux hommes dans ma manche. » Sans doute Dumas et rouquier-Tinville. l68 REVUE DU MONDE CATHOLIQUE de veiller à la sûreté publique en s'assurant des personnes suspectes et non de fatiguer les individus par des moyens rigoureux et vexatoires ; considérant qu'il peut exercer une surveillance sans frais sur le citoyen Chervil, arrête en conséquence, sans qu'il soit même besoin de caution, que Baillard-Chervil cessera d'être gardé à vue, se réservant le comité tous les moyens de surveillance que la sagesse lui suggérera. Signe Boudai, Poncet, Garaud et Goûte, secrétaire ». Cette mansuétude n'était qu'un accident. Le 8 octobre 1793, parut un arrêté du comité de sûreté générale de la Convention qui décide que le nommé Baillard-Chervil, détenu chez lui en la ville de Cusset, sera traduit devant un tribunal révolutionnaire. Le 13, le comité de Cusset le fait conduire à Paris par la gendarmerie. Signé Gaspard Saint-Quantin, Arlouin, Poncet, Marpon, Garaud, Brunet. On a assigné comme témoins contre Baillard-Chervil et sa soeur, contre Baillard-Troussebois qu'on avait aussi arrêté dans le même temps à Paris i° Germain Mativet, 31 ans, aubergiste et membre du comité de surveillance de Cusset, demeurant à Busset; 20 Jacques Corps, 40 ans, brigadier de gendarmerie du département de l'Allier ; 30 la citoyenne Anne Meunier, 40 ans, femme de Fontiance, maître de poste à Cusset ; 40 Charles-Pierre Amelot, 33 ans, officier de santé à Cusset ; 50 Genêt Goutte, 28 ans, demeurant actuellement à Paris, étudiant en chirurgie ; 6° Bias Dufloquet, 42 ans, juge du tribunal au district de Cusset; 70JeanBaptiste Durand, 28 ans, instituteur à Cusset ; 8° Antoine SainteMarthe, 35 ans, ci-devant procureur au ci-devant Châtelet à Paris, demeurant à Paris. Voici la lettre que, de Cusset, le 9 pluviôse, an II de la République une et indivisible », F. Givois écrivait à l'accusateur public du tribunal révolutionnaire pour lui recommander ses témoins et aussi les prévenus Je te renvoie, citoyen, la cédule relative au royaliste Baillard-Cherville et l'original de l'assignation que j'ai fait donner à sept témoins, pour le 17 pluviôse. Tous se disposent à partir, et je crois que leurs dépositions orales seront infiniment plus concluantes que celles écrites. Tu verras sans difficulté un conspirateur dans ce fanatique ex-noble ; il avait des relations très fréquentes avec son frère Baillard-Troussebois, émigré rentré que tu tiens dans la geôle ; ils s'écrivaient des lettres mystiques et à double sens, que je tâcherai de me procurer et de te faire passer le plus tôt possible. Parmi les témoins que je t'envoie, deux connaissent Troussebois et te serviront pour le mettre de suite en UNE FAMILLE SOUS LA TERREUR 169 jugement ; ces deux témoins sont Germain Mativet et CharlesPierre Amelot 1, médecin ; ainsi tu pourras faire danser les deux frères à la fois et les faire juger le même jour car il y a une liaison intime entre eux je dis une liaison, parce que la seule correspondance de Cherville avec son frère, émigré rentré, suffira pour motiver sa condamnation, indépendamment de ses propos contrerévolutionnaires. L'huissier Duchon, qui a donné les assignations, est un bon sans-culotte, père de volontaire, qui s'en rapporte à toi pour ses honoraires; Mativet, l'un des témoins, est chargé de recevoir la somme que tu arbitreras... » On eut égard à ces instances, et Fouquier-Tinville sut faire danser les deux frères à la fois », avec la soeur aussi, et la fille et le gendre. Le 15 pluviôse 3 février, dans son acte d'accusation, il s'exprimait ainsi Cherville est évidemment le complice de Troussebois, son frère. C'est lui qui était le centre de ses correspondances dans l'intérieur. C'était lui qui recevait toutes les lettres de Troussebois, pour lui et les autres individus avec lesquels il correspondait ; c'était lui qui recevait, payait, administrait, gérait et lui faisait passer des fonds à Turin ou ailleurs ; c'était encore lui qui s'était chargé de tromper la surveillance des autorités constituées sur les trames, complots et conspirations de son frère, en faisant valoir comme une absence légitime son émigration contre-révolutionnaire et liberticide. C'est au moment de sa rentrée en France que Troussebois surtout fit faire le plus de démarches. J'avais, écrit-il à sa femme, chargé Jeannette de quelques lettres pour mettre à la poste quand elle serait arrivée atix frontières. Il y en avait, je crois, une pour le chevalier dont je comptais trouver la réponse ici. Mais je n'en ai point trouvé ; je lui ai écrit hier, en lui envoyant des passeports que j'avais eus pendant deux années de suite, pour sortir du royaume et vaquer aux différentes affaires que j'avais à Turin. Je comptais lui envoyer aussi d'autres papiers que j'attendais de mon fermier de La Motte, que je n'ai pas encore reçus, qui sont un certificat des affaires étrangères à Turin, qui atteste que je n'ai pas bougé de ladite ville, où j'étais pour mes affaires. » Malgré les voyages à Milan et de Paris. 1. Amelot, administrateur, fut destitué comme modéré par les terroristes ; il ne se vit accolé au sanguinaire Mativet que parce qu'on avait formé le projet de le faire arrêter à Paris ; mais, instruit par ses amis, il eut le rare bonheur d'échapper à la rage de ses persécuteurs. 17© REVUE DU MONDE CATHOLIQUE D'autres lettres attestent les intrigues, les manoeuvres, les démarches de tous genres, employées par Chervil pour circonvenir -et tromper les dépositaires de l'autorité et jusqu'aux représentants du-peuple, pour réintégrer ledit Troussebois dans ses propriétés, -malgré les connaissances qu'il avait non seulement de son émigration,- mais encore de ses trames, complots ' et conspirations contre la nation française. C'est lui qui, après avoir retardé la vente du mobilier de Troussebois à La Motte, par l'ordre qu'il en avait obtenu du traître Roland, employait encore, lorsque le sursis a été levé, -de-nouvelles intrigues pour rendre cette vente sans produit" pour la nation, en s'en faisant remettre la plus grande partie du prix -au-nom de la belle-mère de Troussebois, sa soeur et lui, ainsi que le constate sa lettre du 31 juillet dernier ; enfin une note écrite de sa main prouve qu'il entretenait une correspondance avec le nommé Regnault, major de la-place de Turin. . D'autres faits établissent encore la haine de Chervil pour la liberté et l'égalité, et démontrent ses complicités dans les trames de son frère. Il n'a jamais renoncé à ses dénominations de l'aristocratie et de la- féodalité que les lois ont proscrites. Dans' lés lettres qu'il écrivit à sa belle-soeur Troussebois, pour lui faire passer celles qu'il recevait de Turin en '1792,- il ne prenait d'autre titre que le chevalier,- et les -adressait par suscription à M. lé comte de Troussebois ». Enfin Chervil, chef d'escadron éni'789, a quitté le service en-1790,-à-cause du serment alors exigé par la loi. A Cusset,-où Chervil résidait; il manifesta; le 23 juillet dernier, ses opinions liberticides en présence dé plusieurs témoins en déclarant que les-rois ne tenaient leur puissance que de Dieu ; que le peuple n'avait pas le droit de lés juger et de les punir ; que la Convention, en détruisant les rois, détruisait la loi et Dieu, que les rebelles de la Vendée venaient'rétablir la religion'; que tous les-représentants du-peuple qui avaient voté Ta mort du tyran seraient eux-mêmes punis de mort; applaudissant à la' rébellion de Lyon, à la dissolution de la société populaire-de Montbrison, dont il répandait la nouvelle, ce qui a donné ;liéu à une dénonciation contre lui-de la part-des autorités constituées de Cusset. Dans ces entrefaites il a reçu une lettre de son frère qui lui dit, en lui parlant dés démarches qu'il fait pour-le faire réintégrer dans'ses biens, qu'il y a des détails qu'il ne peut faire dans une lettre. Cette lettre renferme des expressions figurées que l'on a voulu attribuer à des opérations chimiques....parce que. l'on y parle de, .-ouvrir^ dont,;deux sont, 4fi-pâte-,. mais donfcfe troisième était-devenu UNE FAMILLE. SOUS LA TERREUR I 71 rouge, expressions assez indifférentes et approfondies d'après l'es preuves multipliées de la complicité de Chervil avec son' frèrè'r » Ce que l'accusateur reproche surtout à Chervil, on le voit, c'est d'avoir essayé de sauver les biens et la vie de son frère. En d'autres temps on admire, on loue, on récompense ces beaux exemples de dévouement fraternel. Le 19 pluviôse 9 mars, les juges Herman, Foucault, Denizot et Subleyras, les jurés Auvrest, Compagne, Fouvetty, Payan, Gravier, Thounin, Dix-Août, Garnier, Trinchard, Dufour et Martin, sur le réquisitoire de Liendon dé Cusset,-substitut/'et malgré Tronçon-Ducoudray et Lafleuterie, défenseurs, prononcèrentque cela méritait la mort et envoyèrent à réchafàud le chef d'escadron du régiment du Languedoc, convaincu d'avoir correspondu avec son frère, le colonel du régiment d'Angoulême. II Après lé frère, la soeur. ' "' Louise-Madeleine Baillard des Combaux eut le malheur d'habiter près de Cusset et d'être ainsi en la puissance de François Givois. Que pouvait-on reprocher à cette femnie dé cinquante-deux ans ? Dans son acte d'accusation, Fouquier-Tinville ne relève, que ce grief son frère Troussebois avait l'intention de la prier de venir' à la frontière chercher sa nièce, qui voulait se marier malgré son père, et d'avoir reçu de l'argent de son autre frère Chervil Des Combeaux, dit-il, soeur de Troussebois, est convaincue d'avoir entretenu des intelligences et correspondances avec lui ; elle était chargée, à La Motte, des intérêts de Troussebois et lui faisait passer de l'argent. La Descombaux, dans la lettre du 4 juin 1792,, mande que tu lui aurais écrit que tu partirais de la province le 22 du mois dernier. » Plus bas, il ajoute Si la Descombaux, à qui j'écris par ce courrier, pouvait venir chercher ma fille au pont Beauvoisin où je la conduirais/» Dans celle du 24 du même mois, il écrit à Chervil Je viens de recevoir la réponse de la Descombaux, qui serait venue bien volontiers au pont Beauvoisin chercher sa-nièce. ». "'•-' Enfin, outre ces-correspondances, on voit la Descombaux se faire remettre par Chervil une sommé de '2430 francs'sùï là vente du mobilier appartenant à Troussebois dans son domaine de La Motte. » Le total s'était élevé à livres. M 172 REVUE DU MONDE CATHOLIQUE Tout cela se résume en un mot Mlle des Combaux était soeur de Chervil et de Troussebois, dont on voulait la mort parce qu'on convoitait leurs biens. Elle vivante ou sa nièce, il y avait des héritiers naturels et une partie des propriétés échappait à l'avidité des bourreaux, si cette victime évitait la hache ! Voici la lettre que, le 16 pluviôse an II 4 février 1794, le lendemain du jour où Fouquier dressait son acte d'accusation, écrivait de Cusset au comité de surveillance de Moulins François Givois, qui mit tant de zèle dans cette affaire je reçois à l'instant de l'accusateur public du tribunal révolutionnaire de Paris l'ordre d'y faire conduire sur-le-champ, en poste, la femme Descombeau,, soeur de l'émigré Troussebois ; il faut qu'elle arrive le 18 au soir, pour être jugée le 19 avec Troussebois, Chervil, etc.; je vous conjure de remettre sur-le-champ cette femme au gendarmé Dehay,' qui est chargé de la conduire à Paris, et de lui faire fournir des chevaux de poste. De la promptitude, citoyens, de la promptitude. —- F. Givois. » On usa de promptitude, en effet. La lettre du 16 arrive à Moulins le 17. Ce jour même, Mlle des Combaux part de Moulins. Le surlendemain, à dix heures, elle paraissait devant le tribunal révolutionnaire. L'interrogatoire fut court ; on était pressé. Si elle avait été en correspondance avec son frère à Turin. — Oui. — Si, lors de la vente du mobilier à La Motte-Mourgon, elle ne s'était pas réservé une somme de deux mille et quelques livres. — Oui, parce qu'elle y a été autorisée par l'administration et qu'elle était héritière de son père pour sa légitime. » Et aussitôt elle s'entendait condamner à mort. Certes les mots ont perdu leur sens, si ce n'est pas là un assassinat. III Ce n'était pas assez du frère cadet et de la soeur. Il fallait aine. L'aîné, c'était Jean-Jacques Baillard des Combaux, sieur de La Motte, comte de Troussebois, né en 1720. Lieutenant au régiment de Monsieur le 9 décembre 1755, capitaine le 3 août 1758, colonel le 7 avril 1773, commandant le régiment de Savoie le 26 avril 1775, plus tard régiment d'Angoulêmeinfanterie, il avait été fait brigadier le 5 septembre 1781, mestrede-camp le 22 novembre 1785 et maréchal-de-camp le 9 mars 1788. UNE FAMILLE SOUS LA TERREUR 173 Il avait reçu une blessure en Allemagne, à Eberfeld, en 1759, avait fait la campagne de Corse en 1768-69, et obtenu la croix de Saint-Louis le 6 février 1774. Une légende lui fait jouer un rôle peu honorable au siège de Longwy par les Prussiens en 1792. Un historien local, le docteur Gigon, a raconté dans Les victimes de la Terreur dans le département de la Charente 1866, cet épisode émouvant qui eut de si funestes suites. Le comte Baillard de Troussebois était colonel au régiment d'Angoulême et avait pour major M. Lefebvre de Buffon. Son régiment avait l'esprit royaliste de son chef. Il se trouvait, en 1792, dans la place de Longwy, la première exposée aux coups du duc de Brunswick. Le commandant était M. de LavergneChamplaurier, qu'on était allé, le 27 mai 1792, tirer de sa retraite de Champlaurier, près de Saint-Claud, en Angoumois, où il s'était retiré deux ans auparavant, avec le grade de capitaine du régiment de Rouergue-infanterie. On l'avait fait lieutenant-colonel, et le maréchal Luckner lui avait confié Longwy, le 13 août, au refus du général Berruyer, qui n'avait pas voulu exposer dans cette bicoque ses quarante honorables années de service. Les fortifications, en effet, qui depuis Vauban n'avaient pas été réparées, tombaient de vétusté; les fossés étaient à moitié comblés. De plus, la garnison n'avait avec le régiment d'Angoulême que trois bataillons de volontaires un de la Côte-d'Or, deux des Ardennes, soldats braves mais inexpérimentés, quarante-quatre cuirassiers, en tout deux mille cinq cents hommes. L'artillerie se composait de soixante-dix pièces avec de mauvais affûts, et les canonniers étaient si peu nombreux que les servants devaient s'occuper de plusieurs pièces à la fois. La situation était extrêmement difficile. Aussi, quand le malheureux colonel Lavergne se fut rendu compte de sa position, il s'écria Je suis un homme sacrifié » ; c'est dans ces conditions qu'il fallait résister à soixante-dix ou quatre-vingt mille Prussiens. La place fut investie et les ouvrages extérieurs occupés, le 18 août. Le 21, un parlementaire somma la place de se rendre, et sur le refus du commandant, le bombardement commença. Le feu prit sur trois points à la fois; six femmes furent tuées. Les secours promis par Luckner n'arrivaient pas, les habitants murmuraient. Lavergne fit mettre hors des remparts les femmes, les vieillards et les enfants, et menaça de pendre ceux qui parleraient de capitulation. Les notables de la ville, le colonel du régiment d'Angoulême, les officiers, lui firent des représentations inutiles. Le découragement était partout. Les soldats du régiment d'Angoulême, au 174 • REVUE DU MONDE CATHODIQUE ;'m'oins .le Ier bataillon; -refusaient de tirer sur lès Prussiens. Troussebois, dès le commencement, voyant l'état-de là-place, avait refuséle commandement, puis était parti en poste" pour demander qu'on fît sortir'ses hommes, voyant bien que c'était les 1 sacrifier inutilement. Lavergne,-dans son 1 adresse -aux Français publiée-au Moniteur- pour sa défense, ne l'a pas ménagé Il n'est" pas, écrivit-il, de mauvais conseils, d'avis faux, d'insinuations perfides, idont'il. ne ;iw'ait entouré. Je puis dire qu'il épuisa à mon égard toutes lès ressources de la perfidie. » Ces accusations sont graves. Peut-être n'y faut-il-'voir que l'exagération naturelle à-un soldat malheureux et àJùn prisonnier qui - cherche à se justifier. Dé l'avis'Unanime, Longwy ne pouvait être -défendu. Le colonel d'Angoulême partagea les sentiments de tous les gens du capitulation fut signée le 23 courant. Le duc de Brunswick accorda les honneurs militaires à la garnison, qui sortit avec amies et bagages. Les esprits étaient singulièrement excités et l'époque" troublée. 'Avec -les dispositions naturelles 1 des 'Français-îquine Veulent pas croire à la défaite, on arriva-vite à criera la trahison. L'Assemblée nationale attribua cette reddition à la lâcheté. Vérgniaud, le-27 août Moniteur du 29, se-déchaîna contre la garnison ef les habitants avec-une violence souverainement injuste. ; Le -26, le ministre de la guerre ordonna de juger ma'rtialement les lâches qui ont rendu Longwy », et Lavergne, arrêté,;fut 4éféré,-le 30, à une cour martiale Moniteur du iel" septembre. Louis-François Lavergne fut enfermé à Langres. Il publia au Moniteur du 30 septembre 1792, "ri 0 274, son apologie. Elle était • complète. On- comptait- que lès tribunaux militaires ne" le condamneraient pas ; if fut-donc traduit devant le jury, à Troyes ; niais il Tut absous à 1;Unanimité.' Cependant, eOhtre toute loi,-on le garda ensprison ppUis-il-fut-Mtèrné d'abordà Trôyes, ensuite à'AngôuTême. Mais!le-tribu'ilâlfévoiùtio\ïnâire,;créé par le 1 décret des 10 et i2 mai> 1793,-le fit arrêter et conduire 'à-Paris. -Le 31 mai 1794 2 germinal râli II, il fut-apporté, expirant, sur un matelas à l'au-dïenee du sanglant pourvoyeur de l'échàfaud, et sans qu'il pût comprendrez une question ou répondre un mot, il fût condamné à itn'ô'ft - comme -auteur ou complice d'une conspiration -contre le •pèuplfefrançais, *ën!ehtreténant des intelligences avec lès ennemis pour-leur livrer-tés villes frontières -et notamment Ltihgwy, et favoriser ainsirinvàsiondutefiitoirë français»Jll avait cinquante-quatre ans. Sa jeune épouse. Victoire 'Résilier, d'Angoulême, -q'ui avait UNE FAMILLE SOUS LA TERREUR 175 montré un pour défendre sou mari et n'avait pu obtenir départager son cachot, voulut partager sa mort. A la; porte -du tribunal, elle cria . Roi ! » Amenée aussitôt-devant les juges, elle répéta son cri. C'était assez. Quelques'heures après, elle eut la joie de monter sur la fatale charrette où son mari, un peu de paille, était conduit à la guillotine..Dévouement sublime •que nous admirerions Mme Lavergne avait un ou romain. L'erreur est flagrante pour Troussebois il n'était pas à Longwy. Fouquier-Tinville, dans son réquisitoire, n'eût pas manqué de rappeler cette charge et d'ajouter ce crime Or, il constate sa présence hors de France jusqu'à la fin de 1792. De plus, le ier bataillon sçul du régiment d'Angoulême était à Longwy ; le 2e en Amérique depuis le commencement de 1792; enfin, d'après Y État militaire de 1792, c'était le colonel de Bisson qui commandait la partie du régiment rentrée en France; le lieutenant-colonel était, de Montfort. * * * Le comte de Troussebois s'était, après sa mise -à la retraite, retirée dans ses propriétés de l'Allier. Mais il n'y pouvait rester inaperçu. Riche, titré, général, il deyait être suspect. Il habitait La Motte-Mourgon ; .c'éfait bien près de Cusset, qui fut un des foyers réyolufio-nnaires du département de l'Allier,. A lui seul, Cusset envoya à autant de victimes que les trois autres districts-du département. Dès le mois d'octobre 1789, les persécutions commencèrent contre le châtelain de La Motte-Mourgon. Le 19, il écrit au ministère de la guerre cette lettre Monsieur le comte, J'ai informé hier M. le comte de des excès auxquels s'était portée visà-vis de moi la populace de Cusset, en venant, il y a deux jours, me surprendre à main armée et fouiller mon château depuis la cave jusqu'au grenier, en me forçant de lui ouvrir toutes mes armoires, mes commodes, tiroirs et secrétaires, sous prétexte, disaient-ils, que j'avais beaucoup de poudre et autres munitions, que j'avais même fait enterrer toutes celles qui étaient, à Cusset et autres endroits des environs. Cette troupe, qu'on a d'abord prise pour des voleurs et des bandits, a jeté l'alarme dans le canton, d'autant qu'on débitait qu'on venait brûler et démolir mon château et même me couper la tête, car cette cérémonie devient fort à la mode, j'ai su, depuis, qu'on avait répandu encore que j'avais icy une vingtaine de 176 REVUE DU MONDE CATHOLIQUE canons de cachés, que j'étais grand partisan du comte d'Artois, que j'agissais de concert avec lui, et qu'il était depuis trois jours avec moi et incognito, et qu'enfin je devais aller avec lui et de concert avec lui attaquer et détruire la ville de Cusset. C'est avec de pareilles extravagances et absurdités qu'on soulève et qu'on arme l'imbécile crédulité du peuple. J'espère que cela n'aura pas d'autres suites; cependant, je ne puis me flatter de rien. J'apprends même en ce moment des circonstances qui doivent diminuer ma sécurité, et le bruit court aussi qu'ils doivent aller dans plusieurs autres châteaux, ce qui paraît un nouveau feu que l'on souffle et que l'on vient de nouveau rallumer dans le royaume. A tout événement, je vous prie, Monsieur le comte, de vouloir bien m'obtenir du roy la permission de passer en païs étranger et m'accorder un passeport en conséquence. Je suis avec respect, Monsieur le comte, votre très humble et très obéissant serviteur. C 10 DE TROUSSEBOIS, Au château de la Motte-Mourgon, par Saint-Gerand-le-Puy, en Bourbonnais, le 19 octobre 1789. Demeurer, c'était les tourments, l'inquiétude, les alertes continuelles, c'était le pillage, l'incendie, la mort; partir, c'était la trahison, le complot, l'inscription sur la liste des émigrés, la confiscation, la misère, et à l'occasion l'échafaud. On comprend que, devant cette alternative, beaucoup de gens aient hésité et que la fuite ait été pour beaucoup une nécessité la moins dangereuse ; on s'explique ainsi l'émigration. Troussebois ne profita pas de ses passeports. Il croyait à une bourrasque, et qu'à force de patience, de bonté, de prudence, de condescendance, de modération, et secondé par les officiers de la milice nationale, il parviendrait à calmer l'orage, à dissiper les préventions. Il se trompait la haine, la mauvaise foi, ne désarmeront pas. Une seconde lettre, datée de Saint-Gerand-le-Puy, le 18 décembre 1790, nous le montre en butte aux mêmes attaques Monsieur, Votre prédécesseur dans le ministère de la guerre avait été informé des dangers que j'ai encouru, il y a environ an an, par la populace d'une petite ville de ces environs, que des gens mal intentionnés avaient soulevée contre moi et qui était venue pour abattre mon château et me couper la tête, sous prétexte, disait-on, que j'étais des partisans de la reine et surtout du comte d'Artois, qu'on disait alors être caché dans mon château depuis quelques jours et où j'avais une provision de canons et de munitions de guerre; et enfin cent autres absurdités pareilles qu'il serait trop long et inutile de vous répéter ici. Je n'échappai à leur rage que par un coup de la Providence et après avoir été conduit, le pistolet sur la gorge, de la cave au grenier pour montrer tous les coins et recoins de ma maison. Pour me soustraire, si le cas échéait, à de nouvelles violences et persécutions, UNE FAMILLE SOUS LA TERREUR 177 je demandai au roy la permission de passer dans les païs étrangers avec un passeport, ce que Sa Majesté m'accorda sur-le-champ. On tenta ensuite de soulever encore cette même populace de Cusset par des lettres anonymes qu'on lui adressa contre moi à qui on fit aussi, par la même voye, toutes sortes de menaces ; mais à force de prudence, de modération, de peines et de soins, secondé par les officiers de la milice nationale de ladite ville dont je n'ai eu qu'à me louer, je parvins à rendre infructueux les efforts des gens mal intentionnés et j'évitai de m'expatrier. ... J'éprouve, Monsieur, depuis quelque tems, de nouvelles vexations de la part de la municipalité de mon endroit, qui a à sa tête un païsan pour maire, qui ne sait ny lire ny écrire et qui, m'a-t-on dit, est excitée elle-même par le district de Cusset. Après m'avoir fait différentes insultes, après m'avoir mis des impôts audessus de toute justice et raison, en répondant, sur les représentations qu'on faisait pour moi, qu'on ne pouvait trop charger un aristocrate et qu'il fallait le faire payer pour le tems passé, et moi n'ayant jamais à leur opposer que les armes de la politesse, ils ont encore cherché à indisposer et aigrir le peuple contre moi, sous prétexte que je ne voulais pas me soumettre aux décrets de l'Assemblée nationale, et voicy comment au mois de mai dernier, me trouvant à Paris, où j'avais cy devant un domicile, je m'empressai de payer au trésor royal mon don patriotique conformément aux décrets; en arrivant un mois après dans ce païs cy, je présentai à la municipalité ma quittance du trésor royal qu'elle visa et signa. Malgré ma conduite et cet acte que j'ay entre les mains, elle n'a pas rougi de prendre un arrêté qu'elle m'a fait signifier, il y a une quinzaine de jours, par lequel, après avoir employé les tournures les plus insidieuses pour aigrir et soulever le peuple contre moi, elle ose dire que je suis le seul dans la municipalité qui me sois soustrait au décret qui ordonne le payement du don patriotique et m'impose de nouveau à une somme exorbitante. Je me borne, Monsieur, à vous citer ce seul trait, car je ne finirais pas si je voulais vous dire tout ce que j'ay à souffrir et endurer. Aussi, pour me soustraire à de nouvelles vexations, je me propose d'aller le mois prochain voyager avec un de mes enfants dans les païs étrangers. Un autre motif se joint à celui-là, c'est que, par les effets ou les suites de la révolution, de trente mille livres de rente que j'avais, il ne me reste plus en ce moment que mille écus et que je me vois contraint de supprimer toute ma maison. Je vous supplie donc, Monsieur, de vouloir bien mettre ma nouvelle position sous les yeux du Roy, à l'effet de m'accorder la permission dont j'ay besoin avec un passeport que je désirerais qui fût pour un an à compter du mois prochain. Je désirerais encore, Monsieur, que vous voulussiez bien m'obtenir de Sa Majesté la permission de pouvoir passer au service de quelque puissance étrangère si les circonstances m'y nécessitaient et que je pusse en trouver l'occasion, en assurant aussi Sa Majesté que je n'en serai pas moins dans tous les tems soumis à ses ordres et disposé à sacrifier ma vie pour ses intérêts et sa gloire, comme étant un de ses plus dévoués et fidèles sujets. Je suis avec respect, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur. DE TROUSSEBOIS, Mai des camps et armées du Roy. Saint-Gerand-le-Pui en Bourbonnais, le 18 décembre 1790. Muni de passeports du ministre de la guerre, muni de toutes les I78 REVUE DU MONDE CATHOLIQUE permissions réglementaires, le comte de Troussebois se rendit à Turin, le 13 juin 1791 ; il allait, comme il le dit, chercher la sécurité qu'il ne trouvait plus chez lui, le moyen de vivre sans train de maison et aussi de recouvrer quelques fonds sur le gouvernement sarde. Le -comité" de sûreté générale vit là un prétexte à, émigration, les actes d'un agent de Louis XVI au profit delà contre-révolution ; on l'inscrivit sur la liste des émigrés du département de I'Ardèche, et ses biens furent mis sous le séquestre. Il protesta dans un mémoire où il expliquait son absence. ce,père avait le désir de marier sa fille au comte d'Harcourt, qui,était gentilhomme émigré, et placer auprès de la comtesse d'Artois, projets qui ne furent jamais réalisés, mais qui furent une des causes de .sa condamnation à' mort. Fouquier-Tinville nous expliquera tout cela, et au long. Louis AUDIAT. A suivre. s FÊTE de la fondation de la République 0795 Si la République avait été proclamée le 21 septembre 1792 et si l'on avait appelé cette année l'an Iei> de la République française par décret du même jour, on n'avait jamais pensé à célébrer particulièrement sa fondation. Le 12 août 1793, on avait tenté d'organiser une Fête de la Constitution dont Hérault de Séchelles avait été l'interprète. Elle n'avait pas réussi. On devait être plus heureux pour celle qui déclarerait définitive la Fondation de la République. Ce fut le 18 septembre 1795 que la proposition en fut émise pour la première fois par Boissy-d'Anglas, le courageux président de là Convention à la journée de prairial.' Celle-ci avait bien rédigé un décret spécial sur l'abolition de la royauté le 4 décembre 1793, mais elle s'en était tenue là. Toute tentative de rétablissement ayant entraîné la mort depuis cette époque, soit pour tentative par parole, soit pour tentative par action, on n'avait pas osé fêter un gouvernement quis'affirmait constitutionnellement par l'échafaud. En septembre 1795, au contraire, les tribunaux révolutionnaires n'existaient plus; depuis le 31 mai ils avaient été fermés pour toujours, on pouvait maintenant se réjouir. Les partisans de la République le crurent et entendirent répondre aux menaces grandissantes dU parti royaliste par l'affirmation de lafondation du nouveau gouvernement. On ce parti choisit précisément le lendemain de ce jour pour faire l'émeute du 13 vendémiaire ! illusions constantes des hommes qu'aveugle trop souvent le but secret de leurs ambitions ou la force de leurs convictions. Le deuxième jour complémentaire de l'an III, Boissy dénonça les l8o REVUE DU MONDE CATHOLIQUE violents de tous les partis ; mais il avait été précédé, et l'assemblée avec lui, par les administrateurs du département de la Loire-Inférieure. De Nantes, ils avaient écrit en ces termes, le 25 août Citoyens représentants, de toutes les époques de la Révolution, la plus mémorable sans doute est l'établissement de la République, Le 14 juillet et le 10 août seront à jamais célèbres; ils ont donné à la France la liberté et l'égalité; mais le Ier vendémiaire lui a donné la République ; ce jour est le complément des deux autres ce sera le jour chéri des Français. Nous demandons, citoyens représentants, que vous décrétiez comme article constitutionnel que, chaque année, le 1er vendémiaire sera fêté dans toute l'étendue de la République. » Accueillie avec faveur par la Convention, cette proposition eut pour rapporteur Boissy-d'Anglas ; il la formula dans un discours net, vigoureux, où on lit Vous avez décrété, sur la motion de Thibeaudeau, que le 3 octobre il serait célébré une fête en l'honneur des vertueux représentants immolés par la tyrannie, et vous avez chargé votre Comité d'instruction publique de vous en présenter le projet c'est de cette loi que je viens vous demander l'exécution ; mais cette solennité auguste et touchante ne doit pas avoir seulement pour objet vos infortunés collègues, ce doit être encore, si je puis parler ainsi, une cérémonie expiatoire pour tous les forfaits de la tyrannie. Il faut que toutes les victimes frappées par elle, celles des 2 et 3 septembre, celles, plus nombreuses encore, immolées sur ses échafauds dans toutes ,les communes de la République, reçoivent l'hommage de vos regrets ; il faut que leurs parents, que leurs amis, sur les blessures desquels vous avez, autant que vous avez pu, versé un baume consolateur, ceux que les mêmes échafauds attendaient et que votre courage en a délivrés, se réunissent autour de vous et consacrent, par leur reconnaissance, l'anéantissement d'une tyrannie qui ne renaîtra plus. Ce n'est pas tout il revient aussi, ce jour mémorable où vous avez proclamé la République; ce jour où, pendant que l'ennemi envahissait le territoire français et menaçait d'asservir cette grande commune, vous avez eu le mâle courage de proclamer, à la face de l'Europe, ces mêmes principes que vos ennemis voulaient combattre ; il faut aussi une commémoration à cette éclatante journée qui a fixé les destinées de la France. Je propose d'en réunir la solennité à celle dont je viens de parler. Quelle plus belle circonstance, pour célébrer la proclamation de la République, que celle où vous jetiez des fleurs sur la tombe des hommes qui, après l'avoir préparée par leur courage, l'avoir défendue par leurs vertus, ont eu la gloire de la sceller de leur sang!... Cette solennité auguste et touchante sera la proclamation éclatante, quoique muette, des principes que vous avez professés et dont vous ne vous départirez point ; par elle vous annoncerez que c'est en vain que les fauteurs de la tyrannie décemvirale s'agitent pour reprendre leur sanglant empire. Vous direz au peuple que c'est vainement aussi que les coupables sectateurs I FÊTE DE LA FONDATION DE LA RÉPUBLIQUE l8l de la royauté que vous avez abolie peuvent ourdir des trames pour rétablir un régime justement et éternellement proscrit; vous rassurerez les bons citoyens, ces hommes vraiment républicains, qui forment, quoi qu'on en dise, l'immense majorité du peuple que vous représentez, sur vos propres intentions, sur vos propres sentiments ; vous répondrez à cette calomnie abominable que vos ennemis répandent pour vous perdre, et qui consiste à dire que, d'une part, vous voulez relever le terrorisme, soit pour l'opposer au royalisme, soit pour le faire servir d'instrument à votre ambition, et que, de l'autre, quelques-uns de vous favorisent le royalisme impur, odieux à la France entière;... tandis qu'il est vrai, qu'il est constant qu'au lieu de tenter d'armer l'une ou l'autre de ces factions, ou toutes les deux, vous voulez les combattre avec courage, les anéantir à la fois, pour ne laisser subsister que le républicanisme le plus pur, que la seule liberté fondée sur les éternels principes de l'égalité, de la morale, de la justice et de la vertu. » Si nous n'avons pu trouver une trace de cette célébration en 1795, nous avons été plus heureux pour l'année suivante. Le 15 août 1796, Chénier présenta aux Cinq-Cents un projet de résolution avec un rapport à l'appui où il exposa des pensées analogues à celles de Boissy. On entendit alors Mercier, leur collègue, soutenir que Y Ere républicaine ne devait pas commencer du temps où l'on faisait périr les Lavoisier et les Condorcet. Il demanda qu'elle datât seulement de la mise en activité de la constitution actuelle ; sa motion fut repoussée, comme étant anticonstitutionnelle. Plusieurs membres déclarèrent s'en rapporter au Directoire exécutif pour la célébration,, mais en la maintenant au iei> vendémiaire. L'opinion de Doulcet, édictée en ce sens, fut votée. Le gouvernement eut la charge de prendre les mesures nécessaires pour que cette solennité reçût tout l'éclat dû à une époque aussi glorieuse et aussi chère à tous les bons Français. Les rédacteurs officiels de cette époque n'ont pas brillé, on le voit, par la simplicité et la brièveté littéraires L Le 20 septembre 1796, le ministre de l'intérieur dressa un programme pour la capitale. On célébra la fête anniversaire le Ier vendémiaire, donc le premier jour de l'an V, au Champ de Mars. Une salve d'artillerie annonça le commencement de la solennité à trois heures de l'après-midi. Le Soleil, sous la figure d'Apollon assis sur un char attelé de douze chevaux, entouré des Heures et suivi des Saisons chacune sur un char, s'avança dans l'arène et en fit le tour en commençant par la droite. Le terrain formait un cirque. 1. Cette fête fut célébrée en 1798 aux armées. L'armée d'Orient agit de même à Malte après sa conquête, et planta un arbre de la liberté pour glorifier la prise de la Bastille. l82 REVUE DU MONDE CATHOLIQUE Les chars des Heures et des Saisons étaient entourés, précédés et suivis de groupes divers de corps de musique; on leur adjoignit des détachements de troupes. .. L' Soleil au signe de Ia;,Balance, ce dernier étant placé près de l'Ecole militaire, fut saluée d?une deuxième salve d'artillerie. Au même moment,- les insignes de la royauté placés entre le char et le tertre central s'écroulèrent. Sur un fût de colonne apparut alors. la statue de la .République française, appuyée d'une main sur le faisceau départemental et montrant, de l'autre, la statue de la Liberté. Des militaires en nombre égal à celui des départements se détachèrent de la force armée après la chute des emblèmes royaux, et formèrent une triple enceinte autour du faisceau départemental. Un hymne à grand choeur, analogue à la situation, fut exécuté 1. Le tout se passa en présence des membres du Directoire, des conseils . qui étaient venus de l'Ecole militaire assister à la fête entourés des ministres, des autorités constituées et des représentants des cabinets amis de la France. A la fin de la cérémonie, le Directoire exécutif étant rentré à l'Ecole militaire, le public fut admis à se répandre aussitôt dans le cirque. Une illumination générale égaya ,1a soirée; du Champ de Mars on eût dit que Chaiilot était en flammes; des danses furent organisées partout dans Paris 2; un feu d'artifice brillant préluda aux joies d'une paix qui était momentanément retardée par l'entêtement de l'Autriche et par les subsides de l'Angleterre. Aux Cinq-Cents, Chénier honorait en termes lyriques les anniversaires des grandes journées Gloire immortelle au 9 thermidor qui a renversé la tyrannie décemvirale, ou, si l'on veut, triumvirale ! mais aussi, gloire immortelle au 14 juillet, premier jour de la Révolution, française ! gloire immortelle au 10 août, dernier jour du despotisme royal! » On célébra à Paris, cette même année,Tes fêtes du 9 thermidor et du 10 août dans une solennité unique, le 10 thermidor; elle eut lieu sur l'emplacement de la Bastille. Des débris de la redoutable 1. Une proclamation du ministre de l'intérieur déclara dignes de la reconnaissance nationale les poètes, les musiciens qui sont restés les plus renommés de la Révolution ;. Chénier, Lebrun, Rouget de-Lisle,ïGossêc-et Méhùl; ' 1 2. Ces fêtes ne se passaient pas toujours sans accident à celle du 10 caoût précédent, des pièces d'artifice brûlèrent plusieurs personnes et l'éclat d'une bombe en tua trois autres. FÊTE DE LA FONDATION DE LA RÉPUBLIQUE 183 forteresse existant encore, on y planta un drapeau portant cette inscription Elle ne se relèvera jamais. On se réunit après avoir traversé la rue Saint-Antoine et les quais du Champ de Mars, où Garriôt flétrit Robespierre et les siens au nom dû Directoire qu'il présidait/' Que dis-je? déjà de nouveaux événements sont sur la scène; déjà des jours désastreux, des jours de deuil et de servitude commencent à reparaître au despotisme couronné a succédé'le règne des factions; elles se disputent l'empire,-elles s'arrachent le sceptre, elles se dévorent et s'engloutissent tour à tour; leipèuplè se de-nouveau, il est dans les fers du monstre qu'il croit son libérateur; il est livré aux. fureurs de ses bourreaux, alors même qu'il les invoque comme des dieux tutélaires. L'excès de l'oppression en amène enfin le terme; les yeux du peuple sont dessillés; il sïétonne, if s'indigne d'être égaré par un lâche et stupide vbcifératéùr; .le,tyran tombe; ce sera le dernier.;-" '! - .0 journée du 9 thermidor, c'est à toi qu'était réservée cette glorieuse époque ; c'est à toi qu'elle demeure attachée pour l'immensité des siècles. Prononcées par un tel homme, ces paroles vengeaient les milliers des victimes sacrifiées et sont pour l'histoire d'un prix que nous ne cachons pas. Que se pàssa-t-il aux armées? Soigneux de sa renommée, Bonaparte ne s'était pas contenté d'envoyer Junot et Andréossy, en mai, à Paris y porter les trophées de ses victoires ; il avait renouvelé en octobre ce système d'enthousiasme. Marmont avait reçu ce mandat avec ordre d'y parler politique et de ne pas se borner à un récit militaire. Son discours nous a été conservé dans les archives de l'Etat, et il est des plus instructifs. " L'armée de la liberté devait être celle de la victoire; les Autrichiens sont défaits-, et le peu qui échappe aux fers des Français n?a d'autre espoir que-de se j'eter-dans circonstances le favorisent, il pénètre jusqu'à cette place'; c'est alors que Wurmser, fort de quelques troupes fraîches qu'il y trouve,' veut encore tenter la fortune ; mais un combat est une nouvelle occasion de gloire poulies Français; nos troupes marchent dans le plus bel ordre; et grâce à l'excellente combinaison de nos forces,' la victoire ne chancelle pas un "moment. Les Autrichiens rentrent en foule par le seul passage qu'ils possèdent nous nous en rendons maîtres, et ce qui reste,-ne pouvant ni fuir ni se défendre, se confie à notre générosité... . ' '•' Les 22 drapeaux que j'ai l'honneur de vous présenter, sont les témoignages éclatants de ces succès; Ils ont été pris en 14 jours aux combats de Sarrayalle, de Lavis, des gorges de la Brenfa, et aux batailles de Roveredo, de Bassano et Saint-Georges. L'armée d'Italie, pendant cette brillante campagne, a détruit deux armées, pris 184 REVUE DU MONDE CATHOLIQUE hommes, 280 pièces de canon et 49 drapeaux. Ces victoires vous sont un sûr garant, citoyens Directeurs, de son amour constant pour la République ; elle sait défendre las lois et leur obéir, comme elle a su battre le ennemis extérieurs. Veuillez la considérer comme une des plus fermes colonnes de la liberté, et croyez que tant que les soldats qui la composent existeront, le gouvernement aura d'intrépides défenseurs. Cette allocution ne prouve-t-elle pas l'existence d'un Parti militaire qui attend son heure prudemment, mais qui s'y prépare? Dans une imprudence qui confond, le président du Directoire avait répondu en parlant des victoires pour l'idée républicaine, les assimilant à celles des troupes sur les ennemis de l'extérieur. Que devenait alors la liberté du suffrage électoral dans l'avenir l ? Un an plus tard, après le bruit qu'avait fait la célébration du 14 juillet à Milan, Bonaparte jugea qu'il importait d'être plus modeste. 11 appela bien dans sa proclamation la fête de la fondation Y époque la plus chère aux Français, ce qui satisfit, certes, le gouvernement, mais il donna à sa célébration une couleur locale. Elle parut être autant un acte de l'indépendance italienne qu'un acte français ; on lui en fut reconnaissant à Paris, tant on pénétrait peu ses intentions. La narration que nous donnons, et qui est officielle, va établir le caractère très italien de la démonstration. La fête eut lieu à Milan, Bonaparte s'y rendit de Passeriano, précédé par la proclamation que l'on sait; c'était le 22 septembre. Au point du jour, les canons du château annoncèrent la solennité. Les journaux l'avaient annoncée de leur côté, appelant le retour de cette date glorieuse pour les Français mémorable pour l'univers ; ils avaient exhorté leurs compatriotes à célébrer avec pompe une solennité digne de la grandeur de l'événement. De quels sentiments devaient donc être inspirés les citoyens d'un peuple amoureux de la liberté et qui veut témoigner sa reconnaissance à ses libérateurs? 1. Le ministre de la guerre avait été aussi mal inspiré. Il avait placé Y armée d'Italie au-dessus de tous les faits d'armes de fin 1793 et de la campagne de 1794. La postérité croira avec peine, avait-il dit, au témoignage de l'histoire, lorsqu'elle apprendra que, dans le cours d'une seule campagne, l'Italie entière a été conquise, que trois armées ont été successivement détruites, que plus de 50 drapeaux sont restés entre les mains des vainqueurs, que Autrichiens ont déposé les armes, enfin que Français et un guerrier de vingt-cinq ans ont opéré tous ces prodiges. L'armée d'Italie n'a plus de triomphes à obtenir ; elle a rempli la plus glorieuse et la plus étonnante carrière; qu'elle renvoie donc la victoire aux armées du Rhin. » A FÊTE DE LA FONDATION DE LA RÉPUBLIQUE 185 A huit heures, le congrès général d'Etat, le conseil suprême, les tribunaux, se dirigèrent vers l'hôtel de ville ; une nombreuse garde nationale s'y était rendue et s'y était mêlée aux troupes françaises. On les vit rangées avec elles en file dans le Pala^p commune et dans la rue qui conduisait à la cathédrale. Les officiers de nos troupes s'étaient assemblés en corps au palais Serbelloni, où était descendu le général en chef et sa femme. A neuf heures, le cortège se mit en marche, précédé d'un détachement d'artilleurs avec deux canons; l'infanterie avait délégué un piquet de grenadiers; la garde nationale milanaise suivait, représentée par un bataillon complet. Divers corps de musique faisaient entendre des airs militaires ou patriotiques, devenus officiels. Les autorités municipales et les tribunaux marchaient derrière, par groupes et mêlés entre eux, attestant par là que les vaines distinctions avaient pris fin. Une seule pensée occupait les anciens sujets de l'Autriche, la reconnaissance pour la France. A cette époque, la célébration d'une fête républicaine était une nouveauté, et le peuple tenait à tout ce qui affirmait un nouvel état de choses. Sur la place de la cathédrale arriva à son tour le général en chef, entouré d'une escorte de généraux et d'officiers formant cavalcade; ils se rangèrent sur le côté droit. Le congrès d'Etat, la municipalité, les tribunaux et les autorités eurent l'honneur d'une estrade en face de la cathédrale. A gauche, les troupes et la garde nationale, toutes également à pied. Les musiciens garnissaient les deux côtés de l'entrée. Le canon disposé sur l'avant-place du Palais de V Archiduc tonna alors; la fête commença par la plantation d'un arbre de la liberté. Il était plus grand et plus beau que celui de la prise de possession de Milan, planté pour attester nos triomphes accomplis si rapidement, du col de Tende à la capitale de la Lombardie, quelques mois auparavant. Une série de discours dans le goût du temps déclara l'Empire irrévocablement chassé des pays injustement possédés par l'Autriche, l'orgueil de sa maison impériale fut traité de despotique, son concours à la coalition vitupéré, l'or anglais signalé à l'indignation publique, et la politique de ce cabinet traitée de perfide. La valeur, la force et les principes de l'armée républicaine l'emportaient au nom de la justice, de la liberté. L'Italie était reconnue digne de ce don, le premier, le plus précieux de tous, sous un ciel que le Créateur avait fait pour honorer l'humanité. Wurmser, assiégé étroitement dans Mantoue, allait succomber, les fers de 186 REVUE DU MONDE CATHOLIQUE l'étranger seraient brisés-avec lui, l'antique indépendance serait proclamée par la grande nation, l'Italie serait organisée par ses soins. Les succès de l'armée de Sambre-et-Meuse étendaient avec ceux de l'armée du Rhin et Moselle le même bénéfice aux pays d'Empire, le Tyrol était bloqué par nos soins, s'écriait le représentant Garrau, ajoutant aux promesses de Bonaparte les indignations du gouvernement qu'il personnifiait en Italie. Après les remerciements enthousiastes que prononcèrent les autorités milanaises et les corps d'Etat de la Lombardie, devenue la République Cisalpine, soeur considérable de la République Transpadane créée par nous en Emilie, eut lieu le défilé. En présence du général en chef, de Garrau, des officiers du quartier général, les troupes et celles qu'on nommait déjà nationales à Milan passèrent devant eux par pelotons. Au milieu des applaudissements, elles firent le tour de la place, s'acheminèrent vers le cours principal de la porte d'Orient où se rendit Bonaparte avec son cortège. Environné d'un concours de peuple ivre de ce spectacle militaire si nouveau pour lui, le vainqueur rentra au palais Serbelloni, acclamé jusqu'à la frénésie. Là encore, moins général d'armée que souverain, il fut salué par les représentants de cette capitale où un empereur romain et quantité de Césars germains avaient paru, dans le palais qu'il a immortalisé par sa présence répétée. Il y reçut des hommages que la joie italienne rendait touchante et qui s'adressaient à sa compagne autant qu'à lui. Une lettre privée le constate et expose en termes curieux la participation de Mms Bonaparte à la solennité '. i. Mmc Bonaparte jouissait du coup d'ceil de la fête de dessus la grande loge du Casino di recrearioni; toutes les fenêtres étaient garnies de spectateurs. Au fond de la place, on avait élevé un temple avec la statue de laLiberté. La déesse elle-même parut bientôt sur un superbe char triomphal traîné par six beaux coursiers; c'était une jeune femme vêtue à la grecque et agitant un drapeau tricolore. Six jeunes garçons folâtraient autour d'elle, ornés de guirlandes de fleurs et de feuillages, et portant les emblèmes de la liberté victorieuse, de la tyrannie vaincue, de la coalition foudroyée. Entre les guirlandes fleurs on lisait sur une large inscription les noms des armées qui ont bien mérité, de la pairie; d'autre part, celui de la Lombardie, présenté à la déesse par ungénie_qui l'implorait en faveur de nos belles contrées. Ce char,,après avoir comparu au palais du général, parcourut la ville, puis retourna à la place du palais national pendant le dîner, dont le général fit les honneurs. '•.. '- Au sortir du dîner, le cortège se rendit,-au .bruit du canon, au cours de la d'Orient, et assista à jeux qui rappelaient les. beaux jeux ,de ,1a. Grèce-. IL" y eut des courses à pied et à cheval, exécutées par des officiers français ainsi que par nos citoyens; le soir, des représentations théâtrales, des danses, et une joie FÊTE DE LA FONDATION DE LA RÉPUBLIQUE 187 Répétés au gouvernement, commentés par la presse, ces triomphes de notre cause et de nos armes adoucissaient les douleurs nées d'une persécution révolutionnaire. On y voyait la promesse d'une paix chèrement achetée mais sûre, et le,'gage de tous les apaisements à l'intérieur. ' En 1797, nouveau spectacle et nouvelle leçon. Sur les façades d'une pyramide élevée au centre de leur réunion, les troupes avaient vu inscrits les noms de leurs morts par division. Elle était ornée de tous les attributs représentant leurs victoires; on y avait joint les emblèmes républicains, la Constitution de l'an III qui avait servi de modèle à celle des Cisalpins. Les troupes s'étaient rangées autour en bataillon carré et avaient salué de leurs acclamations les vétérans et les blessés défilant devant elles au son des tambours, pendant que l'artillerie leur rendait un suprême hommage. Une revue passée par Bonaparte à la tête de son état-major avait achevé d'enivrer les soldats et les spectateurs. Parvenu devant les carabiniers, de la 11e demi-brigade d'infanterie légère, il leur avait dit en un langage dont il avait déjà le secret Vous vale% à vous seuls 3000 hommes. A la 13e, qui formait la garnison de Vérone Les tyrans ont péri avec la tyrannie. Aux officiers réunis en corps pour recevoir les drapeaux Ojie ces drapeaux soient toujours sur le chemin de la liberté et de la victoire. Pendant le défilé, un caporal de la 9= sortit des rangs pour s'écrier Général, tu as sauvé la France sauve la République! L'enthousiasme, la vérité alors, la voilà dans les larmes et le cri de ce héros inconnu. Les applaudissements de la foule, ce spectacle grandiose quoique préparé, attestaient la popularité de Bonaparte, les voeux des troupes et l'ardeur qu'elles apporteraient un jour à se tourner contre ceux qui indigneraient par leurs sarcasmes, contre les insulteurs de leur gloire, quel que fût leur camp politique. Bonaparte offrit, le soir, un dîner aux généraux, aux officiers et aux vétérans. Il porta un toast aux généraux et à tous les braves morts pour la défense de la liberté. Leurs mânes devaient prévenir des embûches des ennemis... de la patrie. A la Constitution de l'an-II, s'écria Berthier, et au Directoire ! Qu'il anéantisse les coniredont coniredont éprouvons encore les douces cl enivrantes sollicitations, en nous écriant Vive, la République française! vive le jour de sa fondation ! Puisse la cinquième époque de son anniversaire devenir la première de notre république lombarde et italique ! » 188 REVUE DU MONDE CATHOLIQUE révolutionnaires L — A la destruction du club de Clichy ! ajouta Lannes. — A la réémigration des émigrés! » répliqua un vétéran couvert de blessures. Ces paroles enflammées étaient saluées par la musique jouant tantôt le pas de charge, tantôt le terrible Ça ira des faubourgs parisiens. Cette fête devenue violente par la politique se termina par une collection d'adresses émanant de chaque division, signées par des milliers d'officiers et de soldats et que leur chef envoya au gouvernement. Il y avait désormais un parti militaire, né des circonstances, développé avec le temps, que les Jacobins avaient créé contre leurs forfaits, que les émeutes avaient fait éclore, que les conquêtes ennoblissaient, dont le génie s'emparerait un jour. Les directeurs publièrent les adresses. Elles signifiaient clairement que les vainqueurs italiens étaient prêts à combattre la faction qui divisait les conseils et se prêteraient à un coup d'Etat. Leur langage ne pouvait laisser aucun doute. Quoique Masséna ne fût pas un fougueux, sa division écrivit sous son inspiration La route de Paris offre-t-elle plus d'obstacles que celle de Vienne? Non. Elle sera ouverte par les républicains restés fidèles à la liberté; nous la défendrons, et nos ennemis auront vécu. » A la Favorite comme à Arcole, officiers et soldats s'étaient illustrés et entendaient garder leurs grades comme leur position sociale, fruit de leur sang. La division d'Augereau était commandée par un soldat dont la violence des opinions étaient telle qu'il querellait à tout propos les généraux moins faubouriens que lui. De là une adresse rédigée dans le langage des clubs Conspirateurs, vous êtres rusés, astucieux, perfides; mais vous êtes encore plus lâches, et nous avons, pour vous combattre, du fer, des vertus, du courage, le souvenir de nos victoires, l'enthousiasme irrésistible de la liberté. Et vous, méprisables instruments des forfaits de vos maîtres... tremblez! De I'Adige au Rhin et à la Seine, il n'y a qu'un pas, tremblez ! Vos iniquités sont comptées et le prix en est au bout de nos baïonnettes. » Tel fut le langage du vainqueur de Castiglione. Avec Bernadotte, accouru de Sambre-et-Meuse ! on eut la fierté i. Bcrthier envoya à toutes les administrations de département le détail imprimé de tout ce qui s'était passé à Milan. La lettre avait pour en-tête une vignette représentant la pyramide du Champ de Mars, un génie tenait des tablettes où figuraient les préliminaires de la paix; le tout était surmonté d'une renommée dominant une carte géographique où on voyait Turin et Gênes, Rome et Venise, Mantoue et Vienne. FÊTE DE LA FONDATION DE LA RÉPUBLIQUE 189 républicaine en appelant aux soutiens de la Constitution légale. Les mêmes bras qui ont assuré l'indépendance nationale, les mêmes chefs qui ont guidé les phalanges existent encore. Avec de tels appuis, vous n'avez qu'à vouloir pour faire disparaître les conspirateurs du tableau des vivants. » On n'admettait pas la mise en discussion du gouvernement et de son pacte. Serrurier fut aussi explicite et se porta garant de l'opinion de ses compagnons d'armes contre ceux qu'il nommait des scélérats. Il vous suffira sans doute, pour les anéantir, de détacher quelques-uns de nos braves frères d'armes des armées du Rhin et Moselle et de Sambre-et-Meuse. Nous désirons partager avec eux l'honneur de purger la France de ses plus cruels ennemis. » Ces ennemis, Lannes les avait vitupérés en leur reprochant le sang des patriotes qu'ils voulaient répandre. Un de ses collègues devait aller plus loin encore. Le glorieux vainqueur de Rivoli, Joubert, mit en scène Louis XVIII en ces termes Eh quoi! l'odieux Capet qui, depuis six ans promène son opprobre d'Etat en Etat, toujours chassé par nos phalanges républicaines, les mettrait aujourd'hui sous le joug 1 Si cette idée est révoltante pour tout citoyen que l'amour de la patrie a aiguillonné une seule fois, combien ne l'est-elle pas davantage pour les vieux soldats de la République ! » Au jour des périls intérieurs, tel était celui que Siéyès devait choisir pour sauver les républicains débordés. Bien que soldat, Baraguey-d'Hilliers s'écriait Nous renouvelons le serment solennel de haine aux factieux, de guerre à mort aux royalistes, de respect et de fidélité à la Constitution de l'an III. » Ici, on n'oubliait personne, le général en chef avait été rudement compris. Républicain décidé, Delmas de la Corrèze prononçait un serment des grands jours. S'il était possible que la liberté jamais périsse, nous sommes déterminés à nous ensevelir sous ses ruines! » Delmas fut disgracié plus tard par Napoléon. Le futur duc de Bellune empruntait à Hoche ses imprécations Plus d'indulgence, plus de demi-mesures ! La République ou la mort! » Les directeurs ne comprirent que trop, en fructidor, la valeur de ces apostrophes ; l'exil et les prisons en confirmeront la portée. Bonaparte témoigna une colère redoutable. Il accompagna l'envoi des adresses de ses lieutenants de la lettre suivante Le soldat demande à grands cris si, pour prix de ses fatigues et de six ans de I90 REVUE DU MONDE CATHOLIQUE guerre, il doit être, à son retour dans ses foyers, assassiné comme sont menacés de l'être tous les patriotes... N'est-il donc plus en Fiance de républicains? Et après avoir vaincu l'Europe, serons-nous donc réduits à chercher quelque angle de la terre pour}' terminer nos tristes jours? Vous pouvez, d'un seul coup, sauver la République, deux cent mille,têtes peut-être qui sont attachées à son sort, et conclure la paix en vingt-quatre heures; faites arrêter les émigrés, détruisez l'influence des étrangers. Si vous ave% besoin de force, appelé^ les armées. Faites briser les presses des journaux vendus à l'Angleterre, plus sanguinaires que ne le fut jamais Marat. Quant à moi, il est impossible que je puisse vivre au milieu des factions les plus opposées; je donne ma démission. L'armée de Rhin et Moselle célébra à son heure la fête nationale, à Strasbourg même, en 1797. Moreau l'annonça à ses troupes par une proclamation où il honora le pacte gouvernemental et déclara qu'elles devaient rester étrangères à toutes les factions. Elle était ainsi conçue Soldats, Au moment où tous les partis s'agitent dans l'intérieur, il est du devoir des défenseurs de la patrie de leur faire connaître qu'étrangers à toutes les factions, ils seront aussi fidèles observateurs du gouvernement républicain que la France s'est donné qu'ils ont été courageux à combattre l'ennemi extérieur. Nulle occasion n'est plus favorable pour prouver notre attachement à la Constitution de l'an 111 et notre amour pour la République Française, que la fêle de sa fondation. Si l'arrivée de notre solde et la suspension momentanée des services des subsistances ne nous ont pas encore permis de célébrer avec la pompe qu'elles méritent les fêtes du 14 juillet, 9 thermidor et 10 août, les secours que vient de nous envoyer le gouvernement et ceux que sa sollicitude nous fait encore espérer rendront la réunion des différents corps de troupes qui composent l'armée plus facile pour consacrer Y époque mémorable de l'établissement de la République française. En vertu de cet ordre, les généraux de division firent rassembler leurs troupes en totalité ou par détachements de tous les corps qui les composaient, le Ier vendémiaire à midi. Chaque quartier général annonça la fête la veille par une salve d'artillerie tirée au soleil couchant; on la répéta le jour même à l'aube, et on la renouvela au moment de la fête. Chaque officier général dut prononcer un discours devant la troupe rassemblée, avec ordre de faire surtout ressortir les avantages du gouvernement républicain, paroles textuelles du commandant en chef. Mais Moreau était un homme trop éminent pour ne pas avoir rappelé à tous, officiers et soldats, les services par eux rendus aux FÊTE DE LA FONDATION DE LA RÉPUBLIQUE I91 frontières depuis le début d'une guerre contre l'Empire, qui avait' vu tant de fortunes diverses et tant d'actions d'éclat. Or, elle durait depuis sept années. C'était par des souffrances de tout genre, par les sièges qu'elle avait faits, par ceux qu'elle avait subis de" Mayence à Kehl, par les passages répétés du Rhin, par une longue suite d'actions réputées, par une retraite magnifique accomplie l'année précédente, que cette armée était devenue glorieuse. Son courage toujours, son dénûmërit de 1795 et sa quasi-désorganisation sous Pichegru, son concours précieux aux frères d'armes de Sambre-et-Meuse, sa coopération à des plans gigantesques et dont l'armistice de Judenburg avait seul arrêté le résultat final, une paix déjà obtenue à Bâle, celle qui se discutait de Leoben à Radstat, quel passé merveilleux ! On l'avait célébré à Paris, on l'avait conté en termes magnifiques aujourd'hui consacrés par l'histoire, de Jomini à Sybell, étonnant les contemporains, renversant les combinaisons savantes des cabinets, désolant l'Angleterre, écrasant les armées de la coalition en cents combats, ne comptant plus les drapeaux ou les canons conquis par l'intrépidité, la constance, la valeur. N'était-il pas juste de le rappeler à ceux qui avaient été les acteurs ou les héros de ces campagnes que Moreau déclarait mémorables ? Le génie de la liberté et de la victoire s'était répandu des bords de la mer du Nord au Tagliamento et aux Alpes Juliennes pendant que des tyrans avaient frappé à l'intérieur la vertu et le talent. Mais la Constitution nouvelle avait heureusement mis d'accord les triomphes des frontières avec ceux qui venaient d'être remportés contre les factions. La vertu au dedans et l'honneur dans les camps l'emportaient désormais pour applaudir de tous côtés un gouvernement réparateur. Les trophées militaires devaient prendre placé auprès des tables de la loi et du pacte fondamental organisé par la Convention au bénéfice des pouvoirs publics nés du vote légal des assemblées primaires. Le vote recensé dans les bivouacs assurait le concours des soldats à l'oeuvre de l'an III, acclamé par le pays que l'Europe appelait déjà la Grande Nation, des rives du Rhin allemand aux rives du Tibre et du Danube. Le serment qu'ils avaient prêté et qui les obligeait à la maintenir les honorait comme citoyens et comme force armée. Tels furent les sentiments auxquels firent appel les généraux, chacun dans sa division. Or, ces hommes s'appelaient GoûvioriSaint-Cyr, Lecourbe, Davout, Duhesme, Vandamme, Delmas,. 192 REVUE DU MONDE CATHOLIQUE Férino. On avait à parler aux troupes de Desaix, le nouveau Bayard, de Beaupuy, tombé pendant la grande retraite de 1796, de Kléber et de Hoche, leur ancien chef; enfin, de leurs adversaires les Impériaux et les Allemands. Les décemvirs avaient disparu avec leur hideux échafaud et leurs éternels délateurs payés, espions ou sortis de la lie des prisons de justice. Le thème n'était-il pas magnifique ? Républicaine, cette armée vit chaque officier général commandant prêter devant le front de bandière le serment de fidélité à la République. Par une erreur curieuse, Moreau confondait l'ancienne assemblée dont le souvenir se perpétuait après sa réparation légale, la Convention, avec la nouvelle base du gouvernement directorial. Le terme la Convention est employé, en effet, dans l'article 3 de son ordre. Chaque corps d'infanterie dut accueillir ce serment pas trois décharges de mousqueterie. L'eau-de-vie et une double ration de vivres eut lieu dans toute l'armée. Un procès-verbal et un rapport détaillé fut rédigé dans chacune des divisions, puis envoyé au quartier de Moreau pour en être rendu compte au Directoire exécutif, mentionné cette fois. Liberté fut accordée d'ajouter à la solennité la pompe et les agréments que les localités des cantonnements rendirent possibles. On observera cette sévérité Spartiate comparée aux solennités de Bonaparte. Prévenu par ses amis et ses collègues de Paris de l'émotion qu'avaient produite les adresses de ses divisions, Bonaparte voulut en amoindrir la portée ou les conséquences. Il apprit que le Directoire la célébrerait dans la capitale, à l'Hôtel national des Invalides, qu'il y présiderait, que son chef y prononcerait un discours politique et remettrait une médaille d'argent aux trois militaires blessés élus par leurs camarades pour y personnifier les armées. La pyramide de la fête devait, parmi ses inscriptions diverses, honorer les morts et les défenseurs de la patrie. S'inspirant de cet exemple, il en tira parti pour ses desseins personnels. Le 12 septembre, il informa ses troupes de la solennité par une proclamation spéciale lancée de Passeriano, son quartier général. Soldats, Nous allons célébrer le icr vendémiaire, l'époque la plus chère aux Français ; elle sera un jour bien célèbre dans les annales du monde. C'est de ce jour que date la fondation de la République, l'organisation de la FÊTE DE-LA FONDATION. DE LA RÉPUBLIQUE 193 grande nation ; et1a grande nation est appelée par le. destin à étonner le monde. Soldats ' épignés de votre patrie et triomphants de l'Europe on vous préparait des chaînes; vous l'avez su, vous avez parlé le peuplé s'est réveille, a fixe les traîtres, et déjà ils sont aux fers. Vous apprendrez, par la proclamation du Directoire exécutif, ce que tramaient les ennemis particuliers du soldat, et spécialement,des divisions de l'armée d'Italie. Cette préférence nous honore la haine des traîtres, des tyrans;et des esclaves, sera dans l'histoire notre plus beau titre à la gloire et à l'immortalité. Rendons grâces au courage des premiers magistrats de la République, aux armées de Sambre-et-Meuse et de l'intérieur, aux patriotes, aux représentants restés fidèles au destin de la France ; ils viennent de nous rendre, d'un seul coup, ce que nous avons fait depuis six ans pour la patrie. On le voit, les royalistes et les révolutionnaires, les premiers clairement désignés, les seconds étant confondus dans l'appellation de traîtres et de tyrans, payaient les frais de cette indignation de commande. Le vainqueur d'Italie honorait Hoche au passage, soit pour s'unir à lui dans la pensée de fructidor, soit pour lui faire aimer une paix imposée à sa gloire près Francfort. Un peu auparavant, il ayait dénoncé l'influence de l'or étranger aux frontières; aujourd'hui if célébrait dans ses troupes les triomphateurs de l'Europe, langage mérité, mais qui devait les fanatiser pour sa cause. Ce qu'il, voulait à Passeriano, il l'a avoué dans des confidences connues devenir un personnage prépondérant, soutenir le système révolutionnaires d'un côté, et de l'autre donner des espérances aux "hommes de l'émigration, gagner le Pape à sa personne en évitant d'aller à Rpme, devenir redoutable et inquiéter le Directoire sans que celui-ci pût le mettre en accusation. Ifréussit en tout ce. rôle multiple, preuve de son génie. Nos armes ayant rétabli la République romaine, nous célébrâmes la fête française du Ier vendémiaire avec plus de raison encore dans la Ville éternelle, si pleine de grands, souvenirs. Bar .Te rapprochement des temps et des circonstances, des lieux., témoins de, tant d'événements autour desquels gravite l'histoire, on comprend l'intérêt qu'obtinrent les solennités patriotiques à Rome, du Vatican au Forum. Les parades militaires, les discours les plus républicaines, le concours de populations accourues de tous les points, des réceptions, des fêtes, le consulat français devenu le centre de cette incomparable cité, des représentations théâtrales comme le Brutus d'Alfieri, tout y fut un renouveau étrange, de Saint-Laurenthors-les-Murs au Panthéon d'Agrippa. Mais ce qui parut rendre REVUE DU MONDE CATHOLIQUE 15 JANVIER 19OO 7 194 REVUE DU MONDE CATHOLIQUE cette fête unique, ce fut la tragédie de la Mort de César, jouée par des officiers français. Sur le théâtre d'Apollon, une décoration spéciale représenta le forum de Pompéi, où César avait assemblé le Sénat le jour même où Brutus le frappa. Une rotonde magnifique et en colonnades offrait un coup d'oeil superbe; on l'avait ornée de statues antiques, personnages des familles des Scipion et des Pompée ; le Capitole formait le fond de la toile par une fiction. La louve d'airain, la statue de Pompée, tout avait concouru à rendre terriblement véridique l'effet de la scène, où César était immolé aux pieds de. l'effigie de Pompée. Aussi les Italiens avaient-ils crié, nouveau choeur antique Morte ai Tiranni ! Une pièce de circonstance Les Français au Caire, avait terminé le spectacle. Naturellement le sérail était forcé et on y trouvait, ô surprise! un eunuque blanc. Plus naturellement encore, cet eunuque était un émigré. Questionné sur sa présence dans les parages de l'armée française, il répondait avec esprit Mon général, je vous prie d'observer que ce n'est pas moi, que c'est elle qui vient me trouver. Que je vous conte ma petite odyssée Je me retire à Bruxelles, vous y venez. Je pousse en Hollande, vous la prenez. Alors je me dis C'est au Nord qu'on en veut, filons vers le Midi. Je passe en Suisse, vous m'en chassez.. Je traverse le Pô en coche, vous le sautez. L'armée ne pèse pas une once, et la victoire est toujours sur mes talons. Je vais à Rome, elle devient votre conquête. Je traverse les mers, les déserts, et nous voici encore nez à nez ! Ah ! de grâce, dites-moi, général, s'il est un coin du monde que la valeur républicaine ne veuille pas visiter, et je m'y retire... La fête de Rome eut son pendant au Caire l'année suivante. On y célébra, en s'inspirant du lieu, le Coran et son législateur ; l'inscription suivante figura sur l'arc de triomphe élevé en l'honneur delà République // n'y a de Dieu que Dieu, et Mahomet est son Prophète ; une autre disait avec le peuple fellah A l'expulsion des Mamélucks. Le drapeau tricolore flotta au sommet de la plus haute pyramide et fut salué par l'artillerie et la Marseillaise. BONNAL DE GANGES. Les habitations ouMères à Mlle en 1896 PAR M. FÉRON-VRAU Ce mémoire a obtenu une médaille d'or au concours de la Société industrielle en 1896. Lille, imprimerie Danel, 1899, grand in-8°. Je n'ai point à présenter M. Féron-Vrau aux lecteurs de cette Revue ses oeuvres parlent si haut, que tous le connaissent. Mais, jusqu'ici, nous ne savions pas que sous l'industriel éminent, sous le chef d'usine, âme de la réforme chrétienne des usines dans le Nord, sous le chrétien éclairé et généreux auquel on doit en grande partie l'Université catholique de Lille, l'école catholique d'arts et métiers de Lille, et tant d'autres fondations grandioses, il y avait un économiste de premier ordre. Or, c'est ce que révèle cette monographie, qui, dans son genre, est un petit chef-d'oeuvre. M. Féron-Vrau montre d'abord combien étaient justes les enquêtes faites en 1835-37 par M. Villermé, et, vers la même époque, par le comte de Villeneuve-Bargemont, puis il procède à une nouvelle enquête sur les foyers de la population lilloise. Cette population comprend, en y joignant les faubourgs Ville h. Faubourgs Total. . h. Sur ce chiffre, personnes étaient, en 1896, dans l'industrie, dont dans l'industrie textile; habitants sont indigents. L'auteur commence son travail par une description sommaire de la population, en prenant comme cadres les paroisses. On remarque surtout, à Saint-Maurice en particulier, la densité de la population ouvrière, qui ne veut pas émigrer hors les murs, pour ne pas perdre les secours du bureau de bienfaisance ; l'entas- 196 REVUE DU MONDE CATHOLIQUE sèment des constructions, le morcellement poussé aux dernières limites par les capitalistes, qui spéculent sur la maison du pauvre et veulent lui faire rapporter de 10 à 12 0/0, et les soins de voirie souvent complètement négligés. Etude des logements. — Impossible de faire une enquête complète il a fallu se borner, on a donc distribué aux enquêteurs 1358 questionnaires, et on a étudié à fond 1358 logements. Ces 1358 logements sont habités par une population de 7608 individus, soit 137 personnes vivant seules; 6212 personnes formant des familles complètes 1258 personnes formant des familles incomplètes. M. Féron-Vrau consacre un chapitre aux familles complètes. Ce total comprend 6212 personnes appartenant à 15 paroisses, dont 1812 parents, 4400 enfants, ou près de cinq par famille. Dans le nouveau Lille, les familles ont 2,61 pièces par famille ; dans les faubourgs, 2,58, et dans le vieux Lille, 1,79. 125 familles ont une petite maison. Dans aucune paroisse, il n'y a plus de 13 mètres cubes 429 d'air par tête, au lieu des 25 requis pour la santé, et dans presque toutes les paroisses la moyenne est de 11 mètres ; dans deux de 9 mètres. La plupart des familles ouvrières ne peuvent trouver dans la capacité des logements qu'elles occupent la moitié du minimum d'air respirable absolument nécessaire à la vie. La nuit, les lits sont entassés dans une seule pièce, et la fenêtre, si on l'ouvre, ne fournit souvent qu'un air chargé de miasmes, à cause de l'état abominable des cours intérieures et des latrines. 1812 parents occupent 915 lits; 533 enfants en bas âge sont reçus dans 533 berceaux; il reste 1697 lits pour 3864 enfants de tout âge. C'est une moyenne de 2,28 enfants par lit. Quand on ajoute que les lits sont le plus souvent accumulés dans une pièce, on devine de suite les épidémies morales et physiques qui se développent dans ces milieux, où l'air pur manque, où la pudeur s'éteint, où d'un côté le vice, de l'autre la maladie, le typhus, la phtisie, guettent l'enfant dès le berceau. Heureuses encore seraient les familles si; à côté de la promiscuité de la chambre, ne s'en révélait pas une autre plus redoutable, celle de la rue, de la cour intérieure. Dieu a donné'sans mesure à ses créatures l'air, le soleil et l'eau pure. Nos villes ont changé tout cela, et nos pauvres ouvriers n'ont ni air, ni soleil, ni eâd potable. LES HABITATIONS OUVRIÈRES A LILLE EN 1896 Ï97 La privation d'eau pure, jointe à la tendance générale qui porté les ouvriers à se servir indifféremment de toute éau qui est à leur portée, voilà un des plus grands dangers qui menacent l'hygiène publique à Lille. Lés travaux les plus concluants démontrent que la mortalité par fièvre typhoïde décroît exactement dâhs la mesure où se répand l'usage de l'èàù de source. Or, à Lille, les ouvriers se contentent de l'eau de la ponipe de leur cour, la seule à leur portée, et les puits qui alimentent ces pompes sont souvent contaminés par des infiltrations venues de fosses d'aisances insuffisamment cimentées. Ici; comme ailleurs, l'administration de la ville h'a-t-elle rien à se reprocher ? Elle aurait pu si facilement prévenir l'encombrement des maisons, soigner les travaux de voirie, empêcher que les cours ne devinssent des marais fétides, et exiger des propriétaires, qui bâtissent le plus mal possible, des mesures élémentaires d'ordre et d'hygiène, car enfin l'hygiène et la morale publique voilà le premier devoir du gouvernement. Cela passe avant tout, et eh particulier avant les écoles dont il se charge sans que rien l'y oblige. M. Féron-Vrau signale, en terminant cette première partie, les efforts intermittents qu'a suscités l'étude de bette question des logements ouvriers à Lille. Oh a supprimé les caves en 1864. La Compagnie immobilière a construit des maisons saines, et cependant les logements d'ouvriers sont restés à peu près les mêmes. Les autorités municipales avaient le devoir de prendre des mesures pour éviter l'encombrement effroyable de certaines rués,- de forcer les propriétaires à respecter les lois de l'hygiène, de les obliger a assainir leurs cours, leurs puits et leurs fosses d'âisahce elles n'ont rien fait. Oh admet que lès autorités locales peuvent imposer le ÏMJ à Vègoitl, interdire lès maisons qui menacent de s'effondrer, obliger lès propriétaires à supprimer les foyers d'infection; pourquoi; dans le même ordre d'idées, ne leur âccôrdèrait-Ori pas le pouvoir d'ériger dans lès habitations l'air nécessaire à la vie, d'obliger d'urgence à réformer tout te qui peut contaminer l'air du l'éàù ; d'exproprier même pour cause d'Utilité pùblnfùë les maisons empestées? Voici l'occasion d'agir lès fortifications actuelles vont être 'de•elàssëës ; oh va lés vendre, et de nouveaux quartiers; s'y cOnstfuirorît Pourquoi la ville h'èxigeràit-ëllé pis un c^htfôlë sur les bâtisses I98 REVUE DU MONDE CATHOLIQUE nouvelles, une direction sur l'application des règles de la morale et de l'hygiène publiques? En verte des lois du 13 avril 1850 et du 25 mai 1864, la commission des logements insalubres a été créée. Voilà, si on sait s'en servir, un levier efficace de réformes. Et, de fait, cette commission a déjà opéré de grands changements; mais, à la longue, elle a paru se lasser, et son action, d'abord intense, s'est comme épuisée. Mais il ne faut pas laisser se rouiller une arme qui peut servir encore contre les calculs intéressés et contre la négligence coupable des propriétaires. Si les lois ne suffisent pas, qu'on en fasse d'autres ! L'autorité municipale a d'ailleurs en main tout ce qui concerne la garde et l'entretien de la voirie et la salubrité des habitations. -Qu'elle fasse exécuter les règlements sur l'enlèvement des immondices, sur l'hygiène publique, sur les dimensions des logements; qu'elle achève son réseau d'égouts ; qu'elle couvre ses canaux, qui portent partout la peste; qu'elle impose la fermeture des puits contaminés ; qu'elle distribue la bonne eau plus abondamment ; qu'elle crée des lavoirs publics ; qu'elle perce les quartiers infects de voies larges; qu'elle exige la désinfection des logements; qu'elle excite le bureau de bienfaisance et la Caisse d'épargne à consacrer, comme la loi le permet, quelques ressources à bâtir des maisons saines et aérées pour les ouvriers ; qu'elle s'occupe sérieusement de ces intérêts majeurs. Mais ce qu'il faut surtout atteindre, éclairer et remuer, c'est l'opinion publique, et en particulier l'opinion des catholiques, des hommes d'oeuvres. Qu'ils comprennent donc enfin, ces hommes zélés, que le plus souvent c'est peine perdue de vouloir moraliser et convertir des hommes qui semblent n'avoir pas de foyer et qui hantent les cabarets, parce que leur home les repousse et les dégoûte; qu'ils se persuadent qu'on n'empêchera jamais de boire des ouvriers qui ne connaissent point le bonheur domestique. Une fois l'opinion formée et résolue sur ce point, elle trouvera les moyens d'exécuter les réformes. L'argent ne manquera point si les hommes d'oeuvres savent faire comprendre que les fonds mis à leur disposition, étant hypothéqués sur les maisons construites, rapporteront un intérêt raisonnable et formeront un placement de tout repos. Si les sociétés formées pour bâtir, sociétés immobilières ou syndicats, agissent avec prudence et inspirent confiance, elles placeront facilement leurs actions et leurs obligations. LES HABITATIONS OUVRIÈRES A LILLE EN 1896 199 Qu'elles encouragent l'ouvrier à acquérir leurs obligations en nombre suffisant, si possible, pour que leur revenu couvre le prix de son loyer. Ce sera du même coup le paiement du loyer assuré et l'ouvrier maître chez lui. En combinant ce système avec les ressources nouvelles que lui donne la loi du 30 novembre 1894, la famille ouvrière échappera, si le père vient à mourir, à la liquidation désastreuse du partage forcé. On sait que cette loi permet à une famille propriétaire d'une petite maison, et dont le chef vient de mourir, de prolonger l'indivision, même s'il y a des mineurs, jusqu'à ce que l'aîné des enfants ait vingt-six ans, et qu'elle édicté que si un des héritiers naturels veut acheter la propriété, on est obligé de la lui vendre à un prix modéré. Terminons sur un voeu formulé par M. Féron-Vrau Ne formons pas, dit-il, des cités ouvrières ; elles sont désormais condamnées par l'expérience, qui les trouve trop exposées à l'encombrement et à la promiscuité de la rue; préférons-leur les habitations isolées, et même essayons, si possible, de bâtir ces maisons dans le voisinage des familles aisées. » Car, enfin, il y a quelque chose qui choque le sentiment chrétien dans cette espèce de parti pris de reléguer la classe ouvrière dans des quartiers pauvres, qui forment à la ville comme une ceinture de misère. De grandes dames, à Londres, ont compris cela, et, de propos délibéré, ont abandonné le West-end pour YEast de la grande cité. De jeunes gradués d'Oxford, voués aux professions libérales, habitent au sein des quartiers pauvres une maison d'oeuvres. Ce noble exemple trouvera sans doute des imitateurs. La pensée qui l'a inspiré est assurément très haute et très chrétienne, et M. Féron-Vrau a eu raison d'insister sur ce point délicat et important. R. P. FORBES, Les dernières fouilles de Deir-el-Mari Nos lecteurs ont certainement entendu parler des travaux d'exploration que des savants de différentes nationalités poursuivent depuis longtemps en Egypte. On s'efforce de ressusciter et de restaurer dans la mesure du possible les admirables monuments de l'Egypte des. Pharaons, dont la plupart gisent enfouis depuis bien des siècles sous des amas de décombres. Reconstruire l'histoire religieuse, politique et militaire de tout un pays qui a eu des moments de splendeur et de célébrité, en la tirant des monuments et des textes lapidaires, c'est certainement une oeuvre aussi belle que louable. La mission française du Caire n'a pas occupé la dernière place dans ce mouvement européen elle a pris au contraire une part considérable à cet immense labeur, soit par le renom de ses savants, soit par l'importance de ses découvertes, soit enfin par ses heureuses, initiatives et son incessante activité. On peut dire sans amour-propre que, depuis l'expédition de Bonaparte au siècle dernier, c'est la France qui a toujours été chargée de la direction des fouilles et des musées. Nos compatriotes se sont acquittés de cette difficile mission de la manière la plus honorable et la plus avantageuse à la science des antiquités égyptiennes, je ne puis pas — et l'on ne saurait ni s'y attendre ni me le demander — exposer dans cet article les résultats de toutes les fouilles qui ont absorbé tant d'efforts et d'intelligences. Elles sont si nombreuses et qu'il faudrait des volumes entiers pour les porter à la connaissance du public. Du reste, les spécialistes n'ont pas manqué de le faire aux différentes étapes des découvertes archéologiques. Un article ne peut soulever qu'un coin de la question, montrer une petite partie du vaste champ d'exploration. Je donnerai aujourd'hui quelques renseignements intéressants sur les fouilles de Deir-el-Bahari. I L'honneur d'avoir ressuscité ce vieux temple thébain revient presque tout entier à l'égyptologue genevois Edouard Naville. On LES DERNIÈRES FOUILLES DE DEIR-EL-BAHARI 201 ne peut que lui adresser des félicitations d'autant plus justes et méritées, que l'éminent savant n'a rien épargné, rien négligé pour venir à bout de sa tâche. Bien des difficultés se sont, dressées sur son chemin, bien des obstacles ont surgi à tout moment devant lesquels bien d'autres eussent peut-être reculé. Mais Naville, regardant toujours devant lui avec cette confiance et cette audace que donne le désir d'accomplir une grande oeuvre scientifique, l'oeil imperturbablement fixé sur le but lointain, n'a pas succombé au découragement; encore moins a-t-il renoncé à ses projets; il a consacré à son oeuvre de prédilection sept années de sa vie, ses forces, son intelligence et, pourrions-nous dire, tout son être, et cela sans arrière-pensée, sans calcul égoïste, sans espoir de trouver au bout de la carrière des avantages matériels. Dieu sait combien, il dut insister auprès de la Société anglaise des fouilles égyptiennes, Egypt Exploration Fùnd, pour la décider à entreprendre ce travail et à faire les sacrifices nécessaires. Il finit enfin par réussir, par ouvrir les portes, et aujourd'hui la plus grande partie du travail est accomplie, quoiqu'il reste encore beaucoup à faire pour l'achever entièrement. Travaillant pour la mission anglaise, M. Naville a rédigé en anglais et publié à Londres les trois gros volumes où il. expose le résultat de ses fouilles. Il faut reconnaître que les fouilles, ont été faites de la manière la plus intelligente et avec tous les; soins possibles. Il est juste d'ajouter que si Naville en a été le directeur, il a eu des aides et des collaborateurs successifs qui lui ont prêté le plus généreux concours. Hogarth, Newberry, Howard, Verney Carter, Percy-Brown, Somers Clarke, Peers, méritent d'être mentionnés à côté de lui. Leurs connaissances et leurs aptitudes les mettaient à même de le seconder heureusement dans sa. pénible entreprise. Du temple lui-même nous ne pouvons nous dispenser de dire quelques mots afin que l'on ne soit pas complètement dépaysé et que l'on puisse suivre l'exposé des détails. Le temple de Deir-elBahari est bâti en face de Thèbes, au fond d'un des vallons septentrionaux, le vallon le plus septentrional même, creusés dans la chaîne Libyque, une chaîne de montagnes qui partant de la Libye s'allonge de plus en plus et s'étend dans l'Egypte supérieure. Le nom arabe de Deir-el-Bahari, qui signifie monastère du Nord, il le doit aux débris d'un monastère de moines coptes qui l'encombrait au siècle dernier. On sait que dans les pays dévastés par des invasions successives, piétines tour à tour par des races diverses et sacagés par les musulmans comme l'Egypte, il n'était pas rare 202 REVUE DU MONDE CATHOLIQUE qu'un monument se superposât à un autre ou fût construit sur les ruines d'un autre. Il en fut ainsi du vieux temple égyptien. Les moines coptes bâtirent un monastère sur ses ruines. Des écrivains hostiles au christianisme accusent d'inintelligence et de vandalisme les moines coptes pour avoir privé l'art de tant de chefsd'oeuvre incomparables et ruiné tant de splendides monuments. Il y a là évidemment une exagération. S'il y a eu quelques excès qu'il est impossible de nier, ce n'est pas au christianisme qu'il faut s'en prendre, mais au caractère oriental et tout particulier de certains moines. Les moines coptes avaient le caractère oriental, lequel n'éprouve pas les mêmes impressions et les mêmes émotions que nous devant les créations de l'art; le sens esthétique n'est que faiblement développé chez les Orientaux. Ajoutez à cela la puissance d'une idée supérieure, celle de la religion, sinon totalement mal comprise, du moins exagérée, et l'on s'explique assez facilement qu'ils fussent portés à regarder comme plus ou moins inutile tout ce qui n'était pas d'origine chrétienne ni ne portait l'empreinte chrétienne. Ces accidents sont de pures contingences dans l'histoire de l'humanité en général et des grandes institutions, et l'on est assurément mal fondé à vouloir en faire un grief à la nature et aux qualités immuables du christianisme. Le monastère lui-même n'eut pas l'éternité pour lui et il n'échappa pas aux revers de la fortune ; il fut probablement dévasté à l'époque des invasions musulmanes, et tout ce qui en restait de plus saillant dans ces derniers temps, c'était une tour décapitée, dernier débris d'un donjon où les pauvres moines trouvaient un refuge contre les attaques des Bédouins. Le rationalisme, qui pousse des cris d'indignation lorsque ceux qui portent la croix dans leur main ont le malheur de renverser quelque monument païen, n'éprouve pas les mêmes susceptibilités lorsque le croissant renverse quelque monument chrétien. On comprend que dans un tel délabrement les premiers essais et les premières tentatives aient été extrêmement difficiles. Les premiers savants de la commission française purent à peine discerner les anciens murs sous les amas de briques sèches qui s'y étaient entassées successivement. Jollois et Devilliers, qui furent les premiers à mettre la main à l'oeuvre, n'aperçurent que la partie extrême de l'édifice, adossée à la montagne, ainsi que quelques crêtes de murailles. La longue avenue de sphinx était encore visible à leur époque. Dans la suite, quelques ouvriers indigènes, sous la direction de Drovetti, de Sait et de Belzoni, exécutèrent quelques déblaiements partiels et délimités. LES DERNIERES FOUILLES DE DE1R-EL-BAHARI 203 II Nous avons déjà dit que l'honneur de ces fouilles revient surtout à M. Naville. Il serait pourtant injuste de ne pas rappeler les premiers essais et de ne pas mentionner les précurseurs du savant genevois. Les explorations sérieuses, conduites avec méthode et dans un esprit scientifique, ne commencent qu'avec Champollion. Celui qui arracha aux mystérieux et séculaires hiéroglyphes leurs premiers secrets put facilement examiner les tableaux des salles souterraines du temple et déterminer la date de construction. Il s'aperçut tout d'abord que l'édifice avait été consacré à l'Amoii thébain par le mari d'une reine célèbre et remuante, au nom de laquelle il agissait. Ce personnage cependant, Thoutmôsis III, fit quelque chose pour sa propre gloire il effaça les cartouches antérieurs et se donna comme le fondateur de l'ensemble. C'était déjà une première étape, précieuse sans doute, puisqu'elle avait posé le premier jalon. Wilkinson, égyptologue anglais, marcha sur les traces de Champollion et continua ses recherches. En 1827 il dégagea la terrasse de l'est et décrivit les scènes triomphales qui y sont sculptées; les fouilleurs du pays se remirent à la besogne, et c'est grâce à eux qu'en 1843 l'égyptologue allemand Lepsius releva un plan plus complet que celui de la commission. Lepsius eut même une intuition, ou plutôt émit uue hypothèse. Il pensa que la majestueuse allée de sphinx se prolongeait à travers toute la plaine jusqu'à la rive du Nil, et qu'elle réunissait ainsi le temple occidental au grand sanctuaire de Karnak, dont les fouilles, auxquelles ont pris part tant d'illustres savants, ont été exécutées dans notre siècle d'une manière absolument remarquable. Après le départ de Lepsius, d'autres mirent la main à l'oeuvre. Plusieurs explorateurs, Greene entre autres, exécutèrent vers 1855 des sondages qui rendirent libre l'accès de plusieurs salles. Nous arrivons ainsi à l'époque où Mariette entre en scène. Appelé à organiser le service des antiquités, Mariette porte aussitôt son attention sur Deir-el-Bahari. En 1858, des ouvriers, dirigés par l'inspecteur Gobet, firent une sérieuse besogne ; ils s'attaquèrent aux parties hautes de l'édifice et nettoyèrent successivement la tour centrale, les spéos du Nord et du Sud, la première terrasse, celle que décorent les bas-reliefs fameux de l'expédition au Pouanit. De nouvelles escouades d'ouvriers revinrent deux fois, en 1862 puis en 1886, sous la con- 204 REVUE DU MONDE CATHOLIQUE. duite de Vassali, égyptologue italien. Ces escouades découvrirent plusieurs chambres complètement remplies de momies, lesquelles furent exposées à Paris en 1867. L'architecte Brune leva le plan et essaya de restituer l'ensemble. Quoique défectueux sur plus d'un point, son plan n'en rendit pas moins des services réels ; il permit au public européen, étranger à ces matières, de se faire une idée de ce que devait être le temple au temps de sa splendeur. L'égyptologue allemand Dûmichen et Mariette publièrent les textes et les tableaux, le premier en 1868 et en 1869 et le second en 1877. La publication de ces textes et de ces tableaux fournit une ample matière de recherches et aussi de discussions à l'archéologue, à l'historien et même à l'artiste. Tout pourtant n'était pas achevé dans l'oeuvre des fouilles. Mariette n'aurait pas mieux demandé que de mener à bonne fin l'exploitation si bien commencée et à laquelle s'étaient dévoués et avaient pris part tant de savants ; malheureusement les ressources pécuniaires lui manquèrent, et il mourut sans avoir pu réaliser ses projets. Ce fut un fâcheux contre-temps pour la science. Après sa mort on ne fit que quelques travaux presque insignifiants dont les résultats n'eurent aucune influence appréciable sur le progrès scientifique. III Nous arrivons à l'époque décisive, à l'intervention de M. Naville. Il ne faut pas oublier que l'égyptologue de Genève eut toutes les peines du monde à décider le comité de YEgypt Exploration Fund à reprendre et à poursuivre jusqu'au bout lé déblaiement. Le terrain, en effet, était dans un état capable de décourager même les meilleures volontés, les âmes les plus fortement trempées. D'immenses dépôts s'y étaient accumulés peu à peu qui atteignaient une épaisseur considérable. M. de Morgan, directeur des fouilles, mit gracieusement à la disposition de M. Naville quelques wagons Decauville. Ce fut un précieux secours, car il permit de centupler le travail. A l'aide de ces wagons et avec le concours de quelques ouvriers, M, Naville put entreprendre dès fouilles sérieuses et surtout bien suivies. Pour savoir en résumé quel, fut le caractère de ces fouilles en ce qui concerne le déblaiement de l'édifice, nous laissons la parole au grand égyptologue français M. Maspéro << La première campagne occupa l'hiver de 18921893, et elle produisit les résultats les plus heureux. Naville LES DERNIÈRES FOUILLES DE DEIR-EL-BAHARI 205 nettoya la partie septentrionale de la plate-forme supérieure, que Mariette avait négligée, et il y découvrit un ensemble de salle-S; en bon état d'abord une pièce longue, une sorte de couloir ouvrant sur la cour, puis, à côté, une chapelle dédiée au roi Toutmôsis Ier et comprenant un petit vestibule dont le plafond était supporté par trois colonnes, une cour rectangulaire plus longue que large, enfin un sanctuaire creusé en voûte dans le roc. Au centre de la cour s'élève un monument unique jusqu'à ce jour, un grand autel dédié au dieu Harmakhis. C'est un cube en calcaire blanc, haut de plus de deux mètres, long de cinq et large de quatre environ, auquel un escalier de dix marches accédait doucement cet escalier est bâti du côté sud-ouest, si bien que le prêtre, en débouchant sur la plate-forme, tournait naturellement la face à sondieu le Soleil levant. Peu après, l'esplanade inférieure, attaquée à son tour, rendit, en retour sur le spéos d'Anubis, la fin de la galerie entrevue par Mariette. Elle est soutenue par des colonnes protodoriques d'un effet charmant, et bien qu'elle soit inachevée, ce qui en existe est de proportion si exquise que nul art antique n'a rien à comparer de plus fin ni de plus gracieux. Les campagnes suivantes mirent au jour les terrasses inférieures, leurs escaliers, leurs murs de soutènement, leurs murs d'enceinte, des fragments de scènes maritimes, de longues inscriptions martelées mais lisibles encore, les panneaux d'une porte de tabernacle en ébène, de menus objets pharaoniques ou coptes, jusqu'aux fosses que les vieux jardiniers du temple avaient creusées pour y planter les arbres à encens rapportés des pays de Somalis au temps de la reine Hâtshopsîtou. La remise en place des blocs recueillis dans les décombres n'est pas achevée; mais les gros travaux sont finis, et rien n'empêche plus le visiteur de se promener librement à traversée qui subsiste encore du temple 1. » IV Ce qu'il y a de plus important et ce qui doit attirer le plus notre attention dans les fouilles du temple de Deir-el-Bahari, ce sont sans contredit les faits historiques mis en lumière et les découvertes mythologiques. C'est surtout à; ce point de vue que les fouilles sont, toujours utiles, parce qu'elles concourent à enrichir nos con1. con1. des Savants, juin 1899, p. 341, 342. 20Ô REVUE DU MONDE CATHOLIQUE . naissances historiques ou les données mythologiques que nous possédions déjà sur la religion des anciens Egyptiens. Les tableaux du temple de Deir-el-Bahari nous attestent le culte rendu à Thoutmosis Ier et à sa mère. Il n'est pas aisé de connaître exactement le rôle, les privilèges et les attributions des reines et des princesses royales en Egypte. Ce Thoutmôsis Ier auquel on rendait un culte était le fils d'une femme appelée Sonisonbou, qui était de basse et commune extraction et qui avait fait partie du harem d'Aménôthès Ier. Elle était jusqu'ici à peine connue. Dans les nouvelles découvertes son rôle grandit considérablement ; elle nous apparaît debout dans une niche, la tête couverte de la dépouille du vautour, dont se coiffaient en Egypte les déesses et les reines mères ; elle a aussi un cartouche et un protocole, ce qui était un privilège des personnages royaux. Ces renseignements et ces détails sont un trait de lumière; ils nous font connaître à merveille les intrigues de cour qui se jouaient chez les Pharaons à peu près comme dans beaucoup d'autres cours monarchiques. On y tenait beaucoup à la généalogie et à la descendance, à l'infusion du sang royal dans les veines, aux titres de naissance; c'était là ce qui donnait la préséance, le premier pas sur les autres. Ainsi une reine, une femme de roi, qui descendait de famille royale, avait le pas sur son mari si celui-ci n'en descendait pas. Qu'on nous permette de donner quelques exemples Aménothès Ier, qui était fils d'une femme de race royale, hérita de droits à la couronne, égaux du côté paternel et du côté maternel. La chose changea sous ses successeurs. Thoutmôsis II était le fils d'une princesse, Moutnofrît, de rang secondaire ; c'est pourquoi il cédait le pas à sa femme, Hâtshopsîtou Ire, qui était fille d'une princesse héritière, Ahmasi. Thoutmôsis III était fils d'une Isis entièrement inconnue, et par conséquent il cédait le pas à sa femme, Hâtshopsîtou, qui était fille de Hâtshopsîtou Ire. De même, Thoutmôsis Ier, fils d'une femme du peuple, Sonisonbou, doit céder le pas à sa femme Ahmasi, fille d'une princesse héritière, Ahhotpou II. Dans les autres salles et vestibules du temple, les inscriptions se superposent aux inscriptions. Des grattages s'y sont produits, car chaque roi effaçait les textes de ses prédécesseurs pour y écrire les siens. La décoration fondamentale appartient en tout cas à la reine Hâtshopsîtou Ire. Thoutmôsis Ier venait de mourir, car son nom apparaît plusieurs fois dans le vestibule, et, de plus, la chapelle lui est entièrement dédiée. Thoutmôsis II y figure aussi assez souvent, soit seul, soit avec sa femme ; puis Thoutmôsis III se Jfi LES DERNIÈRES FOUILLES DE DEIR-EL-BAHARI 207 montre à son tour. Ce prince fit beaucoup de changements, qui prouvent son ambition ou son astucieuse politique. Une fois qu'il fut seul au pouvoir, il substitua ses propres cartouches aux cartouches originaux, qui rappelaient les fondateurs du monument. Evidemment, en agissant ainsi, il voulait s'attribuer devant la postérité la gloire et l'honneur d'avoir construit ou du moins achevé ce temple majestueux. Plus tard commença une autre oeuvre de dévastation. Amenôthès-Khouniatonou, qui donna ses préférences à un autre dieu que le dieu souverain de Thèbes, fit détruire les symboles et les images d'Amon. Ce travail de dévastation, qui fut un peu général dans toute l'Egypte, ne s'accomplit nulle part avec autant d'intensité et de rigueur qu'à Deir-el-Bahari. Avec les images d'Amon on confondit parfois celles des rois et des reines, qui dès -lors subirent le même sort et les mêmes profanations. — Ramsès II, il est vrai, s'appliqua avec beaucoup d'ardeur à réparer le dommage, mais les ouvriers chargés d'exécuter ses plans ne procédèrent pas avec toute l'attention requise pour une pareille tâche ; ils rétablirent les images et les noms du dieu Amon, mais ils négligèrent les souverains et ils substituèrent les noms et les titres de leurs maîtres à ceux des rois antérieurs. C'est là le dernier remaniement subi par ce temple célèbre, qui resta tant de siècles enfoui sous les décombres et que les savants de notre époque devaient déterrer. II ne faut pas trop s'en plaindre, car c'est grâce à cet enfouissement que les peintures se cont conservées dans toute leur fraîcheur. Dans le temple se trouve la chapelle d'Anubis. Cette chapelle réservait à M. Naville une surprise bien agréable. C'est dans cette chapelle que l'égyptologue genevois découvrit, le Ier mars 1893, un naos. Les naos étaient fréquents et même nombreux dans les temples. Le principal de chaque temple était en pierre, et de très grandes dimensions, comme celui que l'on voit encore au sanctuaire d'Edfou. Le plus grand nombre pourtant étaient en bois de différentes espèces, ébène, sycomore, acacia, sapin, cèdre. Quelquefois il était peint de couleurs très brillantes, d'autres fois incrusté de pierres précieuses et d'émaux. Jusqu'ici on ne possédait que trois de ces naos en parfait état d'intégrité l'un qui se trouve au musée de Turin, l'autre conservé au musée de Gizèh, le troisième enfin transporté récemment deDashour à Gizèh. Quant à celui de Deir-el-Bahari, M. Naville n'en a recueilli que des fragments, qu'il a déposés au musée de Gizèh. On sait que le naos était le sanctuaire où le dieu était censé résider. Celui de Deir-el- 208 REVUE DU MONDE CATHOLIQUE Bahari avait été dédié au dieu Amon par Thoutmôsis II, pendant qifil fut vraiment souverain, et non dans une condition subalterne. Il n'est nullement téméraire de supposer qu'il le fit fabriquer avec l'ébène rapporté d'Ethiopie, durant la campagne de l'an Ier contre les nègres. Des scènes d'adoration étaient sculptées sur les parois intérieures. Thoutmôsis II y accomplissait les cérémonies ordinaires pour la consécration de l'objet. Des amulettes préservatrices, intercalées avec des inscriptions hiéroglyphiques, couvrent les parois extérieures, et sur le battant on voit le Pharaon officiant en l'honneur de son père, le dieu Amon-Râ, seigneur de Deir-el-Bahari; c'est incontestablement l'objet le plus précieux découvert jusqu'ici dans ces fouilles. Les autres pièces du temple et les autres décombres ont assurément moins d'importance. Dans le portique de la terrasse du milieu, qui se trouve dans un état très délabré, il ne subsiste de la décoration première que les deux portraits de la reine Ahmasi, un de Thoutmôsis -Ier et deux du dieu Toumou, seigneur d'Héliopolis. Le reste fut restauré dans l'antiquité, mais d'une manière absolument inintelligente, de sorte que cette restitution d'images, de décorations et de textes hiéroglyphiques n'a aucune valeur pour la science des antiquités. Le nom et la personne du dieu Amon ont été horriblement maltraités dans cette détérioration. C'est là un indice à la fois historique et archéologique qui nous prouve que Khouniatonou a pris une grande part à cette dévastation. Qui était ce Khouniatonou ? C'était un roi révolutionnaire ou plutôt novateur en religion. C'était un des derniers rois de la dix-huitième dynastie et s'appelait primitivement Amenôthès IV. Jaloux de la richesse et de la puissance des prêtres d'Amon, il voulut y remédier en s'attaquant au dieu lui-même. Le dieu Amon supprimé ou simplement rabaissé, son sacerdoce se trouvait aussi supprimé ou rabaissé par voie de conséquence. 11 n'entra pas dans des voies trop radicales; il préféra un simple changement ou une substitution. Au. dieu Amon, maître de Thèbes, il substitua une des formes, la plus brillante et la plus glorieuse de toutes, du dieu d'Héliopolis , Râ le Soleil; cette forme était le disque Atonou. Il fonda pour ce nouveau dieu une nouvelle ville dont El-Tell et El-Amarna nous ont conservé les ruines, puis il proscrivit Amon et le remplaça à Thèbes par son disque. Pour cette révolution il changea son nom d'Amenôthès, et se fit appeler Khouniatonou, Khou-ni-Atonou, qui signifie gloire, splendeur d'Atonou. Il dévasta principalement la décoration de la terrasse du milieu, qui repré- LES DERNIÈRES FOUILLES DE DEIR-EL-BAHARI 209 sentait une des plus hautes fonctions d'Amon, la création surhumaine des souverains. Les rois d'Egypte avaient toute une histoire symbolique. Les Pharaons étaient les enfants d'Amon, non par pure métaphore, mais d'une manière réelle. Lorsque la femme du Pharaon concevait, le dieu Amon s'incarnait dans le Pharaon, et par conséquent l'enfant qui naissait de cette union était par là même l'enfant du dieu. De ce fait, la mère'devenait une épouse divine — himît noûtir, — aussi bien qu'une épouse royale — himît souton. — Cette haute prérogative de la femme persistait même après la mort du roi. La femme qui, du vivant de son mari, s'était intitulée la salutatrice d'Amon — douait noutir ni Amonou, ou simplement la salutatrice, parce qu'elle était censée saluer Amon dans son mari chaque jour, continuait même après la mort de son mari à s'intituler l'épouse du dieu , l'épouse d'Amon. Ce sont là les principaux faits de ^différente nature qui se dégagent des fouilles exécutées à Deir-el-Bahari. 11 faut en savoir gré à ceux qui les ont entreprises avec tant de courage et conduites avec tant de zèle, de dévouement et de diligence. C'est avec des parcelles très menues ou des bribes qu'on construit peu à peu le grand édifice de l'histoire sous toutes ses formes. V. ERMONI. La Fleur merveilleuse de Woxindon Suite LIVRE QUATRIÈME CHAPITRE XX Le médecin de Marie Stuart Le jour suivant, nous partîmes de bonne heure pour Chartley, Saint-Barbe et moi. Mon compagnon fut introduit sur-le-champ. Quant à moi, je dus attendre près d'une heure au corps de garde. Pendant ce temps, j'essayai de questionner les grincheux gardiens, et d'apprendre par eux quelques détails sur la prisonnière. Peine perdue. Enfin, un serviteur vint me prendre pour me conduire dans le grand corps de bâtiment qui servait d'habitation au châtelain. Sir Amias Paulet me reçut à peu près comme aurait fait un vieux chien à la chaîne ou un hargneux boule-dogue. Sans daigner répondre à mon salut, il se mit à grogner des invectives contre les vagabonds papistes et toute la racaille de cette espèce ; si bien que je finis par me fâcher et lui demander fièrement pour qui il me prenait. Il ne devait pas ignorer que j'étais le frère de lord Windsor, et que je venais ici, envoyé par Walsingham luimême, pour offrir mes services comme médecin à la reine prisonnière. Le vieux dogue se décida alors à m'offrir un siège, et se mit à me donner ce qu'il appelait mes instructions ». Pour l'ordinaire, déclara-t-il, je n'aurais rien d'autre à faire qu'à voir la reine une LA FLEUR MERVEILLEUSE DE W0XIND0N 21 I fois par semaine, et seulement en sa présence. Je devais, en outre, m'engager par serment à ne lui parler que des choses ayant trait à sa santé, et à ne lui remettre ni à recevoir d'elle aucune espèce de lettre ou de communication par écrit. Je refusai nettement de souscrire à de telles conditions. Relativement au premier point, j'essayai de lui faire comprendre combien il serait pénible pour la prisonnière d'exposer devant lui, en détail, ses souffrances et ses misères corporelles. Quant au reste, je consentais à promettre sur mon honneur de ne rien dire ni traiter avec elle contre la reine Elisabeth ni contre le bien de l'Etat, et de ne me charger d'aucune lettre du dehors. Nous discutâmes longtemps là-dessus. Enfin, Saint-Barbe, appelé et consulté, parvint à décider le vieux cerbère à se contenter de ma promesse, que je devrais jurer sur la Bible. Ici, nouvelle difficulté qui faillit tout arrêter. Comme catholique, je ne pouvais, sans protestation et sans réserves préalables, étendre la main pour prêter serment sur la Bible protestante que sir Amias me présentait. Après bien des grognements et des injures, il finit par me laisser libre puis il me demanda si je voulais faire immédiatement ma première visite à ma royale cliente. Sur ma réponse affirmative, il me conduisit par un escalier tournant devant une lourde porte bardée de fer, qu'il ouvrit avec une énorme clef, puis referma soigneusement derrière nous. Nous nous trouvions dans un corridor voûté de l'étage supérieur, sur lequel s'ouvraient à droite et à gauche un grand nombre de chambres, et qui était éclairé par une fenêtre. Mais des chambres, on ne pouvait atteindre ni les fenêtres, ni les portes donnant en plusieurs endroit sur un escalier, et dont une lourde grille de fer défendait l'accès. Devant une de ces grilles était un poste de gardiens surveillant tout le corridor. Je crois bien qu'à notre arrivée le gardien en faction dormait comme un bienheureux, et ne se remit vivement sur pied qu'au bruit des clefs et au grincement de la porte; cela lui valut de mon peu tendre guide, qui s'en était aperçu, une admonestation bien sentie. La voix de sir Amias Paulet sous ces voûtes produisit l'effet d'un appel de marteau ou de cloche, car nous vîmes aussitôt sortir d'une des portes un petit homme habillé de noir, qui vint à nous au seuil de la grille ouverte, et avec un léger salut s'informa du but de la visite. 212 REVUE DU MONDE CATHOLIQUE Dites à votre maîtresse, dit Paulet d'un air rogue en refermant la grille derrière nous, que le médecin dont je lui ai parlé est ici et désire lui être présenté. Mais prestement, master Nau, je n'aipas de temps à perdre. » Nau fixa sur moi un regard perçant, mais qui- n'avait rien d'hostile, et nous introduisit dans une sorte d'antichambre, disant qu'il était heureux d'annoncer cette visite à Sa Majesté. Il frappa à une seconde porte ; une femme de chambre se présenta qui me regarda à son tour très curieusement. Le secrétaire la mit au courant en quelques mots, et elle disparut. Après une attente de quelques minutes seulement, qui mit pourtant mon compagnon en fort méchante humeur, la porte se rouvrit et Nau nous pria d'entrer. La pièce était de moyenne grandeur ; un jour douteux y pénétrait par deux fenêtres grillées garnies de carreaux de verre dépoli. A la muraille en face de la porte était fixé une sorte de ciel-de-lit ou de baldaquin portant sur fond de velours sombre les armes d'Ecosse lion rouge debout sur champ d'or, avec encadrement de fleurs de lis, enguirlandé de chardons, et au-dessus, écrite en lettres d'or sur une banderolle à entrelais, la devise Dieu et mon droit. Adossé à une autre muraille, se trouvait un buffet de vieux chêne artistement sculpté, dont le principal ornement était un crucifix portant un Christ doré. Au-dessus, peint sur fond d'or, dans un encadrement sombre, un très gracieux tableau, de l'Annonciation, probablement une copie de Fra Angelico. J'avais eu à peine le temps de jeter sur tout cela un rapide regard, lorsque Marie Stuart, sortant de son appartement' avec deux suivantes, entra dans le salon de réception. Elle demeura quelques instants debout sur le seuil, m'examinant de son beau et clair regard. Je m'inclinai comme de juste très profondément. Sir Paulet au contraire se montra d'une grossièreté telle que l'envie me prit de le souffleter. Sans le moindre salut il prit brusquement la parole Madame, je vous amène le médecin que Sa Majesté et le Conseil privé, dans leur charité chrétienne, ont daigné vous accorder. — Et par ma foi, je trouve qu'ils sont bien trop bons. — A leur place ce n'est pas ce docteur-ci que je vous aurais envoyé... — Mais sans' doute un autre qui m'aurait fait une forte saignée, et m'aurait ainsi délivrée de toutes les misères de cette prison, n'est-ce pas ? mon très aimable et très gracieux hôte, reprit la LA FLEUR MERVEILLEUSE DE W0XIND0N 21} reine, d'une voix très douce, empreinte., d'une légère ironie. Sir Amias, si vous n'êtes pas poli, du moins vous êtes franc, et vous ne cachez pas vos sentiments à mon égard. J'aime mieux cela que d'hypocrites, démonstrations. Mais votre désir, que partagent sans doute nombre de gens influents, peut encore se réaliser. La manière dont je suis traitée par ma royale soeur depuis dix-huit ans, et surtout depuis que je suis sous votre garde, m'avertit assez que je dois m'attendre à tout. — Vous avez mauvaise grâce de vous plaindre de Sa Majesté, qui a eu tant de patience avec vous. Après la sentence de Westminster elle eût pu vous traduire en jugement, et c'eût été bientôt fini. Et certes vous l'auriez mérité, ne fût-ce que pour l'obstination avec laquelle vous repoussez le pur Évangile, et vous restez attachée à cette abominable idolâtrie papiste, que je ne puis voir sans horreur, toutes les fois que mes fonctions m'amènent ici. » En disant ces mots, sir Amias jetait un regard de colère sur les images pieuses de l'appartement. Aujourd'hui surtout, continua-t-il, il me semble qu'au lieu de vous plaindre vous devriez vous montrer reconnaissante de ce que Sa Majesté daigne vous envoyer un médecin. » Pendant que son geôlier parlait, la reine, toujours accompagnée de ses suivantes, était allée s'asseoir sur une simple chaise devant une table de travail, près de la fenêtre. Je pus alors l'examiner à loisir, et je fus immédiatement frappé de son teint maladif et de sa chevelure prématurément blanchie pour une femme de quarantequatre ans. Mais l'expression de son visage était d'une extrême douceur, et de sa grande beauté, qui l'avait rendue si célèbre dans sa jeunesse, il restait de remarquables traces, quelque chose comme les rayons affaiblis de la lune brillant à travers un voile de légers nuages. Elle reprit du même ton toujours doux et calme Sur l'honneur que je rends à la sainte image de mon Sauveur mourant pour mes péchés et de sa miséricordieuse Mère, vous me permettrez de ne pas discuter avec vous, sir Amias. Je ne vous convertirais pas, ni vous non plus ne me convertirez. Pour ce qui est de la sentence de Westminster on devait s'y attendre, puisqu'elle n'a été rendue que par des ennemis mortels, sans que l'accusée ait même été entendue. Je m'en console et j'en appelle au jugement que le Dieu qui sait tout rendra au dernier jour à la face du monde entier. Car si devant sa très sainte majesté je me reconnais coupable de bien des fautes et de bien des péchés, pour 11 214 REVUE DU MONDE CATHOLIQUE lesquels je demande humblement pardon par le sang de JésusChrist, je proteste que je suis innocente du meurtre de mon malheureux époux. Je vous prie donc pour la dernière fois de m'épargner ces révoltants reproches. Quant à l'envoi d'un médecin, que d'ailleurs je n'ai nullement réclamé, je ne puis qu'en être sincèrement reconnaissante à ma royale soeur la reine d'Angleterre. » C'est presque en hésitant et en me regardant d'un oeil scrutateur qu'elle prononça ces dernières paroles. Je m'avançai alors, mis genou en terre et demandai permission de lui baiser la main. Elle me la tendit en disant Monsieur Windsor, n'est-ce pas ? si c'est bien le nom que l'on m'a annoncé. Relevez-vous. Etes-vous frère de lord Windsor? Et d'où vient que vous vous êtes voué à l'étude de la médecine ? — Ce n'est point chose défendue aux cadets de la noblesse anglaise, repris-je. Et dans les circonstances actuelles je n'avais aucune envie d'exercer un emploi à la cour, dans l'administration ou dans la magistrature... — Seriez-vous donc resté fidèle à la vieille foi catholique ? interrompit vivement la reine. — Oui, Majesté, par la grâce de Dieu, je suis catholique. » Un doux et très bienveillant sourire passa sur les lèvres de la noble prisonnière, et je sentis tomber sur moi un chaud rayon de ses grands yeux, tandis que sir Amias ne pouvait retenir une imprécation. Oh ! fit-elle, jamais je n'aurais osé rêver la faveur d'avoir auprès de moi un médecin catholique... Mais il vous restait la carrière des armes ! Vous auriez pu servir et combattre sous l'héroïque duc de Parme? — La nature m'a doué d'un tempérament pacifique, répondis-je, et j'ai plus de joie à guérir les blessures qu'à les faire. Si je pouvais suivre l'attrait de mon coeur, je préférerais m'adonner aux Muses, et votre Majesté connaît l'adage Inter arma Musce silent Au milieu des armes, les Muses se taisent. » R. P. SPILLMANN. A suivre. PETRUS Tragédie chrétienne en cinq actes et en vers L'auteur de Peirus a succombé à l'aurore de sa jeunesse, à 24 ans. M. Sarramia de Père, sur le bord de sa tombe prématurément ouverte, a tracé le portrait du jeune poète. Il s'exprimait en ces termes Né à Layrac, Prosper Sanard y grandit jusqu'au moment où il entra au collège Saint-Caprais, à Agen. Son passage y fut court. Dès la septième, il alla continuer et finir ses études à Vaugirard. Il en sortit bachelier et, au mois de juillet 1898, il obtenait le titre de licencié en droit. Un heureux avenir lui souriait. Que d'espérances conçues ! ! ! que de rêves caressés ! ! ! Hélas ! en un instant tout s'est évanoui. Gardons-nous pourtant de murmurer contre les décrets de la Providence; élevons plutôt notre pensée vers Dieu, qui nous aime, Car il nous bénit alors même Que sa main semble nous briser. Quoiqu'il ressentît pour Paris un vif attrait, surtout à cause des jouissances intellectuelles qu'il y trouvait, grande était la joie de Prosper Sanard de revenir chaque année, aux vacances, dans sa ville natale, où il ne comptait que des sympathies. Nature d'élite, impressionnable à l'excès, tout ce qu'il y a de noble, de grand, de beau, faisait délicieusement vibrer son âme, pleine de poésie. Dans son coeur filial, il y avait des trésors de tendresse pour ses chers et si malheureux parents qu'il comblait sans cesse d'attentions. Une éducation accomplie, un caractère affable, un esprit délicat, légèrement enclin à la rêverie, rendaient sa société aimable et recherchée; il laisse parmi ses amis d'ineffaçables regrets. Ceux qui le connaissaient savent le plaisir que l'on goûtait à s'entretenir avec lui des questions littéraires du jour, car il s'occupait tout particulièrement de la littérature contemporaine. Peu de productions parmi celles parues dans ces derniers temps, soit en vers, soit en prose, lui furent étrangères, encore qu'il préférât la poésie, sans doute parce qu'il la cultivait lui-même avec succès. Ainsi, en dehors d'une foule de bluettes au tour gracieux, empreintes d'une fraîcheur exquise, il a composé poulies établissements religieux un drame intitulé Petrus », dont le sujet est à peu près le même que celui des Martyrs de Chateaubriand ; son oeuvre est restée inédite. Là ne se bornaient pas ses talents, il était encore un charmant diseur; sa voix était pleine et sonore; son jeu expressif et le souci qu'il avait des nuances, sa façon de les traduire, révélaient en lui un artiste d'un goût affiné. A ses rares qualités d'esprit et de coeur, il joignait les vertus dont le souvenir doit être un adoucissement à l'affliction des siens. Prosper Sanard était un fervent chrétien; s'il ne discutait jamais religion, c'est qu'il n'ignorait pas que les controverses en pareille matière aigrissent les esprits incrédules plus souvent qu'elles 216 REVUE DU MONDE CATHOLIQUE ne les ramènent, mais, ce qui valait mieux, il prêchait d'exemple. A la face des hommes, sans une ombre de respect humain, et aussi sans ostentation, il pratiqua toujours la doctrine du Christ avec une conviction et une piété qui étaient pour beaucoup une bienfaisante édification. Sa mort fut digne de sa vie, il s'est endormi dans la paix du Seigneur, muni des sacrements de l'Église. Trois jours avant d'expirer, il demanda qu'on lui apportât la sainte communion. Depuis longtemps il s'y était préparé et il la reçut animé du plus divin amour. Durant toute la journée il pria. A voir sa résignation, nul doute qu'il ait puisé dans sa foi éclairée autant qu'agissante le courage de faire généreusement le sacrifice de sa vie. » Nous croyons servir la cause des lettres françaises en publiant Petrus oeuvre d'une noble et saine inspiration, d'un lyrisme pénétrant et d'une psychologie profonde. Au milieu des blanches fleurs qui ornent le lieu de repos de notre cher poète, Petrus sera lé bouquet déposé pieusement par ceux qui ont aimé et admiré son noble caractère et son beau talent. PERSONNAGES PETRUS, neveu de Domitien. UN CHRÉTIEN. L'ÉVÊQUE DE ROME. UN PRÊTRE GREC. L'EVÊQUE DES GAULES. UN ARCHONTE. DOMITIEN, empereur romain. i"r Soldat. LABIENUS, officier des armées impériales. 2" Soldai. UN VIEILLARD ROMAIN. f Soldat. UN HISTRION. /"' Gardien. Chrétiens, gardes de l'empereur, soldais, guerriers, gardiens de la prison La scène se passe sous Domitien. ACTE PREMIER LÀ PRIÈRE AUX CATACOMBES DE ROME Des lampes sont de ci de là suspendues au roc. Au fond, au milieu, un large escalier qui communique avec le dehors. Au centre, une grande croix enguirlandée de fleurs. Aux rochers, signes funèbres. A gauche, au premier plan, une pierre sur laquelle, au lever du rideau, YEvêque de Rome se trouve assis. A côté de lui, YEvêque des Gaules est debout, bâton en main, sandales aux pieds. PETRUS 217 SCÈNE I L'ÉVÊQUE DE ROME, L'ÉVÊQUE DES GAULES L'ÉVÊQUE DE ROME Vous quittez les splendeurs de la Ville éternelle, Rome, pilier puissant du monde qui chancelle, Devant lequel, tremblant de lui faire un affront, Cent peuples enchaînés ont prosterné le front, Tandis qu'au-dessus d'eux plane l'aigle romaine? L'ÉVÊQUE DES GAULES Vers le pays gaulois mon amour me ramène. J'aime mieux le barbare avec sa loyauté Que les adulateurs de votre royauté. Rome n'est plus la ville amoureuse de gloire Marchant sans s'arrêter de victoire en victoire, Passant par l'univers avec ses légions Aux regards étonnés des autres nations. On pouvait admirer hier la conquérante Votre, ville aujourd'hui n'est plus qu'une bacchante, Ivre de honte, en proie au délire insensé, Dans les cris de l'orgie oubliant son passé. L'ÉVÊQUE DE ROME, se levant. Ne me rappelez pas que je déplore !.. Bacchante, si l'on veut, mais souveraine encore ; Gardant jusqu'en l'excès de sa folle impudeur Au fond de sa folie de grandeur. Non, Rome ne meurt pas. Cette ville est. bénie. Elle ne s'en va point d'une lente agonie. Doublement consacrée C'est la tête du monde..et la Elle s'est assoupie et se berce de songes. Elle en reconnaîtra les indignes mensonges, Et rouvrant sa paupièreà. la clarté, des, cieux, Un spectacle splendide éblouira ses yeux. Elle verra germer aux quatre coins dû monde Du divin moissonneur la semence féconde, 2l8 REVUE DU MONDE CATHOLIQUE Et les nouveaux chrétiens, de foi tout frémissants, S'immoler en pâture aux lions rugissants. Surprise, interrogeant nos noires catacombes, Elle se penchera sur nos funèbres tombes, Elle retrouvera son âme d'autrefois Et tombant à genoux, elle dira Je crois. » L'ÉVÊQUE DES GAULES Oui, ce jour bienheureux pour la ville romaine Laisse l'esprit rêver d'une aurore lointaine, Où la foi brillera sur la sombre cité Enchantant des regards las de leur cécité. Mais avant que de voir l'éclatante lumière Percer l'obscur bandeau posé sur sa paupière, Seule, la Rome aveugle ira par le chemin, Et les peuples moqueurs repousseront sa main. Des longs égarements pour expier le crime, Elle s'avancera jusqu'aux bords de l'abîme, Dans le gouffre béant prête à tomber soudain, Et la Gaule viendra qui lui tendra la main, La Gaule, le pays de ces races épiques Se dévouant toujours aux causes héroïques ; La Gaule au coeur vaillant, fait pour être chrétien ; La Gaule, le pays des Gaulois et le mien. Sois fier, ô mon pays, de ton destin sublime, Puisque tu Rome au seuil de l'abîme, Et que ton sang vermeil, en dessillant ses yeux, Doit rouvrir sa paupière à la clarté des çieux ! L'ÉVÊQUE DE ROME Si le sang des Gaulois a le pouvoir suprême D'effacer les péchés comme l'eau du baptême, Qu'il empourpre le Tibre et qu'au fleuve puissant Il lègue ses vertus avec ses flots de sang. Aux pays des Césars qu'un nouveau Jourdain passe ! De la cité des dieux qu'il inonde la place Et qu'au palais son flux, dans sa sainte fureur, Vienne briser l'idole aux pieds de l'empereur! L'ÉVÊQUE DES GAULES, rêveur. Quand de Domitien convertirez-vous l'âme ?. . . PETRUS L'ÉVÊQUE DE ROME Mais déjà son neveu pense et même proclame Que le Christ sur les dieux doit rester triomphant. Petrus sera martyr ! L'ÉVÊQUE DES GAULES Petrus est un enfant Dont la foi m'est suspecte... Orgueilleux, irascible, Son regard inquiet le trahit trop sensible. Je l'ai pris à songer seul et mystérieux, Et les rêves déçus du jeune ambitieux Impriment sur son front de lugubres sillages. Il a de l'empereur les passions sauvages. Il le voit au palais le soir et le matin, A ses genoux parfois il assiste au festin, Se couronne de fleurs, prend la coupe d'ivoire Et rit quand l'histrion dit ses chansons à boire. Cependant, le matin, il redescend ici. Le doute dans ses yeux met un vague souci, Son front rougit encor de sa lâche défaite, Et quand on le regarde, il détourne la tête. Dans l'âme de Petrus je vois comme en ses yeux Dominer tour à tour le Christ et les faux dieux. Vos ancêtres, Romains, avaient des moeurs austères. Ils quittaient leur charrue, au sillon, dans leurs terres Pour se battre et mourir en héros !... Leurs enfants "Ne sont plus aujourd'hui qu'histrions élégants, Des sondeurs d'avenir, des rêveurs fous d'ivresse. La Gaule mettra fin à leur longue paresse Et Rome baptisée avec un sang nouveau De l'Eglise du Christ deviendra le joyau, Seul le sang des Gaulois peut baptiser le monde ! . A ce moment arrivent par la droite de de tous les âges, en toges blanches bordées de rouge. L'ÉVÊQUE DE ROME, les montrant. Ces chrétiens forment-ils une race inféconde? Ne savent-ils mourir ? 220 REVUE DU MONDE CATHOLIQUE L'ÉVÊQUE DÉS GAULÉS Savent-ils gouverner ? A quoi bon les semeurs rie pouvant moissonner ? Si les fruits étant mûrs pour la moisson prochaine, Vous les laissez pourrir dans la ville païenne; A quoi peuvent servir tous vos coeurs et vos bras ? L'ÉVÊQUE DE ROME Les semeurs sont ici... L'ÉVÊQUE DES GAULES, sortant par le grand escalier dû fond. Lès moissonneurs là-bas ! SCÈNE II L'ÉVÊQUE DE ROME, UN VIEILLARD ENTOURÉ DE CHRETIENS LE VIEILLARD Père, daigne excuser nos douloureuses plaintes, Calme de nos enfants les effroyables craintes. Ils gémissent et même ils redoutent leur sort, Prétendant avoir peur de désirer la mort. Mets sur letirs jeunes fronts tes deux mains bénissantes. Affermis en priant leurs volontés naissantes. Donne-leur cette force invincible d'en haut Nécessaire au chrétien pour mourir comme il faut. L'ÉVÊQUE DE ROME Nés à l'heure fatale où Rome en décadence, Osant prostituer sa vieille indépendance, Devenait un moment l'esclave des plaisirs, Vos fils ont éprouvé ses monstrueux, désirs. Ils subissent de plus la crise épouvantable Et du siècle inquiet et de l'esprit malade. Le rêve est aujourd'hui le mal essentiel. Enfants, ne rêvez pas ! Ne rêvez que du ciel C'est l'objet le plus bèâû; le plus grand, le plus Stable Du seul rêve qui soit toujours réalisable. PETRUS 221 Pour l'accomplissement du suprême devoir, Prions Dieu qu'il vous donne un céleste pouvoir Tous s'agenouillent au pied dé la croix. L'Évêqùe resté defrout, les mains étendues sur les fronts prosternés. O toi, Maître absolu des volontés humaines", Accorde à nos martyrs tes forces souveraines.., SCENE III LES PRÉCÉDENTS, PETRUS, hors de lui, arrivant comme un fou par l'escalier du fond. PETRUS Valérian est mort!... Ils l'ont assassiné Dans le cirque... au moment où cet infortuné Me quittait, les bourreaux l'ont pris et tué!... Lâchés!... Lâches !... Je les paierai de leurs sanglantes tâches ! Valérian est mort ! L'ÉVÊQUE DE ROME, joyeux. Apaisez vos douleurs ! Tarissez en vos yeux la source de vos pleurs. Lorsque Dieu d'un chrétien comble les espérances, Sachez de votre coeur surmonter les souffrances ! Se tournant vers la croix Si ce martyr accroît le nombre des élus Seigneur, je te bénis ! PETRUS, égaré, semblant voir à terre Valérian. Pourquoi donc n'ës-tû plus? Valérian, réponds... O mort! ô froid mystère ! Pourquoi me regarder ainsi ? pourquoi te taire ? Valérian, réponds !... hélas 1 non ; c'est fini. Non, jamais plus à toi je ne dois être uni. Par les soirs parfumés de senteurs odorantes, Par les matins d'été pleins de choses chantantes, Nous n'irons plus rêver d'un heureux avenir. Toute chose a sa fin le rêve doit finir. 222 REVUE DU MONDE CATHOLIQUE Te souvient-il, ami, de notre insouciance ? En nos vastes espoirs remplis de confiance, Nous suivions les sentiers du parc impérial Pour ravir aux oiseaux leurs notes de cristal, Accomplissant joyeux des courses insensées, Mêlant nos rires clairs et nos douces pensées ? Te souvient-il encor... Mais tu ne m'entends pas ! L'ÉVÊQUE DE ROME, affectueusement. Le prince était absent de ce spectacle ? PETRUS Hélas ! Aux jardins du palais, courbé devant l'idole, Le coeur sans passion, la lèvre sans parole, J'entendis retentir des cris dans le lointain. J'eus un pressentiment. Je me levai soudain, Je courus vers l'arène, et lorsque j'en fus proche, J'aperçus des soldats fuyant à mon approche. Minute douloureuse! effroyable moment! Plus obstiné me vint l'affreux pressentiment. En pénétrant au cirque une assurance sombre Du doute en mon esprit parut élargir l'ombre. J'entrevis tout à coup l'affreuse vérité Avant d'être certain de la réalité. Et parcourant le cirque ainsi qu'un chien de chasse, Du sang que je flairais je poursuivais la trace Lorqu'enfin j'arrivais à l'endroit où les corps Sont jetés pantelants, tièdes, à peine morts, Horreur ! je reconnus, appuyé contre un arbre, Le corps rouge de sang et le front blanc de marbre, Mon cher Valérian, le meilleur des amis ! Valérian est mort ! L'ÉVÊQUE DE ROME Prince, Dieu l'a permis. PETRUS, avec orgueil. Pourquoi l'a-t-il permis ? PETRUS 223 L'ÉVÊQUE DE ROME Parce qu'il est le Maître. PETRUS Il pouvait le défendre. "' L'ÉVÊQUE DE ROME Il devait le permettre. PETRUS, insistant. Pourquoi le devait-il? L'ÉVÊQUE DE ROME O vaine question! Puis-je sonder de Dieu la sainte intention ? PETRUS N'êtes-vous pas de Dieu représentant à Rome ? L'ÉVÊQUE DE ROME Mais je suis moins que Dieu si je suis plus qu'un homme ! PETRUS Enfin expliquez-moi ce divin sentiment ? L'ÉVÊQUE DE ROME Ce n'en est ni le lieu, prince, ni le moment. La paisible prière est ici notre étude Quand vos désirs troublés sont pleins d'inquiétude. Mais pour guérir le mal qu'en vos yeux j'entrevois, Dites sincèrement ces paroles Je crois ! » PETRUS Je crois ! ces mots sans cesse obsèdent mes oreilles, La nuit dans mon repos et le jour dans mes veilles. Dois-je croire ou douter? Indécis et flottants, Mon esprit et mon coeur demeurent hésitants. Faut-il toujours ramper sous cette terre humide Si Dieu n'existe pas et si le ciel est vide ? 224 REVUE DU MONDE CATHOLIQUE Faut-il vivre au grand air en reniant son Dieu S'il est vrai que le Christ soit présent en tout lieu ? Dois-je croire ou douter? L'ÉVÊQUE DE ROME Prince, vous devez croire. Dans le calice saint ".et dans le saint ciboire, Le Christ vient s'immoler et reste sur l'autel, Prêt à toujours mourir, lui, toujours immortel. PETRUS Prétendus possesseurs d'unjDieu seul, immuable, Qui me dit qu'au palais ne soit le véritable? Que, différent du vôtre, il ne soit le seul vrai? Je sais qu'il en faut un, Evêque, et je croirai Que le vôtre est réel, mais... j'en veux une preuve! L'ÉVÊQUE DE ROME Elle m'effraye, enfant, votre âme jadis neuve, Aimable si longtemps par sa naïveté Et si vite vieillie en ce temps éhqnté ! PETRUS, rêveur. Oh ! ce désir fatal, inexplicable et vague, Qui fait, chaque matin, que je laisse ma bague, Ma lyre et mon collier, pour descendre en ce lieu, Espérant chaque jour y pouvoir trouver Dieu !... Mais ce Dieu qui demande à l'enfant qui l'adore D'abandonner la terre en fermant à l'aurore Ses yeux clairs et profonds tels qu'un lac azuré, D'anéantir l'amour en son coeur adoré, Ne peut pas exister. Mouvement de stupeur des chrétiens. L'ÉVÊQUE DE ROME Votre raison s'égare. Aux chrétiens. Frères, je vous rejoins à l'autel.... Qu'on le pare, En ce glorieux jour, du plus bel ornement. Du divin sacrifice arrive le moment. Les chrétiens sortent à droite. A suivre. X... A travers les Revues I. ÉTUDES La loi des garanties, P. j. Burnichon. — II. CORRESPONDANT, IO novembre i° La Revision de la Constitution, P. L. Target; 2° Les discours de combat de M. F. Brunetière Gabriel Syveton. — III. REVUE DES REVUES, ior novembre Les prolétaires dans le clergé français, Paul Pottier. — IV. REVUE GÉNÉRALE DE BRUXELLES, novembre Les missions protestantes, ArchibaldJ^ Dun. —V. REVUE DES DEUX-MONDES, novembre i° L'Europe sans l'Autriche, Charles Benoist; 2" L'école primaire en Angleterre, M. Bonet-Maury ; 30 Le pouvoir judiciaire dans la démocratie, Charles Benoist. — VI. REVUE DE PARIS Le monde islamique, pansislamique O. Depont et J. Talayrach d'Eckardt.—VII. LA QUINZAINE Noire régime parlementaire, M. Emile Faguet. — VIII. REVUES ÉTRANGÈRES i° CONTEMPORARY La guerre du Transvaal ; 20 FORTNIGHTLY Les erreurs de M. Chamberlain ; 30 NINETEENTH CENTURY La nouvelle réforme ; 40 LE NORTH AMERICAN REVIEW Protestation en faveur desBoè'rs; 50 RIVISTA POLITICAE LETTERARIA Le Péril français. I Le Père J. Burnichon nous entretient de certaines mesures législatives que le gouvernement prépare contre la liberté d'enseignement afin d'entourer de garanties le recrutement des fonctionnaires. Il paraît qu'on a découvert que les administrations, aussi bien que l'armée, étaient aux mains des cléricaux. Maintenir un tel état de choses c'est, dit-on, livrer la place à l'ennemi. Le moyen de les chasser, c'est d'exiger de tous les candidats aux fonctions publiques un certificat d'études universitaires. Cette mesure a été inscrite dans le programme des réformes urgentes à côté de l'expulsion des Congrégations religieuses et de la confiscation de leurs biens. Quelques journalistes ont créé ce qu'on appelle un courant d'opinion en essayant de faire croire que c'est le peuple souverain qui réclame la vilaine besogne dont on lui rabat les oreilles. On en est à se demander maintenant à quelle branche du budget on pourrait accrocher un amendement dans ce sens. C'est, paraît-il, le gouvernement qui va demander au Parlement de voter une loi prescrivant un stage scolaire de trois ans dans les établissements d'instruction secondaire de l'État aux aspirants et aux aspirantes aux fonctions publiques pour lesquelles sont requises les études secondaires ou supérieures, ainsi qu'aux candidats ou candidates aux examens ou concours d'admission aux écoles de l'Etat établies pour le recrutement des services publics. Telle est, dans sa naïve hypocrisie, le projet du gouvernement pour la restauration du monopole de l'enseignement universitaire. L'effet infaillible de la loi serait évidemment d'empêcher de vivre tout autre enseignement que celui de l'Etat. Si vous avez fait vos études ailleurs qu'au lycée ou au collège universitaire, REVUE DU MONDE CATHOLIQUE — 15 JANVIER IGOO 8 226 REVUE DU MONDE CATHOLIQUE toutes les portes vous sont impitoyablement fermées ; vous ne pouvez être ni magistrat, ni ingénieur, ni officier, ni professeur ; vous ne pouvez entrer ni à l'Ecole polytechnique, ni à l'Ecole centrale, ni jaux Ponts-et-Chaussées, ni à la Guerre, ni à la Marine, ni à l'Agriculture, ni aux Finances, ni aux Forêts, ni dans une administration quelconque. Mieux que cela, l'accès du séminaire vous sera peut-être interdit, puisque le séminaire est une école instituée pour le recrutement d'un service public. Telle est la conséquence inévitable de la loi proposée. On s'en félicitait naguère au Congrès de la Ligue d'enseignement de Toulouse Soyez sûrs, y disait-on, que les établissements congréganistes se videront, le jour où les parents sauront que leur enseignement ne mène à rien. » Cette prétention de l'Etat contient la négation formelle de la liberté d'enseignement et l'affirmation du monopole; c'est la violation du droit moderne, Pour le prouver, il suffit d'un petit raisonnement peu compliqué. D'après l'article 6 de la Déclaration des Droits de l'homme, tous les citoyens, étant égaux entre eux, sont également admissibles à toutes les dignités, places et emplois publics, selon leurs capacités et sans autres distinctions que celles de leurs vertus et de leur talent. Nous avons donc tous, en France, le droit d'aspirer aux fonctions publiques; ce droit est inhérent à la qualité de citoyen français. En être privé constitue une déchéance. Frapper d'incapacité ceux qui ont été élevés par d'autres maîtres que ceux de l'Etat, c'est dire que l'enseignement de l'Etat est obligatoire, c'est dire que l'enseignement n'est pas libre, car on ne peut pas dire que l'enseignement est libre dans un pays où ceux qui ne sont pas enseignés par l'Etat perdent, par ce fait même, leurs droits de citoyen. Voila qui nous paraît clair de la clarté de l'évidence; et nous pensons que ceux qui voudront combattre pour la liberté ne doivent, à aucun prix, abandonner une position par elle-même inexpugnable. 2. La même Revue nous offre une étude très documentée sur Joseph de Maistrc, du Père G. Longhaye. Nous regrettons que le temps nous manque pour la résumer. 11 Signalons un travail remarquable et tout d'actualité de M. Target, au sujet de la revision de la Constitution, demandée par M. de Marcère, sénateur. Dans un récent article publié par Y Echo de Paris, l'honorable sénateur a fait une peinture, aussi vraie qu'affligeante, de notre situation à l'intérieur et à l'extérieur. Jamais la propagande socialiste n'a été plus active et le désordre moral plus violemment affiché que dans les incidents des grèves qui se produisent partout. Le cabinet auquel préside M. Waldeck^Rousseau est le prisonnier des utopistes et des sectaires ; il a traduit devant la Haute-Cour des hommes politiques fortuitement rapprochés par un égal dégoût du régime que subit la France depuis, vingt ans. Pour remédier au mal, plusieurs républicains modérés réclament la convocation d'une assemblée constituante chargée de reviser la constitution de 1875, dont ils constatent les lacunes et les vices rédhibitoires tant qu'on n'aura pas donné une organisation. plus rationnelle à la représentation des majorités. D'abord^ MM. de Marcère et Benoist préconisent l'élection du Président de la République par les conseils généraux. Cette réforme offre encore un grave inconvénient, qui est d'introduire la politique dans ces assemblées, et de reléguer au second plan les intérêts départementaux. On créerait donc un nouveau foyer d'agitation dans le pays. Le A TRAVERS LES REVUES 227 mal serait uniquement déplacé ; de Versailles il se répandrait dans les quatrevingt-six départements. En second lieu, on propose, comme une seconde réforme que l'on considère comme étant la plus urgente, l'accroissement des pouvoirs du Président de la République. A cela on objecte que cette réforme serait "en contradiction avec l'esprit républicain, qui exige que le Président n'ait aucune responsabilité. Et puis, la subordination des ministres à la majorité de la Chambre n'entraîne-t-elle pas celle du Président de la République, qu'elle condamne à n'être qu'un soliveau impuissant à contenir les courants violents d'une majorité qui se forme souvent de la manière la plus imprévue?Le remède n'est donc pas là. En second lieu, on propose certaines modifications destinées à mettre un terme à la licence des parlementaires. 11 s'agirait d'imposer des limites au droit d'initiative parlementaire, notamment en nature de finances, au droit d'interpellation, dont on rendrait l'exercice plus rare; on placerait au-dessus des accidents parlementaires les titulaires des portefeuilles de la guerre, de la marine et des affaires étrangères. Ces titulaires cesseraient d'être solidaires d'un vote qui aurait frappé leurs collègues. Mais ne pourrait-on pas reprocher à ces réformes d'être en contradiction avec le régime républicain, qui repose essentiellement sur le suffrage universel, qui est le seul souverain ? Au nom de quel principe pourrait-on limiter les droits des mandataires que ce souverain a choisis? En réalité, les réformes que demandent MM. de Marcère et Benoist sont incompatibles avec l'esprit républicain. En troisième lieu, on demande, outre les modifications précédentes, le retour au scrutin de liste pour l'élection des députés, la diminution de leur nombre, la création d'une commission technique pour la préparation et la réduction des lois émanées de l'initiative parlementaire. Pour obtenir toutes ces réformes, la réunion d'une assemblée constituante paraît nécessaire et urgente. Cette assemblée doterait la France d'une nouvelle constitution. M. Target estime que, dans l'état présent des esprits, la réunion d'une Constituante présenterait non seulement des difficultés, mais les plus grands inconvénients, et qu'il serait dangereux de se lancer dans une pareille aventure. Qu'adviendrait-il du Sénat et de la Chambre des députés fonctionnant, en vertu de la Constitution de 1875, pendant que siégerait l'Assemblée constituante? Consentiraient-ils à se dissoudre ? Les deux Chambres, restant en fonctions, consentiraient-elles à ce qu'on restreigne leurs prérogatives? Ajoutons qu'à une époque aussi troublée que la nôtre, en l'état actuel des esprits, dans le désarroi absolu de l'opinion publique, la réunion d'une Assemblée constituante ne serait pas à la hauteur de sa mission et ne pourrait qu'aggraver le gâchis dans lequel la France s'enlise. La Constituante ne donnerait pas une majorité unie et pourrait aboutir à une Convention. D'ailleurs, le projet d'une revision de la Constitution a contre lui les radicaux et les socialistes. 11 ne faut pas hésiter à le dire sans réticence ni périphrase tant qu'on ne reviendra pas aux deux' principes, l'hérédité dans la transmission du pouvoir et la responsabilité directe du chef de l'Etat, le gouvernement sera sans autorité. 2. M. Brunetière ne parle pas qu'en Sorbonne il est avant tout orateur. Il a prononcé plusieurs discours remarquables à Paris, à Marseille, à Besançon, à Avignon, devant des foules agitées de la fièvre des luttes civiles. Il en est un surtout qui souleva le plus vif enthousiasme de deux mille bons Français assemblés dans une salle qui a retenti des cris de Vive la France ! et vive l'armée ! » Ce sont des discours de combat qui contiennent une doctrine, une conception générale du monde et de la vie d'abord, dans un premier discours une profession de foi d'idéalisme , l'affirmation de cette croyance que les faits ne portent pas en eux leur 228 REVUE DU MONDE CATHOLIQUE signification tout entière, qu'ils relèvent de quelque chose d'ultérieur, de supérieur et d'antérieur à eux-mêmes, que, derrière la toile, au delà de la scène où se joue le drame de l'histoire et le spectacle de la nature, une cause invisible, un mystérieux auteur se cache, Deus absconditus, qui en a réglé d'avance la succession et les péripéties... La conclusion logique de cette profession de foi se trouve dans un autre discours du 19 novembre 1898, intitulé Le besoin de croire ». Les événements de la présente année ont amené la plupart des Français qui réfléchissent à formuler, soit pour eux seuls, soit pour le public, leur conception de la Patrie. L'un des attraits du recueil des discours de M. Brunetière, qui vient d'être publié, est de nous présenter une conception idéaliste de la patrie. M. Brunetière ne fonde pas la patrie sur la communauté de race ni sur la seule volonté d'un certain nombre d'hommes de vivre ensemble sous les mêmes lois, c'est-à-dire sur un consensus passager d'opinions changeantes ». Il donne un fondement plus solide à l'idée de patrie ; il le trouve dans l'histoire et il nous dit, en toute vérité, que ce qui fait la patrie, c'est une communion séculaire de luttes, de souffrances, de gloires, de sentiments et d'idées. Et ainsi les traditions » deviennent pour lui les racines de l'idée de patrie ». On pourrait dire que M. Brunetière est l'apôtre des traditions, et on l'a raillé à ce sujet en le représentant comme un rétrograde qui veut ramener la France au passé. Mais il a répondu à ses détracteurs La tradition, pour nous, ce n'est pas ce qui est mort ; c'est, au contraire, ce qui vit, c'est ce qui survit du passé dans le présent ; c'est ce qui dépasse l'heure actuelle ; ce ne sera, pour ceux qui viendront après nous, que ce qui vivra plus que nous. » M. Brunetière classe les traditions de la France ainsi qu'il suit Nous avons une tradition militaire ; nous avons une tradition littéraire et intellectuelle ; et nous avons aussi, depuis que le christianisme a paru dans le monde, une tradition religieuse. » Voilà pourquoi, dans toutes ses conférences, il défend le catholicisme, parce que de même que le protestantisme, c'est l'Angleterre, et l'orthodoxie, c'est la Russie ; pareillement, la France, c'est le catholicisme », et que tout ce que nous ferons, tout ce que nous laisserons faire contre le catholicisme, nous le laisserons faire et nous le ferons au détriment de notre influence dans le monde, au rebours de toute notre histoire et aux dépens, enfin, des qualités qui sont celles de l'âme française». Voilà pourquoi, quand une ligue s'est formée pour défendre l'armée contre ses détracteurs, M. Brunetière a été béni de ses plus éloquents porte-paroles, parce que c'est une dynastie militaire qui a fait notre ancienne France », parce que la tradition militaire est, en quelque sorte, adéquate à la formation de la patrie française. On conçoit que cette conception de la patrie ait mis M. Brunetière en conflit avec tous ceux qui, dans leur superbe ou dans leur désir enfantin de bonheur universel, veulent refaire la France selon le plan idéal que leur a révélé leur sens propre. 11 les a démasqués comme les ennemis de l'âme française » internationalistes, politiciens, intellectuels, libres-penseurs, individualistes. Tous ceux-là le combattent, et il les combat. Mais il a, contre eux, l'alliance de ceux qui tiennent au sol, qui sont les fils de la race, et qui, dans l'effroyable délire de destruction qui a affolé une partie de ce pays, ont senti le besoin de dresser un drapeau où fût inscrite la devise de conservation sociale et nationale. III La Revue des Revues, dont on connaît l'esprit anticlérical, publie un long article, sous ce titre Les prolétaires dans le clergé français, où l'auteur, qui est juif, pa- A TRAVERS LES REVUES 229 raît-il, met en relief la pauvreté d'un prolétariat en soutane dont le silence disciplinaire s'élève jusqu'à l'abnégation ». Nous ne lui empruntons que les documents qui se rapportent à la situation matérielle des desservants, comparée à celle des pasteurs protestants. Un curé de campagne aurait donné à la Revue des Revues les renseignements suivants Je suis curé desservant d'une paroisse de plus de 2100 âmes, qui est située à côté d'une commune mixte qui compte 1000 ou 1100 protestants. Je reçois, pour un enterrement d'adulte, tout compris, 12 francs ; le ministre protestant reçoit, pour le même service, 25 francs. Pour un enterrement d'enfant, je reçois 2 francs; le ministre protestant reçoit 6 francs. Pour un mariage je reçois, tout compris, 7 francs ; le ministre protestant reçoit 25 francs. Pour un baptême, je ne reçois rien ; le ministre reçoit 5 francs. Pour la première communion, moi, rien ; le ministre reçoit 5 francs par communiant. » Et l'on dit que dans le culte protestant il n'y a pas de casuel ! Ajoutons qu'en outre des honoraires du casuel perçus par les pasteurs protestants, qui sont plus du double de ceux que perçoit le curé catholique, le traitement affecté par l'Etat au pasteur protestant est beaucoup plus élevé que celui qui est attribué au curé catholique. En conséquence, le culte de la minorité est mieux traité en France que ne l'est celui de la majorité. Aux pays annexés, les curés desservants sont moins malheureux. Leur traitement est de 1500 francs et, de plus, ils reçoivent une indemnité lorsque la population du village n'atteint pas 300 âmes, car, dans ce cas, le casuel se chiffre par des sommes dérisoires. En France, il y a des paroisses qui ne comptent pas 300 âmes. Néanmoins, le curé ne reçoit aucune indemnité du gouvernement, et s'il en reçoit une du conseil municipal, elle est volontaire et peut être supprimée au gré de la municipalité. Dans les paroisses religieuses, le curé reçoit des secours de ses paroissiens, mais dans les paroisses indifférentes, sa soutane est souvent suspectée. On épie sa vie ; s'il est invité au château, on le traite de réactionnaire ; s'il reste chez lui, on l'appelle loup sauvage » ; s'il fréquente des personnes âgées, on l'accuse de vouloir capter un héritage. On écrit à l'évêché des lettres anonymes, on envoie aux journaux des notes désobligeantes. Ce curé est, assurément, moins heureux et plus tourmenté que l'instituteur, que le garde-champêtre même. Le curé devenu infirme est réduit à mendier une pension à la direction des cultes, car seul, de tous nos nombreux fonctionnaires, il n'a pas droit à une retraite. En plusieurs diocèses, les prêtres constituent de leurs deniers une caisse de secours et de retraite qu'ils administrent eux-mêmes sous le patronage de l'évêque. Un autre inconvénient signalé par l'auteur, c'est que le clergé de second ordre est soumis à l'arbitraire de l'évêque. Toutes les nominations s'effectuent au choix, c'est-à-dire qu'elles sont dues souvent à un concert habile de protections, de recommandations et d'intrigues, et cela du haut en bas de la hiérarchie ecclésiastique ; celles des desservants et des curés, livrées à l'autorité de l'évêque ou à des influences extérieures qui peuvent peser sur sa volonté. Les élèves des séminaires sentent si bien que la carrière ecclésiastique est obstruée par le favoritisme, que beaucoup d'eux ont adopté cette formule d'assiduité au labeur J'en saurai toujours assez pour un curé ! » On conçoit qu'un clergé aussi peu encouragé soit loin de présenter l'autorité et le prestige scientifique dont il était auréolé au XVIIe siècle. Avant le Concordat de 1801, le concours servait de mode d'attribution des fonctions et des bénéfices. Chacun obtenait la place que lui réservait son mérite. Le Pape Léon X a écrit dans une bulle Vous savez que les 230 REVUE DU MONDE CATHOLIQUE places ecclésiastiques sont, suivant les canons sacrés, pour ceux qui, d'une part, recommandables par la pureté de leur vie, et, de l'autre, brillants de la lumière de la science, sont en état de dissiper les ténèbres de l'ignorance. » La loi du concours n'est pas abrogée, elle est observée dans toutes les provinces de l'Église, excepté en France. Pourquoi cette exception? Il en est de même des officialités, tombées en désuétude en France, quoiqu'elles ne soient pas interdites. Maintes fois, des influences politiques ont essayé d'affranchir le clergé du second ordre de ce régime d'arbitraire. M. Jules Simon fit un essai en 1873 par une circulaire qu'il adressa aux évêques et qui resta sans effet ; M. Emile Ollivier [L'Eglise et l'Etat s'est élevé contre la situation vacillante que les articles organiques créent au bas clergé. Enfin, l'auteur résume les revendications de ce qu'il appelle les prolétaires ecclésiastiques aux suivantes Etablissement de l'inamovibilité pour tous les ecclésiastiques ; restauration du concours permettant aux plus instruits et aux plus dignes de s'élever sans protection dans les dignités de l'Eglise ; restauration des officialités tempérant l'arbitraire épiscopal ; réunion régulière des synodes ; relèvement de la situation pécuniaire des curés de campagne, afin -de relever leur dignité. Dans le travail dont nous rendons compte, il y a à prendre et à laisser. Nous avons supprimé des critiques qui nous paraissent injustes, ou qui, tout au moins, dépassent la mesure. Nous passons sous silence, également, un réquisitoire plus injuste encore contre l'envahissement des Congrégations religieuses comme faisant une concurrence terrible au clergé séculier. On prétend même que l'Eglise gallicane est menacée de sombrer dans les mains des religieux ultramontaims et cosmopolites. A l'appui de ce réquisitoire, l'auteur invoque et cite même des documents empruntés à une volumineuse correspondance ; il cite une lettre d'un prêtre de l'Est, très respecté dans son diocèse », qui accuse les Congrégations de représenter une force anonyme, occulte, aussi dangereuse pour la France que pour le bon renom et l'avenir du catholicisme français ». On cite une page malicieuse d'un prêtre de Paris très apprécié dans nos milieux littéraires », sur l'antinomie nécessaire qui existerait entre le clergé séculier et les Congrégations. Ces deux témoignages ne peuvent être acceptés que sous bénéfice d'inventaire, vu que l'auteur de l'article dit qu'il se garde bien de nous donner leurs noms. IV La Revue générale de Bruxelles nous rend compte de la stérilité des missions protestantes auxquelles le peuple anglais consacre des sommes considérables. Il a été établi que l'argent dépensé par les grandes sociétés missionnaires anglaises » de Londres, en Orient et dans les possessions de l'Angleterre dans tout le globe, a dépassé 50 millions l'année dernière. Sur cette somme, 14 millions représentaient les exemplaires de la Bible en diverses langues, distribués partout; il faut ajouter à cette somme 13 millions de francs dépensés pour salaires, loyers, administration, etc. ; ce qui prouve que les secrétaires et employés font de très bonnes affaires. Cependant, d'après les rapports communiqués par les sociétés à leurs souscripteurs', les résultats ne sont rien moins que brillants. Il est constaté, par le nombre des' prétendus convertis, que le coût annuel d'un juif converti est de francs ; d'un moslem perse, de 1750 francs; d'un "mosîeiri turc, de 6100 francs; d'un bpudhiste chinois, de 1500 francs; d'un catholique irlandais, de 1250 francs; d'un arménien, de 875 francs; et d'un nègre africain, le même prix. Ces chiffres sont A TRAVERSEES REVUES 23 I basés sur le texte même des rapports. Mais peut-être, dira-t-on, si le nombre des convertis est minime, leur qualité est peut-être supérieure. Il est,loin d'en être ainsi. Un voyageur, le docteur Grant, dit Tout effort à évangéliser la Chine ...a manqué complètement. » M. Irving écrivait, à propos des convertis dans la Judée Leur immoralité licencieuse choque les sentiments même de leurs amis païens. » L'auteur cite plusieurs autres témoignages de missionnaires protestants qui accusent le même insuccès, la même stérilité du protestantisme comme évangélisateur. Le missionnaire protestant arrive à sa mission avec sa femme, ses enfants et ses domestiques; il se pose comme professeur d'une philosophie étrangère, qu'il offre à l'acceptation de pauvres indigènes ignorants qui ne connaissent que la culture du sol. La maison du missionnaire protestant est monumentale et confortable ; il est riche et généreux, il établit des écoles, une pharmacie libre, distribue des Bibles bien reliées que les indigènes ne peuvent pas lire; mais il ne va pas à l'âme du peuple, il ne l'évangélise pas ; il fait du commerce souvent, mais il ne fait pas d'apostolat proprement dit. Le missionnaire catholique, au contraire, arrive presque sans bagage et s'installe dans une cabane, où il vit pauvrement. Comprenant la langue des indigènes, il visite ses paroissiens et leur enseigne les vérités de la religion et les vertus chrétiennes, comme ont fait saint François Xavier et tant d'autres dans leur temps. Le missionnaire catholique regarde sa vocation comme une vie d'abnégation de soi-même et de sacrifice, tandis que pour le missionnaire protestant, c'est une profession, avec des appointements importants qui lui permettent d'enrichir sa famille. V Dans la Revue des Deux-Mondes du 15 novembre, Charles Benoist soutient la nécessité du maintien de la monarchie austro-hongroise, qui est aujourd'hui en péril. Y aura-t-il une dislocation du dualisme, et s'il y en a une, jusqu'où irat-elle? Si elle va jusqu'au bout, comment se fera le partage? Entre qui? Ceux qui ne seront pas admis au partage recevront-ils une compensation? Quel serait le résultat de cette dislocation? Mais alors il n'y aurait plus d'Europe le continent qui s'est appelé de ce nom serait coupé en deux par le milieu une Allemagne, une Russie. A ses extrémités, et comme en marge, quelques Etats de deuxième, troisième ou quatrième rang, qui traîneraient misérablement une existence précaire et tolérée, et sur lesquels l'un des deux colosses n'aurait qu'à s'abattre pour les écraser, les broyer, les mêler à la poussière des, nations disparues. Or, si le colosse russe tombait sur l'Asie, sur quoi tomberait le colosse allemand sinon sur les nations latines, et en particulier sur la France? La conclusion de M. Benoist est que, pour qu'il y ait une Europe, il faut qu'il y ait une Autriche en Europe. Dans la même revue, M. Bonet-Maury étudie Y école primaire en Angleterre dans le passé et dans le présent. Il fait remarquer que nos voisins, pour toutes les questions d'intérêt, aiment à procéder par voie d'enquêtes qui ne sont pas toujours dirigées par des membres du Parlement, mais sont confiées parfois à des sociétés privées ou à des inspecteurs. En France, il serait utile d'employer cette bonne méthode, car le système de l'école primaire anglaise offre, dit M. BonetMaury, l'image de la vie, du libre jeu des grandes forces sociales qui sont à l'oeuvre en Angleterre. . Dans une étude sur le pouvoir judiciaire dans M. Charles Benoist 232 REVUE DU MONDE CATHOLIQUE est d'avis qu'en cette matière, la question la plus grave est celle de la nomination des juges, et il veut qu'en la laissant tout entière à la compétence de l'exécutif on évite que celui-ci n'en fasse un acte de son bon plaisir. D'autre part, il faut donner à l'exécutif le moyen de soutenir et de repousser l'assaut que lui livre le législatif; il faut donc le fortifier contre le législatif et contre lui-même. Pour cela, il juge utile de créer un conseil supérieur de la justice qui serait la Cour suprême de France », qui aurait pour mission la défense de la liberté. Elle ferait respecter par tous les pouvoirs, même par le législateur, la loi constitutionnelle et les droits nécessaires des citoyens. VI MM. O. Depont et J. Talayrach d'Eckardt signalent, dans la Revue de Paris, l'action et les manifestations récentes de la force religieuse musulmane, qui se réveille aujourd'hui sur divers points du globe, et sur ce qu'on appelle le pausislamisnie ou propagande islamique. Ce n'est rien moins que la coalition politique des musulmans de tous pays pour la libération et la défense à outrance des territoires islamiques occupés ou menacés d'occupation par les puissances européennes. La ligue qui s'est formée dans le but de reconstituer la fonction historique du kalifat, que le Sultan de Constantinople prétend exercer dans son intégrité, a ses puissants moyens d'action dans les confréries religieuses, le pèlerinage à La Mecque, l'émigration et le prosélytisme. Aujourd'hui, le monde compte 260 millions de mahométans, qui représentent plus de 15 0/0 de la population totale du globe. La Turquie d'Europe n'a que 2 àj millions de mahométans, la Russie d'Europe en a 9 millions. L'Asie, avec ses musulmans, est le véritable foyer de l'Islam. Géographiquement, les deux tiers de l'Afrique leur appartiennent. VII A noter, dans la Quinzaine, une critique trop vraie de M. Faguet sur notre régime parlementaire. Cette critique porte sur le mode de recrutement de nos législateurs et sur l'élaboration ou le vote de nos lois. L'auteur ne voit dans le Parlement qu'une sorte de cour du roi Petaud. Gouvernement parlementaire, confus et cahotique, mêlant le législatif, l'exécutif et l'administratif, légiférant mal, gouvernant mal, administrant mal, faisant tout dépendre, dans le pays, de la politique, et d'une politique qui est une combinaison ou une lutte d'intérêts personnels, c'est-à-dire une immense intrigue... abaissant dans une certaine mesure les caractères eux-mêmes, par ces moeurs nouvelles, non universelles, mais très répandues déjà, qui tendent à faire de tous les citoyens des acheteurs tour à tour et des vendeurs de denrée politique, tour à tour et en même temps avides et prodigues^de sportule. » M. Faguet se propose de nous dire, dans un prochain article, comment on pourrait débarrasser le régime parlementaire de ses défauts. VIII i° Les grandes revues anglaises sont naturellement envahies par des discussions sur la guerre sud-africaine. Dans le Contemporary, un vieil officier exprime avec une A TRAVERS LES REVUES 233 réelle compétence des opinions qui peuvent être relevées. Peut-on exciter les indigènes à attaquer les Républiques boers? Non, dit-il, sans aucun doute L'avenir seul nous apprendra si cette guerre peut compenser tout le mal qu'elle cause. » Il ajoute que toutes les forces de l'Angleterre ne seront pas de trop pour cette lutte. 20 Le Fortnighlly, à son tour, relève ce qu'il appelle avec indulgence les erreurs de M. Chamberlain dans la question de l'Afrique australe. Il insiste sur l'extraordinaire maladresse de la revendication de suzeraineté qui a suffi à déchaîner la guerre. Mais y a-t-il eu maladresse de la part de M. Chamberlain ? Nous ne le croyons pas, car celui-ci, bien loin de vouloir éviter un conflit, paraît plutôt l'avoir désiré et cherché. 30 Le Nineteenth Century demande à l'Eglise d'Angleterre d'élargir ses vues, en d'autres termes, son symbole, et de ne pas s'attacher trop étroitement à la lettre de ses dogmes. Elle fait bon marché de certains dogmes qui sont pourtant consignés dans le Nouveau Testament. Etre un chrétien, dit cette revue, c'est adopter la doctrine du Christ et ses vues touchant la nature de la vie qui doit nous conduire jusqu'à Dieu et nous réconcilier avec lui. C'est comprendre le Christ lui-même comme Réconciliateur et Révélateur. » Très bien, mais si le Christ est le Révélateur de la vraie doctrine du salut, pouvez-vous exclure de sa doctrine tels dogmes, telles parties de cette vraie doctrine qui ne vous plaisent pas, et vous dire les disciples du Christ? 11 est évident que votre Eglise n'est plus qu'une secte. Elle n'est pas celle qui professe la doctrine intégrale du Christ, mais celle qui supprime, au gré de la libre interprétation de chacun, une partie quelconque de cette doctrine. 40 Le North American Review prend hautement la défense des Boers et condamne les injustifiables exigences des Uitlanders, attirés non par l'attrait du pays, mais par le seul amour de l'or. La meilleure politique était de laisser les Boers dans la paisible possession de leur patrie, libres de la gouverner conformément à leur génie, à leurs moeurs patriarcales, et d'après les bonnes vieilles traditions de leurs ancêtres, avec leur langue à eux, leurs corporations à eux. C'est malheureusement la dernière chose que John Bull, qui a les dents longues, consentira à faire, sauf à s'en repentir quelque jour et à voir l'Europe, et même ses colonies, se tourner contre lui et secouer son joug. 50 La Rivista politica e letteraria d'Italie, qui est gallophobe, dénonce aux nations ce qu'elle appelle le péril français. L'auteur de ce manifeste fait un tableau peu flatteur de la situation actuelle de la France et nous prodigue les plus odieuses invectives. Il juge notre pays embourbé dans une politique turbulente, agressive, conquérante, et qui, sous couleur d'être internationale, est tout envahissante. Notre politique actuelle dément toutes ces accusations, car la France n'a jamais été-moins envahissante qu'aujourd'hui. Mais les Italiens ont une manière à eux de reconnaître les services qu'ils ont reçus de la France, c'est d'incriminer leurs bienfaiteurs. Aujourd'hui, le vrai but de la Rivista est de se faire le porte-parole des boycotteurs de l'Exposition de 1900. H. D'HESSERD. AUTOUR DU MONDE La comédie politique de la Haute-Cour s'est terminée, comme chacun s'y attendait, et comme le Grand-Orient, d'accord en cette circonstance avec la Synagogue, l'avait, du reste, décrété et signifié à l'exécuteur des hautes oeuvres judaïco-maçonniques WaldeckRousseau, le ministre automatique par excellence. Il n'y avait guère moyen de condamner tous les accusés, puisqu'il ressortait des débats qu'il ne se trouvait aucun coupable parmi eux. Il s'agissait de justifier le gouvernement devant l'opinion et de sauver le Sénat du ridicule, surtout de n'élever aucun piédestal à des victimes généralement sympathiques et déjà populaires. On a acquitté la plupart des personnes et l'on a réservé les foudres de la Cour pour les chefs de file ou de parti, pour MM. André Buffet, Déroulède, Jules Guérin présents, et Lur-Saluces contumax, Marcel Habert devant faire l'objet d'un nouveau procès. Or, il est aujourd'hui évident pour les moins initiés eux-mêmes que les condamnés poursuivis et frappés pour avoir conjuré la perte de la République, pour complot enfin, n'ont jamais rien comploté ensemble, que certains même n'avaient fait connaissance qu'en face de leurs juges ahuris; que, par conséquent, tous ont été injustement accusés et qu'ils ont été illégalement condamnés en violation répétée de la loi, en méconnaissance de tous droits et malgré le rayonnement réprobateur d'une innocence éclatante. Cela, des juges? ditle peuple aujourd'hui, des laquais, oui ! des bourreaux encore, car aucune avanie n'a été épargnée à ces victimes choisies par les trembleurs élysèens et luxembourgeois,. ni au prétoire, ni au cachot, ni sur le chemin de l'exil, ni dans l'exil lui-même; la lâcheté qui succède à la tyrannie déguisée sous les dehors de la justice, c'est dans l'ordre des vilaines choses et digne des tristes personnages qui, compatissants aux traîtres, parce que traîtres eux-mêmes, ne voient de dangers inquiétants pour leur conscience torturée et pour leurs fiefs pourris que dans l'exercice intégral de la justice indépendante et dans l'exaltation de l'honneur civique et de l'amour sincère de la Patrie, AUTOUR DU MONDE dans la noblesse transcendante des coeurs, assurée par la seule crainte de Dieu. Il n'est douteux pour personne que Buffet, Déroulède et LurSaluces ne moisiront pas dix années dans l'inaction et dans les tristesses du bannissement, ni que Jules Guérin restera détenu comme un criminel dix années durant. La justice du peuple visite plus fréquemment les victimes politiques, qui ne sont, en définitive, que les martyrs de la chose publique. Et puis, la fortune, changeante, ne peut si longtemps luire d'un même côté. Donc, ne gémissons pas trop sur le sort de ceux qui, plus courageux ou plus fortunés que nous, ont su lutter et souffrir, mais soyons bien décidés à les honorer dans nos coeurs, à ne rien négliger surtout pour hâter leur retour, c'est ainsi qu'une nation fière honore ses héros. Nous hâterons certainement le retour des exilés, l'élargissement des personnes, et aussi le réveil de l'honneur des consciences, de la légalité et de la justice, si tous, à l'exemple des électeurs de Tournon, nous savons donner aux ambitieux la leçon souveraine qui découle du suffrage universel, qui sait protester et redresser les jugements des juges et l'orgueil des rois, même... des républiques oligarchiques et ploutocrates. Les électeurs de Tournon, en effet, ont voulu oublier un moment qu'ils étaient républicains de vieille date, pour affirmer qu'ils restaient avant tout honnêtes gens et Français; et voilà pourquoi, laissant sur le carreau le dreyfusard Seignobos, ils ont envoyé à la Chambre un conservateur intègre, un patriote avéré. C'est un bel exemple de vertu civique qu'il importe de pratiquer sans cesse, de suivre partout. Il faut que le Sénat parjure soit prochainement, décimé et régénéré; il faut que le nouveau sang qu'on lui infusera amène en lui une réaction salutaire, et qu'ainsi restauré, il défasse, quand on lui demandera de condamner Marcel Habert, ce qu'il a si tristement consenti en sacrifiant Déroulède. Il faut que ce haut-le-coeur soit durable jusqu'à soulagement complet, qu'il persiste lors des élections municipales et qu'il achève son oeuvre d'évacuation libératrice aux
1 THE LONG RIDE HOME. Scénario : Richard Fielder. Réalisation : Charles S. Dubin. Résumé : Alors qu’Holly Grainger circule dans Medecine Bow à bord de sa calèche, deux ti
Le Prisonnier 1967-1968 Guide des épisodes PRÉSENTATION A PARTAGER! LES GÉNÉRIQUES CULTES DE SÉRIES TV - Le PrisonnierDevenez fan de notre page pour découvrir d'autres génériques de séries cultes!Retrouvez notre grand dossier Le Prisonnier sur Le Monde des Avengers la discussion autour du Prisonnier sur notre forum Posted by Le Monde des Avengers on Thursday, April 2, 2015 Le Prisonnier est une série d'espionnage-science-fiction allégorique et psychologique britannique. Constituée d'une saison et 17 épisodes de 48 minutes. Elle fut créée par George Markstein et Patrick McGoohan en 1967. Le 29 septembre 1967, débarque sur le réseau anglais ITV une série OVNI appelée Le Prisonnier. Cette série est un cas dans l'histoire de la télévision qui n'a aucun équivalent révolutionnaire, profondément allégorique, incroyablement visionnaire, à la croisée de l'espionnage, du drame psychologique, de l'allégorie, et de la science-fiction, elle a réussi l'exploit de s'imposer parmi les plus grandes séries jamais réalisées à ce jour alors qu'elle ne comporte que 17 épisodes. L'histoire un agent secret britannique dont on ignore le nom démissionne brutalement, pour des raisons inconnues, de son service. À peine est-il rentré chez lui préparer ses valises en vue d'un voyage, qu'il est gazé et envoyé au Village, lieu idyllique et édénique en apparence qui est en fait une prison dont il est impossible de s'échapper. Notre homme, parmi tous les autres prisonniers, est estampillé comme étant Numéro 6 » tout le monde au Village s'appelle par numéros. Le dirigeant du Village est le Numéro 2 mais il change à chaque épisode. L'identité du Numéro 1, le véritable chef, ne sera dévoilée qu'à la toute fin de la série. Le but des dirigeants est d'extorquer à leur prisonnier les raisons de sa démission ainsi que de l'intégrer au Village pour qu'il y demeure un citoyen comme les autres. Mais contrairement aux autres prisonniers qui ont abandonné tout espoir de fuir pour se consacrer à une vie agréable et reposante la captivité étant luxueuse, il cherchera par tous les moyens à s'échapper de ce lieu beaucoup plus dangereux qu'il n'y paraît. Remontons le temps pour connaître la genèse de la série en 1960, un acteur de 32 ans, Patrick McGoohan, incarne pour la première fois à la télévision anglaise dans la série Destination Danger un agent secret du nom de John Drake. Cet agent qui ne porte pas d'armes mais qui est redoutablement rusé et intelligent, séduit le public, et le show durera quelques années, le temps de 86 épisodes. Le succès du show lancera la mode des séries policières britanniques des années 60 Chapeau Melon et Bottes de Cuir dont le personnage principal, John Steed, laissera lui aussi tomber les armes assez rapidement, Le Saint, Randall et Hopkirk, Département S, Le Baron, L'Homme à la Valise, Amicalement Vôtre au début des années 70 et bien d'autres. Malgré le succès de la série, le comédien commence à se lasser de son caractère prévisible et décide de changer d'air. Un de ses confidents, George Markstein, chef scénariste de Destination Danger qui a officié dans les services secrets pendant la seconde guerre mondiale, avait appris l'existence d'étranges lieux en Écosse où l'on isolait des agents récalcitrants » ou déficients ». Ils n'en sortaient alors plus mais leur captivité étant loin d'être pénible, ils n'avaient pas l'impression d'être prisonniers. Il en fait part à McGoohan et à David Tomblin, réalisateur de Destination Danger qui, enthousiasmés, commencent à travailler sur un tel sujet. McGoohan a par ailleurs appris de la bouche d'un membre du gouvernement que les agents à la retraite étaient pris en charge » en leur donnant voiture, maison, indemnités, etc. pour éviter les défections. La conjonction de ces deux révélations aboutira au Prisonnier. Quelques épisodes dont le pilote de Destination Danger furent tournés dans un somptueux décor naturel le village de Portmeirion, au Pays de Galles, flamboyant joyau d'architecture riche et coloré, qui s'inscrit harmonieusement dans la nature. C'est un écrin de choix pour la série naissante, qui donne l'effet d'un paradis terrestre, et dans le cadre de la série, une parfaite prison dorée. Au printemps 1966, McGoohan présente un dossier de 40 pages à Lew Grade, responsable financier du réseau ITV, sur son projet. Séduit et faisant confiance à sa vedette, il accepte la production de cette série pourtant peu orthodoxe. Cependant McGoohan doit terminer encore une saison de Destination Danger avant de s'atteler à ce nouveau projet le scénario du dernier épisode Shinda Shima ressemble d'ailleurs curieusement au synopsis de la série qui lui tient tellement à cœur qu'il va rapidement s'imposer comme le chef de la nouvelle série. L'acteur sera attentif à tous les détails musique, réalisation, scénario, montage… Cette mainmise finira par se transformer en dictature où il régentera le moindre aspect de la série. Voulant à tout prix maintenir un niveau de très haute qualité pour chaque épisode, il se montrera souvent très dur envers l'équipe et ses partenaires, ce qui provoquera beaucoup de crises et de dissensions internes. Lorsque George Markstein claque la porte, ulcéré par l'ego de McGoohan, la situation deviendra chaotique et la production de la série se terminera dans un pandemonium total. Au départ la série ne devait comporter que sept épisodes L'arrivée, Le carillon de Big Ben, Liberté pour tous, Danse de mort, Échec et mat, Il était une fois et Le dénouement. Sous l'insistance de Grade, McGoohan accepte d'en tourner au moins 13 l'équivalent d'une saison avant de décider si on doit continuer ou arrêter la série. Lorsque McGoohan verra que son concept menace de s'user rapidement, il choisira de tourner encore quatre épisodes pour donner une fin à la série également aussi parce que l'ambiance devenait insupportable !. La réception fut d'abord excellente le pilote L'arrivée remporte les suffrages et un public conséquent suit avidement cette série tellement étrange. Mais Le dénouement, qui battit des records d'audience, déchaîna les passions trop révolutionnaire, trop inattendu, il fut hué de toutes parts et, pour un temps, McGoohan dut s'exiler de Grande-Bretagne sous la pression lui-même et ses enfants furent agressés !. Aujourd'hui, les passions calmées, on mesure la grandeur de cette série hors-normes. La série est dans la lignée d'œuvres d'art qui ont profondément marqué leur époque par la révolution qu'elle a engendrée. C'est une des rares séries de l'époque qui ait une lecture allégorique et symbolique d'une profondeur remarquable tout en offrant un brillant divertissement ; une ambition qu'on ne retrouvera que plus de 20 ans plus tard avec la révolution de l'écriture télévisuelle anglo-saxonne. La série s'attaque à toutes les tares de notre monde le collectivisme outrancier de la société qui ne veut voir en nous, ses sujets, que de simples unités, déniant l'individualité propre à chaque homme, mais aussi les systèmes politiques, l'éducation, les lavages de cerveaux, la défiance envers l'autre, les clivages dominants/dominés, la désinformation, l'importance accrue des machines… et ainsi se montre très visionnaire, ayant prédit notre monde contemporain y compris la révolution Internet. La série n'a donc pas vieilli, au contraire, elle demeure plus que jamais actuelle par la force percutante de son message ainsi que par les intrigues divertissantes nées de l'imagination féconde des auteurs. Son écriture annonce en réalité celle des séries modernes. Bien des années après son arrêt, la série continue à faire débat, notamment sur sa vertigineuse fin, une des plus renversantes de toute l'histoire de la télévision et qui encore aujourd'hui divise les fans qui trouvent chaque jour de nouvelles interprétations sur elle et sur chaque épisode de la série, unique en son genre. Sa principale référence, par le monde contre-utopique qu'elle propose, pourrait être 1984 de Georges Orwell dont elle reprend plusieurs points fondamentaux captivité dorée, héros en guerre contre le système, absurdité du monde, final ambigu…. Que l'on aime ou non la série, elle ne laisse personne indifférent. Aujourd'hui, elle est considérée comme un chef-d'œuvre à part entière, acquérant son statut de série culte ». Entrée dans la mémoire collective, elle a été maintes fois parodiée, citée, source d'inspiration, sujet de réflexion… En 2009, un remake en 6 épisodes de 48 minutes, crée par Trevor Hopkins, fut réalisé avec Jim Caviezel en Numéro 6 et Ian McKellen en Numéro 2 permanent cette fois. Dans l'ensemble, cette relecture, plus contemporaine, ne reçut qu'un accueil assez défavorable, tant critique que public, mais elle eut le soutien de plusieurs défenseurs enthousiastes. Bienvenue au Village ! Retour à l'index 1. L'ARRIVÉEARRIVAL Résumé Un agent secret londonien qui vient de démissionner brutalement de son travail est gazé dans son appartement alors qu'il faisait ses valises. Il se réveille au Village », un lieu à l'allure édénique, luxueux mais entièrement automatisé et truffé de caméras et dont il est impossible de s'échapper. Les habitants du Village s'appellent non par leurs noms mais par des numéros. Notre homme devient donc le Numéro 6, mais à la différence des autres villageois prisonniers, il n'accepte pas sa captivité faussement dorée. Il cherche donc à s'enfuir par tous les moyens en dépit de la surveillance exercée par le dirigeant du Village le Numéro 2. Critique de Clément Diaz La série prend un départ tonitruant avec ce pilote, un des meilleurs jamais réalisés pour la télévision. Dès le générique, Le Prisonnier nous révèle tout son potentiel sur la musique trépidante et tapageuse, secouée de coups de tonnerre, de Ron Grainer, le générique nous livre en trois minutes une introduction sans paroles mais brillante et rapide, décrivant la démission fracassante du héros, suivi de son gazage et qui se réveille dans ce fameux Village. Le montage très serré et la musique de Grainer, entrée au panthéon des meilleures musiques de séries TV, font de cette ouverture un petit chef-d'œuvre en du héros est l'occasion d'un régal visuel rarement égalé dans l'histoire de la série TV puisque la caméra entraîne le spectateur dans tout le Village qui est un décor trop fastueux, riche et coloré, d'autant plus remarquable qu'il est naturel. Le site de Portmeirion est un écrin idéal pour cette série mythique, véritable gilded cage prison dorée. Le contraste est tranchant lors de la rencontre avec le Numéro 2, habitant une salle de contrôle maxiautomatisée tout droit sortie d'un film de SF. Notre homme apprend alors que l'on sait presque tout de lui ses habitudes, ses goûts, son passé d'agent secret. Cet effet Big Brother renforcé par les caméras de surveillance est troublant et efficace. La mise en scène de Don Chaffey, qui d'ailleurs travailla sur plusieurs épisodes de Chapeau Melon, est éblouissante caméra rapide, travellings largement descriptifs, plongées vertigineuses, splendeur des décors et des costumes aux couleurs vives et lumineuses. C'est une réalisation absolument hors de pair. Les enjeux sont rapidement posés le but du Numéro 2 est de trouver la raison de la démission du désormais nommé Numéro 6 et, accessoirement, quelques renseignements qu'il a acquis dans son travail. Pour y arriver, Numéro 2 jouera sur tous les tableaux, mais tout comme le ferait le Diable, ce n'est pas par la force qu'il veut réussir, il veut que Numéro 6 se soumette de lui-même pour cela Numéro 2 utilisera menaces plus ou moins mises à exécution, offres alléchantes, tentatives de l'intégrer au Village, pressions mentales aiguës… Numéro 6, lui, fera tout pour déjouer les plans de son antagoniste et de ses sbires, résister aux complots montés contre lui et trouver un moyen d'évasion, bref de conserver son indépendance et son individualité. Parallèlement, il et nous se demande qui est le véritable chef du Village le Numéro 1 ? Mystère récurrent qui donne un fil rouge à la série. L'arrivée d'un nouveau Numéro 2 en plein milieu de l'épisode achève de placer le spectateur face à un sentiment de fascination ainsi, il y a plusieurs Numéro 2, et ils sont tous interchangeables ! La tâche du Numéro 6 va donc être accrue par la difficulté de résister face à un adversaire changeant. Tous les Numéro 2 qui se succéderont seront différents par leur allure, leurs méthodes, leurs idées, sauf sur un point leur farouche détermination à percer les secrets du Numéro 6, l'obligeant à s'adapter en fonction de son geôlier-en-chef du héros montre toutefois qu'il sera une "hard nut to crack" pour les dirigeants du Village sa froideur et sa méfiance viennent rapidement à bout du double jeu de la domestique, ne fait pas confiance à Numéro 9 mandatée par Numéro 2 pour le surveiller cette idée de surveillance par un autre prisonnier sera reprise avec succès dans la version de 2009. Cet épisode nous montre donc le caractère du Numéro 6 un homme endurci, peu émotif, froid, tenace, décidé, calculateur, rusé, intelligent, logique, révolté contre l'ordre des choses, pourvu d'un humour noir et acide, et sachant déjà qu'il ne peut compter sur personne. Cette ambiance de paranoïa, pré X-Files, est instillée avec beaucoup de force. Le scénario de Georges Markstein et David Tomblin a un atout majeur que peu de pilotes ont aucun temps mort. L'action se déroule rapidement, les situations s'enchaînent impeccablement, sans aucune pause, donnant à l'épisode une continuité et une tension qui ne se relâche jamais ; le tout en posant les bases de la série avec célérité. Plus qu'un pilote, c'est un épisode à part entière et dont le souci nécessaire d'exposition ne prend pas le pas sur une intrigue magistrale et parfaitement construite. Parmi les morceaux de bravoure, on peut citer la spectaculaire apparition du Rover Le Rôdeur en plein centre-ville. Cet horrifiant et gros ballon blanc, froid, sans émotion, se révèle un gardien impitoyablement efficace, anéantissant toute tentative d'évasion le Numéro 6 l'apprend à ses dépens. Avec lui, la série bascule dans le Fantastique et l'Anticipation. Le twist final est d'une cruelle perversité, première mais pas la dernière défaite contre ses ennemis. Le casting parachève la réussite de ce pilote en Numéro 2, Guy Doleman – gentleman distingué, souriant, calme et pourtant si sinistre dans son attitude – campe un dirigeant de première classe. George Baker, son successeur, se montre plus direct, plus méchant », avec un talent égal. Virginia Maskell compose une jeune femme troublée et terriblement ambiguë avec un talent qui laisse pantois. Le jeu neutre de Paul Eddington en Cobb met volontairement mal à l'aise. Tous les autres seconds rôles sont à leur place, dont le réjouissant Christopher Benjamin en manager consencieux. Mais surtout l'apparition des deux seuls seconds rôles récurrents de la série le majordome nain muet et obséquieux, interprété par Angelo Muscat, et le superviseur joué par Peter Swanwick. Seule Stéphanie Randall cabotine en boniche larmoyante. Mention spéciale à Fenella Fielding qui est la voix » du Village. Voix tellement enthousiasmante qu'elle en devient un peu effrayante ! Évidemment, c'est Patrick McGoohan dans le rôle principal qui rafle la mise sa composition incandescente révèle un immense acteur, et son personnage apparaît plein d'énergie, d'exigence, de cynisme, et de détermination. La musique, une fois passé l'inoubliable générique, n'intervient que discrètement mais assez efficacement. Tantôt décalée une danse de violons lorsque Numéro 6 voit quelqu'un chez lui, tantôt épousant l'action sa tentative de fuite. Avis de Denis Chauvet Contrairement à de nombreuses séries, le pilote est une totale réussite. C’est même, pour moi, le meilleur épisode du Prisonnier. Il présente magistralement l’œuvre et sa conception ressemble à celle d’un film d’ailleurs, sa durée initiale était de deux heures. Sans temps mort, aux images parfois saccadées, la réalisation retranscrit le tempérament du numéro 6 qui est vif, froid et calculateur. Le générique, inoubliable, est seulement dans son intégralité lors de ce premier opus. Très années 60 sur la superbe musique rythmée de Ron Grainer, il sert d’introduction avec l’enlèvement du mystérieux agent dans son appartement qui se trouve au numéro 1 Buckingham Place, à cinq minutes à pied de l’appartement de Lord Brett Sinclair. L’épisode plante le décor et les codes de la série le village, la boule blanche, la plage, 'the green dome' où les numéros deux se succèdent, la trahison, les tentatives de fuites avortées...Première réplique du numéro six 'What's the name of this place ?'. Le village est international la conductrice de taxi parle français et demande si l’arrivant est polonais ou tchèque, le numéro deux dit 'au revoir' à Cobb qui lui répond par 'Auf wiedersehen'. La Big Question sera le leitmotiv de la série 'Why did you resign?’. Un des gros attraits de cet épisode est la promenade dans le village de Portmeirion que j’ai visité un soir de 1987 dans les conditions de McGoohan à son arrivée il était désert. Un spectacle grandiose. Il faut en profiter car certains épisodes seront pauvres en vues du village. Cet épisode est une des meilleures réussites télévisuelles et la version Blu-ray restitue parfaitement les couleurs chatoyantes. A noter les présences de Virginia Maskell et Peter Swanwick, décédés peu après le tournage, et la réplique du joueur d’échecs - We’re all pawns’- plus parlante que le fameux Be seeing you ! Infos supplémentaires La réplique culte du Prisonnier, la salutation cordiale Be seeing you ! très bien traduite par Bonjour chez vous ! est prononcée pour la première fois par le vendeur. Cette réplique est pour toujours rattachée à la série et est un signe de reconnaissance pour les membres de fan-clubs de la série. Mais d'autres répliques tout aussi célèbres sont dans cet épisode – Les annonces du Superviseur, chargé de surveiller le Village Yellow alert ! Alerte jaune ! et Orange alert ! Alerte orange !. La première déclenche les forces de sécurité, la deuxième, plus sérieuse, entraîne l'intervention du redoutable Rôdeur. – La phrase prophétique de Numéro 6 face au nouveau Numéro 2 I'm not a number, but a person [Je ne suis pas un numéro, je suis un homme] qui, légèrement transformée, deviendra I'm not a number, I'm a free man ! – Son autre réplique I will not be pushed, filed, stamped, indexed, briefed, debriefed, or numbered ! My life is my own ! [Je ne veux pas me faire ficher, estampiller, enregistrer, indexer, classer, déclasser ou numéroter ! Ma vie m'appartient !] est une des plus célèbres de la série – Autre phrase prophétique Numéro 66, l'amiral joueur d'échecs, dit au Numéro 9 We're all pawns ! [Nous sommes tous des pions !]. Il anticipe l'intrigue échiquéenne » de Checkmate et donne à sa réplique une valeur symboliste évidente Numéro 6, justement, ne veut pas être un pion. - Le titre du premier épisode du remake de la série s'appelle aussi Arrival L'arrivée, les deux intrigues se ressemblent sur le fond l'arrivée du héros dans Le Village, présentation au Numéro 2, première tentative de fuite... mais diffèrent sur la forme. - Cet épisode permet de connaître un peu mieux le Numéro 6 il est né le 19 mars 1928 à 4h du matin la date de naissance de McGoohan et son dossier révèle qu'il est un parfait agent secret, loyal, enthousiaste au travail, n'ayant jamais commis de faux pas. Une de ses missions les plus importantes a été de rencontrer un certain Barbery à Singapour. Plus légèrement, il aime le thé au citron et prend deux œufs dans son bacon, joue aux échecs, et sait conduire un hélicoptère. Il conduit une Lotus Seven immatriculée KAR 120 C. - La fanfare du Village joue La Marche de Radetzky de Johann Strauss père 1804-1849. - La lettre que remet Numéro 6 à son supérieur dans le générique a la mention "Private Personal, By Hand" ["Privé, Personnel, à remettre en main propre"]. Les habitants respectent le dicton du village A still tongue makes an happy life en VF Motus, et la vie sera belle. Une autre maxime peut être lue dans la salle d'attente de la Bourse Questions are a burden to others ; answers, a prison for oneself Les questions sont un fardeau pour les autres ; les réponses, une prison pour soi-même. Première apparition du Rôdeur et de la Voix. Première mention du Numéro 1. L'identité du boss » ne sera révélée que dans l'ultime épisode. Deux personnages portent le numéro 66 la bonne de Numéro 6, et le joueur d'échecs. Certainement une erreur de l'accessoiriste merci à Mori du forum Le Prisonnier pour cette info. Une autre version de cet épisode figure dans les bonus DVD de l'édition ultime du Prisonnier, quelques différences de montage sont à noter ainsi qu'une musique signée Wilfred Josephs, qui fut rejetée au profit de celle de Grainer. Les différences seront mentionnées dans la rubrique épilogue. Acteurs/Actrices Guy Doleman 1923-1996 est surtout connu pour avoir joué le comte Lippe dans Opération Tonnerre et le colonel Ross dans les adaptations avec Michael Caine des romans Harry Palmer. Il a joué dans Les Avengers le rôle de Waldner, qui a un début de romance avec Cathy dans un épisode de la saison 2 Six mains sur la Baker 1931-2011 incarna à la télévision l'inspecteur Wexford de la série éponyme et participa à quelques séries Coronation Street…. Il fut notamment le candidat idéal pour Ian Fleming pour jouer 007 avant que le rôle échût à Sean Connery. Il apparaît cependant dans trois James Bond Au service secret de sa Majesté, L'Espion qui m'aimait et On ne vit que deux Maskell 1936-1968 fut la partenaire de Richard Attenborough et Kenneth Griffith dans The man upstairs 1958 et de Peter Sellers dans Only two can play 1962. Elle tourna dans des épisodes de Destination Danger et du Prisonnier et dans Interlude 1968 avec Donald Sutherland. Elle décéda tragiquement d'une overdose à 31 ans, consécutive à une dépression nerveuse dûe à un sévère babyblues, alors que sa carrière commençait à prendre son envol. Son rêve aurait été d'être une star de théâtre. Le Prisonnier fut un de ses derniers Eddington 1927-1995 a surtout joué dans les séries britanniques des années 60, 70 et 80. Notamment The Good Life et Yes Prime Minister qui le firent connaître. Il s'est aussi beaucoup consacré au théâtre classique. Il a joué dans deux épisodes de Chapeau Melon L'argile immortelle saison 2 et Rien ne va plus dans la Nursery saison 5.Angelo Muscat 1930-1977 connut son heure de gloire avec la série, jouant dans 14 épisodes sur 17 le rôle de l'obséquieux majordome muet des Numéro 2. Sa petite taille 1m30 le rend immédiatement reconnaissable. À part Le Prisonnier, on l'a cependant rarement vu sur les écrans si ce n'est quelques apparitions comme dans un épisode du Alice au pays des merveilles de Jonathan Miller ou un Oompa Loompa dans le Charlie et la Chocolaterie de Mel Stuart. Malgré le fait qu'il ait peu tourné aussi dû à sa vie brève, il fait, surtout grâce au Prisonnier, l'objet d'un culte pour certains admirateurs le FOAM ou Friends Of Angelo Muscat qui commémorent l'acteur chaque 10 octobre jour de sa mort.Peter Swanwick 1922-1968 a joué dans quelques films et séries dont Destination Danger, avec McGoohan. Son rôle récurrent de superviseur dans Le Prisonnier est de loin son plus fameux et lui apporta la célébrité. Souffrant de graves problèmes de santé, il mourut toutefois l'année suivante. Il joue le comique Oppenheimer dans Le legs saison 6.Christopher Benjamin 1934 est un acteur britannique qui a consacré sa vie au théâtre. Il est reconnu pour être un des meilleurs comédiens anglais à ce jour. Il a aussi joué dans beaucoup de séries. Il reviendra dans Le Prisonnier dans l'épisode suivant, et dans le rôle de Potter dans La mort en marche, rôle ressemblant étrangement à celui qu'il jouait dans Destination Danger. Il est un visage familier des Avengers car il apparaît trois fois dans des rôles mémorables Comment réussir… un assassinat ? saison 4, Interférences saison 5, et Double personnalité saison 6.Fenella Fielding 1927 est une actrice surtout très populaire dans les années 50-60. Séduisante et douée d'un timbre rauque, elle joua dans plusieurs films et séries et est considérée comme une excellente comédienne. Elle a joué la pétillante Kim Lawrence dans Les charmeurs saison 3. Elle sera la voix du Village dans 7 épisodes de la série. Séquence culte Ma vie m'appartient Séquence culte Rencontre avec Le Rôdeur Retour à l'index 2. LE CARILLON DE BIG BEN THE CHIMES OF BIG BEN Résumé Le Numéro 6 a une nouvelle voisine la jolie Numéro 8 alias Nadia Rakowski, agent estonien, vient juste d'être kidnappée et amenée au Village pour avoir démissionné et lu un document secret concernant le Village. Par ailleurs, le Numéro 2 tente d'intégrer » le Numéro 6 au Village en le convaincant de participer à un concours local d'arts manuels. Ayant d'abord refusé, il finit par accepter car il voit là un moyen de préparer sa fuite avec Nadia tout en donnant l'illusion au Numéro 2 qu'il s'adapte » au Village. Une nuit, ils s'évadent, mais ne sont pas au bout de leurs surprises… Critique de Clément Diaz Ce brillant épisode est un classique de la série, il est considéré par les fans comme un des meilleurs. À son visionnage, on ne peut qu'être d'accord. Le scénario de Vincent Tilsley est riche en situations diverses, en suspense, et en dialogues vifs et intelligents. Il approfondit le caractère indépendant du Numéro 6 qui, lors de ses confrontations avec Numéro 2, montre sa volonté de ne pas jouer son jeu sans jamais hausser le ton. Il lutte contre lui dans les règles, alternant mots d'humour, traits d'esprit, ironie cinglante et farouche détermination. Numéro 2, un poil irrité, est à la hauteur, car jouant sur le long terme il attend que le temps et le piège diabolique qu'il lui prépare fassent son œuvre. Le fameux dialogue entre les deux antagonistes captive en mêlant politique, utopie, rêve, humour, avenir du monde… où le simple fait de mettre une robe de chambre ou trois sucres dans son thé, des détails à priori bénins, deviennent des actes de résistance. L'épisode s'enrichit de nuances plus sombres de Numéro 6, héros décidément peu sympathique, dans la lignée de John Drake. Sa froideur et son ironie concentrées n'aident pas à rassurer la nouvelle arrivée, ce qui fait que leurs relations sont assez conflictuelles durant le premier quart d'heure du film. Il se montre courtois mais très cynique et à la limite de l'inamical. Évidemment leurs relations s'amélioreront grâce à une maligne fausse scène romantique » où Numéro 6 et Numéro 8 parlent de leurs projets d'évasion tout en feignant, par leurs attitudes, de tomber amoureux l'un de l'autre pour duper les caméras de surveillance. Cependant, Numéro 6 n'est pas dénué d'émotion. Si sa dureté excessive envers sa domestique dans l'épisode précédent pouvait laisser croire qu'il était sans cœur, il se montre sensible à ce qu'éprouve Nadia dans sa sinistre cellule d'hôpital et doit faire une petite concession au Numéro 2, méchamment réjouissant en sadique intériorisé. Les tortures mentales utilisées par le Village sont réellement terribles. La volonté de Nadia de s'échapper I'm not Number 8, I'm Nadia Rakowski ! ça ne vous rappelle rien ? ainsi que sa capacité à garder la tête froide en toutes situations font d'elle une parfaite alter ego de Numéro 6. Cette ressemblance accentue l'effet renversant de l'implacable twist final, mais qui n'annule pas pour autant son ambiguité elle sous-entend clairement qu'elle ne dirait pas non si elle avait l'occasion de sortir avec le bel agent ! La portée allégorique de la série prend son envol avec la sculpture » surréaliste de Numéro 6 qu'il baptise Évasion », ce qui en dit long sur son état d'esprit ! Tout est symbole, tout est illusion et tout est trahison dans cette série. Cet épisode ne déroge pas à la règle. Tout n'est que farce aussi car c'est lui qui reçoit le premier prix alors qu'avec sa sculpture abstraite », résolument anticonformiste à la mode de glorifier le Numéro 2 avait le moins de chances de l'avoir. Il s'agit bien entendu de l'ultime preuve de réussite d'un système autocratique récupérer au profit du régime même ce qui est contre le régime 1984, nous voilà. Cet aspect de farce sinistre se confirme par un discours de remerciements sonnant faux de bout en bout. Le coup de théâtre final, certes un peu prévisible, n'en est pas moins subjuguant, et couronne magistralement cet épisode génial tout en confirmant Numéro 6 comme un homme d'une intelligence remarquable. Don Chaffey reprend son goût des plans amples valorisant les décors, et du montage rapide, insufflant un impetus motorique. Son travail regorge d'idées, comme la succession de zooms brusques au tout début de l'épisode, les larges plans de la mer, ses travellings dans le bureau du Colonel. Mais son coup d'éclat reste la scène vertigineuse » où le Rôdeur rattrape Nadia qui veut s'échapper, la superposition de plans et l'impression tourbillonnante est d'un effet extraordinairement moderne. Sa direction d'acteurs est en sans-faute McGoohan dévoile un peu plus la personnalité sombre de Numéro 6, Nadia Gray joue plusieurs partitions avec talent étonnement, colère, joie, frustration, inquiétude, attirance, douceur…. Leo McKern est considéré à raison comme le meilleur Numéro 2 de la série. Sa bougonnerie, son physique et sa fausse amabilité forment un équilibre et une puissance dans son jeu assez désarmantes. Ses prestations dans les derniers épisodes de la série seront encore plus spectaculaires. On regrettera que les producteurs aient décidé pour tous les épisodes à partir de celui-ci d'écourter le générique d'une minute ! L'arrivée est le seul à avoir un générique complet. La minute en moins est cependant compensée » par ce qui va devenir un rituel pour chaque épisode le dialogue à bâtons rompus entre Numéro 6 et le Numéro 2 du jour qui plonge tout de suite dans l'ambiance. Aussi emblématique que le "Mrs. Peel, we're needed !" de Chapeau Melon ou le "Votre mission, Jim, si vous l'acceptez" de Mission Impossible, ce dialogue brillant avec la voix révoltée de Patrick McGoohan et la voix autoritaire et tranchante de Robert Rietty encore un choix heureux !, comédien de voice-over, est lié à jamais à la série. La musique, discrète, accompagne très bien l'épisode. Avis de Denis Chauvet L’excellent et plutôt sympathique numéro 2 en la personne de Leo McKern engendre des dialogues savoureux entre le numéro 2 et le numéro 6 'Don't worry, Number Six, you will be cured !’. Il y a beaucoup d'humour dans les attitudes la radio dans le frigo 'fascinating! ' ou les commentaires 'whisky is 24 work units and vodka 16. I hope there's nothing significant in that !'. Un petit faible pour la réplique du numéro 2 lorsque le 6 l’informe qu’il va aller aux bois avec le n°8 Naughty, naughty’. A partir de cet épisode, la séquence post-générique présente la fameuse phrase culte I’m not a number, I’m a free man !’. Au sujet de l’intrigue, la préparation de l'évasion est trop longue et la remise des prix un peu rébarbative l'évasion commence finalement à la 33ème minute !. Et puis, c'est vraiment chanceux que le numéro six remarque qu'il manque un coup à Big Ben tout en parlant ! Le numéro six se fait donc trahir deux fois consécutivement par une femme bien que la trahison d’Arrival soit involontaire. La confection du bateau et l’acquisition de la voile lors du concours d’arts manuels font toujours sourire, même si à la revoyure, le suspense tombe à plat. A noter que le début de The Chimes colle parfaitement à la fin d’Arrival l’arrivée de l’hélicoptère d’ailleurs repiquée, le joueur d’échecs. Le village est supposé être en Lituanie pour Nadia de son vrai nom, Nadia Gray devenue française en 1964, mais il y a très peu d’extérieurs car les scènes du village et même la plage sont du studio ! Patrick McGoohan évitait les contacts féminins pendant le tournage et il passe le bras autour des épaules de sa fille avec une perruque censée être Nadia C’est vraiment de l’extrémisme religieux. 27'54. Une version alternative trouvée en 1986 possède une dizaine de différences mineures. En tout cas, une fin d’épisode qu’on n’oublie pas ! Infos supplémentaires - Premier épisode comportant le fameux dialogue Numéro 2–Numéro 6, désormais présent à presque chaque début d'épisode. Pour l'inclure, le générique est réduit d'une minute passant de 3 à 2 minutes. C'est le comédien Robert Rietty qui prête sa voix pour cette Le carillon de Big Ben devait être en réalité diffusé en fin de série, mais il fut décidé au dernier moment qu'il serait diffusé en deuxième. L'épisode fut écrit en une après-midi seulement ! bonus DVD- D'autres informations sur Numéro 6 il n'est pas marié mais refuse de dire à Nadia s'il est fiancé ou pas. L'épisode L'impossible Pardon nous apprendra qu'il est bel et bien fiancé à la jolie Janet. Il semble toujours avoir été doué pour les arts manuels à 15 ans, il était déjà premier de sa classe dans ce domaine. Il est également un très bon joueur d'échecs prédire un mat en sept coups à son adversaire demande une certaine puissance de calcul. Comme un vrai puriste, il ne met jamais de sucre dans son thé… bien qu'il en mette volontairement trois lors de sa discussion avec le Numéro 2 rien que pour l'énerver !- Numéro 6 a du succès auprès des femmes Nadia/Numéro 8 semble sincèrement attirée par lui. Mrs. Engadine dans A. B. et C. semblera le trouver à son goût. La Reine » tombera amoureuse de lui dans des conditions toutefois très particulières dans Echec et mat, et beaucoup de femmes le regardent attentivement dans Danse de mort. Mais Numéro 6, tout comme John Drake est incorruptible de ce côté-là ! D'ailleurs, dans le scénario de Tilsley, lors de la scène romantique » entre Nadia et Numéro 6, il était prévu que ce dernier l'embrasse. Mais McGoohan refusa catégoriquement d'embrasser l'actrice. McGoohan, en effet, se montrera toujours très distant dans ses relations avec ses partenaires féminines. Bonus DVD - La conversation en haut de la falaise entre Numéro 2 et Numéro 6 suscita beaucoup d'analyses par ses interprétations possibles quant à la portée du Village, l'identité du Numéro 1, et du camp » auquel il appartient. Vincent Tilsley, le scénariste, dit qu'auparavant, les séries ne parlaient pas de politique en réalité, Destination Danger se livrait déjà à bien des considérations géopolitiques, et qu'il voulait oser cette voie. Ce dialogue est donc révolutionnaire pour l'époque. Bonus DVD - Il était prévu à l'origine que le Rôdeur la ramène sur la plage mais, à cause d'un problème de flottaison, il fut impossible de ramener Nadia Gray par le seul moyen du Rôdeur. Le gardien du Village se voit donc aidé par deux petits Rôdeurs et le résultat apparut pour Vincent Tilsley plus comique que sinistre Bonus DVD. - Information cruciale le Village semble être en Lituanie mais, curieusement, l'épisode Le retour nous prouvera qu'il se trouve…au Maroc ! Se pourrait-il qu'il y ait plusieurs Villages ? Il se peut cependant que la question ait peu d'importance car le plan final de l'ultime épisode, Le dénouement, pourrait répondre définitivement à la question... - Nous apprenons qu'il y a un couvre-feu dans le Village. Son annonce ainsi que l'extinction des feux sont signalées par un message de la Voix. - 1re phrase de McGoohan à McKern lorsqu'il se rencontrèrent Eh, t'es un drôle d'enfoiré toi ! ». D'après McKern, ils se sont vus au bar et commençèrent à picoler avant même d'évoquer la série ! bonus DVD Une autre version de cet épisode figure dans les bonus DVD de l'édition ultime du Prisonnier. Il y a également des différences de montage et de musique. Elles seront décrites dans la rubrique Épilogue. Acteurs/Actrices Leo McKern 1920-2002 a joué dans plus de 200 films et séries, il fut parallèlement comédien de théâtre. Il redeviendra le Numéro 2 dans les deux derniers épisodes Il était une fois et Le dénouement. Sa corpulence et son investissement firent de lui un acteur très talentueux qui marque durablement sa présence. Il est surtout connu pour avoir joué Horace. W. Rumpole dans la série Rumpole of the Bailey de 1975 à Gray 1923-1994 a relativement peu tourné de films marquants excepté La Dolce Vita 1960 de Fellini. Son rôle dans cet épisode est probablement son plus Currie 1878-1968 n'a véritablement commencé à se faire connaître qu'à la fin des années 1930. Il a notamment joué dans beaucoup de films historiques Quo vadis, Ivanhoé, Ben-Hur, Salomon et la Reine de Saba… mais n'a pas dédaigné les séries The Saint et Destination Danger ont eu l'honneur de l'avoir dans quelques Wattis 1912-1975 a commencé sa carrière au théâtre avant de passer au cinéma après la Seconde Guerre mondiale. Il a joué dans environ une cinquantaine de films mais ne fit que des apparitions mineures dans les séries de l'époque. Il joue le rôle de Clarke dans Meurtres au programme saison 6. Il est mort d'une attaque cardiaque à 63 ans. Kevin Stoney 1921-2008 est un des acteurs les plus prolifiques en rôles dans les séries télé ! Il a livré d'étonnantes compositions comme ses trois rôles dans Docteur Who mais aussi tant d'autres comme L'Homme à la Valise, Space 1999, Le Saint, Les Aventures de Robin des Bois... Il est apparu dans deux épisodes de Chapeau Melon Mission très…improbable saison 5 et Un chat parmi les pigeons saison 7. Il est mort d'un cancer de la peau. Séquence culte Quatre secondes pour vivre Retour à l'index 3. A. B. ET C. A. B. AND C. Résumé Pressé par son supérieur, Numéro 2 doit trouver les motifs qui ont poussé à la démission du Numéro 6 ainsi que la personne à qui il voulait vendre ses informations, chose qui se serait produite s'il n'avait pas été fait prisonnier. Avec l'aide de Numéro 14 et de sa drogue miracle, il pénètre dans les rêves de Numéro 6 et les modifie de manière à faire intervenir les acheteurs potentiels. Mais Numéro 6 finit par se douter de quelque chose et tente de reprendre le contrôle de son esprit… Critique de Clément Diaz Cet épisode est le premier à révéler les effrayantes méthodes qu'utilise le Village pour parvenir à ses fins. L'histoire repose sur une idée lumineuse et s'il était possible de s'emparer de l'esprit de quelqu'un en interférant dans ses rêves ? À partir de cette idée, Anthony Skene écrit un réjouissant scénario de roman policier qui tient en haleine tout le long des séquences de rêves jusqu'au triple twist final qui prend le téléspectateur complètement à contrepied. Cet épisode est construit comme une pièce de théâtre voir titre original dans les infos supplémentaires, en bas qui comporterait une introduction, trois actes, deux entractes et un épilogue, les actes étant les moments de tension et les entractes de détente terme cependant très relatif dans cet épisode ! L'épisode démarre fort le Numéro 2 reçoit un coup de fil de quelqu'un qui, apparemment, a tout pouvoir sur lui le Numéro 1 ?. Nous apprenons ainsi que les Numéro 2 sont interchangeables à volonté et qu'une menace permanente pèse sur leurs têtes. Ainsi, le Numéro 2 du jour reconnaît qu'il n'est pas indispensable » et semble apeuré par sa possibilité d'échec. Ce qui explique qu'il avance l'expérience d'une semaine malgré les grands périls possibles dont le moindre n'est pas la mort de Numéro 6 ce qui serait catastrophique. Nous avons donc droit à un Numéro 2 pas si fort qu'il veut paraître et prêt à toutes les audaces pour se débarrasser de son épée de Damoclès. Son angoisse et sa peur tranchent fortement avec l'assurance générale des autres Numéro 2. Pour un peu, on aurait presque pitié de lui ! Le scénario repose tout entier sur les trois scènes de rêve. La première scène nous plante le décor un imposant manoir accueillant les soirées festives de Mme Engadine à Paris. L'hôtesse est la grande réussite de cet épisode sa joie pétillante procure de savoureux moments lors de ses dialogues avec Numéro 6. Bien qu'elle soit plus âgée que lui, elle n'hésite pas à le draguer ouvertement, l'appelant Chéri à tout bout de champ, et Numéro 6 semble particulièrement heureux de jouer son petit jeu. Jouant à merveille son rôle de femme riche soucieuse de son apparence et de son influence, elle est un rayon de soleil bienvenu dans cet épisode à l'atmosphère plutôt sombre quoique J'ai changé d'avis et Il était une fois le soient davantage. A et B se révèlent très différents et empêchent l'épisode de basculer dans la répétition. En effet, A joue d'abord la carte de la décontraction et de l'amitié puis se voit obligé de recourir à des méthodes un peu plus…persuasives pour convaincre Numéro 6 de lui vendre ses documents dont le contenu restera secret jusque dans les toutes dernières secondes de l'épisode surprise garantie !. Tandis que B, jouant quelque peu de son charme, mise sur sa nonchalance calculée pour intriguer son interlocuteur. Le rêve avec A se passe bien pour Numéro 2 et Numéro 14 car Numéro 6 a été pris par surprise et est donc obligé de suivre le cours de son rêve. A ne cache pas qu'il est impatient d'avoir ses documents et la scène où il rencontre son ancien ami est révélatrice de leurs caractères bien trempés. À noter que notre héros se montre toujours aussi méfiant lorsque A lui fait une proposition de paix au nom de leur amitié » d'autrefois. A paraît très captieux et son ton doucereux ne trompe personne, il n'empêche qu'il est vraiment très inquiétant, on sent qu'il ne dévoile pas tout son jeu. D'ailleurs, il finit par enlever » son peu coopératif interlocuteur pour le conduire dans l'ambassade ennemie. Là-dessus, nous avons droit à une petite bataille à un contre trois remportée brillamment par… Numéro 6 bien sûr ! Qui décidément a des coups de poing que peu de gens aimeraient recevoir dans la figure ! Là-dessus, bonne nuit ! Le rêve avec B se passe moins bien car Numéro 6, pris de soupçons, sent qu'on l'a drogué et tente de résister. Tout en le faisant, nous le voyons en compagnie de Mme Engadine toujours aussi enthousiaste et pleine d'attentions à son égard voir sa moue dédaigneuse dans sa scène de jalousie », elle est hilarante !, puis enfin, la rencontre avec la belle B qui ressemble beaucoup à une scène d'amour un beau garçon et une belle fille en tête à tête, le champagne sur la table, la nuit claire au-dessus d'eux, l'évocation de leurs souvenirs, leur danse lente… il aurait été intéressant de voir jusqu'où B aurait joué le jeu de la séduction car elle semblait très sûre d'elle ! Heureusement, cette scène plutôt calme reprend un coup de jus lorsque Numéro 14 décide d'interférer en faisant parler » B avec sa voix et là… tout se déglingue ses paroles influent directement sur le comportement de B qui commence à s'affoler ! Comme ça ne semble pas être son caractère, Numéro 6 est pris de soupçons. La scène monte alors en tension avec un brio imparable B paniquant de plus en plus et Numéro 6 devenant de plus en plus dur avec elle au fur et à mesure qu'il entrevoit ce qui se passe, la réalité rattrapant la fiction. À noter son stoïcisme de fer il ne semble pas s'émouvoir du subit danger de mort qui menace son contact et, au contraire, fait monter la sauce en la poussant dans ses derniers retranchements et la fin du rêve, en suspension, ne relâche que peu la tension ; on comprend que Numéro 2 et Numéro 14 soient plutôt tendus et pas rassurés ! Entre ces deux scènes, nous avons vu un Numéro 6 comme on l'aime qui ne se laisse pas faire. Sarcastique auprès de la glaciale Numéro 14, puis ironique dans sa conversation avec le Numéro 2 où il leur fait bien comprendre qu'il n'est pas dupe de leur petit complot. Cet intermède fait baisser la tension née du premier rêve sans la faire disparaître tout à fait Numéro 14, résolue et fermée et Numéro 2, faussement amical la maintiennent et donc rien n'est décidé lorsque le rideau s'ouvre sur le deuxième rêve. L'intermède, cependant aurait peut-être pu être plus en suspense, plus concentré, ici, il apparaît davantage comme une bouffée d'air presque frais. Dans l'entracte suivant le deuxième rêve, Numéro 6 commence à reprendre le dessus sur ses bourreaux. C'est peut-être le seul moment en flottement » du récit car ces minutes sont peu intéressantes bien qu'indispensables à sa compréhension, il ne se passe pas grand-chose et l'on attend avec impatience le troisième rêve. Autant le dire tout de suite ce troisième rêve constitue une des finales les plus réussies pour un épisode, Skene s'amuse en accumulant les surprises dans la dernière partie de son intrigue, justifiant les 35 premières minutes , nous gratifiant d'un joli coup de théâtre concernant C qui ne fera pas que surprendre Numéro 2 et Numéro 14. Puis, à ce moment, un doute Numéro 6 a-t-il bien repris le contrôle de son esprit ? Il semble que non car il finit par s'évanouir et lorsqu'il se réveille, nous sommes dans le brouillard complet. Nous le voyons ensuite rencontrer le fameux D » dont le visage dévoilé est un second coup de théâtre enfin presque, car malheureusement, le masque de D laisse entrapercevoir son visage et un téléspectateur physionomiste peut anticiper ce qui va se passer. Puis, comme si ça ne suffisait pas, Numéro 6 révèle le contenu des fameux documents ! Troisième coup de théâtre et nous nous apercevons que pendant les dix dernières minutes, nous avons été complètement menés en bateau de A à Z, enfin, je devrais dire de A à D ! Les rêves restent des illusions et on ne peut rien y faire… Et le plan final, frissonnant, sans paroles, sonne le glas de Numéro 2. Ainsi, c'est par une victoire éclatante de Numéro 6, sa première contre Numéro 2, que s'achève cet épisode dont les quelques faiblesses dans les intermèdes sont largement compensées par les trois séquences oniriques. Bref, un scénario excellent qui nous tient à l'écran ! La mise en scène de Pat Jackson est plus lente, plus classique que celle de Don Chaffey mais elle est hautement recommandable, la lenteur » relative de sa caméra est à l'unisson de l'épisode qui avance doucement, à son rythme. On retiendra une belle trouvaille dans sa réalisation un cadrage penché digne d'Hitchcock au début du troisième rêve lorsque le cerveau de Numéro 6 commence à flancher et le tourbillon de la caméra lorsqu'il s'évanouit. On sera cependant déçu d'un abus de gros plans, empêchant les vues d'ensemble qui sont donc plus rares, on a comme une impression d'étouffement. Mais Pat Jackson réussit à insuffler le suspense efficacement tout au long de l'histoire, renforçant les moments-clefs de l'intrigue. Une bonne réalisation dans l'ensemble donc mais moins aboutie que les deux précédentes. Par contre, côté direction d'acteurs, le réalisateur n'a rien à envier à Don Chaffey. Outre le fait de voir Numéro 6 en smoking élégant et distingué il fait jeu égal à Steed de ce coté-là !, l'acteur est parfaitement à l'aise et brille sans forcer son talent. Si son jeu est un peu plus uniforme il reste calme et détendu la plupart du temps, il ne lasse pas un seul instant tellement il a bien saisi l'ambiance de l'épisode. Katherine Kath est fantastique dans le rôle de Mme Engadine, gouailleuse comme c'est pas permis, jouant de son charme mutin, les différentes poses de son visage qu'on croirait piquées à une diva d'opéra sont d'un divertissement jouissif ! Lorsqu'elle tombe le masque, elle ne laisse pas tomber son jeu léger et pétillant produisant un parfait décalage avec la situation ! Bien sûr, Peter Bowles, familier des Avengers, se montre impeccable en A, ses regards, sa moustache menaçante et sa détermination soigneusement cachée mais bien présente en font un adversaire digne de Chapeau Melon bien que son rôle soit trop court. La trop tôt disparue Annette Carrell est flamboyante en B qui joue avec virtuosité toute la gamme allant de la désinvolture souriante à l'effroi le plus total, on a là une grande actrice qui réussit presque à occulter son partenaire lors de leur scène, une performance rare ! Colin Gordon en Numéro 2 est très convaincant il parvient à rendre le stress de son personnage palpable et, tout au long de l'épisode, nous sommes de son côté parce qu'on veut savoir ! Nous sommes tantôt avec les méchants », tantôt avec le gentil » lorsque ce dernier frôle les limites dangereuses, bref, un épisode hitchcockien jusque dans ses personnages. Il est touchant de voir un prétendu tyran montrer autant de failles. Son effondrement final anticipe celui de son successeur dans Le marteau et l'enclume. Sheila Allen, blonde froide made in Hitchcock, lui donne parfaitement la réplique, entreprenant son inhumaine expérience sans l'ombre d'un remords. En clair, c'est vraiment le film d'acteurs par excellence ! La musique, plus présente, colle bien à l'histoire thème de danse aux violons évitant le sirupeux pendant le bal, extrait de musique psychédélique quand Numéro 6 s'aperçoit qu'on l'a manipulé… Bref, rien à dire. Avis de Denis Chauvet Le numéro deux, sous pression, recherche non seulement la raison de la démission du numéro six, mais il s'intéresse aussi à ses agissements à qui peut-il avoir voulu vendre des informations ? A, B ou C ? La manipulation est présente dans toute la série et particulièrement dans cet épisode. Le numéro 14 une femme ! et de trois ! essaie t'extirper au numéro six, transformé en cobaye sous l'effet d'une drogue, ses secrets sous forme de rêves contrôlés, mais les manipulateurs deviennent finalement les manipulés ! Ce numéro deux change de ses prédécesseurs il est faible, boit du lait et sait que son temps est compté. Il a sûrement raison pour le lait car même l’eau du robinet n’est pas potable au village. Un épisode qui commence lentement mais qui va crescendo. L'expérience se passe très bien avec A, moins bien avec B. Le numéro six retourne la situation pour C et crée même un quatrième personnage D ? qui n'est autre que le numéro deux lui-même !!! Colin Gordon reviendra néanmoins dans ce rôle dans Le Général. A noter que 'l'action des rêves' est censée se passer à Paris d'où la DS – symbole tricolore de l’époque - et les répliques en français d'Eglantine ! Pour les fans des Avengers et de séries britanniques, on remarquera l'inoubliable Peter Bowles A, et Annette Carell B, la psychologue des Marchands de peur décédée quelques mois après le tournage d' A, B & C You are not who you pretend to be’. Un quatre car, contrairement à l’opus précédent, c’est une victoire du numéro six et la manipulation finale est jubilatoire. A noter que les rares réelles vues de Portmeirion furent filmées sans Patrick McGoohan. Infos supplémentaires Aka. Play in three acts – Épisode en trois actes. Bonus DVD Cet épisode fut tourné intégralement aux Studios Elstree. Bonus DVD À partir de cet épisode, la série montre sa volonté de refléter son époque tout en dénonçant ses travers et ses jeux psychologiques » qui, ayant toujours cours aujourd'hui, permettent à la série de demeurer intemporelle. Le sujet des drogues hallucinogènes repris dans Musique douce n'est pas anodin. Nous sommes en 1967-1968, une époque psychédélique par excellence où la drogue était un tabou qui se brisait et qui se répandait. Bonus DVD L'interlocuteur du Numéro 2 au téléphone serait-il le Numéro 1 ? Dans le journal Tally Ho lu par Numéro 14, on lit fit for further term... [ prêt pour un nouveau mandat]. Numéro 6, dans ses rêves, pense sans cesse à sa démission. Mais pourquoi a-t-il démissionné ? Ce n'est, en tous cas, pas pour vendre des informations comme nous finissons par l'apprendre. Détail il a une nouvelle domestique faut dire qu'il n'a pas été très gentil avec la précédente !. Domestique peut-être au service des geôliers serait-ce elle qui a drogué sa boisson ? Lorsque McGoohan arriva sur le tournage de l'épisode, Katherine Kath Mme Engadine, pour plaisanter, s'écria Be Careful, the boss is coming ! » [Attention, le patron débarque !]. Et McGoohan lui envoya un sourire béat un sourire de ses 60 dents pour reprendre les termes de l'actrice. Ce sourire est lourd de sens quand on sait jusqu'où est allé la portée de patron » dans la série et dans son tournage ! Bonus DVD Acteurs/Actrices Colin Gordon 1911-1972 après avoir servi dans l'armée pendant la Seconde Guerre Mondiale est devenu un comédien récurrent dans le cinéma anglais et il joua souvent dans les productions de la chaîne de télévision ITC jusqu'à sa mort. Il a surtout joué des rôles de ministres, de gouvernants... mais il a aussi joué dans La Panthère Rose 1963 et le Casino Royale de 1967. C'est cependant son incarnation du rôle du Numéro 2 qui lui reste attachéee. Il reprendra ce rôle dans l'épisode Le Allen 1929 n'a pas laissé son empreinte dans le paysage audiovisuel, car elle a préféré le théâtre. On ne connaît d'elle que quelques apparitions dans des séries et quelques films dont le plus connu reste L'Aventure du Poseidon. Son rôle dans cet épisode est probablement son plus Kath 1920-2013 a joué principalement des rôles mineurs au cinéma. Son personnage dans cet épisode est certainement son plus Bowles 1936 est un acteur familier pour les fans des Avengers car il est apparu dans des rôles de méchants dans pas moins de quatre épisodes et à chaque fois sa performance marque les esprits le cruel et fou Neil Anstice dans Seconde vue saison 2, le diabolique Harvey dans Meurtre par téléphone saison 4, le dingo et jouissif Thyssen dans Remontons le temps saison 5 et le déterminé et inquiétant Ezdorf dans Les évadés du monastère saison 6. Il travaille régulièrement au théâtre et à la télévision, un peu au cinéma. Il a joué le rôle régulier de Featherstone dans la série Rumpole of the Bailey aux côtés de Leo McKern. Son charisme en fait un acteur respecté et Carrell 1929-1967 a tourné en majorité des seconds rôles dans les plus fameuses séries des années 1960, Le Saint, L'Homme à la Valise, Sergent Cork… et dans quelques films dont le Darling de John Schlesinger 1965. Sa mort prématurée ne lui a pas laissé le temps d'être reconnue. Le rôle de B est son avant-dernier rôle. Elle est le dans Les marchands de peur saison 5Georgina Cookson 1918 a beaucoup tourné dans des séries entre 1960 et 1975 Destination Danger, W. Somerset Maugham…, elle joua aussi dans le Darling de Schlesinger et eut le rôle récurrent de dans sept épisodes des Contes indiens de Rudyard Kipling. Elle reviendra dans Le Prisonnier pour le rôle plus étendu de l'aimable dans Le retour. Retour à l'index Séquence culte Passe d'armes avec A 4. LIBERTÉ POUR TOUS FREE FOR ALL Résumé Le Numéro 2 propose au Numéro 6 d'être candidat contre lui aux élections du Village qui se veulent être démocratiques. S'il gagne, il deviendra le nouveau Numéro 2 et aura tous les pouvoirs. Numéro 6 y voit l'occasion d'une libération générale et accepte. Escorté de Numéro 58, une jeune femme ne parlant pas anglais et quelque peu dérangée, il mène campagne contre Numéro 2 et promet La liberté pour tous » s'il est élu. Il ne se doute pas qu'il vient de tomber dans un engrenage infernal visant à le briser tant physiquement que de Clément Diaz Liberté pour tous est un épisode intéressant car révélateur de l'orientation que prend la série. Plus philosophique, plus symbolique, cet épisode surprend après le réalisme latent des trois précédents épisodes. Alors que ceux-là se suivaient au premier degré, celui-ci est le premier qui emploie l'allégorie au service du sens. Il a comme idée de base une violente dénonciation des systèmes politiques démocratiques. Hélas, cette belle idée est desservie par le scénario quelque peu confus de Patrick McGoohan. En effet, l'acteur se saisit de la plume de scénariste pour la première fois et nous sert une histoire qui, si elle a un fil conducteur bien visible, est parfois un peu décousue, offrant peu de repères au téléspectateur. À aucun moment nous ne savons à quoi rime toute cette mascarade électorale et lorsque nous l'apprenons dans la dernière scène, on ne peut qu'être quelque peu déçu ; certes, la réponse est inattendue et terriblement glaçante mais laisse un arrière-goût d'inachevé, tout ça pour ça ! En fait, ici la forme se révèle bancale alors que le fond est, a contrario, tout simplement impeccable. L'épisode commence plutôt bien car le premier quart d'heure est un chef-d'œuvre à lui tout seul. On commence avec la visite de Numéro 2 dans la maison de Numéro 6. À noter un trait d'humour assez stupéfiant Numéro 2 appelle Numéro 6 par téléphone depuis sa maison, ce dernier finit par raccrocher et cinq secondes plus tard, son interlocuteur est devant sa porte ! Cette bizarrerie sera reprise, non sans humour, dans l'épisode Cher Amour du remake de la série avec Numéro 1891 sonnant chez Numéro 6 une seconde après qu'il a raccroché ! Après un petit échange bien acide comme on aime, Numéro 2 lui présente une jeune femme, Numéro 58, qui baragouine un langage étranger tout à fait incompréhensible à Numéro 6. Bref, on ne peut pas dire que l'introduction nage dans le réalisme ! Le Village marque décidément sa volonté en niant toute reconnaissance de l'individu. Nous apprenons que la cuisine est d'origine… internationale… et puis c'est tout. Tout se noie dans le collectif. À partir du moment où les deux rivaux débutent leur campagne, McGoohan commence à dépeindre férocement toutes les machinations politiques et leurs effets sur les électeurs. Sa satire est d'une telle acidité qu'elle nous renvoie douloureusement à notre époque. Il n'y a pas à dire, le fond de l'histoire est un chef-d'œuvre les électeurs Le Village sont présentés comme des moutons de Panurge sans cervelle voir le majordome levant des pancartes pour signaler au public ce qu'il doit faire !. Nous voyons une foule unanime applaudir le Numéro 2 et après que Numéro 6 a pris la parole pour se présenter contre lui avec la bénédiction de son adversaire, des pancartes Vote » apparaissent, signifiant que tout avait déjà été préparé ! Cette scène est merveilleusement réussie car la foule applaudit dès qu'une phrase qui se veut forte » est dite. Et lorsque dénonce leur abêtissement par les autorités ainsi que sa volonté d'être un indépendant, Numéro 2 lui demande de continuer Ils aiment ça ! ». Signe que nous, la foule, sommes prêts à entendre nos défauts mais jamais à les corriger ! La pluie de cotillons et de Vive 6, 6, 6 !!! » qui s'abat sur notre héros évoque la victoire du clinquant sur le réel, de l'apparence sur le fond. Nous adorons tout ce qui est brillant, lumineux, spectaculaire et nous nous soucions peu si c'est apparent ou pas, si c'est mal ou pas… les effets d'annonce, la perspective d'élections libres » et la relative stupidité des électeurs rappelant que nous, dans la vie réelle, n'arrivons jamais à élire un candidat digne de ce nom renvoie à notre situation actuelle. La scène du conseil est encore plus vitriolée Le conseil, allégorie des parlements démocratiques, est représentée par des pantins lobotomisés à la botte du gouvernant ce qui provoque l'ire de Numéro 6, décidément le seul à voir clair dans ce Village de fous qui se charge de tout. Portrait peu flatteur de nos députés et sénateurs qui ont dû sacrifier leurs opinions, leurs individualités leurs cerveaux quoi… sur l'autel d'un poste certes prestigieux mais dans lequel ils ont perdu leur indépendance. Et lorsque Numéro 6 dénonce cette parodie de politique, Numéro 2 se fâche de plus en plus, tapant avec son marteau comme un possédé et précipitant son rival dans les sous-sols, mettant fin à la scène ! Par ailleurs, les scènes avec les discours des candidats sont tout sauf convaincantes scènes à retenir ! et ils s'envoient par la même occasion des piques bien acérées et des phrases faussement triomphantes. La triste réalité a depuis longtemps rattrapé la fiction avec des politiciens passant leurs temps à rester sur les mêmes discours rasoir et à attaquer leurs opposants plutôt que de défendre leurs programmes. Ainsi, la fin de la première déclaration de Numéro 6 est d'une banalité volontairement affligeante, copie conforme de tous les discours politiquement corrects » des hommes politiques mais bon, il vient de subir un choc psychologique, donc il n'a pas toute sa tête. Encore un symbole le vainqueur sera élu... à l'unanimité des voix ! Attaque en règle contre les fraudes électorales qui sont monnaie courante dans tous les systèmes politiques démocratiques ou pas et la seconde d'après, tous les électeurs sont mécontents de leur choix pas le moindre applaudissement pour l'heureux gagnant mais des regards lourds de menaces. Cette invraisemblance nous perd un peu car elle ne peut être vue qu'au second degré la brièveté de L'Étatde grâce est représentée l'élu est toujours condamné à décevoir au bout d'un certain laps de temps. Scène donc très cynique mais un peu maladroite dans sa volonté de symbolisme. C'est une des rares scènes "politiques" pas tout à fait abouties. Niveau satire politique, tout est fait de main de maître. Hélas, le problème de l'épisode vient de ce que McGoohan a voulu jongler avec deux situations la campagne électorale et la pression mentale que le héros subit. En alternant les deux intrigues, McGoohan va enchaîner les situations avec presque pas de transitions et menace sans cesse de se perdre dans les méandres tortueux de son développement pourtant riche d'idées. Car le côté "pression" détonne avec le côté "campagne" par ses allers-retours incessants une scène de pression, puis une scène politique, puis de pression, de politique, etc. Et cette absence d'unité rend l'épisode bancal. De plus, la première scène de pression, chez le manager de la Bourse, succédant à la scène du conseil, manque son but. Elle est certes assez éprouvante, Numéro 6 subissant une écrasante torture mentale avant de repartir frais comme un gardon. Mais elle détonne avec les précédentes car elle interrompt le message symbolique de l'épisode, d'autant plus qu'on ne comprend pas vraiment sa signification ! La scène dans la cave et sa fin abrupte déconcerte tout autant car nous ne voyons pas à quoi elle a servi, d'autant plus qu'elle ne sera même pas expliquée ! Là on est bien perdu à cause de ces scènes qui s'enchaînent sans trop de logique La deuxième scène de pression entre Numéro 6 et Numéro 58 déconcerte autant. Elle est également effrayante Numéro 58 change d'humeur et de mine en deux secondes, babille son charabia jusqu'à répéter Be seeing you ! dans sa langue dans un crescendo oppressant tandis que sa voix monte dans le suraigu. Et parvient à ce que sa folie contamine Numéro 6 qui se met à avoir peur d'elle nous aussi car elle commence à devenir franchement terrifiante ! et de tout. Ballotté par ses admirateurs et par son cerveau qui commence dangereusement à déglinguer, il tente une fuite désespérée qui tournera court. Cette scène n'est toutefois pas très utile à l'histoire et casse le rythme de l'épisode. Mais la conjonction de toutes ces scènes parvient à faire son effet avec Numéro 6 à la limite de la raison qui, de plus en plus atrabilaire, commence à apeurer son entourage un Numéro 58 décidément très tête à claques dans par exemple la scène dans le café. Par ailleurs, les méthodes du journalisme sont aussi dénoncées, montrant combien la série est visionnaire au début de l'épisode, lorsque Numéro 6 et Numéro 58 plus hystérique que jamais en voiture sont assaillis par un journaliste et un photographe. Leur échange descend en flèche la presse charognarde, prête à tout pour vendre les journaux à chaque fois que le photographe pose une question, Numéro 6 répond Pas de commentaires et le journaliste écrit autre chose de plus consistant pour son papier, tandis que les flashes continus du photographe évoquent les paparazzi de la presse people. La désinformation est ainsi pointée du doigt. Mais à peine la série de questions est-elle finie que l'interview arrangée » se retrouve en moins d'une seconde dans le journal ! Internet existe déjà au Village ! Les informations circulent à la vitesse de l'éclair et sont publiées sans avoir été vérifiées. Nous sommes devant les ancêtres des buzzes ». Savoir que la série date en fait de 40 ans laisse rêveur… Elle avait déjà anticipé notre monde surchargé d'informations plus ou moins fausses, de demi et contrevérités. La dernière partie est cependant enthousiasmante car elle arrive enfin à marier correctement les deux versants de l'épisode où nous avons le fin de mot de l'histoire tout n'était qu'un gigantesque complot visant à briser Numéro 6. La scène finale dans la maison de Numéro 2 révèle un coup de théâtre bien amené qui laisse le téléspectateur comme deux ronds de flan. S'il y a un dicton qui s'applique dans la série et dans son remake soit dit en passant, c'est bien Tout n'est qu'illusion ! Tellement le héros et nous-mêmes avons été menés par le bout du nez. La violence, tant physique que psychique, contenue lors de l'épisode explose sauvagement et Numéro 6 est KO debout. Bref, une défaite cuisante qui, cependant, ne l'est pas tout à fait le regard enflammé de Numéro 6 à son bourreau est une manière de dire qu'il faut plus que de la violence pour le faire parler. Pour résumer, par sa noire ironie, son pessimisme amer et l'ambiance lourde de complot, l'intrigue est une brillante satire politique réussie sur le fond mais dont le traitement dans la forme reste mitigé. Hitchcock avait l'habitude de dire qu'avoir beaucoup d'idées ne suffisait pas à faire un film, encore fallait-il les organiser, les gérer habilement. C'est le principal défaut de ce scénario qui réussit cependant à nous donner le frisson. Comme cette image de gardiens mystérieux devant le Rôdeur... Brrr ! Pour sa première mise en scène, Patrick McGoohan, qui pourtant n'est pas réalisateur, surprend agréablement en nous offrant une réalisation de qualité dans l'ensemble mais qui, à l'image de l'histoire, s'éparpille un peu partout. Lors des moments de confusion, la caméra va dans tous les sens d'où le sentiment d'un léger vertige et sinon adopte un tempo retenu, ne nous lassant pas d'admirer Portmeirion d'une part, et nous laissant prendre le temps de mesurer les différentes phases du complot d'autre part, complot qui se monte peu à peu dans un crescendo inéluctable. Toutefois ce choix empêche une certaine fluidité, les scènes chez le manager ou dans le bar peuvent paraître un peu longues. Donc, une bonne réalisation mais un peu lente, on pouvait s'attendre à mieux. Eh bien, on aura mieux dans les autres épisodes qu'il réalisera ! Patience… Laissons-lui le temps de s'habituer à être devant et derrière la caméra. Côté acteurs, rien à dire comme d'habitude. Piégé, tourmenté, obstiné, Patrick McGoohan est parfait sa détermination quand il répète son credo I'm not a number ! I'm a person ! [Je ne suis pas un numéro ! Je suis un homme !], la confusion qui s'empare de lui, l'hébétude qui le saisit peu à peu, la folie qui le guette. L'acteur livre une de ses meilleures compositions bien qu'elles soient toutes bonnes !, son personnage divague de plus en plus dangereusement et il est impossible de ne pas s'identifier à lui tellement il monopolise l'écran. Un des plus beaux numéros d'acteur dans l'histoire de la télévision incontestablement. Son air hagard dans la scène finale est terriblement convaincant. Un sans-faute et même plus ! Dans le rôle de Numéro 2, Eric Portman s'en sort très bien mais est un peu éclipsé par son partenaire. L'histoire étant principalement centrée sur Numéro 6, il a du mal à exister mais ses apparitions sont un régal il cache admirablement bien son jeu et son air calme, réfléchi, inquisiteur nous fait bien comprendre que sa puissance se cache dans sa tête, qu'il attend patiemment d'avoir le dernier mot quand Numéro 6 s'avouera vaincu. Lorsqu'il se déchaîne subitement dans la scène du conseil, c'est donc d'autant plus surprenant ! Il n'est pas aussi marquant peut-être qu'un Léo McKern ou une Mary Morris, mais son efficacité et son assurance sont indéniables, bref, il ne nous déçoit pas. Rachel Herbert, à notre grande satisfaction, est tout simplement effrayante. Obligée de jouer le rôle particulièrement difficile du boulet souriant et énervant, elle est étonnante sa joie incontrôlable, son babil répétitif, son hystérie maladive et son air de ravissante idiote sont inoubliables. Elle achève de donner à l'épisode son cachet si particulier. Elle distille comme un malaise, un peu comme la voix de Fenella Fielding, toujours trop joyeuse pour être honnête. Son jeu dans la scène finale tic, tictic, tictic, tic, tictictic… à 180° de ce qu'elle avait alors fait stupéfie et nous glace sur place ! Quelle excellente comédienne ! Et quel dommage qu'elle n'ait pas vraiment fait carrière, elle le méritait ! Le journaliste Harold Berens et le photographe Dene Cooper sont lourds à souhait et le machiavélique manager est joué avec brio par Georges Benson. Les figurants sont de vraies marionnettes sans cervelle, 10/10 ! La musique rend très bien les émotions de Numéro 6 dans ses scènes de divagation, et les cuivres orgueilleusement pompeux sont à l'unisson des apparences trompeuses de l'épisode. Les fanfares, claironnantes et conventionnelles, sont la musique idéale pour ce triomphe de l'illusion qu'est cet épisode. Avis de Denis Chauvet J'accroche beaucoup moins cet épisode que les trois précédents. L’intrigue est une dénonciation des bidouillages électoraux, de la vacuité des candidats avec la complaisance de la presse au passage et l’ensemble est plutôt bavard, lent et confus, bien que toujours d’actualité. D’ailleurs, l’assemblée de brainwashed imbeciles’ me fait penser à une convention du PS ! Le numéro 6 accepte de participer à des élections. Avait-il le choix ? Il est manipulé de bout en bout sans espoir de soulèvement, à part la tentative d'évasion en bateau vite avortée la doublure de McGoohan est visible sur ce passage. Le numéro 6 fait preuve de naïveté car c'est la quatrième fois consécutivement qu'il se fait posséder par une femme ! Celle-ci n'est autre que le numéro 2 et le 6 subit une véritable correction tic - pif - tic - paf. L’excellente Rachel Herbert s'est-elle inspirée d'une amie yougoslave site le rôdeur ou d'une amie polonaise site anglais ? Le but est de montrer au numéro 6 qu''ils' peuvent le briser mentalement et physiquement. C’est le deuxième épisode en ordre de production, ce qui explique l'abondance de scènes tournées au village. A noter que la bagarre dans la cave a été censurée au Royaume-Uni jusqu'en 1984 et que la photo du numéro 6 sur les pancartes électorales provient de Destination danger. Eric Portman avait des difficultés à se souvenir de son texte et il est décédé peu de temps après le tournage cette série est une vraie malédiction. La série est à voir en VO le numéro 58 en fait numéro 2 parle un langage étrange dans la VO mais passe pour une demeurée dans la VF. L'œuvre initiale est tout simplement dénaturée. En VO, chaque numéro 2 participe au court dialogue après le générique, alors que c'est toujours la même voix en VF. La réplique de l’épisode Number six? That is the number of this place!’ Seulement deux pour cet épisode écrit et realisé par McGoohan himself. Infos supplémentaires Cet épisode fut écrit par un certain Paddy Fitz ; en réalité, c'est un pseudonyme pris par Patrick McGoohan. Il empruntera aussi le pseudonyme de Joseph Serf Joseph étant son deuxième prénom quand il réalisera Le retour et J'ai changé d'avis. Cet épisode est donc le premier sur trois écrit par Patrick McGoohan qui, cependant, signera sous son vrai nom les deux derniers épisodes. C'est aussi sa première réalisation sur cinq pour la série. La VF de cet épisode est contestée car Numéro 58 y devient une attardée mentale. Cette différence n'est pas toujours tolérée par des fans qui considèrent que le personnage est ainsi trahi. Cependant, cette dissemblance n'apporte aucune incohérence à l'épisode. Il semble que le public ait été très marqué par cet épisode hors normes. Bonus DVD Troisième apparition de la Voix et du Rôdeur. Le bar du Village s'appelle Cat and Mouse, appellation très symbolique ! Nous savions que Numéro 6 ne met pas de sucre dans son thé. En fait, il a arrêté il y a quatre ans et trois mois d'en mettre sur avis médical. Il semble que Numéro 6 apprécie la cuisine française car il pense que c'est la meilleure » ! La victoire aux élections est célébrée » par la marche Marlborough s'en va-t- en Eric Portman 1901-1969 a commencé à tourner dès la fin dès années 30 au cinéma, notamment sous la direction de Michael Powell et d'Emeric Pressburger. Il a également fait une belle carrière théâtrale tant à Londres qu'à Broadway. Il a joué occasionnellement dans des séries, dont un épisode d'Alfred Hitchcock Présente Le héros. Un pub porte son nom à Halifax, sa ville natale ! Son rôle de Numéro 2 un de ses derniers est l'un de ses plus connus. Rachel Herbert n'a à peu près tourné que dans des séries et téléfilms anglais. Son rôle de Numéro 58 est certainement le seul resté dans la mémoire Benson 1911-1983 fut médaille d'argent à la Royal Academy of Dramatic Arts, premier signe d'une grande carrière sur les planches. Il fit cependant quelques apparitions au cinéma dont le Dracula de 1958 et à la télévision. Il a joué dans un épisode des Avengers La mandragore saison 3.Harold Berens 1903-1995 a surtout joué dans des séries entre 1960 et 1980, et est apparu dans plus de 200 films. Il reviendra dans l'épisode La mort en marche. On peut le voir au début de l'épisode Mission à Montréal saison 2.Dene Cooper ne semble pas avoir fait carrière au-delà de son apparition dans la Cazabon 1914-1983 joua dans toutes les grandes séries d'époque Le Saint, Destination Danger, Randall & Hopkirk, un rôle récurrent dans la série Brothers-in-Law, Adam Adamant lives !…. Il apparaît dans l'épisode Étrange hôtel saison 6.Kenneth Benda 1902-1978 est également apparu dans beaucoup des séries des années 60 et 70 dont un épisode du avec Jon Pertwee. On le voit dans deux épisodes des Avengers une apparition non créditée de L'économe ou le sens de l'histoire saison 4 et une autre, créditée, dans Bons baisers de Vénus saison 5. Retour à l'index Séquence culte Interview politique Séquence culte Votez Numéro 6 5. DOUBLE PERSONNALITÉ THE SCHIZOID MAN Résumé Le Numéro 6 face à son double le Numéro 12, agent de Numéro 2, et son parfait sosie, se fait passer pour lui. Mais qui est qui ? Qui est le vrai, qui est le faux ? Le plan du Numéro 2 est en fait de faire craquer son prisonnier en lui faisant douter de son identité. Les deux Numéro 6 vont tout faire pour prouver qu'ils sont bien l'original. Commence une véritable guerre psychologique…Critique de Clément Diaz Double personnalité est un des épisodes les plus brillants de la série, il est surtout un des plus complexes jamais écrit et, malgré une idée facilement casse-gueule, il se développe tranquillement et sans faute tout en se payant le luxe de nous offrir un épilogue tout en rebondissements soigneusement amenés. Encore une fois, ce scénario est incroyablement brillant. Les amateurs des Avengers auront instantanément reconnu le nom du scénariste Terence Feely, connu pour avoir écrit les épisodes Pour attraper un rat et Les anges de la mort celui-là avec Brian Clemens, ainsi que deux autres épisodes perdus de la saison 1. Cet excellent scénariste a participé à beaucoup de séries et nous avons la chance de le voir au sommet de son talent dans cet il faut bien le dire le scénario de Terence Feely est un véritable trésor, surpassant nettement les pourtant bons épisodes de doubles » des Avengers. En effet, pourquoi diable Les Avengers n'ont-ils jamais pensé à cela ? création d'un double pour jeter la confusion dans l'original ». En effet, fort de ce principe de base, Feely écrit un scénario d'une rare difficulté et s'en tire avec brio. Pourtant tout semble bien commencer le Numéro 6 fait de la télépathie avec une ravissante jeune femme, Alison alias Numéro 24, qui doit deviner quelle carte il a en main. Manifestement, ils s'entendent très bien ! Même si on note toujours la certaine distance de Numéro 6 envers les femmes, tous deux semblent être à l'aise et si leur relation n'est tout au plus que de l'amitié, notons ce haut fait Numéro 6 a une relation aimable avec une femme ! Haut fait car cela ne se reproduira plus faut dire qu'en quatre épisodes il s'est fait tromper par une femme… quatre fois ! Donc, on comprend qu'il commence à en avoir marre !. La scène des cartes, sans tension aucune, nous plonge donc dans une ambiance décontractée qui va très vite voler en éclats dès la scène suivante ! Causant ainsi un effet de surprise inattendu. À noter que la scène comporte un détail que nous, pauvres téléspectateurs, remarquerons à peine et qui évidemment se révélera décisif dans la dernière partie ! Peu après, Numéro 6 est enlevé et subit un lavage de cerveau. La scène, bien que brève, nous prend totalement et l'on attend avec impatience la suite. Et à ce moment-là, Feely commence à emmêler les fils de son scénario et fait vaciller une par une toutes nos certitudes. Ainsi, Numéro 6 à son réveil se voit avec… les cheveux sombres et la moustache ! Puis, le téléphone sonne et nous apprenons qu'il est en fait Numéro 12 ! Numéro 6 ou 12 va donc chez le Numéro 2 qui lui dit qu'il a été amené de Bucarest pour se faire passer pour le Numéro 6 et lui donne son dossier. En effet, il veut faire douter de son identité le Numéro 6 pour le faire craquer et le forcer à parler de sa démission. Numéro 12, un peu déboussolé, accepte et se rend chez Numéro 6 qui rentre bientôt de sa promenade… Et voilà les deux Numéros 6 nez à nez ! La mise en scène de ce qui suit est géniale alors que dans des épisodes de séries d'époque, on ne peut dupliquer un acteur à l'écran comme Mais qui est Steed ? où on ne voit jamais les deux Steed simultanément, là, nous voyons dans la même image l'original et le double ! Patrick McGoohan multiplié par deux ! Un rêve pour les fans !!L'échange qui suit en rajoute dans la contradition car il est bien loin d'éclairer le spectateur ! En effet, dans le rôle de celui qui paraît être Numéro 6 qu'on fait passer pour 12 et qui essaye de prouver qu'il est 6 vous suivez ?, celui qui est en noir, McGoohan est impeccable il semble confus, désorienté mais convaincu qu'il est bien celui qu'il prétend. Mais c'est l'autre Numéro 6 en réalité, il semble que ce soit Numéro 12 qui se fait passer pour 6, en blanc, qui est impérial il a tout le comportement de Numéro 6 ! Désinvolture, autodérision, humour noir… il a tout ce qu'il faut et nous régale de jolies répliques bien senties tandis que son sosie ne semble pas tout à fait assuré ! Le trouble latent de la scène et sa construction sont très jouissifs pour le téléspectateur qui a du mal à savoir où il en est ! La scène du gymnase où ils s'affrontent escrime, boxe, tir au pistolet... est très bien réalisée. La scène d'escrime notamment est une excellente scène d'action qui pourrait anticiper le duel similaire Numéro 6-Numéro 2 dans Il était une fois. Bref, nous sommes dans une légère incertitude lorsque les deux hommes vont voir Numéro 2 pour s'expliquer puisque nous ne savons clairement qui est une fois, nous sommes dans le brouillard lors de leur confrontation, un des Numéro 6 est pris à partie par Numéro 2 et ses gardes et lui inflige une torture mentale ! La scène est intense et la tension augmente avec l'arrivée de Numéro 24 voir sa tête quand elle découvre son partenaire de télépathie en double ! qui fait le test des cartes du début. En effet, son esprit étant complémentaire de celui du vrai Numéro 6, elle peut deviner les cartes qu'il a en main, ce qui n'est pas le cas avec un esprit étranger comme le faux 6. Le verdict tombe, confirmé par la suite par deux autres preuves nous savons définitivement qui est 6 et qui est 12 et pourtant ça ne concordait pas avec le début de la scène ! Le Numéro 2, qui n'avait visiblement pas prévu le test des cartes, éclate de colère son plan a échoué !Mais là, Terence Feely déclenche un nouveau coup de théâtre avec le cauchemar du vrai 6 ! Nous nous sommes encore fait avoir ! Tout n'était qu'une vaste fumisterie, tout était combiné à l'avance, le piège de Numéro 2, loin d'avoir échoué, est terriblement efficace, le vrai 6 ne sait plus où il en est et nous-mêmes on a marché ! Ce revirement subit met fin à toute une série de rebondissements et, sans temps mort, le scénariste embraye avec la deuxième partie de son intrigue comment le vrai 6 va-t-il restaurer son identité usurpée par son double, vainqueur au total ?Numéro 6 est au plus bas doutant de son identité, complètement perdu au cœur d'une machination terrifiante, il puise au fond de toutes ses ressources, animé d'une incroyable énergie de lutter pour refaire surface dans cette bataille qu'il est en train de perdre. Il parvient à se remémorer les phases de son conditionnement ». Dès lors, il reprend son combat, et dans une scène électrique », il retrouve toutes ses facultés. C'est avec des séquences de ce genre que nous mesurons combien le Numéro 6 nous paraît surhumain, un vrai héros des temps modernes…Après la bagarre contre les gardes, l'affrontement final est amené sans brusquerie, Numéro 6 feint le désespoir pour s'approcher de son ennemi puis un combat féroce s'engage aussitôt. Saluons déjà le travail de Pat Jackson qui réussit quasiment à donner l'illusion d'une lutte entre deux Numéro 6 ! Le visage du cascadeur n'apparaît presque pas. L'apparence est impeccable et l'incroyable conclusion du combat, sinistre et inattendue, nous tient en haleine. L'épisode pourrait s'arrêter là, mais Numéro 6 compte bien profiter de sa victoire pour s'évader. Ainsi dans la scène finale, Terence Feely ajoute un nouveau suspense va-t-il duper le Numéro 2 ? Va-t-il enfin sortir du Village ? La tension est assurée par le Numéro 2 qui l'assaille de questions. Finalement, la chute, aussi ironique qu'implacable, couronne justement cette histoire géniale, un des meilleurs scenarii de l'auteur, sans aucun doute ! Scénario pouvant être lu au second degré cet épisode traite de la dépossession de soi-même. Le Village mett un point d'honneur à dépersonnaliser tous ses habitants les noms remplacés par les numéros en sont la preuve la plus évidente et ici, c'est particulièrement flagrant minimiser votre importance, vos qualités, votre part de lumière » en la confrontant à votre part d'ombre » pour reprendre Voltaire, constituée de tous vos mauvais côtés. Nous sommes devant un procédé visant à annihiler ce qui fait votre valeur, pour vous empêcher ainsi de penser, vous mettre devant les faits accomplis. Le combat final a une symbolique qui saute aux yeux le Numéro 6 se bat contre lui-même, c'est aussi un combat intérieur pour acquérir son indépendance non seulement aux yeux de tous mais aussi à ses propres yeux car il a besoin de savoir qu'il est Numéro 6 et non pas ce qu' on » on » désignant la société, les gouvernants, mais aussi des proches mal intentionnés… essaye de lui faire être. Un combat qui est aussi psychologique la lutte intérieure de Numéro 6 hagard qui tente de se souvenir qui il est véritablement. Cette idée sous-jacente, présente dans tout l'épisode, confirme, après le chef-d'œuvre de la dénonciation des malversations politiques de l'épisode précédent, le désir de la série de passer à un degré supérieur celui de la réflexion philosophique via le divertissement qu'est un épisode d'une série télé. Aujourd'hui, cette charge contre le monde qui nous entoure n'a rien perdu de sa force et nous saisit même davantage car nous vivons dans une société proche de 1984 d'Orwell, qui veut régir notre vie Big Brother. Numéro 6, nouveau Winston Smith, est le symbole de la résistance dans ce combat sans relâche à l'issue qui se révélera... incertaine ! La mise en scène de Pat Jackson mérite certainement une bonne place dans le classement des meilleures mises en scène de la série. Réussite totale ! Elle est bien plus aérée que A. B. et C. car il varie ici agréablement les plans en donnant la part du lion cette fois aux plans d'ensemble, nous permettant d'apprécier tant les décors extérieurs qu'intérieurs, ici, bien mis en valeur. C'est surtout lors des scènes d'action, en particulier la bagarre finale entre les deux Numéro 6, qu'il démontre sa maîtrise de la réalisation avec un montage rapide. Mais il parvient aussi à captiver en soulignant les points forts de l'épisode par des effets insistants la torture mentale, les interventions du Rôdeur, les souvenirs de Numéro 6… qui renforcent ces scènes sans trop les surcharger. Réalisation fluide et appliquée qui empêche l'épisode de sombrer dans une confusion pourtant difficile à éviter Liberté pour tous n'y avait pas tout à fait réussi. N'oublions évidemment pas les acteurs l'Alison de Jane Merrow est un personnage intéressant avec sa voix innocente, son calme dans toutes les situations, sa confiance en elle-même, il n'est pas étonnant que McGoohan y ait été sensible ! Un portrait de femme moins cynique et plus sympathique que les traîtresses des épisodes précédents. Sa déclaration finale, jouée sans mièvrerie, sans violons, sonne juste. Un rôle tout en finesse interprété avec une grande intelligence par Jane Merrow, vraiment très professionnelle ! Le Numéro 2 d'Anton Rodgers n'existe malheureusement pas assez, il n'est pas le Numéro 2 le plus inoubliable, loin de là ! Mais il faut dire que son personnage n'est pas assez travaillé pour nous marquer. Toutefois, la prestation de l'acteur est très bonne, toute en nuances, et soignée, ce qui fait qu'il convainc dans ce rôle un peu effacé pour cet épisode. En fait, les deux comédiens sont un peu éclipsés car McGoohan, décidément très inspiré, rafle la mise après sa composition exceptionnelle de l'épisode précédent, il crève littéralement l'écran en se scindant en deux ! Tour à tour effrayé, assuré, faible, fort, décontenancé, désinvolte… Il est de toutes les scènes et vole la vedette à tous ses partenaires c'est presque un one-man-show ou plutôt un "one-in-two"-men show ! qu'il nous fait tellement son double rôle lui colle à la peau et il s'en tire sans problème. Sans doute son numéro le plus réussi avec celui d'Il était une fois de la série. Son charisme étincelle avec éclat, portant tout l'épisode sur lui-même. Il est tout simplement grandiose ! Les autres rôles sont bien plus anodins, ils servent plutôt de décor dans cet épisode ! Décor sans fausses notes quand même ! La musique n'est pas très importante ici. On notera tout de même que les thèmes des scènes d'action sont entraînants et ajoutent de la saveur aux combats. Avis de Denis Chauvet Chaque série qui se respecte a son histoire de doubles et c’est souvent top ou flop, sans demi-mesure. Pour celui-ci, c’est top. Je n’avais pas revu cet opus depuis des décennies et je ne me souvenais que du twist final Susan died a year ago, Number Six !’. Le reste fut une redécouverte et on tombe dans le panneau. Le 6 a subi un lavage de cerveau pour être le 12 et essayer de prendre la place du 6, qui est un fake’. Difficile à suivre, même si l’habit est significatif et cette sublime moustache à la Steed/Webster ! pourquoi le vrai numéro 6 serait-il habillé en blanc ? Comme tout, l’apparence est trompeuse et le téléspectateur se laisse abuser et il est conscient du plan machiavélique seulement lorsque le numéro 6 finit par se souvenir longuement du traitement infligé. Le petit bobo au doigt du début a de l’importance et on le sait tout de suite. En fait, c’est la jolie Alison pas qu’un numéro ! qui a tout compris. On espère qu’elle ne fasse pas partie de la brochette de traitresses que la série nous a présentée jusqu’à présent. On est soulagé par sa répartie du final. D’ailleurs, Jane Merrow aurait été ma préférée pour être l’Avengers girl de la sixième saison, mais ça, c’est une autre histoire…Et dire que le numéro 6 ne la garde pas pour la soirée et la renvoie chez elle car il est tard…Hmm, la bigoterie a ses limites, Mr McGoohan ! Les bémols sont la façon radicale du N°6 de redevenir droitier et l’utilisation abusive des studios Borehamwood pour Portmeirion…. A noter le premier et seul personnage noir de la série et c’est un méchant. Quelque chose qui perturberait les instances télévisuelles de nos jours…Un excellent scénario, accompagné d’une réalisation époustouflante pour l’époque lorsque les deux numéros 6 se rencontrent. Et McGoohan est sensationnel, mais c’est toujours le cas. Le numéro 6 gagne la manche mais perd le match, et mentionne Le Général, qui sera au centre de la prochaine aventure ! Infos supplémentaires Cet épisode a le même titre en VF qu'un épisode de Chapeau Melon saison 6. Nous en apprenons davantage sur Numéro 6 il met un glaçon dans son whisky, fume des cigarettes russes blondes, pas brunes mais pas de cigare, et connaît son Shakespeare sur le bout des doigts. Il a également toutes les qualités qu'on attend d'un agent secret il tire facilement au fleuret, est très bon boxeur, et a le sommeil léger ; il a également un haut pourcentage au tir au pistolet 90 % ! Moins que les 99% de Purdey et les 100% de Steed et Gambit, mais c'est déjà excellent ! Nous apprenons aussi qu'il est droitier. Le Numéro 24 est appelé par son prénom, une exception rare. Cependant, il y en a d'autres Nadia/Numéro 8 du Carillon de Big Ben, Monique/Numéro 30 de L'enterrement, et dans une moindre mesure Kathy/Numéro 22 Musique douce bien que dans ce dernier cas, ce n'est peut-être pas son vrai nom. Alison est une des rares femmes avec qui Numéro 6 a une relation non conflictuelle et amicale. De même, le Numéro 12 s'appelle Curtis. Or, dans le remake de la série, le Numéro 2 s'appelle… Curtis ! Vous avez dit coïncidence ? Un des rares épisodes de la série à recourir à un flash-back lorsque Numéro 6 se souvient de son traitement ». On reverra ce même procédé dans L'impossible pardon. On remarquera en passant que Numéro 6 porte brièvement la moustache ! Cela ne se reproduira que dans l'épisode La mort en marche. Le Général, personnage principal de l'épisode suivant, est mentionné à la fin de l'épisode. Quatrième apparition du Rôdeur qui est nommé par son nom dans cet épisode. Dans aucun autre, on ne le lui donne. Première et dernière fois qu'il tue quelqu'un. Après la violente diatribe sur la politique de Liberté pour tous, cet épisode approfondit la notion de dépersonnalisation de l'être. Alors que le précédent ne pouvait être vu qu'au second degré, celui-là mélange les deux degrés avec efficacité. Bonus DVD Jane Merrow rapporte que la scène des cartes fut très difficile à jouer, notamment quand McGoohan lançait des NOW ! » tantôt brusques, tantôt doux, ce qui la déconcentrait. Elle dit avoir aimé l'amabilité de Pat Jackson et qu'elle s'est bien entendue avec son partenaire tant dans leurs scènes qu'hors scène. C'est la seule actrice qui a réussi à avoir une bonne relation avec McGoohan qui ne s'est jamais montré distant avec elle, contrairement aux autres en particulier Annette André. Jane Merrow pense que le mérite en revient à son professionnalisme. Bonus DVD Le cinquième épisode du remake a pour titre Schizoid, il a une intrigue proche de l'original mais est beaucoup plus Anton Rodgers 1933-2007 a passé sa vie au théâtre, où il a beaucoup joué de pièces contemporaines. Il n'a cependant pas dédaigné le petit écran, apparaissant dans des séries et téléfilms de 1960 dont Randall et Hopkirk ou L'Homme à la Valise jusqu'à sa mort. Il est surtout connu pour ses rôles récurrents dans les séries sitcoms Fresh Fields 1984-1986 et May to December 1989-1994.Jane Merrow 1941 a connu la célébrité en interprétant Alais, la maîtresse d'Henri II dans le film Le Lion en hiver nomination pour un Golden Globe. Elle peut se vanter d'avoir joué dans tous les chefs-d'œuvre du petit écran anglophone Le Saint, Destination Danger, Mission Impossible, Mannix, Randall et Hopkirk… jusque dans les années 1990. Elle a depuis ouvert une école de langues. Elle fut pressentie pour succéder à Diana Rigg comme partenaire de John Steed dans Les Avengers, rôle qui finalement échut à Linda Thorson. On peut quand même voir cette ravissante actrice dans le rôle de Susan dans Mission très… improbable saison 5.Earl Cameron 1917 fut un des premiers acteurs noirs à réussir au théâtre. Il fit parallèlement une petite carrière dans la télé, multipliant les apparitions de 1956 à 1995 dans des séries Cinq apparitions dans Destination Danger ou dans Docteur Who et des téléfilms. Il fut fait Commandeur dans l'Ordre dans l'Empire Britannique en 2009. Son rôle le plus notable est celui de Karanja dans Simba 1955 avec Dirk Nettheim 1925-2008 a principalement incarné beaucoup de rôles mineurs à la télévision. Après The Prisoner, il joua le rôle de George Logan dans le soap opéra… Prisoner ! Il est apparu dans l'épisode Mort à la carte saison 3. Séquence culte Numéro 6 contre Numéro 6 Retour à l'index 6. LE GÉNÉRAL THE GENERAL Résumé Trois années de cours en trois minutes ? Impossible ! Et pourtant vrai ! Grâce à sa rencontre avec le mystérieux Général », un professeur prétend être parvenu à mettre un point un système infaillible permettant d'assimiler le contenu de mois et de mois de cours en quelques secondesvia la télévision. Numéro 6 est sceptique mais doit se rendre à l'évidence lorsque l'expérience marche parfaitement tant sur lui que sur les étudiants! Mais que se trame-t-il derrière le Général ? Qui est-il ? Quelle sombre machination se cache derrière ce système d'utilité publique ? Numéro 6 fait équipe avec Numéro 12, un étudiant qui comme lui se méfie du Général et du de Clément Diaz Le Général, sans être un chef-d'œuvre, est un bon épisode qui se laisse voir avec plaisir et pouvant être saisi sous plusieurs angles différents. Le scénario, outre une attaque en règle contre le système éducatif plus que jamais d'actualité où les méthodes d'éducation changent sans cesse, offre un divertissement agréable ; mais il faut attendre la scène finale pour comprendre tout l'intérêt de l'intrigue. Cette satire de l'éducation est peut-être moins percutante que celle de la politique dans Liberté pour tous mais elle n'en est pas moins réussie et très pertinente. L'exposition de l'épisode introduit efficacement l'histoire. Nous apprenons qu'il y a des étudiants dans le Village et ils suivent leurs cours chez eux grâce au Général », personnage dont on ne sait rien et qui semble être capable d'enseigner à vitesse hyperaccélérée et avec 100% de réussite énormément de connaissances. Notre attention est éveillée donc par deux points comment un tel prodige est-il possible et le comportement de Numéro 12, jeune étudiant qui semble être à l'écart ». Bien qu'il soit dans l'Administration, il ne paraît ni ravi de sa position ni enthousiaste à propos du Général ! Cependant une scène surprenante interrompt l'exposition le professeur, qui tape les cours pour le Général, tente de prendre la fuite. Il est aussitôt pris en chasse… par une bande d'étudiants ! Pendant qu'on le rattrape, Numéro 6 repère un magnétophone au milieu de la plage. Il n'a pas le temps de le prendre et on lui conseille de rentrer chez lui pour suivre le cours du Professeur et du Général. Admirons comment Greifer parvient à nous captiver que renferme le magnétophone ? Pourquoi le Professeur a-t-il pris la fuite ? Ajoutés aux deux mystères précédents, nous nous interrogeons sur pas moins de quatre énigmes quand Numéro 6 rentre chez lui. La multiplication des mystères et leur résolution au fur et à mesure de l'histoire sont le prix de cet épisode qui va donc opter pour un tempo modéré, laissant le temps au scénario de se nouer et de se dénouer sans traîner pour autant. De retour chez lui, Numéro 6 regarde sa TV, et nous nous voyons confrontés à une cinquième énigme lorsque le Professeur apparaît, il est tout à fait normal, serein, de bonne humeur et déclare que grâce au Général, il a pu mettre au point son système ultrarapide d'apprentissage et il s'en vante. Alors qu'il y a cinq minutes, il tentait de fuir aurait-il peur du Général en fait ?, le contraste ainsi obtenu est étonnant ! La leçon commence alors, mais elle est très particulière car silencieuse ! Numéro 6 est captivé par ce qu'il voit... et 15 secondes plus tard, la leçon est terminée ! C'est à ce moment que Numéro 2 arrive et l'interroge sur le sujet et Numéro 6, stupéfait, donne toutes les bonnes réponses traité d'Andrinople, alliés de Bismarck… ! Scène surréaliste qui tient tout de suite notre attention en même temps que nous, humbles téléspectateurs, recevons une petite leçon d'histoire ! Comme quoi, les séries télé peuvent être très éducatives ! Numéro 6 sort et constate que tous les étudiants ont assimilé les leçons mais, d'instinct, nous sentons que quelque chose ne va pas les mêmes questions sont posées et les réponses ont l'air d'être automatiques, comme si c'était des robots programmés qui parlaient. À partir de là, nous nous apercevons de la portée de cet épisode qui critique les travers de l'éducation et notamment le par cœur ». En effet, les étudiants livrent des réponses toutes faites, sans justification ; ils retiennent mais ne réfléchissent pas ! Nous avons affaire à des personnes conditionnées pour donner des bonnes réponses ! Ou comment le savoir, arme redoutable contre les conditionnements et la tyrannie de notre société, peut se retourner contre nous. La scène suivante est sans doute la plus réussie de l'épisode l'échange entre Numéro 6 et Numéro 12 est très révélateur – Numéro 6 déclare sèchement qu'il ne croit en personne sauf en lui et Numéro 12, tout aussi sèchement lui indique qu'il est d'accord. Ce passage peut être interprété de diverses manières ce dialogue nous incite-t-il à penser que nous ne pouvons avoir confiance qu'en nous-mêmes car nous ne savons pas comment vont réagir nos semblables ? Dans ce cas, la série loue l'attitude individualiste. Ou bien est-ce simplement la défense de l'esprit d'indépendance ? Compter sur soi-même pour rester libre de ses choix et dépendre le moins des autres comme Numéro 6 le fait chaque jour il ne veut pas être un numéro dans la masse où sa personnalité serait sacrifiée sur l'autel du collectif et de la négation de l'individu. Comment la société veut nous façonner à sa manière, telles les sculptures de la femme du Professeur. La scène est aussi une attaque en règle contre le par cœur » Numéro 6 connaît la date du traité d'Andrinople… mais est forcé d'avouer qu'il en ignore le contenu ! Le cours est donc incomplet ! Ainsi, nous sommes devant un cas moderne de bourrage de crâne » où, satisfaits de connaissances étonnantes apprises comme un perroquet, nous ignorons d'approfondir ce que l'on sait et finalement on en oublie de connaître l'essentiel ! Le système éducatif, encore aujourd'hui, pressé par le temps et la quantité de connaissances à injecter aux élèves, n'a pas le temps de se pencher davantage sur les points essentiels d'un programme et se contente de les survoler. Est-ce cela que craint le Professeur dans son message enregistré sur le magnétophone, antithèse totale sur ce qu'il disait précédemment sur Le Général ? Quant à Numéro 12, il demeure ambigu de quel côté est-il ? La scène de la villa n'avance pas l'intrigue et paraît être en "remplissage". Toutefois, elle reste divertissante par l'antagonisme de Numéro 6 et de la femme du professeur. Malgré son peu d'intérêt pour l'histoire, la scène se termine par une chute surprenante et une cinglante réplique de Numéro 6, plus ironique que jamais ! Scène seulement destinée à ajouter de la tension. C'est le soir et les étudiants, heureux et sûrs de réussir les examens grâce au Général, font la bringue. Ou comment s'adapter à une vie normale dans un milieu conditionné où vous êtes prisonnier. C'est le danger du syndrome de Stockholm on vous emprisonne assez longtemps jusqu'à ce que le seul moyen de vous en sortir soit d'accepter votre condition et le temps aidant, àl'aimer ! Surtout au Village où votre captivité est royale ! Transposons dans notre monde actuel la société nous donne des miettes de bonheur et en échange, elle régit notre vie. Le Prisonnier gagne donc en force au fur et à mesure que les années passent, notre monde moderne lui donne raison ! Évidemment, seul Numéro 6 et peut-être Numéro 12 aussi est lucide et il préfère regagner sa maison. Suspense dans la scène suivante car il semble que Numéro 12 soit définitivement un allié de Numéro 6, mais nous savons que les trahisons sont légion dans la série donc est-il sincère ou non ? Numéro 6 le croit et a cette réplique révélatrice Yes, Sir ! [Oui… chef !] dite sans la moindre ironie il reconnaît Numéro 12 comme allié et lui fait confiance ! Plutôt rare de la part d'un homme qui ne compte que sur lui-même ! Dernière partie de l'histoire, dont le cours est impeccablement construit. Le lendemain, les membres du conseil d'éducation, vêtus de hauts-de-forme, lunettes noires ils ont très inquiétants !, portant des serviettes de même couleur, arrivent au sein d'un véritable bunker avec systèmes de surveillance et d'alarmes perfectionnés dont un avertissement très dissuasif pour ceux s'introduisant sans laissez-passer !. Numéro 6 entre grâce au laissez-passer fourni par Numéro 12, assomme deux gardes une scène pas dénuée d'humour ! et le projectionniste... La réunion du conseil est l'occasion encore une fois, après Liberté pour tous, de dénoncer tous ceux qui sont des pantins » dans l'administration ; témoin, le dialogue entre Numéro 2 et le projectionniste avant la réunion — Le conseil a approuvé ?— Il le fera ! Et en effet, les membres du conseil écoutent beaucoup mais parlent peu, ce sont des marionnettes au service de Numéro 2 qui a besoin d'un semblant de conseil pour asseoir son autorité. Peu importe l'ordre pourvu qu'il y ait un semblant d'ordre ! Ce qui semble être le mot d'ordre de notre société actuelle ! Quant à Numéro 12 il joue son double jeu à la perfection, il loue les avancées acquises grâce au Général avec un air forcé ! Nous apprenons alors les dessous de la machination. Numéro 2 se sert de l'amour que porte la femme du professeur à son mari pour donner une bonne image publique de son projet, et contrôle tout ce que note le professeur les gens l'aiment bien, ils croient tout ce qu'il dit, c'est l'image qu'il donne qui est importante. Encore le triomphe des apparences ! Le professeur n'a pas les mains libres et l'assistance médicale le drogue régulièrement pour étouffer ses velléités de révolte comme sa fuite à la plage au début de l'épisode. Bien que Numéro 2 soupçonne légitimement Numéro 12 d'être le chef de la conspiration, il veut en avoir le cœur net et pour cela va demander la réponse à celui qui sait tout le Général lui-même ! Scène finale dans le bureau du Général, lorsque enfin nous le voyons, difficile de ne pas être surpris ! Même si les esprits les plus perspicaces peuvent deviner qui il est réellement surtout s'ils ont vu L'héritage diabolique ou Complexe X-41 de Chapeau Melon, ce n'en est pas moins ahurissant ! Numéro 2 ne s'est pas encore servi du Général pour implanter ce qu'il veut au sein des étudiants mais il va bientôt le faire en délivrant des cours » sur ce qu'il voudra, Numéro 2 pourra contrôler l'avenir du monde qu'est la jeunesse d'aujourd'hui. Et c'est exactement ce que veulent faire les politiciens actuels symbolisés par le Numéro 2 qui, voulant avoir mainmise sur l'éducation et contrôler » les jeunes, se permettent de décider du programme de l'année. La série est donc bien visionnaire ! Ce seront des esclaves savants ! s'exclame le Numéro 2, conscient de l'infaillibilité de son projet car le Général sait tout sur tout, rien ne peut lui échapper ! Et nous comprenons pourquoi le professeur aime autant le Général qu'il le déteste, car lui-même n'est rien comparé à lui. Et nous, sommes-nous condamnés à n'être, au mieux, que des esclaves savants » ? La conclusion de l'épisode est l'une des plus sombres de la série. La pirouette finale, d'une simplicité triviale mais terriblement efficace, clôt l'épisode de manière stupéfiante. Car le Général, piégé par Numéro 6, ne peut répondre, lui l'omniscient, à une simple question qu'il lui pose. Mais cette fin n'est qu'à demi-optimiste car l'amertume et le tragique altèrent le triomphe apparent. Le scénario de Greifer est donc dans la moyenne il ne se passe en fait pas grand-chose pendant la première demi-heure et c'est le quart d'heure final qui justifie l'intrigue. C'est donc un bon scénario qui va de pair avec une très bonne critique du système éducatif. La mise en scène est signée Peter Graham Scott, réalisateur bien connu des fans de Chapeau Melon pour avoir bien dirigé trois épisodes de la saison 4 Les aigles, Mort en magasin et L'économe ou le sens de l'histoire. Elle se révèle plutôt bonne mais demeure classique, pas de faiblesse particulière, et quelques trouvailles zooms rapides sur le piège de l'entrée du bunker !, Peter Graham Scott, à l'unisson du scénario avance modérément l'action. On comprend qu'il n'ait pas voulu prendre trop de risques car il ne connaissait rien de la série et a filmé l'épisode sans trop saisir tout le symbolisme et la véritable nature du feuilleton. Belle performance, alors qu'il aurait pu sombrer dans la confusion. Une mise en scène pas révolutionnaire, comme celles de Don Chaffey, mais dans l'ensemble maîtrisée, il n'y a qu'à voir les décors métalliques de l'Administration et la salle du Général ou bien le luxe confortable de la villa du professeur, très bien filmés, pour s'en convaincre. Les acteurs sont enthousiasmants. Patrick McGoohan est égal à lui-même excellent. Peut-être un rien plus cynique que d'habitude. Après avoir monopolisé l'écran dans les deux derniers épisodes, il permet à ses partenaires d'exister. John Castle livre une composition de haut niveau par son jeu savamment ambigu. Il sème le trouble chez le téléspectateur par une froideur et une méfiance presque exagérées ; certes son visage ne semble guère changer au cours de l'épisode mais cette apparente immobilité est davantage une volonté de préserver le mystère du personnage et de ce qu'il est capable de faire. Il est presque un second Numéro 6 tant par ses manières que par son absence d'émotions. Colin Gordon rendosse le costume de Numéro 2 avec un égal talent. Il semble plus sûr de lui ce coup-ci et sa ferme assurance est très bien rendue, il est plus autoritaire que dans A. B. et C. et donc davantage convaincant. Sa force cependant est moins flagrante que chez d'autres Numéro 2 plus marquants tel ceux de Patrick Cargill ou de George Baker. Le professeur de Peter Howell est correct, tiraillé entre amour et haine face au Général, mais il n'a guère l'occasion d'exprimer son talent. On retiendra davantage l'interprétation de Betty McDowall, plus présente et dont la sincérité et l'amour qu'elle porte à son mari forment un contrepoint bienvenu aux prestations plus sombres de ses partenaires. Jeu qu'elle joue sans aucune mièvrerie. La musique est judicieusement choisie marches militaires à chaque évocation du Général ou musique joyeuse dans les moments de détente. Avis de Denis Chauvet Je suis bien plus critique envers cet épisode que lors de ma dernière vision il y a cinq ans. Si le message de l’opus est fort louable, sa mise en œuvre est laborieuse, bavarde et presque indigeste. L'épisode est axé psycho et 'brain washing' avec à la clé un enseignement accéléré trois ans en trois minutes pour le programme d’histoire ! Le rêve du gouvernement qui permettrait de faire ingurgiter un formatage idéologique, bien que je ne sois pas sûr que cela soit concluant de nos jours car le niveau a bien baissé depuis 1967 ! Remarquez que cela n’empêche pas d’avoir pratiquement le même taux de réussite que dans l’épisode ! La finalité est de contrôler la pensée des villageois et ce thème est d’actualité avec tout le politiquement correct que nous vomissent nos médias formatées à longueurs de journée. Il n'y a pas de tentative d'évasion et le but ultime du Numéro 6 n'est pas envisagé malgré qu’il puisse compter cette fois sur un allié le numéro 12, mais vu l’épisode précédent…. Le général est en fait un ordinateur, un sujet très à la mode dans les années 60, et cela m'a fait inévitablement penser au médiocre George et Fred des Avengers. A noter que la version française plombe la partie finale, qui est la plus intéressante. En effet, le 'WHY ?' devient 'QUOI' sans point d'interrogation pour respecter les quatre touches sur le clavier ! J’aime particulièrement le dessin du N°6, et très peu d’autres choses car aucun second rôle ne m’a marqué. A quoi rime tous ces types qui se baladent en hauts-de- forme avec des lunettes de soleil ? Infos supplémentaires En France, cet épisode fut d'abord diffusé sous le titre Le Cerveau pour éviter toute regrettable maldonne avec le Général de Gaulle, Président de la République de l'époque. Le Numéro 2 de Double Personnalité avait déjà mentionné l'existence du Général. Lewis Greifer a écrit le scénario de l'épisode sous le pseudonyme de Joshua Adam. Il déclara que son scénario n'a pas été retouché une seule fois sauf quelques aspects techniques. Il en tire une certaine fierté car ce n'est pas très courant dans le milieu ! Bonus DVD Il y a des étudiants dans le Village ! Et ils apprennent leurs cours, passent des examens, se voient, font la fête… Bref, des jeunes comme les autres et dont on se demande bien pourquoi on les a kidnappés ? En effet, occupaient-ils déjà des postes importants ? Cependant on peut aller encore plus loin car on trouvera même des enfants dans le Village La mort en marche ! Et il est curieux de remarquer qu'aucune explication n'est donnée à cette étrangeté… L'étudiant méfiant porte le Numéro 12, ce qui est le Numéro de Curtis, le sosie défunt de Numéro 6 dans l'épisode précédent ! Le présentateur nous dit de fixer le Général pendant 15 secondes… mais son image reste sur l'écran pendant 37 secondes ! Deux personnes meurent à la fin de cet épisode. Seuls les épisodes Double personnalité, Le marteau et l'enclume, L'impossible pardon d'une certaine manière !, Musique douce et Le dénouement comportent aussi des morts. McGoohan ayant viré son réalisateur, appella Peter Graham Scott un vendredi soir en urgence pour lui demander de tourner le lundi suivant. Scott, surpris par cet appel de dernière minute, dit qu'il dépend de Sydney Newman nom bien connu des Avengerophiles !, homme très dur en affaires. McGoohan, qui ne reculait devant rien, téléphone à Newman, et samedi matin, Scott trouva un scénario devant sa porte ! Aujourd'hui, il se demande encore comment McGoohan a pu faire plier en un rien de temps un homme tel que Newman. Scott vint sur la série en parfait néophyte. Il a simplement lu le scénario et s'est débrouillé avec ». Bonus DVD Dans cet épisode, le Numéro 2 de Colin Gordon est plus sûr de lui que dans A. B. et C. ce qui tendrait à faire penser que ce dernier épisode est en réalité postérieur au Général. La question de l'ordre des épisodes ne fait pas encore l'unanimité parmi les Colin Gordon 1911-1972 après avoir servi dans l'armée pendant la Seconde Guerre Mondiale est devenu un comédien récurrent dans le cinéma anglais et il joua souvent dans les productions de la chaîne de télévision ITC jusqu'à sa mort, il a surtout joué des rôles de gouvernants ou de ministres. Mais il a aussi joué dans La Panthère Rose 1963 et le Casino Royale de 1967. C'est cependant son incarnation du rôle du Numéro 2 qui lui reste attachée. Il jouait déjà ce rôle dans l'épisode A. B. et Castle 1940 a fait une carrière dans le théâtre classique mais est beaucoup apparu dans des séries à partir de la fin des années 60 Les Professionnels, Hercule Poirot, Sherlock Holmes…. Il joue le rôle du colonel Miller dans l'épisode Commando très spécial saison 7. Peter Howell 1919 est surtout connu en Grande-Bretagne pour avoir joué le rôle du Dr. Harrison dans l'un des premiers soap opéra majeurs de son pays Emergency – Ward 10 1954-1957. Il a joué le rôle de Saruman dans l'adaptation radio du Seigneur des Anneaux 1981 et a fait plusieurs petits rôles dans différentes séries. On peut le voir dans l'épisode Mort en magasin saison 4. Betty McDowall 1933 a d'abord tourné des rôles mineurs dans des films anglais dès 1948 mais s'est ensuite engagée essentiellement dans des séries télévisées dès les années 1960. Elle arrêta sa carrière en 1977. Elle est parfois créditée sous le nom de Betty McDowell ! Al Mancini 1932-2007 est surtout connu pour avoir interprété le rôle de Tassos Bravos dans Les Douze Salopards d'Aldrich 1967. Il a aussi joué au théâtre et quelques apparitions dans des séries télé. Il est décédé de la maladie d' Philips 1930 s'est rendu célèbre pour avoir joué le rôle de Guillaume Tell dans la série éponyme de 1958. Il s'est ensuite tourné vers le théâtre tout en apparaissant de temps en temps au cinéma sans dédaigner le petit écran. Il a aussi joué dans l'épisode La poussière qui tue saison 4. Séquence culte Trois ans de cours en trois minutes Retour à l'index 7. LE RETOUR MANY HAPPY RETURNS Résumé Numéro 6 se réveille dans un Village entièrement désert ! Tous les habitants ont disparu ! Mettant à profit cette situation inattendue, il construit un radeau et s'échappe de sa prison via la mer. Il tente de regagner Londres mais son voyage sera cependant loin d'être de tout repos ; de plus, une surprise de taille l'attend dans la capitale. Numéro 6 a-t-il définitivement réussi à s'évader du Village ? Critique de Clément Diaz Le septième épisode de la série se révèle être assez particulier car d'une étonnante audace Numéro 6 s'évade du Village… et il reste encore dix épisodes ! Mais évidemment, il n'est pas au bout de ses peines ! On peut scinder cet épisode en deux parties l'évasion et Londres. Cependant, la série accuse ici un petit coup de fatigue, qui malheureusement se confirmera avec l'épisode suivant. Anthony Skene, après avoir écrit l'excellent scénario d'A. B. et C. rédige son second scénario qui marque en effet une légère baisse d'inspiration les quinze premières minutes, sur le papier, ne regorgent pas d'idées recherchées car vu le sujet de la première moitié de l'épisode, son intrigue peut se permettre d'être un peu paresseuse. Il se rattrapera quand même dans la deuxième partie. Précisons qu'Échec et mat mettra heureusement fin à ce petit moment de flottement. Le début cependant est très intrigant d'abord, a contrario des précédents épisodes, nous ne voyons pas le visage du Numéro 2 au moment du dialogue habituel Numéro 2 – Numéro 6. D'instinct, nous sentons donc qu'on nous réserve une surprise qui est-il ? Numéro 6 se réveille un matin mais tout seul, sans la voix claironnante de la radio. Le silence qui règne introduit tout de suite une étrange atmosphère Numéro 6 remarque que l'eau, l'électricité et le gaz sont coupés. Surpris, il sort au-dehors… pour se retrouver tout seul au milieu du Village ! Pas âme qui vive si ce n'est un chat noir qui le fixe du regard. Numéro 6 visite le Village, du café à la maison de Numéro 2 qui lui aussi est absent. Ambiance de malaise. Numéro 6, voyant qu'il est seul, sans le Rôdeur à ses trousses, comprend qu'il peut s'échapper. Il entreprend la construction d'un radeau et nous montre combien il est débrouillard il abat des arbres, construit un sextant de fortune, embarque des provisions, monte une boussole avec des moyens plus que rudimentaires… c'est décidément un personnage hors du commun ! Mais aussi admiratif que nous sommes devant sa performance, il faut reconnaître que la scène n'a pas beaucoup d'idées excepté la dernière Numéro 6 est sur le point d'embarquer quand il entend un bruit de verre brisé derrière lui ! Suspense… il reste quelqu'un ? Eh non ! Ce n'est que le chat qui vient de briser une tasse un futur Numéro 6 lui aussi ? La lenteur relative de ce début neuf minutes ne provoque pas d'étincelles particulières et l'ennuyeux, c'est qu'ensuite, profitant de la situation de son héros, Skene peut se permettre de décrire les jours qui défilent pendant sa traversée. Certes, cette scène est nécessaire pour dépeindre la fatigue qui s'abat peu à peu sur le Numéro 6 mais il ne s'est rien passé de renversant pendant le premier quart de l'épisode lorsque enfin, arrive le vaisseau des trafiquants d'armes qui ont une curieuse vision de l'hospitalité ils prennent tout ce qu'il y a sur le radeau et jettent le Numéro 6 à la mer, le croyant endormi ! Là, petit défaut, nous voyons lors de la scène que Numéro 6 ne dort qu'à moitié donc on est rassuré quand on le jette à la mer, nous ne sommes pas inquiets alors que si on avait passé à l'as cette idée, la peur de voir Numéro 6 noyé pendant son sommeil eût été plus marquante mais c'est un défaut mineur heureusement. Numéro 6 monte sur le bateau à l'insu des propriétaires et par un habile subterfuge prend le contrôle du bateau. Enfin, presque... les trafiquants se libèrent alors que Numéro 6 s'approche de la côte ! Suspense hitchcockien qui débouche sur un combat rythmé et féroce, un des meilleurs de la série. Finalement, notre héros-surhomme plonge dans l'eau glacée, nage jusqu'à la terre et s'écroule, vidé de toute énergie ! Ce passage est réussi mais est davantage une démonstration des forces physiques de Numéro 6 qu'une véritable péripétie. À son réveil, Numéro 6 trouve la force de grimper de hautes falaises en guise de petit-déjeuner, un surhomme décidément ! La rencontre avec les gitans sème un léger doute dans l'esprit du téléspectateur non anglophone où est-il en réalité ? Mais comme la série est avant tout anglaise, les Anglais ont dû reconnaître sans peine les falaises de Dover et donc sont certains que notre héros est bien en Angleterre. Cela rend la scène des gitans dénuée de tout suspense et finalement inutile. Cependant, Numéro 6 craint d'être poursuivi car des agents de police font des contrôles partout où ils se trouvent ! Il saute dans un camion et s'endort comme une masse, beau suspense hélas trop court. Rallongée, la scène eût eu plus de poids. Numéro 6 saute du camion… et le voilà à… non ce n'est pas le Village, c'est bien Londres ! Il a enfin réussi à s'évader ! Il se rend chez lui, mettant fin aux vingt premières minutes de l'épisode qui ont provoqué plus de fumée que d'étincelles. La deuxième partie est heureusement plus réussie que la première Numéro 6 veut rentrer chez lui où une surprise l'attend de pied ferme ! Il fait alors dans la même scène la connaissance d'une dame d'âge mûr, qui se révèle gentille et aimable devant un Numéro 6 désorienté et affamé ; elle décide de l'aider, de le nourrir, et de l'héberger émotion chez notre héros qui revoit son chez-lui à peine modifié… et ils devisent tranquillement. Moment surprenant de l'épisode car la série mise beaucoup sur la tension omniprésente des scènes et là, c'est un intermède tranquille et agréable auquel nous assistons et qui contribue à faire du Retour un épisode vraiment à part ». À noter que Numéro 6 dit s'appeler Peter Smith, est-ce réellement son vrai nom ? Question toujours pas tranchée parmi les fans ! Numéro 6 retourne dans son lieu de travail et nous avons droit à un joli clin d'œil au générique sur des plans similaires et sur la même musique trépidante de Grainer, il se rend à son travail comme s'il allait à nouveau démissionner ! Numéro 6 est maintenant face à ses supérieurs et leur a raconté ce qui s'est passé. Après l'interlude la tension revient dans l'épisode avec la confrontation du héros face à ses ex-supérieurs qui ont du mal à croire son histoire, il est vrai abracadabrantesque ! Touchant de voir notre héros coincé dans une situation aussi surréaliste. Sa discussion animée avec Thorpe et James est quand même un peu courte et on aurait aimé un dialogue plus à fleur de peau. Numéro 6 veut retrouver le Village, savoir où il est puis se préparer sans doute à le détruire comme il l'avait promis au Numéro 2 du Carillon de Big Ben. Son obstination à découvrir le fin mot de l'histoire en dit long sur son caractère entier ! Mais il demande trop, il veut trop et ne se doute pas qu'un complot a été tramé contre lui. Au moment où il croit triompher et atteindre son but, il est la victime de la chute brutale de l'histoire et quand je dis chute, le mot est bien choisi ! la fatalité a repris ses droits et la scène finale se révèle un joyau d'ironie concentrée, certainement la fin la plus ironique d'un épisode de la série et qui nous fait conclure qu'on ne peut faire confiance à personne dans ce monde ! La joyeuse salutation de Numéro 2, enfin révélé, apparaît donc terriblement décalée ! À l'entendre, il ne s'est rien passé ! Finalement, nous nous apercevons que Numéro 6 a eu droit pour son anniversaire à un cadeau empoisonné et contrôlé ; et aussi sympathique qu'apparaisse le Numéro 2, sa machination vraiment machiavélique révèle un esprit perversement manipulateur le délicieux gâteau d'anniversaire qu'il lui offre est un comble de cruauté ! Certainement l'une des fins les plus réussies pour un épisode ! La rage et la déception se lisent clairement sur le plan final mais malgré tout, Numéro 6 ne craque pas et on sent que, malgré sa défaite, il en faudra davantage pour le briser. Bref, c'est sur un nouvel échec que se termine cet épisode en demi-teinte. Le scénario d'Anthony Skene, inférieur au précédent, est inégal paresseux dans la première moitié, il est beaucoup plus travaillé dans la seconde malgré quelques passages inaboutis, cependant la fin est un chef-d'œuvre à elle toute seule. Pour sa seconde réalisation, McGoohan convainc davantage que dans Liberté pour tous et sa mise en scène en roue libre. Il se montre plus fluide, plus à son aise, aidé par un scénario mieux écrit mais comme Pat Jackson dans A. B. et C. multiplie à l'excès les plans rapprochés. Ainsi, nous n'arrivons pas à apprécier pleinement des vues du Village ou de Londres et la lenteur de sa caméra dessert un peu l'histoire. Mais il réussit les scènes les plus importantes caméra serrée lors de l'épisode du navire, caméra mouvante dans l'appartement empêchant la scène de faire du surplace, plans alternativement éloignés/rapprochés pour la chute finale… et donc dans l'ensemble, apporte un plus à l'épisode. Mais McGoohan ne fera la démonstration de tout son talent que dans les derniers épisodes, il a quand même fait des progrès ! Quasiment un one-man-show, les acteurs sont peu importants Sinden et Cargill n'ont que peu à défendre et sont proches de la simple figuration mais ils jouent bien. Cargill reviendra dans Le marteau et l'enclume avec un rôle taillé à la mesure de son immense talent. Évidemment, seule Georgina Cookson parvient à exister dans le rôle de Butterworth. Douce et aimable, elle est un des rares personnages de la série à l'être et sa composition fine et simple est remarquable. McGoohan marque moins que dans les précédents épisodes mais est toujours aussi bon acteur. La musique est une grande réussite une des meilleures partitions pour un épisode, alternant minimalisme le Village vide, animation le bateau, la joie paisible Londres sans oublier le remix du générique ! Brillant ! Avis de Denis Chauvet Cet épisode a toujours été synonyme pour moi de première partie sensationnelle et de fin ratée. Le N°6 se réveille et le village est complètement désert à part un chat noir il s’empare d’un taxi Moke et se rend compte qu’il n’y a pas d’échappatoire par la route à cause de l’obstacle naturel constitué par les montagnes. Il construit un radeau le 6 est excellent dans le travail du bois comme on l’a vu dans The Chimes et navigue plusieurs semaines avant de rencontrer un navire hostile qu’il aborde les deux occupants parlent allemand et se nourrissent de boites de fayots du Village. Il débarque sur la côte, monte dans un camion et arrive au milieu de Londres superbe plan devant Marble Arch. Un début à L’heure perdue des Avengers. Après, ça se gâte quand il revient chez lui ; l’appartement et la voiture appartiennent à une femme et le N°6 se fait embobiner comme un enfant avant de se jeter dans la gueule du loup en se rendant dans ses anciens bureaux dès l’apparition de Cargill, le téléspectateur sait qu’il y a coup tordu !. Il n’a pas pris de douche depuis des semaines et il ne doit pas sentir la rose, assis sur le canapé dévorant les sandwichs ! Si la première partie est absente de dialogue, la seconde est trop bavarde et la fin se renifle à des kilomètres. On ne sait jamais pourquoi le village était désert un rêve du N°6 ?, ni s’il y a une justification Why ? comme N°6 l’écrit dans The General. On sait simplement que l’ancien employeur de l’agent fait partie du complot et que le Village est au large de Gibraltar. L’atout de cet épisode est les extérieurs et aussi la musique très originale. Portmeirion désert, filmé comme je l’ai découvert vingt ans après le tournage, est sublime et je me revois tel McGoohan prendre des photos de nos jours, ce n’est plus possible car l’accès est fermé après les heures d’ouverture. Mais aussi la côte et Londres. A noter que le numéro 2 n’est pas présent dans la petite séquence post-générique, vraisemblablement pour entretenir le suspense. La belle sauvageonne tsigane qui donne à boire à notre héros est Nike Arrighi que j’avais repérée dans deux épisodes de L’homme à la valise, tourné en même temps. Ah, j’allais oublier les fans anglaises ont dû se pâmer devant les pyjamas bondiens très sexy du N°6 ! Avec un dénouement final différent, cet épisode aurait pu conclure la série. Infos supplémentaires L'épisode a été réalisé par Joseph Serf. Il s'agit en fait d'un pseudonyme utilisé par Patrick McGoohan qui signait là la réalisation de son second épisode après Liberté pour tous Joseph étant son second prénom et Serf, un nom qu'il avait vu sur une feuille… mais Serf désigne en français un esclave au temps du Moyen-âge qui n'avait pas sa liberté ! Coïncidence ?. Le titre original de l'épisode est la dernière réplique de l'épisode. Numéro 6 dit s'appeler Peter Smith. Est-ce réellement son vrai nom ? Peter Smith est en effet un nom très commun et sert souvent de pseudonyme comme John Doe. Nous n'aurons aucune autre indication sur l'identité de Numéro 6 bien que certains indices la photo de John Drake dans le générique, l'apparition de Potter de Destination Danger dans l'épisode La mort en marche puissent laisser penser qu'il s'agit en fait de John Drake de la série Destination Danger, joué par McGoohan avant Le Prisonnier, ce dont l'acteur s'est cependant toujours défendu… L'identité de Numéro 6 est peut-être vouée à demeurer un mystère… Numéro 6 habite au N°1 de sa rue… Un point qui se révélera être d'une importance fondamentale dans le final de la série. Dans le hall d'entrée, le carrelage est en forme d'échiquier les échecs sont un élément récurrent de la série et l'épisode Échec et mat en est la démonstration la plus flagrante. Numéro 6 a le pied marin, sait conduire un radeau, et montre qu'il est d'une force physique impressionnante vu les dangereuses péripéties qu'il traverse sans succomber ; il est capable de ne dormir que quatre heures par jour pendant un mois ! Plus légèrement, il doit 96 unités au tenancier du magasin. C'est ici une des rares épisodes où il n'est pas habillé de son classique costume noir. Quelle est la nationalité des trafiquants d'armes ? Peut-être allemande si on se réfère au Wo bist du ? crié par l'un d'entre eux. Ils ont l'air, en passant, d'apprécier la nourriture du Village ! La Lotus Seven de Numéro 6 est immatriculée KAR 120 C, numéro de moteur 461034TZ. Il y a une double contradiction dans l'épisode le Village se situait en Lituanie dans Le carillon de Big Ben mais il se trouve maintenant entre la péninsule ibérique et la côte marocaine ! Où est la vérité ? Nous apprenons en plus que le Village est une presqu'île elle est entourée par la mer mais, curieusement, une route mène vers la civilisation lorsque le Village est vu en plongée dans la scène de l'hélicoptère. Pourquoi Numéro 6 n'est-il pas allé dans cette direction avec son radeau au lieu de se perdre quatre semaines en mer ?! Pire, comment Numéro 2 pouvait-il prévoir que Numéro 6 arriverait sain et sauf à Londres rien ne supposait qu'il survivrait au voyage et cela, la veille de son anniversaire ! La scène de détermination de la position du Village se heurte à quelques contradictions, il était impossible pour Numéro 6 de ne pas croiser les côtes espagnoles ou françaises. Enfin, on remarque qu'il n'a jamais été victime de marées et de tempêtes ! L'homme derrière le bureau lorsque Numéro 6 retourne à son lieu de travail est George Markstein lui-même. On peut le voir dans le générique dans le même rôle, lorsque Numéro 6 lui remet sa démission. Le quotidien Tally Ho est distribué à midi. Le titre du journal est What are the facts behind Town Hall ? [Que se passe-t-il à la Mairie ?]. Le magasin a une pancarte sur laquelle on lit Music says all [La musique dit tout]. lance en bon français un amical Bon voyage ! à Numéro 6. La présence des gitans n'est peut-être pas anodine Patrick McGoohan avait joué dans un film qui s'appelait on excepte le baragouinage des trafiquants, la première parole n'est prononcée qu'à la 21e minute, quand Numéro 6 questionne le gitan. Et il faut attendre la domestique et pour avoir le 1er dialogue de l'épisode qui est donc resté muet pendant tout le premier Georgina Cookson 1918 a beaucoup tourné dans des séries entre 1960 et 1975 Destination Danger, W. Somerset Maugham…, elle joua dans le Darling de Schlesinger aux côtés d'Annette Carrell et eut le rôle récurrent de dans sept épisodes des Contes indiens de Rudyard Kipling. Elle avait déjà joué le rôle d'une invitée de la fête de Mme Engadine dans l'épisode A. B. et Cargill 1918-1996 est bien connu des fans des Avengers pour avoir joué dans Cœur à cœur saison 4 et Pemberton dans Les marchands de peur saison 5. Immense comédien de théâtre, où il joue dans tous les domaines mais spécialement la comédie Feydeau en particulier, il est surtout connu pour avoir joué le rôle principal de la sitcom Father, dear Father aux côtés de Sir Donald Sinden en plus d'autres rôles nombreux sur le petit écran. C'était un excellent ami de Patrick Macnee depuis leur jeunesse et il a sorti quelques disques de chansons. Côté grand écran, on peut le voir en majordome dans La Comtesse de Hong-Kong de Charles Chaplin, bref, c'était un comédien complet. Il reviendra dans la série en jouant un des plus inoubliables Numéro 2 dans Le marteau et l' Donald Sinden 1923 commence à monter sur les planches dès 18 ans, jouant dans des pièces pour divertir les soldats pendant la Seconde Guerre Mondiale. Il passe un contrat de sept ans avec les Studios Pinewood c'est le début d'une longue carrière au cinéma où il jouera des seconds rôles dont Mogambo avec Clark Gable, Grace Kelly et Ava Gardner. Il intègre parallèlement la prestigieuse Royal Shakespeare Company dans les années 60, et se donne tout entier au théâtre, sa véritable passion, allant du Roi Lear aux farces contemporaines de Ray Cooney, il continue d'ailleurs à jouer. Il passa aussi un peu de temps à la télévision. Acteur très aimé et anobli, il a donné son nom à un théâtre à Tenterden. Il tient un des rôles principaux de la sitcom Father, dear Father aux côtés de Patrick Cargill. Séquence culte Le Village mort Retour à l'index 8. DANSE DE MORT DANCE OF THE DEAD Résumé Numéro 6 surveillé plus que jamais, des femmes qui tournent autour de lui, un Numéro 2 cachant bien son jeu, une radio abandonnée, un noyé échoué sur la plage, un ancien ami proche de la mort, un médecin un rien trop zélé, une chatte noire qui se promène, une villageoise mystérieuse… Numéro 6 reste sur ses gardes devant cette sarabande d'évènements sans queue ni tête. Il est invité au bal costumé annuel du Village en compagnie des autres habitants. Il ignore qu'il sera le clou » du spectacle. Dans quel piège veut-on le faire tomber ? Critique Après le petit contrecoup du Retour, Danse de mort, malheureusement, confirme une inquiétante baisse de forme. Pour son troisième scénario, Anthony Skene manque d'imagination et se perd dans une intrigue qui, bien partie, s'enlise dans la confusion et aboutit à une fin flirtant dangereusement avec le grand-guignol. Il est clair que cet épisode est un des moins réussis de la série. Pourtant, l'épisode partait sur d'excellentes bases dans le traditionnel dialogue Numéro 2-Numéro 6, nous sommes surpris de la voix qui est féminine. Nous avons donc un Numéro 2 féminin et nous sentons que l'épisode va être particulier. L'épisode commence sur les chapeaux de roues. Le Numéro 40, un docteur pas très net, décide sans l'accord de Numéro 2, de soumettre Numéro 6 à une aliénation mentale via Dutton, un de ses anciens amis reclus dans le Village et mis en état d'hypnose. Mais Numéro 6 se méfie et de ce fait augmente sa torture. La scène devient très éprouvante avec notre héros à la limite du point de rupture… qui sous la douleur s'évanouit. Apparaît Numéro 2, furieuse de l'excès de zèle de son subordonné. Le petit dialogue qui suit nous en apprend beaucoup sur son caractère. Son allure presque garçonne et énergique, véritable féministe avant la lettre, surprend agréablement et son talent est mis en évidence dès son apparition. Il faut dire qu'elle est le principal atout de cet épisode. Sournoise et ironique, le Numéro 2 du jour est tout à fait atypique et va droit au but elle veut que Numéro 6 parle par lui-même et souhaite même le voir travailler à leurs côtés ! Un adversaire brillant et dont l'autorité naturelle est indéniable malgré sa petite taille et son apparence frêle. Son physique si particulier est également un atout supplémentaire. Elle reste décontractée lorsqu'elle reçoit un coup de fil du Numéro 1, loin de la colère furibonde du Numéro 2 d'Il était une fois ou de la terreur de celui d'A. B. et C. Bref, un Numéro 2 de première classe ! L'épisode commence alors à se lire en double lecture lors d'un dialogue mémorable entre Numéro 2 et Numéro 6, elle commence à re-égratigner la politique après la charge de Liberté pour tous Numéro 2 dit que le Village est une démocratie… dans un sens. Ainsi nous nous apercevrons que les sentences du tribunal sont rendues par le peuple par exemple ou bien, comme l'explique Numéro 2, on respecte le choix de la majorité mais comme nous l'avait montré l'autre épisode, ce n'est qu'une démocratie de façade l'opposition étant inefficace, on la supprime du Village et elle le revendique et on peut sacrifier des habitants qui ne sont pas importants ce sera le cas de Dutton mais il faut conserver ceux qui valent cher Numéro 6 comme le fait notre société inégalitaire… rappelant ainsi combien elle favorise les riches ou les importants au détriment du commun peuple. Les villageois sont tellement soumis qu'on peut leur faire faire n'importe quoi ; ainsi, le crieur public leur ordonnera de s'amuser ! Il y a des ordres pour tout ! Numéro 2 encourage Numéro 6 à choisir une jolie fille pour le carnaval du Village qui va bientôt avoir lieu, et beaucoup sont disponibles. Sans doute une manière de forcer Numéro 6 à s'intégrer au Village. Mais, méfiant au plus haut point, il jette son dévolu sur Numéro 240, une femme sauvage » et fermée qui refuse de répondre à ses questions, elle finit par s'en aller. Hélas, à la différence de Numéro 2, Numéro 240 apparaît comme un personnage bien transparent. Cette femme froide, inexpressive et vaticinante est quelque peu pénible et son rôle assez étendu va plomber l'épisode. Ce personnage représente certes la soumission totale à l'autorité donc le contraire de Numéro 6 mais il n'empêche qu'il pèche par son manque de profondeur et sa réserve exagérée. Toutes les scènes où elle apparaît s'en retrouvent affaiblies. Numéro 6 enfreint volontairement les règles du Village en gardant un chat noir chez lui il avait d'ailleurs déjà fait claquer la porte au nez d'un facteur qui voulait qu'il signe de son numéro ! Notre héros reste fidèle à sa devise Je ne suis pas un Numéro !. Dans la scène suivante, il décide de dormir dehors après une tentative d'évasion avortée par le Rôdeur, au lieu de rentrer chez lui comme l'attendait Numéro 2 une telle abnégation force l'admiration !. Comme dans Le carillon de Big Ben, par de petites actions en apparence banales, il manifeste sa volonté d'indépendance et de liberté. Si nous-mêmes, victimes de la société, ne pouvons changer l'ordre des choses, nous pouvons désapprouver ce système par des détails anodins mais révélateurs, clamer sa liberté d'être et de faire, tenir en échec ce système en voulant être soi-même et non un numéro parmi d'autres le refus de Numéro 6 de signer de son numéro. Malheureusement, l'épisode va commencer à sombrer dans la confusion à partir de ce moment, les scènes se suivant sans trop de logique. Lorsque notre héros se réveille, il aperçoit un cadavre sur la plage Numéro 34. Mais Anthony Skene ne donnera aucune information sur le noyé suicide, accident, meurtre mis en scène pour que Numéro 6 trouve la radio dans sa poche ? Et qui était-il ? Cela, on n'en saura rien. Lorsque Numéro 6 rentre chez lui, il trouve son costume de bal prêt c'est… un simple smoking ressemblant vaguement à l'éternel habit noir qu'il porte ! Numéro 2 a en effet compris que le Numéro 6 est toujours lui-même ». Ce même Numéro 2 se dispute avec le médecin au sujet de leurs méthodes différentes, discussion qui fait quand même doublon de leur dialogue initial. La scène de la terrasse semble assez réussie Numéro 6 écoute la radio trouvée sur le cadavre, un message de liberté et d'invitation à la révolte y est diffusé. Message qui nous frappe d'autant plus que c'est ce que fait chaque jour Numéro 6 lutter, lutter, parfois dans la douleur jusqu'à la liberté totale, ce message est évidemment aussi destiné au téléspectateur. Nous apprenons cependant que ce texte n'était… qu'une dictée ! L'ironie, marque de fabrique de la série, frappe encore, et le dialogue avec Numéro 2 ne fait que renforcer cette impression. Malheureusement, cette scène est trop différente et contraste fortement avec la précédente, ce collage apparaît maladroit et dessert la continuité de l'épisode. De plus, Numéro 240 reste désespérément elle-même terne, ce qui fait que la scène manque finalement son but. Numéro 6 a un plan il va rejeter le noyé à la mer en le munissant d'un message et de ses papiers d'identité » du Village, dans l'espoir que le noyé soit retrouvé avec son appel à l'aide. Ceci fait, il se retourne et se retrouve nez à nez avec Numéro 42 alias… Dutton ! Comment a-t-il fait pour arriver là en quelques secondes sans se faire voir de Numéro 6 ? Erreur de continuité heureusement vite oubliée par le dialogue qui suit et qui rehausse le niveau Dutton semble hagard, aux limites de la folie ; les méthodes inhumaines du Village ont fait leur œuvre et il semble flotter dans un autre monde. Une sourde angoisse étreint la scène quand il dit qu'il est en sursis et que bientôt il sera mort. En le regardant, on a déjà l'impression qu'il est un mort-vivant et Numéro 6 ne peut rien faire pour lui. La gravité de la scène est particulièrement bien rendue par ce personnage obscur. Après une bonne première partie et une deuxième qui l'est moins, la dernière partie de l'épisode va malheureusement être d'une confusion à la limite du ridicule. La scène du carnaval est d'un désintérêt total excepté la musique dansante, les costumes et les décors d'une beauté à couper le souffle… mais qui cachent mal un scénario de plus en plus emberlificoté. La ritournelle Numéro 6 agaçant Numéro 240 devient lassante et on sent l'essoufflement de l'épisode. Ce qui est confirmé par la scène suivante qui règle en une minute l'affaire du noyé tout en nous faisant rester sur notre faim. Certes la scène fait son effet mais on est surpris des méthodes tarabiscotées du Village qui pouvait faire passer "Numéro 6 mort aux yeux du monde" de manière bien plus simple ! Retour dans la salle de bal, c'est maintenant l'heure du clou du spectacle Numéro 6 est accusé d'avoir eu une radio en sa possession et va être jugé pour ce crime ». La salle de bal devient salle de tribunal ! Numéro 2 va le défendre et Numéro 240 joue l'accusation. Malheureusement, cette scène de procès, qui doit être le sommet de l'épisode, est vraiment ratée. Même si on peut y voir une attaque contre les parodies de procès, qui sont légion dans toute démocratie ou dictature, ce côté parodique est trop mis en avant. Sans aucune subtilité nous assistons à ce faux procès dont les artifices sont tellement visibles que la scène en devient manquée. Le jury costumé, une foule immobile, un Numéro 2 ambigu et une Numéro 240 bien faible dans le rôle de l'accusatrice… on se demande s'il faut le prendre ou non au second degré. Nous sommes complètement perdus au milieu de ce symbolisme lourdaud, ici mal assumé, oscillant entre ironie et sérieux. Dans la même veine, Le dénouement, beaucoup plus fou, allégorique, et psychédélique, évitera cet écueil par un suspense et un récit parfaitement maîtrisé ce qui n'est pas le cas ici où le récit est devenu trop bancal pour tenir. En réalité, cette scène tombe dans son propre piège la scène veut avoir l'impression de sonner faux et se révéler en fait profonde. Mais hélas, elle sonne réellement faux et son second degré possible n'est pas assumé écueil évité dans les derniers épisodes, beaucoup plus allégoriques pourtant. Après le procès, Numéro 6 tente de s'enfuir et trouve refuge dans une étrange pièce pour, avec Numéro 2, terminer l'épisode sur une scène absurdement incompréhensible. La fin n'apporte aucune réponse aux mystères de l'épisode et ne nous en suggère aucune. Certes, nous avons compris que tout l'épisode n'était qu'une grande mise en scène, mais après ? Quel était le but de Numéro 2, a-t-elle échoué ou non ? Pourquoi lui dit-elle qu'il est mort ? Pas mal d'effets dans cette scène qui, sur le fond, est entièrement vide. Bref, une frustration pour le téléspectateur qui n'a pas le mot de la fin pour cette fois. Anthony Skene avait bien commencé mais il a écrit le scénario de trop… La mise en scène de Don Chaffey, heureusement sauve les meubles il met en valeur d'ébouriffants costumes superbement conçus Norma West est très jolie en bergère et Mary Morris et Duncan Macrae sont sinistres en diable dans leur costume de Napoléon et Peter Pan notamment ; mais tous les autres figurants ont de beaux atours et des décors fastueux. Ses impressionnantes vues d'ensembles tant dans les intérieurs maison de Numéro 6, mairie… que les extérieurs la plage infinie, les plongées et ses plans rapprochés pour saisir sur le vif les sentiments des personnages aux meilleurs moments, sans parler de la fluidité aisée de sa caméra font que cet épisode bénéficie d'une réalisation brillante, typique du talent de Chaffey, on regrette qu'elle s'applique sur une histoire aussi moyenne. Patrick McGoohan, pour une fois, en fait peu. Même s'il reste le rôle principal, il n'est pas aussi marquant que dans les épisodes précédents et il manque curieusement de présence alors qu'il est tout le temps à l'écran ! Légère déception donc pour l'acteur qui assure néanmoins le minimum. Du coup Mary Morris lui chipe la vedette sans problème ! Son engagement, son physique si particulier, sa voix aux nuances subtiles, son caractère mystérieux… elle est parfaite et est certainement un des meilleurs Numéro 2 de la série par la fascination continue qu'elle exerce sur le téléspectateur. Duncan Macrae est fantastique dans le rôle du médecin cinglé, adepte des méthodes directes », il est vraiment stressant et suscite une crispation bienvenue. White est impressionnant en Dutton son personnage sombrant peu à peu dans la folie irréversible est touchant et captivant même si on le voit peu, sa dernière apparition donne le frisson ! Malheureusement Norma West se révèle terriblement décevante ; forcée de jouer un personnage fade, elle est à l'unisson de son rôle fantomatique et à côté de l'épisode. Elle diminue l'intérêt des scènes où elle apparaît. Son inexpressivité veut être inquiétante mais elle ne fait que provoquer l'irritation par son jeu grotesquement figé son revirement dans la scène du procès n'est pas du tout crédible. Donc, une prestation médiocre qui ne fait qu'enfoncer un épisode qui l'est déjà… ce qui dénote tout de même une certaine cohérence ! Le personnage reste inachevé, comme la sinistre machine à écrire de la fin dont on ne saura sans doute jamais à quoi elle correspond ! Les autres seconds rôles, la jolie Denise Buckley en tête, sont bien rendus. La musique est une grande réussite. La musique de carnaval, pastichant les partitions du Baroque, colle très bien à la scène. Sinon, elle est tantôt festive les préparatifs de la fête tantôt en tension malaisée le cadavre, etc. ; elle remplit largement son contrat. Avis de Denis Chauvet C’est incontestablement l’épisode le moins intéressant jusqu’à présent. Quel lien peut-on trouver entre un cadavre avec une radio sur une plage, des aguicheuses’ pour un N°6 coincé, un numéro 2 en Peter Pan, un carnaval et un procès contre le Prisonnier ? Le numéro 2 est une femme cette fois, mais son apparition en Peter Pan la ridiculise au possible ; d’ailleurs toute la fin de l’épisode est ridicule et on se demande si le scénariste n’a pas fumé la moquette comme j’ai lu ça et là c’est guignolesque et le final de la machine à écrire est pitoyable. L’intrigue est proche du néant et des évènements s’enchainent sans aboutissement. Ainsi, le 6 se paye une promenade nocturne sur la plage. Le N°20, chargée d’observer le Prisonnier, semble indécise et on appréciera comment le N°6 danse avec elle les bras croisés, sûrement encore la bigoterie de McGoohan qui l’empêche de toucher une femme Bigre !. Les maigres bons points sont les extérieurs de Portmeirion dans la première partie profitons-en car c’est le quatrième sur cinq à être tourné au village ; ils sont nombreux car le Prisonnier se balade pratiquement sans entrave, l’aguicheuse femme de ménage N°54 la jolie Denise Buckley who is different from the others’ et la phrase qui scotche Never trust a woman - even the four-legged variety’. Sinon, on apprend que les animaux ne sont pas autorisés si le chat est celui du N°2, est-ce le même que l’aventure précédente ? et le déguisement du 6 est son propre costume, car il est toujours lui-même ou John Drake. Bref, un épisode dispensable. Y a pire me dira-t-on, mais j’espère qu’il y aura mieux, car il reste encore 9 épisodes ! Infos supplémentaires Curieusement, cet épisode en demi-teinte est un des plus appréciés des fans ! Surtout grâce à Mary Morris et Norma West Bonus DVD. Bien qu'en 8e position dans l'ordre de diffusion, il semble qu'il aurait plutôt sa place dans les premiers car Numéro 6 n'est là que depuis trois mois, il dit qu'il est "nouveau" et tente encore d'échapper au Rôdeur alors que dans quelques épisodes "précédents", il savait très bien qu'il n'était pas de taille à lutter contre lui ; ici ce n'est pas le cas. À quoi le titre fait-il référence ? Peut-être au fait que le bal dansant se transforme en un tribunal avec condamnations à mort à la clef. Numéro 6 est donc invité à une "danse" qui est à deux doigts de se réveler mortelle. Pour des raisons que la raison ignore, Patrick McGoohan détesta le premier montage de l'épisode et insista pour qu'il soit définitivement remisé. Heureusement, l'éditeur John. S. Smith refit un autre montage qui reçut l'approbation de McGoohan et qui permit à l'épisode d'être enfin diffusé. Bonus DVD. En VO, dans le dialogue habituel Numéro 2-Numéro 6 du générique, Mary Morris non doublée par Robert Rietty ne répète qu'une fois le mot information » au lieu de deux. Erreur de texte ? C'est la première et dernière fois que nous entendrons une voix de femme dans le dialogue. La scène du procès n'est pas sans anticiper celle du Dénouement qui, elle, sera bien plus réussie ! Nous apprenons plusieurs choses à propos de Numéro 6 il dort toujours la nuit, donc n'a sans doute jamais effectué de missions nocturnes, étrange pour un des meilleurs agents secrets britanniques. Bien qu'il boive très peu d'alcool, il est fin œnologue en déterminant du premier coup l'année d'une coupe, Steed lui aurait-il donné des leçons ? On remarquera qu'il chausse des lunettes dans la dernière partie de l'épisode, ce qui ne se reproduira plus. Enfin, le téléspectateur attentif remarquera que son costume de bal est le même qu'il utilise pour la soirée chez Mme Engadine dans A. B. et C. Les Numéro 2 doivent parfois faire face à quelques problèmes d'autorité après que le Rôdeur a tué Numéro 12 dans Double personnalité alors qu'il ne lui a pas demandé, voilà que Numéro 40, le docteur, prend l'initiative de faire parler Numéro 6 par une sinistre pression mentale sans avoir l'aval de sa supérieure… ce qu'elle n'apprécie guère ! Il y a en tout trois Numéro 2 féminins dans la série mais cet épisode est le seul où nous savons que le Numéro 2 est une femme dès le man has a future with us déclare Numéro 2 au docteur [Cet homme a un avenir avec nous]. Numéro 2 voudrait-il que Numéro 6 non seulement livre ses secrets mais en plus finisse par travailler avec eux ? En tout cas, contrairement à sa prédécesseure de Liberté pour tous, elle ne veut pas employer la force, tout comme la plupart de ses confrères d'ailleurs. La chatte noire est en fait une agente de Numéro 2 ! On ne peut faire confiance à personne, pas même aux animaux… Quatrième apparition de la Voix et Cinquième apparition du Rôdeur. Confirmant la scène du Carillon de Big Ben où Nadia est ramenée par plusieurs Rôdeurs, il semble qu'il y en ait plusieurs dans le Village. En effet, lorsque Numéro 6 veut suivre Numéro 240, le Rôdeur lui barre le passage quelques secondes puis le laisse passer. Numéro 6 grimpe les marches… et le Rôdeur l'attend de nouveau en haut alors qu'il semble peu probable qu'il ait pu arriver en haut en si peu de temps ! Numéro 240 a-t-elle eu une relation amoureuse avec Numéro 34, le noyé ? En tout cas, elle semble troublée par sa mort. Elle répète à Numéro 6 le dicton du Village vu dans L'arrivée A still tongue makes an happy life traduit par Motus et la vie sera belle. Dutton avait pour surnom La barbe dans les services secrets. Personne décidément ne sait qui est Numéro 1 et personne n'a envie de le savoir, à l'instar de Numéro 2 dans Le carillon de Big Ben. Comme l'atteste le dialogue Numéro 6-Numéro 240 — J'attends les instructions — Du Numéro 1 ? — Oui — Qui est-ce ? — Non ! — Dites-le moi — C'est tout ce que je sais, tout ce qu'il y a à savoir ! Acteurs/Actrices Mary Morris 1915-1988 s'est tournée vers une carrière théâtrale après avoir reçu les cours de la Royal Academy of Dramatic Art et fait ses débuts à 21 ans au Gate Theatre de Londres. Elle a poursuivi son activité jusqu'à sa mort d'une insuffisance cardiaque. Il est à noter qu'elle a joué le rôle d'un garçon gitan dans une adaptation au théâtre de… Peter Pan ! Or, c'est dans la tenue de Peter Pan qu'elle apparaît au bal dans l'épisode. Elle a peu tourné de films mais a joué dans quelques séries de télévision dont Dr. Who ou le feuilleton SF A for Andromeda et sa suite avec Julie Christie. Ce fut une comédienne aimée de son Macrae 1905-1967, écossais de son état, fut un comédien de théâtre avant tout et un des plus renommés de son époque. Cela explique qu'il a peu tourné pour les écrans, préférant se consacrer au Citizens Theatre de Glasgow, sa ville natale ou même au music-hall ! Il a cependant tourné dans une Ealing comedy » The Kidnappers 1953 ainsi que le rôle de l'inspecteur Mathis dans le Casino Royale parodique de 1967. Il apparut peu à la télévision mais il donne toute la mesure de son talent dans le rôle du machiavélique docteur, alias Numéro 40, dans cet épisode ; ce fut son dernier rôle. On peut le voir dans un épisode de Chapeau Melon Esprit de corps saison 3. Norma West 1943 a surtout fait des apparitions à la télévision britannique mais son rôle le plus connu reste celui de cet épisode. On a pu la voir dans Le Saint, Space 1999, dans le rôle de Wilhelmina Lawson dans l'épisode Témoin muet de la série des Hercule Poirot avec David Suchet ou dans Sherlock Holmes avec Jérémy Brett.Aubrey Morris 1926, qui n'a aucun lien de parenté avec Mary, a eu droit à beaucoup de seconds rôles dans des films une cinquantaine ! et séries des 70' Mécanique Kubrick, Lisztomania Russell, Guerre et amour Allen pour ne citer que ceux-là. On a pu le voir aussi dans bien des séries anglaises et américaines Destination Danger, Space 1999, Colombo… et il a acquis ainsi une certaine notoriété. Il apparaît dans l'épisode La poussière qui tue saison 4. Alan White 1924 n'a que peu tourné devant les écrans, privilégiant le théâtre. Il a tourné dans quelques séries comme Destination Danger, L'Homme à la Valise, Il a renoncé à la TV au milieu des années 70. Denise Buckley ? a surtout joué dans des séries anglaises comme Emergency Ward 10, Sanctuary, L'Homme à la Valise, Le Saint, Thriller et quelques rôles récurrents dans des feuilletons comme Tycoon ou The Fortunes of Nigel. Sa dernière apparition remonte à 1982. Cette ravissante actrice apparaît dans l'épisode Le visage saison 6 où elle joue le rôle de Sally, la femme qui avait embouti la voiture de Steed. Séquence culte Le procès de Numéro 6 Retour à l'index 9. ÉCHEC ET MAT CHECKMATE Résumé Au Village se trouve un échiquier géant dont les pièces sont des habitants du Village. Numéro 6 est le pion de la Reine blanche. Au cours de la partie, la Tour blanche se révolte en bougeant de son propre chef ce qui le conduit directement à l'hôpital. Numéro 6, voyant qu'il n'est pas le seul révolté, décide de se mettre avec La Tour à la recherche des autres résistants » qu'il doit différencier des gardiens. Puis, ils préparent un plan d'évasion malgré un Numéro 2 inquisiteur qui conditionne la Reine de manière à la forcer d'espionner Numéro 6. Qui sera échec et mat dans ses projets ? Critique de Clément Diaz Échec et mat est un des épisodes les plus appréciés des fans. Sans doute à cause de son double niveau de lecture, très évident, et comme reflet bien plus évident par rapport aux épisodes précédents de la position aujourd'hui de l'individu dans le monde. Cependant, l'épisode n'est pas exempt de certaines faiblesses mais la force percutante de son message en fait un épisode majeur de la série et qui rehausse l'intérêt du spectateur après le moyen Danse de mort. La première scène de l'épisode pourrait être, à elle toute seule, un condensé de la série entière la fameuse partie d'échecs humains, scène devenue culte à tel point qu'elle est souvent rejouée chaque année à Portmeirion. Numéro 6, se promenant dans le Village, arrive à la place centrale qui représente un échiquier géant. Une partie d'échecs va avoir lieu entre deux champions et on demande des volontaires pour jouer les pièces. Numéro 6, sur l'invitation de la Reine », accepte de devenir son pion mais est peu attentif à la partie et préfère deviser avec elle sur l'éventualité d'une évasion. Il en oublie même de bouger quand on le lui ordonne. Pendant ce temps, Numéro 2 espionne la partie et déclare que bien que protégé par la Reine, Numéro 6 n'est qu'un pion qui pourra sauter à tout moment. À ce moment-là, la Tour Blanche décide de bouger par elle-même et vient se planter devant le Roi adverse. Cet acte de révolte On n'agit pas de son propre chef ici déclare la Reine est immédiatement sanctionné La Tour est amenée à l'hôpital pour la réintégrer », la remettre dans le droit chemin. La partie se termine par la victoire des Blancs grâce à la Reine matant le Roi adverse voir commentaires ci-dessous. Numéro 6, lui, est resté sur l'échiquier. Ensuite vient la discussion, lourde de sens, entre Numéro 2 et le joueur vainqueur. Il y'en a des choses à dire rien que sur ces huit premières minutes, qui constituent certainement la meilleure première scène pour un épisode de la série avec L'Arrivée ! L'analyse de ces deux scènes étant particulièrement longue, elle est reportée à la fin de la fiche. Scène suivante comme d'habitude, nous avons droit à un petit dialogue tendu Numéro 2-Numéro 6, où le premier dit au deuxième qu'il veut son bonheur et qu'il a tort de vouloir s'échapper car ils ont des moyens persuasifs. À cela, Numéro 6 se borne à répondre avec humour noir et cynisme, ce qui amuse son interlocuteur. Il est remarquable que Numéro 2 dise vrai d'une certaine manière il veut vraiment que Numéro 6 soit heureux dans le Village, on peut lui donner ce qu'il désire… pourvu qu'il ne se révolte pas et qu'il ne pose plus de questions ! C'est en fin de compte, une des armes de la société la séduction. On vous procure un bonheur artificiel et routinier et en échange, vous la fermez, ce qui est une sorte de critique de la vacuité de la société de consommation. Sans doute une référence à 1984 d'Orwell où vous passez une belle vie en croquant des pilules de bonheur et en demeurant sous la coupe de Big Brother Le Village évidemment. Se méfier des plaisirs faciles et paresseux, ils cachent généralement quelque chose… Numéro 6 assiste à la terrifiante expérience de Pavlov pratiquée sur la Tour qui s'est révoltée de son propre chef en jouant de lui-même un coup illégal déshydraté, il supplie qu'on lui donne à boire, se sert à des fontaines vides ou électriques et finit par être obligé d'attendre le bon vouloir du haut-parleur pour se servir. Cette expérience, déjà décrite ci-dessus et dont les détails figurent dans les commentaires est une nouvelle démonstration des méthodes inhumaines du Village la Tour est réduite à n'être plus qu'un petit humain bien obéissant qui ne peut plus se révolter. Numéro 6 cache mal son dégoût devant l'impassibilité du Numéro 2 et finit par sortir. Cette scène est aussi une des plus dures psychologiquement de la série, surtout que Ronald Radd joue à merveille l'angoisse, le désespoir et l'impuissance dans cette scène. Et la méthode semble porter ses fruits la Tour se méfie de tout le monde et ne veut plus chercher à se révolter mais Numéro 6, en lui parlant très fermement et énergiquement, parvient quelque peu à ranimer sa flamme éteinte malgré la défiance de la Tour qui le prend d'abord, par ses manières, pour un gardien. Scène curieuse car Numéro 6 acquiert une dimension insoupçonnée jusqu'ici son allure inquiétante. En effet, il dirige cet échange et par ses brusqueries a un visage peu rassurant surtout devant l'impressionnable Numéro 58 la Tour. Un côté un peu négatif » surgit ainsi de sa personnalité. Justement, l'intérêt de cette séquence est de montrer le côté plus humain, moins brutal de la Tour, Numéro 6 est presque un méchant dans cette scène mais cela fait si longtemps qu'il rêvait de rencontrer un esprit indépendant comme lui, quelqu'un qui désire s'évader que son excitation est palpable même s'il veut rester stoïque. Cela montre que bien qu'ayant les apparences d'un surhomme », Numéro 6 n'est pas un personnage absolument irréprochable. D'autant plus que cette scène va être le point de départ du slight misunderstanding de l'épisode. De sa conversation avec la Tour qui suit, Numéro 6 décide d'interroger alors les habitants du Village en parlant d'une voix autoritaire, de manière à repérer les prisonniers des gardiens. Et en effet, les gardiens réagissent froidement car ils savent que Numéro 6 est un prisonnier tandis que les prisonniers se montrent serviles. Intuition, observation, analyse… voilà une belle application des capacités de Numéro 6, qui n'est autre qu'une démonstration de l'utilité de garder son esprit critique, évoqué plus haut par la conversation avec le joueur d'échecs. Tentative couronnée de succès car il parvient à différencier le grain de l'ivraie. Ici malheureusement, l'épisode accuse un petit coup de faiblesse, d'abord en ce qui concerne le Numéro 2 du jour curieusement, alors que nous avions jusque-là affaire à des Numéro 2 attentifs à tout, on peut être surpris de la confiance absolue qu'a ce Numéro 2 envers lui-même. Déjà dans le début, il ne se montrait pas préoccupé des velléités de révolte de Numéro 6. Et là, ici, en voyant le conciliabule suspect que tient Numéro 6 avec les autres prisonniers, n'a pas l'air de s'en émouvoir, tout comme il pense que la tour est matée » grâce au traitement subi. Ce Numéro 2 assez désinvolte détonne beaucoup, on dirait qu'il veut faciliter la tâche de son prisonnier en fermant les yeux sur ce qu'il fait ! Le méchant » du jour n'est donc pas aussi redoutable qu'il devrait l'être, ce qui porte un peu préjudice à l'épisode. Il a l'air de tout remettre entre les mains de l'infirmière, qui semble beaucoup plus inquiétante que lui. Témoin, l'expérience pratiquée cette fois sur la Reine Elle va jouer inconsciemment le rôle d'un agent double elle se rapprochera de Numéro 6, cherchera à savoir ce qu'il manigance puis ira transmettre tout ce qu'il lui dira à Numéro 2. Pour ce faire… grâce à une sorte d'hypnotisme, on la fait tomber amoureuse de Numéro 6 ! L'amour comme arme secrète. Cela aurait-il inspiré l'épisode Amour quand tu nous tiens saison 6 de Chapeau Melon ?! Prisonnière des sentiments qu'elle lui porte dorénavant et du fait qu'elle est prête à le trahir pour le sauver », l'on peut maintenant craindre pour les plans d'évasion de Numéro 6… Cette expérience rappelle furieusement celle d'A. B. et C. En effet, on tente une expérience pour la première fois chez l'homme et elle se révèle assez inhumaine tentative de possession de l'esprit de quelqu'un que ce soit par les rêves ou par la création d'un sentiment amoureux non naturel. Les méthodes du Village sont beaucoup plus sadiques et raffinées que des méthodes plus brutales comme celle du sinistre docteur de Danse de mort. Léger point faible dans le récit la Reine, maintenant amoureuse de Numéro 6, veut le retrouver tandis que ce dernier, escorté de la Tour, prépare leur plan d'évasion. Le jeu de la course-poursuite est peu intéressant et fait office de remplissage car son utilité est peu importante pour l'histoire. Il est plus captivant de voir nos deux compères essayer de trouver des composants électroniques nécessaires à leur plan. Ainsi, cette scène apparaît en demi-teinte. Nous avons droit à la fin à la touchante déclaration de la Reine à son bien-aimé ». Cette scène réussit l'exploit d'échapper à la mièvrerie, grâce au jeu impeccable et nuancé de Rosalie Crutchley qui évite le piège de l'eau de rose. Et Numéro 6 de continuer à nous dévoiler sa face sombre il se montre dur et impitoyable envers la Reine amoureuse, froid et distant Je ne suis pas en sucre, vos larmes ne me feront pas fondre ! lui dit-il. On a vraiment pitié de son interlocutrice ! Cet aspect du personnage est renforcé dans la scène suivante la Reine, en robe de chambre, rend visite à Numéro 6 qui, d'abord conciliant avec sa venue imprévue, lui parle sèchement au point de la faire pleurer. La séquence, d'abord amusante avec la décontraction et la joie d'espérer de la Reine, puis tournant à une fausse scène de ménage avec la dureté de Numéro 6 et la fragilité de la Reine en fait un grand moment de l'épisode. La voir essayer de le séduire sans succès quand elle ajuste le haut de son peignoir…, s'agiter en tous sens, faire de larges et tendres sourires, se croire aimée, vaut son pesant d'or et est d'autant plus drôle quand on connaît le caractère d'acier de Numéro 6 ! On voit ainsi comment notre héros n'est pas si irréprochable que ça son cynisme et sa méfiance le desservent, ce n'est pas quelqu'un de toujours sympathique, même si cela lui évite de tomber dans le piège de Numéro 2. Cette aversion apparente pour les femmes n'est pas totale pourtant il se montrait courtois envers Numéro 24 dans Double personnalité et nous apprendrons plus tard qu'il est fiancé voir L'impossible pardon. D'ailleurs, il semble regretter son attitude brusque et s'excuse auprès de la pauvre femme qui retrouve tout de suite sa mine radieuse lorsque Numéro 6 dit qu'il l'aime bien ». Quand on dit que l'amour est aveugle… La psychologie du personnage, ni blanc ni noir, est donc soigneusement travaillée et apporte un plus à la série. Hélas, la scène suivante va rendre vain toutes ces belles scènes ! En effet, la découverte de l'émetteur annihile les scènes précédentes si elle permet à Numéro 6 de marquer un point, elle rend finalement inutiles les dix précédentes minutes ! Pourquoi avoir fait cette intrigue secondaire si c'est pour la résoudre sur une espèce de pirouette ? Le filon n'a pas été exploité jusqu'au bout il n'y aura nulle trahison de la Reine, nulle surveillance attentive, bref un arrière-goût d'inachevé ! En plus, après cette scène, la Reine, devenue inutile, va disparaître de l'épisode sans que l'on sache ce qui va advenir d'elle et sans avoir finalement pesé sur l'intrigue. Elle n'a pas servi à grand-chose en fait ! Juste donner un faux espoir au téléspectateur. Dans ce cas pourquoi avoir donné une certaine importance au personnage ? Pire, le plan diabolique de l'infirmière comportait donc une belle erreur il était trop évident qu'il allait échouer car reposant tout entier sur l'émetteur. Trop mince comme couverture ! L'infirmière n'a pas compris que l'amour était un sentiment ingouvernable et qu'on ne peut contrôler une personne qui le ressent. Ce gâchis est là le principal défaut du scénario de Gérald Kelsey et qui empêche l'épisode d'atteindre un niveau de perfection comme il l'avait atteint dans L'Arrivée. Frustrant ! La dernière scène tout semble prêt, les derniers éléments du plan sont réglés appel au secours, maîtrise des gardes et d'un Numéro 2 bizarrement souriant et désinvolte et qui, il semble, a une prédilection pour la méditation orientale et le karaté ! Scène étrange dont on se demande à quoi elle sert. Alors, il semble que Numéro 6 ait gagné il a dupé ses surveillants et tout le monde va pouvoir s'évader. Mais bien entendu, il y a un problème de dernière minute et c'est dans une chute d'une ironie mordante que se termine l'épisode ! Ironie noire car Numéro 6 ne peut s'en prendre qu'à lui-même puisqu'il est la cause du slight misunderstanding ! Si on peut s'interroger sur la solution un peu grosse, il faut l'avouer, c'est une fin digne d'un épisode de la série, avec évidemment une touchante dernière tentative désespérée de notre héros. Mais cette fin n'est pas aussi marquante et convaincante que celle des épisodes précédents donc une légère déception au final mais bon, après le ridicule de Danse de mort, on peut être indulgent ! Le scénario de Gérald Kelsey, un des meilleurs de la série, s'est donc avéré excellent, surtout grâce à son fort symbolisme et à la puissance de sa double lecture. Dommage qu'il se soit révélé un peu plus faiblard sur la fin. Pour sa quatrième réalisation, Don Chaffey accomplit comme d'habitude un travail de pro tout est parfait ! Prises de vue excellentes, caméra efficace lors des dialogues, servant agréablement l'intrigue, une superbe vue de l'échiquier géant, atout précieusement utilisé. La mise en scène se déroule à la même vitesse que l'histoire dans un parfait unisson. Bref, rien à dire. Il est dommage que ce fut la dernière contribution de ce génial metteur en scène pour la série car, pris par d'autres projets, il dut décliner les nouvelles offres de McGoohan. On peut le regretter tellement dès le pilote, par une réalisation serrée et originale, il avait toujours servi l'innovation apportée par la série. Côté acteurs, on n'a pas à se plaindre non plus McGoohan se montre plus glacial, plus tranchant, moins sympathique et ce nouvel éclairage, plus sombre, de son personnage lui sied tout à fait, rappelant parfois le John Drake de Destination Danger qu'il avait incarné auparavant. Une performance propre et nette, l'idéal ! Rosalie Crutchley est tout simplement inoubliable la Reine trouble du début cédant la place à un rôle difficile de femme amoureuse. Elle évite tous les écueils et le fait de surjouer grâce à un jeu subtil et soigneusement mûri, on voit qu'on a affaire à une vraie actrice ! C'est sans aucun doute un des rôles féminins les plus réussis de la série. Ainsi sa crise de larmes est bien plus convaincante que celle, forcée, de Stéphanie Randall la domestique dans L'arrivée, quelle grande actrice décidemment ! Sa scène dans la maison de Numéro 6 où elle passe de la joie à la tristesse, de l'amour à l'amertume et vice-versa est une véritable leçon de comédie donné par une professionnelle, bravo ! Ronald Radd remplit fort bien son contrat en jouant un prisonnier oppressé, un peu faible, fragile et doux, il contraste avec la dureté de Numéro 6. C'est finalement lui, le personnage le plus sympathique de l'histoire. Voir sa souffrance dans la scène de l'hôpital ou sa peur éternelle de faire une bêtise tout au long du récit révèle un excellent acteur à l'aise dans son rôle. La peu recommandable infirmière de Patricia Jessel semble être une sœur de sa prédécesseure de A. B. et C. glaçante et qu'on adore détester ! Ses méthodes sont terribles, car jouer avec le cœur des gens pour les contrôler est certainement le summum de la cruauté. Hélas, il faut un peu déchanter à cause de Peter Wyngarde. Il a hérité d'un rôle de Numéro 2 finalement assez anodin et peu intéressant. Sa désinvolture permanente choque presque le spectateur et son efficacité est limitée, ce n'est pas à cause de lui que se produit l'échec final après tout. De plus l'acteur, malgré son grand talent de comédien et son sens de l'humour noir, peine à donner du relief à son personnage. Il ne se force pas trop alors que dans les épisodes de Chapeau Melon ou de Département S , il marquait profondément l'écran de sa présence. Une paille dans le cristal… Pourtant, son air détaché et son autorité naturelle sont perceptibles dans quelques scènes et il est vraiment regrettable qu'un tel acteur ait eu un rôle où il ne pouvait exercer tout son talent. La musique est plus discrète mais reste efficace, surtout lorsque des violons romantiques accompagnent, dans un décalage hilarant, les scènes entre Numéro 6 et la Reine ! Délicieux ! Avis de Denis Chauvet Malgré quelques imperfections, cet épisode m’a toujours emballé à plusieurs titres. Avant tout, c’est le dernier véritablement tourné à Portmeirion et je trouve regrettable que si peu d’épisodes 5, moins du tiers aient profité de cet écrin magnifique. Checkmate présente même la particularité d’avoir le village et la plage en contrebas. Ensuite, le Prisonnier n’est plus seul dans sa tentative d’évasion, même si l’issue renforce le sentiment d’individualisme qui l’anime. Un opus qui ravira aussi les amateurs d'échecs. Les premières minutes sont surprenantes le rôdeur circule dans les rues et les villageois se figent à son passage un procédé de réalisation qui permettait au ballon d'aller dans une direction voulue il fallait 'commencer par la fin' et montrer le film à l'envers !. Seul, l'homme à la canne poursuit sa route suivi du numéro six. Ils se dirigent vers un échiquier géant sur lequel va se jouer une partie dont les pièces sont des villageois. Le numéro six est le pion de la dame ! La scène culte de l'échiquier géant, souvent rejouée à Portmeirion et symbole du Village où toutes les pièces donc les habitants ne sont que des pions, résume la série à elle seule. Le numéro 58 une Tour, Ronald Radd se déplace sur l'échiquier sans en avoir reçu l'ordre et il doit subir un séjour à l'hôpital. Il deviendra l'allié du numéro six dans sa quête de liberté, mais doit-on juger quelqu'un sur son attitude ? L'apparence est souvent trompeuse ! Cela est le thème de l'épisode et l’air autoritaire du six finira par causer 'a slight misunderstanding' comme le dit si bien le numéro deux ! Le docteur fait froid dans le dos et remarquez que le Prisonnier répond 'for all' à la question 'free' titre d'un épisode. Peter Wyngarde, inoubliable pour les fans des Avengers, est un numéro deux désinvolte 'In society, one must learn to conform'. Il parait que Patrick MacGoohan avait pensé à lui pour un numéro deux permanent, mais cela ne s’est pas fait. Beaucoup d’extérieurs et de mystère nous font apprécier cet épisode et je retiendrai quelques scènes ; celle culte du jeu d’échecs, mais aussi l’entretien clé du 6 avec la Tour sur les hauteurs et les deux hommes qui échappent à la surveillance en taxi. Et la dernière image du butler qui dépose le pion de la dame sur l’échiquier d’où le titre envisagé. Le 6 est maté…pour cette fois ! Mais pourquoi dans la VF, la Tour devient le Roi ? Le personnage de la Dame, amoureuse programmée du 6, est amusant mais il ne sert qu’à meubler’ l’aventure et à créer une fausse piste et le final sur le bateau est moyen. Pas le meilleur mais un du top 5. Infos supplémentaires Aka The Queen's pawn Le pion de la Reine Le sixième et ultime épisode du remake de la série s'appelle aussi Checkmate Échec et mat. Cependant, les deux intrigues n'ont rien à voir l'une avec l'autre. La Tour porte le Numéro 58. Ce Numéro était celui de la jeune femme étrangère hystérique de Liberté pour tous. Remarque la Reine est le Numéro 8, soit le numéro de Nadia dans Le carillon de Big Ben. Elle prépare du chocolat chaud que semble apprécier Numéro 6 ! Cet épisode, 9e en ordre de diffusion, serait peut-être à ranger dans les premiers finalement. Le joueur d'échecs dit à Numéro 6 qu'il doit être nouveau » et il ne le contredit pas. Cependant, cet épisode est la dernière défaite de Numéro 6. Dès l'épisode suivant, il déjouera les plans de tous les Numéro 2. Cet épisode clôt donc une première partie marquée par les défaites et demi-succès de Numéro 6, prélude à une série de victoires jusqu'au Dénouement dont il est difficile de savoir s'il est un triomphe ou une défaite finale du héros. À sa place, ou pas ? Puisque Numéro 6 y apprend comment différencier les gardiens des prisonniers... La partie d'échecs de l'épisode déconcertera tous les amateurs du noble jeu car truffée d'invraisemblances Ainsi, lorsque cinq coups ont été joués, trois coups seulement figurent sur l'échiquier. Ou bien le fameux coup du pion de la dame joué par Numéro 6 est joué avant le fou noir mais sur l'échiquier, lorsque le pion avance, le fou noir est déjà là ! Ou bien on a droit à une position de début de partie, puis une position de milieu de partie… puis on revient à une position de début ! Malgré ces erreurs, il est possible d'affirmer que la partie disputée est une partie des quatre cavaliers, une ouverture assez pratiquée à tous les niveaux où chaque joueur développe ses cavaliers dès le début, donnant une position au départ symétrique. En fait le nom complet de l'ouverture serait Partie viennoise transposée en partie italienne des quatre cavaliers avec variante d4. Puisque la partie commence par une ouverture dite viennoise » déplacement au 2e coup blanc du Cavalier côté Dame qui devient une partie italienne » déplacement des fous côté Roi sur la colonne c des quatre cavaliers à cause du déploiement des quatre cavaliers comme son nom l'indique. d4 correspond au mouvement du pion de la Dame situé sur la case d2 en d4. Bien que ce coup soit possible, c'est une faute dans cette position donc surprenant de la part du champion d'échecs » que le joueur ayant les blancs prétend être ! Mais la réplique suivante, jouée par les Noirs le repli du Fou en d6, est encore plus ridicule ! En effet, le pion dame est attaqué trois fois et défendu seulement deux fois donc les Noirs pourraient gagner ce pion sans contrepartie pour les Blancs et la Reine n'y pourrait rien ! Sa protection est illusoire et comme le dit Numéro 2 La Reine ne fera rien pour lui ! C'est la vérité ! Mais au lieu de ça, les Noirs jouent un coup stupide qui ferme leur jeu et les étouffe ! Numéro 2 prétend que l'expérience de Pavlov a été pratiquée d'abord sur des rats, Numéro 6 n'est pas d'accord et prétend que c'étaient des chiens. C'est en effet réellement des chiens ! Numéro 2 devrait revoir sa copie. Cette expérience est pratiquée sur la Tour il pense qu'il ne peut toucher à la fontaine bleue à cause du choc électrique, mais quand on lui dit qu'il n'y a pas de danger, il le fait et tout se passe bien. En fait, si on conditionne le sujet à voir une corrélation entre un désir et un stimulus sonore, lorsqu'il entendra désormais ce stimulus, ce dernier déclenchera le désir, c'est le réflexe de Pavlov. La Tour a le désir de boire à la fontaine mais il ne veut pas à cause du choc électrique ; la voix du haut-parleur lui dit qu'il n'y a aucun danger et cela agit comme une catharsis son désir de boire à la fontaine revient et il le fait. La voix déclenche ce désir et ainsi assujettit le sujet qui vit sous sa dépendance le temps de son conditionnement. La résistance de Numéro 6 face aux pressions mentales est redoutable les drogues de A. B. et C. et de Musique douce, la schizophrénie de Double Personnalité, l'aliénation de J'ai changé d'avis, le record étant Il était une fois où il survit à un huis clos oppressant et d'une intensité quasi démente. Son point de rupture est inconnu mais doit être élevé car jamais Numéro 6 n'a craqué devant la pression. On comprend donc sa réplique quand l'infirmière s'interroge sur son Breaking Point ! Numéro 6 est selon l'infirmière beau garçon » et viril ». Les questions ne sont vraiment pas les bienvenues lorsque Numéro 6 demande d'où vient la Reine, celle-ci biaise en parlant de la partie. Il est remarquable que les prisonniers ont l'air plutôt heureux de leur captivité mais qu'ils s'assombrissent lorsqu'on leur pose des questions.— Qui est Numéro 1 ? — On ne pose pas de telles des deux premières scènes Il saute aux yeux que cet échiquier géant représente notre monde et que nous sommes tous des pièces du jeu. La vie, l'avenir de notre monde se joue grâce à des décisions soigneusement pesées, d'actions plus ou moins mûrement réfléchies. Mais notre vie aussi se conduit telle une partie du noble jeu La vie […] est comme une partie d'échecs. Les premiers coups donnent la direction de la partie, mais tant que la partie n'est pas terminée, il reste de jolis coups à jouer » disait Anna Freud. Et en effet, pour réussir dans la vie comme dans le jeu d'échecs, il est capital de bien se connaître, de savoir ce que l'on veut réellement pour aboutir. Numéro 6 veut défier la société et joue ses coups » en conséquence pas de lâcheté, de crainte, de compromis ou de demi-mesures il veut sa liberté et fera tout pour l'obtenir. Les autres joueurs » ont choisi, eux, de subir et de ne pas se remettre en question alors que la deuxième chance existe la Tour en est un excellent exemple – elle se révolte, puis, effrayée, se rétracte mais Numéro 6 l'encouragera à continuer sa voie et à tenter de s'échapper. Tout n'est pas fini pour la Tour le Village a cru la vaincre mais la partie pour la liberté n'est pas finie ; il reste de jolis coups à jouer et la Tour se range du côté des résistants. Le même raisonnement s'applique pour tous ceux qui rejoindront Numéro 6 le joueur de la partie compris. Mais évidemment, ce qui ressort de cette scène, c'est l'illustration de ce que disait l'amiral à Numéro 9 à la fin de L'arrivée Nous sommes tous des pions » [We're all pawns], anticipant tout compte fait cet épisode ! En effet, comment ne pas voir dans cette situation le reflet de ce que nous subissons ? Nous sommes brimés dans nos efforts par une sélection inégalitaire fait déjà remarqué dans Danse de mort où certains habitants sont sacrifiés et d'autres, préservés qui ne daigne d'ailleurs vous récompenser que lorsque vous suivez ses lois le professeur du Général par exemple ou que vous acceptez de donner votre âme en travaillant pour elle les gardiens mais ces élus-là les riches dans notre monde sont rares, la société ne se préoccupe pas du commun les prisonniers et encore moins des inutiles » qui meurent de mort lente comme Dutton qui, définitivement décervelé à la fin de Danse de mort, n'a plus qu'à attendre la fin ce sont les pauvres. Lorsque vous gênez et désobéissez en montrant votre indépendance, vous subissez un traitement de réadaptation » dont nous avons un aperçu dans cet épisode quand la Tour est soumise à la terrible expérience de Pavlov à l'hôpital. L'épisode J'ai changé d'avis ira encore plus loin dans ce sens. Oppressés par la société, méprisés par le pouvoir en place et l'idée d'un Numéro 2 changeant toujours veut bien dire que, quelle que soit la personne à la tête du pouvoir, le sort du peuple ne s'améliorera pas pour autant, nous sommes autant de pions sur l'échiquier, au service de nos gouvernants. Et Numéro 6 ne l'accepte pas il veut s'échapper et si c'est impossible pour les pièces de ce jeu, ce ne l'est pas pour lui ; Numéro 6 combat avec les règles du Village pour pouvoir les transgresser correctement il ne refuse pas de bouger quand on le lui demande mais ne le fait pas tout de suite !. Il refuse d'être un pion, ce que ne veut que voir le Numéro 2 Ce n'est qu'un pion, il peut sauter à tout moment. Et contrairement à ce qui est dit, la Dame protège mal son pion voir analyse de la partie dans les commentaires. Cela veut-il dire que nous ne pouvons compter que sur nous-mêmes ? La réponse est difficile oui, car il dépend de nous et de notre capacité à ne pas se laisser suborner par les autres de rester indépendant ; non car tout seul, on ne va pas loin. D'ailleurs, si individualiste que soit Numéro 6, il a besoin de l'aide de la Tour pour organiser son évasion. Il ne tient qu'à nous d'obéir docilement comme une pièce d'échecs sans vie que l'on manipule ou se révolter en sortant de l'échiquier Le Village bien sûr. Après une première scène aussi forte, il est évident que la tension doit retomber un peu. Ce n'est pas du goût du scénariste Gérald Kelsey qui enchaîne immédiatement sur une superbe conversation entre Numéro 6 et le joueur d'échecs ce dernier avoue aimer jouer aux échecs humains car il satisfait ainsi sa soif de pouvoir bien qu'il ne semble pas être dirigeant dans l'âme. Il est lui aussi un prisonnier mais, par le jeu d'échecs, il maintient son esprit en éveil et dit que cela sert à les » défier. Phrase d'une grande importance le savoir, le plaisir intellectuel comme antidote à l'abêtissement de la population. Le cinéaste Pasolini disait que la culture était une résistance à la distraction. Comprenez, l'oppression. Oui, comment asservir un homme de la façon la plus efficace ? En le rendant stupide, en ne lui offrant que de la sous-culture, en le laissant en jachère, en l'illusionnant. Et Numéro 14, le joueur, qui se dit trop vieux pour s'évader, marque sa résistance face à l'oppresseur en faisant travailler ses méninges il doit non seulement jouer aux échecs mais aussi reconnaître les blancs des noirs à leur coopération ». Que veut-il dire ? Qu'il faut reconnaître les gardiens des prisonniers, c'est-à-dire vos amis de vos ennemis. Pour réussir sa vie, il faut avoir besoin des autres mais se méfier de ceux qui veulent vous empêcher d'entreprendre vos desseins. C'est pour cela qu'il faut rester méfiant et ne pas se laisser abuser par sa naïveté d'où la distance froide que prend Numéro 6 avec la Reine dans la scène qui suit car elle pourrait être une traîtresse. Pour en revenir au savoir, si on l'utilise et le contrôle à l'opposé du par cœur ânonné du Général, c'est réellement une arme précieuse contre l'asservissement, car elle permet d'être indépendant et de garder un esprit critique toujours en alerte, esprit qui permet à Numéro 6 de distinguer les prisonniers des gardiens. La série se voulait contre-utopique en proposant ce faux monde heureux qu'est Le Village mais elle se révèle d'anticipation car aujourd'hui, avec la volonté perverse de certains gouvernements irresponsables, la culture est étouffée que ce soit par manque de financement ou mainmise de l'État destructeur. L'exemple de Berlusconi aliénant les Italiens que ce soit par la possession de l'audiovisuel programmes débiles et au ras des pâquerettes ou la réduction des subventions à des institutions comme la Scala de Milan n'est autre qu'une application des méthodes du Village ! Ce qui est confirmé par le traitement » subi par la Tour, où il est conditionné, modelé, formé, pour ne plus se révolter. Tout est métaphore mais la puissance du message est d'un impact saisissant aux jours d'aujourd' Peter Wyngarde 1933 est extrêmement connu dans le monde des Avengers car il était l'incontournable Cartney dans l'épisode culte Le club de l'Enfer saison 4 où il métamorphose Emma Peel en reine du péché dans une séquence qui ne l'est pas moins. Il a aussi joué dans Caméra meurtre saison 5 où, en Stewart Kirby, il parodiait Alec Guinness en changeant 11 fois de rôle en 50 minutes ! Mais cet acteur, ayant également joué dans d'autres séries comme Le Saint, Le Baron, Dr. Who… est cependant davantage connu pour avoir interprété le rôle de Jason King dans Département S et sa suite éponyme, série qui en influença bien d'autres. Son rôle de Numéro 2 est un de ses plus connus. Bien qu'il soit parfois apparu au cinéma, on a surtout retenu son immense carrière théâtrale il a joué notamment avec Déborah Kerr et Raymond Burr et il est reconnu comme un comédien magistral. Ambivalent, il a été un peu dans la chanson et est considéré aussi comme un bon écrivain. Le personnage de Jason Wyngarde des X-men est un hommage évident à l'acteur. Une rumeur tenace a dit qu'il était un neveu de Louis Jouvet mais il semble qu'il n'en soit Radd 1929-1976 délaissa, malgré ses succès, le théâtre au bout de quelques années pour consacrer les dix ans qui restaient de sa courte vie à la télévision. Il a en effet beaucoup joué dans toutes les séries anglaises de l'époque Randall et Hopkirk, Destination Danger, Z-cars… Le cinéma ne l'a pas oublié et il joua avec beaucoup de brio dans des films malheureusement oubliés The Camp on blood island, Kremlin letter de John Huston, The Double man…. Malgré sa petite taille, ce fut un acteur aimé. Il est apparu dans trois épisodes des Avengers Cade dans Le point de mire saison 2, une prestation magistrale, Quilpie dans Le retour du traître saison 3 et Shaffer dans Mission très… improbable saison 5.Rosalie Crutchley 1920-1997 fut une des plus grandes comédiennes de théâtre de son temps, interprète renommée du répertoire classique Le Roi Lear, Le Conte d'Hiver, Roméo et Juliette… tout en menant une fructueuse carrière cinématographique Le Jardinier espagnol, Electra, Quo vadis, La Maison du diable, Mahler… sans oublier une mémorable apparition dans Quatre mariages et un enterrement dans le rôle de Mrs. Beaumont au second mariage… Elle a aussi beaucoup tourné dans des séries TV dont le rôle de Catherine Parr dans une série sur les six femmes d'Henri VIII et le rôle de la Reine » est un de ses plus fameux. Cette comédienne complète a commencé le théâtre à seulement 12 ans et elle n'a jamais cessé de tourner jusqu'à sa Coulouris 1903-1989 étudia à la Central School of Speech and Drama où il eut pour condisciples Peggy Ashcroft et Laurence Olivier. Il commence comme tout aspirant acteur par Shakespeare Henry V. Sa carrière décolle grâce à sa rencontre avec Orson Welles en jouant dans sa production de Jules César. Le rôle de Thatcher dans Citizen Kane, en 1941 du même Welles pour lequel il reçoit un prix le rend célèbre. Il joue ensuite dans plusieurs chefs-d'œuvre comme Pour qui sonne le glas avec Gary Cooper, Femme aimée est toujours jolie et Quand le jour viendra avec Bette Davis… et le Jeanne d'Arc 1948 avec Ingrid Bergman. Il retourne en Angleterre en 1950 et continue son excellente carrière cinématographique plus de 80 films ! dont le Mahler de Russell avec Rosalie Crutchley ou Le Crime de l'Orient Express ou Arabesque ; tout en consacrant plus de son temps au théâtre, dont un triomphal Roi Lear, sans oublier le répertoire contemporain August Strindberg, Tennessee Williams… Spécialisé dans des rôles de méchants, il a cependant aussi joué la comédie. On l'a vu dans quelques séries comme Destination Danger, Dr. Who... et entendu dans de nombreux rôles à la radio. Ce fut l'un des plus grands comédiens Jessel 1920-1968 fut une comédienne qui s'est surtout tournée vers le théâtre, que ce soit le répertoire classique Hamlet… ou contemporain L'amour des quatre colonels de Peter Ustinov…. Elle a d'ailleurs reçu un prestigieux Tony Award de la meilleure comédienne dans une pièce pour le rôle de Romaine dans une pièce d'Agatha Christie en 1955 Witness for the prosecution. Elle a aussi joué dans quelques films et téléfilms mais en nombre limité vu sa mort survenue relativement tôt. On a pu la voir dans le rôle de Sally Brass dans la série anglaise The Old Curiosity Shop sept épisodes. Son rôle dans cet épisode fut son avant-dernier. Séquence culte Partie d’échecs géante Retour à l'index 10. LE MARTEAU ET L'ENCLUME HAMMER INTO ANVIL Résumé Harcelée par le brutal nouveau Numéro 2, une jeune femme, poussée à bout, se suicide sous les yeux de Numéro 6 qui avait entendu ses cris. Numéro 6 jure au Numéro 2 qu'il paiera pour ce crime. Peu après, le Numéro 2 convoque Numéro 6 et lui déclare que tout homme a un point de rupture et qu'il brisera son insolent prisonnier, lui promettant qu'il sera le marteau » qui martèlera l'enclume ». Mais Numéro 6 a un plan et à coups de faux messages secrets et de signaux inquiétants, fait croire au Numéro 2 qu'il est en fait là pour le surveiller lui ! La tension entre les deux ennemis monte graduellement et inexorablement… Comment cela finira-t-il ?Critique de Clément Diaz Le marteau et l'enclume est un épisode charnière car ouvrant une sorte de deuxième partie de la série. En effet, les neuf premiers épisodes forment un tout et racontent les premières mes-aventures de Numéro 6 dans Le Village. Ces épisodes ont la particularité de se terminer ou bien sur un échec Liberté pour tous, Le retour… ou un semi-échec Le carillon de Big Ben, Double personnalité… du héros l'exception étant A. B. et C. et Le Général dans une moindre mesure quand il tente de s'évader ou de réussir un but qu'il s'est fixé au Village. Échec et mat marquait sa dernière défaite mais maintenant, fort de l'expérience acquise et des leçons de ses erreurs, il va enchaîner les victoires sur les dirigeants du Village, faisant échouer tous leurs plans, à défaut de pouvoir s'évader pour le moment. Tout commence à basculer à partir de cet épisode au suspense haletant et à la tension sans cesse grandissante. Cette espèce de face-à-face à distance, où Numéro 6 tente de faire tomber le Numéro 2 dans un duel à longue portée n'est pas sans préfigurer le chef-d'œuvre absolu que sera le huis clos infernal d'Il était une fois. L'introduction est saisissante une jeune femme Numéro 73 se trouve à l'hôpital et subit une véritable torture morale de la part d'un Numéro 2 incroyablement sadique qui lui dévoile l'infidélité de son mari est-ce un mensonge ? On ne le saura pas et profite de sa faiblesse pour la pousser dans ses retranchements. La jeune femme, poussée à bout, se défenestre. Cette scène est terriblement saisissante la détresse de la jeune femme faible devant la tyrannie oppressive de Numéro 2 a annoncé la couleur nous avons affaire à un adversaire d'une méchanceté rare, véritable bourreau, un adversaire à la taille de Numéro 6 ! Cette brève introduction promet beaucoup… et exaucera beaucoup ! Grâce à l'histoire, en tension grandissante, de Roger Woddis. La scène suivante pose les enjeux de l'histoire d'aujourd'hui après que Numéro 6 a sèchement décliné l'invitation de Numéro 2 indépendant jusqu'à la moelle des os décidément, il se fait enlever mais non sans une bonne bagarre par trois gardes du dirigeant et transporté de force dans la salle de contrôle. Le nouveau Numéro 2, par ses méthodes musclées, détonne par rapport à ses prédécesseurs qui n'ont jamais utilisé la force sauf celui de Liberté pour tous et par son sadisme stupéfiant le dialogue à fleur de peau avec son prisonnier est tout en phrases judicieusement choisies, blessantes et autoritaires. Numéro 6, ironiquement, le défie puis sort de la pièce tandis que Numéro 2 ordonne une vigilance accrue sur son prisonnier qu'il veut espionner dans les moindres détails. Il ignore que cette décision, qui semble lui donner tout pouvoir, va se retourner contre lui. Ou comment le pouvoir, la puissance, peuvent être combattus avec les armes de l'intelligence et de la détermination. Numéro 6 ourdit alors un plan machiavélique, digne des plus grands Diabolical Masterminds, qui repose sur le tempérament vindicatif, emporté et méfiant de son agresseur. On pourrait presque l'attribuer à un méchant redoutablement tacticien et le fait qu'il lutte avec des armes très perverses surprend de sa part mais il vient un moment où il faut transgresser les règles posées et dénier toute compassion. Le comportement de Numéro 6, intolérable dans une situation normale, est ici justifié par la situation extrême face à laquelle il se trouve, une sorte de légitime défense ce sera lui ou l'autre car si Numéro 6 se contente de se défendre, il finira par succomber à la pression, aussi fort soit-il. D'ailleurs, sa tactique purement défensive des épisodes précédents n'était pas la bonne puisqu'il a essuyé revers sur revers. Il n'a donc pas d'autre choix que de contre-attaquer et un lien avec l'épisode précédent apparaît alors aux échecs, une règle d'or est que le camp le plus faible Numéro 6, seul et sans armes doit non se défendre mais contre-attaquer pour espérer lutter et ne pas céder contre le camp le plus fort Numéro 2, omnipotent et entouré d'acolytes et d'hommes de main. Serait-il possible que sa désastreuse expérience échiquéenne l'ait influencé et poussé à adopter cette autre tactique ? En tout cas, les deux épisodes se suivant et marquant une frontière entre deux ères de la série, peuvent laisser penser que c'est le cas bien que cela ne soit qu'une hypothèse… Toute la stratégie de Numéro 6 repose sur un bluff osé il va faire croire qu'il est envoyé par ses maîtres », sous l'habit d'un prisonnier, pour surveiller le Numéro 2. Ce plan serait voué à l'échec si le tempérament du nouveau Numéro 2 était calme et réfléchi comme le premier de L'arrivée, car il ne céderait pas à la panique et ne suivrait l'affaire que de loin. Mais le Numéro 2 aujourd'hui est féroce, irascible et sadique, il est un vrai tyran des temps modernes et donc, par conséquent, d'une méfiance exagérée, prompt à s'inquiéter pour des détails suspects » alors qu'ils n'ont pas lieu d'être. L'intelligence de Numéro 6 et la connaissance de la personnalité de son adversaire lui permettent d'échafauder ce plan. Il va faire tomber son ennemi dans une spirale infernale qui tient en haleine le téléspectateur car la tension ne monte que petit à petit mais dans un crescendo sensible et inexorable. Tout l'épisode est construit sur deux types de scènes les menaces et la subversion, toutes deux bluffées. Les menaces il écoute plusieurs fois L'Arlésienne de Georges Bizet mais sans s'y attarder plus de quelques secondes mais par la suite, il prétend avoir entendu un message dans un des disques de L'Arlésienne, et ce message émanerait des véritables dirigeants du Village pour qui le Numéro 2 n'est que leur représentant ; d'où l'inquiétude de Numéro 2 ! Puis Numéro 6 écrit un message secret à "X04", intercepté par Numéro 2, qui dit que ce dernier est instable psychologiquement ce qui pétrifie Numéro 2. On notera quand même une petite invraisemblance pourquoi Numéro 2 ne cherche-t-il pas à savoir à qui Numéro 6 a envoyé le message ? Petite facilité scénaristique qui heureusement n'enlève rien au récit. On notera aussi une fausse bombe à la porte de Numéro 2 et un pigeon voyageur transportant un autre "message". Numéro 2, pour se l'approprier, utilise des canons pour pulvériser le messager ! Un gros canon pour un tout petit pigeon ! La paranoïa à son plus haut point ! Admirons le clin d'œil du scénariste sur L'Arlésienne » qui désigne un personnage dont on entend toujours parler mais qu'on ne voit jamais. Et si l'Arlésienne désignait le fameux Numéro 1 ? Puis la subversion il va isoler Numéro 2 en lui faisant croire que ses serviteurs sont en fait de son côté ! Et effectivement, Numéro 2 va se séparer avec fracas de tous ses alliés, trompé par la stratégie de Numéro 6. Il renvoie son expert en messages secrets qui ne trouve aucun message dissimulé dans des feuilles blanches cachées par Numéro 6 et qui ne contenaient réellement rien ! Puis le docteur en psychiatrie après que Numéro 6 a engagé une discussion digne d'Othello il parle en Iago de l'instabilité de Numéro 2 au docteur qui, comme Cassio, bien sûr, ne comprend rien et lorsque Numéro 2 entend ça, tel Otello, il est dupé et ne veut pas croire les dénégations sincères du docteur et le renvoie durement. Puis, c'est le chef d'orchestre de la fanfare du Village, après que Numéro 6 lui a demandé de jouer la farandole de… L'Arlésienne bien sûr ! Puis le superviseur lui-même après que Numéro 6 a envoyé un message signé d'un villageois mort depuis un mois ! Ensuite, son équipe de traduction de messages secrets après avoir envoyé une comptine enfantine "codée" par signaux qu'ils n'ont pu traduire. Et enfin, dernier bastion, l'homme de main, Numéro 14 lui-même en "conspirant" avec lui. Oh bien sûr, Numéro 14 cherche bien à se venger pendant une bagarre féroce avec Numéro 6 mais il ne sortira pas par où il est entré dans la maison il partira… par la fenêtre, brisant une vitre au passage ! Quand on cherche Numéro 6, on le trouve ! À noter que ce combat excellemment filmé se déroule sur fond d'une calme musique baroque ! Décalage hilarant qui n'est pas sans rappeler la bagarre de Cathy Gale dans L'homme aux deux ombres sur fond de valse viennoise Straussienne ! Il est réjouissant de voir Numéro 2, cet homme cruel, plein de pouvoir, se débarrasser de tous ses serviteurs en les accusant de traîtrise uniquement sur des on-dit, sur des apparences, sans aucune preuve véritable. Numéro 6 ne peut attaquer qu'en bluffant, par des assauts vides en réalité mais forts à l'extérieur. Et cette accumulation de preuves apparentes » suffit à faire germer la suspicion et l'inquiétude chez un Numéro 2 trop colérique et méfiant. Une situation qui n'est pas sans rappeler des épisodes comme Affectueusement vôtre où Tara est victime d'une conspiration analogue. Toute la violence de cet épisode qui avait explosé par rafales éclate maintenant dans toute sa fureur dans la scène finale. Numéro 6 vient porter, avec sa froideur habituelle, le coup de grâce à son ennemi qui en larmes, semblait serrer contre lui le Grand-Bi exposé dans la salle le Grand-Bi faisant peut-être référence au Passé dans la salle de contrôle futuriste, il n'est pas interdit d'y voir un symbole d'un Numéro 2 se réfugiant dans son passé, ne voulant pas croire en sa défaite. Numéro 2, éructant, presque fou, hurlant et gémissant à la fois n'est plus que l'ombre de lui-même, dans un état insoutenable de délabrement mental. Numéro 6, jouant le rôle de l'envoyé mécontent du comportement de Numéro 2, ironise sur son pouvoir » qui n'a pas empêché son isolement final. Anéanti et pitoyable, Numéro 2 doit subir une dernière humiliation mais pas la moindre, il franchit l'ultime marche de la déchéance et se précipite vers son funeste destin. Numéro 6 est vainqueur sur toute la ligne. Une tragédie parfaitement réglée. Le marteau s'est brisé contre l'enclume et la défaite est sans rémission. Le scénario de Roger Woddis est un des meilleurs jamais écrit pour une série la façon dont il mène progressivement son histoire en partant d'un Numéro 2 méchant et puissant pour aboutir à une misérable loque humaine frappe par sa puissance dévastatrice et son sens consommé du drame. Il n'est pas anodin que cet épisode soit souvent cité comme un des meilleurs de la série. Surtout qu'il s'agit ici de la plus grande victoire de Numéro 6 dans toute la série victoire totale et écrasante, sans contestation. Son sens du drame psychologique rend plausible une machination qui aurait été incohérente dans une autre situation. Sa grande imagination lui permet de trouver sans cesse de nouvelles idées pour faire passer Numéro 6 comme une taupe aux yeux de Numéro 2 CD, pigeon, message secret… tout en offrant un habile pastiche, presque une parodie, de la manière dont les agents secrets communiquent entre eux. Les différents codes des faux messages de Numéro 6 sont en effet plutôt comiques et tirés par les cheveux, et voir le Numéro 2 y accorder de l'importance produit un contraste presque drôle. Sans sa gravité et sa tension, cet épisode aurait presque pu être une comédie ! Comme Le Grand Blond avec une chaussure noire, qui pourrait être une parodie de cet épisode Mais seul La mort en marche s'affirmera comme une véritable parodie comique des séries d'espionnage. Bref, un épisode d'une maestria qui laisse pantois ! La réalisation de Pat Jackson sert fidèlement le récit au plus près de Numéro 2, présent presque à chaque plan, il fait voir l'épisode entièrement du point de vue de ce dernier, renforçant ainsi la pression et nous mettant à la place du dirigeant au lieu de Numéro 6 qui finalement ne joue qu'un rôle secondaire ! Malin de sa part aussi d'alterner rapidement des plans très différents les scènes de la salle de contrôle pour dynamiser le récit ou faire de gros plans sur les différents personnages, cernant ainsi toutes leurs émotions car c'est un épisode très expressif, où les réactions et les émotions ont la part du lion. Digne d'Hitchcock, la caméra de Pat Jackson donne une tension fantastique et le plan final, plan d'ensemble très large avec un Numéro 2 seul dans une immense salle vide, couronne impeccablement un travail exemplaire. Nous sommes aussi gâtés côté interprétation ! Bien qu'elle disparaisse au bout de deux minutes, Hilary Dwyer parvient à rendre son personnage saisissant et émouvant. Son chagrin, sa lassitude, sa peur, sa terreur horrifiée et sa fin tragique ont le temps de marquer durablement le téléspectateur compatissant tout en brossant, via son personnage de martyr, le portrait cruel de Numéro 2. Basil Hoskins a un rôle plus étendu mais plutôt anodin, davantage un faire-valoir de Numéro 2 mais son orgueil, sa sûreté et son profond dédain font de lui comme un reflet de son diabolique maître, un Numéro 2 en devenir ! Le voir perdre sa morgue dans l'avant-dernière scène et se faire littéralement éjecter de la maison de Numéro 6 est donc une joie pour les fans, ravis de voir son insolent bec cloué. Patrick McGoohan accomplit ici une de ses prestations les moins marquantes. Le scénario ne lui imposant aucune prouesse à faire, il traverse l'épisode toujours stoïque, déterminé et froid, avec un jeu un peu figé. Il est même clairement en retrait dans cet épisode. Car pour l'unique fois de la série, le personnage principal est bel et bien le Numéro 2. Patrick Cargill accomplit une performance hors du commun absolument subjuguante ! Il explose de son talent le personnage de Numéro 2 débutant dans la confiance, le cynisme et la férocité, peu à peu le voyant perdre ses repères avec un jeu tout en nuances qui devient de plus en plus fort, jusqu'à l'effondrement final presque insoutenable ! Son personnage glisse progressivement dans la folie et il porte tout l'épisode sur ses épaules. Tout son entourage, y compris Patrick McGoohan, pâlit devant ce spectacle inouï, ce one-man-show écrasant de force et de génie. Son interprétation en fait un des plus grands Numéro 2 de la série. Certainement son meilleur rôle. L'histoire était écrite pour lui, il s'en empare et en fait un grand opéra dramatique, où tout va crescendo jusqu'au désastre final. La dernière scène où sa folie devient hystérie, colère, larmes ensemble mêlées est d'une sauvage beauté en même temps qu'un rare numéro d'acteur à la télévision écoutez par exemple sa voix qui monte dans le suraigu, glaçant !. Oui, peu sont les acteurs qui peuvent se vanter d'avoir fait une composition aussi incandescente, se payant au passage le luxe de voler la vedette au héros surtout quand il est incarné par un comédien comme Patrick McGoohan ! Cet épisode est presque une pièce de théâtre où il aurait le premier rôle, ce qui ne pouvait que convenir à Cargill, comédien de théâtre avant tout. Chapeau bas, Mr. Cargill ! La musique repose entièrement sur les premières mesures du prélude de L'Arlésienne. Elle hante tout l'épisode et est jouée à différents instruments et nuances. Son retour périodique, comme un leitmotiv opératique, donne une cohérence à l'épisode et sa couleur tragique permet de soutenir ce drame inexorable. Avis de Denis Chauvet Patrick Cargill est un numéro 2 magistral par sa perversité et son sadisme, mais le numéro 6 le casse, le broie et finit par le faire pleurnicher et demander son remplacement au numéro 1. C’est une victoire sans appel. Ceci dit, j’ai trouvé l’épisode répétitif, parfois illogique, auquel il manque un twist final inattendu. Le suicide du 73 n’a servi qu’à mettre le Prisonnier en rage. S’il était aussi simple de vaincre un numéro 2– il y eut de moins redoutables que celui-ci -, on se demande pourquoi le 6 est toujours en cage ! Le numéro 6 compte sur la peur paranoïaque du 2 face à l’autorité du 1 pour lui faire croire qu’il prépare un plan secret. Il fomente ainsi plusieurs évènements plus incroyables les uns que les autres le coucou et le pigeon sont les pompons. Un épisode moyen pour moi malgré un superbe Patrick Cargill qui se délabre de minute en minute et la cocasse scène du 6 en train d’écouter les disques de L’arlésienne dans la boutique. Dommage que le 73, Hilary Dwyer, ait une participation si courte. Quel est ce kosho ridicule entre le 6 et le 14 ? Infos supplémentaires Le troisième épisode du remake de la série a pour titre Anvil L'enclume mais les deux intrigues sont complètement différentes. Comme le Numéro 2 l'explique au début, le titre de l'épisode se rapporte à un poème de Goethe. C'est en fait le poème Ein Andres extrait des Gesellige Lieder, recueil du célèbre écrivain. Ici, le Numéro 2 veut bien sûr dire qu'il désire modeler » le Numéro 6 comme il l'entend et qu'il accepte de lui céder. L'homme de confiance de Numéro 2 est le Numéro 14, soit celui de l'infirmière dans A. B. et C. Le journal a pour titre Increase Vigilance call from New No. 2 Appel à une vigilance accrue de la part du nouveau Numéro 2 Dans le magasin, on peut remarquer deux pancartes sur la musique Music makes a quiet mind [La Musique apaise l'esprit] ainsi que Music begins where words leave off [La Musique commence là où les mots finissent]. Dans cet épisode, ces pancartes prennent une dimension vraiment ironique ! La musique de L'Arlésienne stressera davantage qu'elle calmera l'esprit de Numéro 2 ! Le thème musical principal de l'épisode est la première partie du prélude Allegro deciso, tempo di marcia de L'Arlésienne de Georges Bizet 1838-1875. Georges Bizet fut un compositeur français, enfant prodige de la composition. Bien qu'à l'aise dans le répertoire symphonique il a laissé une joyeuse symphonie en ut majeur de jeunesse, aujourd'hui très populaire dans les programmes de concert, il a préféré se tourner dans les opéras mais eut la malchance de ne subir que revers ou demi-succès au cours de sa courte vie. Son chef-d'oeuvre reste bien sûr sa flamboyante Carmen 1874-1875, qui est l'opéra le plus joué dans le monde mais qui fut un échec cinglant à sa création. Atterré et malade, Bizet mourra trois mois plus tard sans goûter au succès phénoménal que rencontra l'œuvre par la est une musique de scène comprenez une pièce de théâtre dans son intégralité entrecoupée d'interludes instrumentaux et de morceaux chantés, genre musical populaire jusqu'au début du XXe siècle où il tomba en désuétude. Elle fut composée en 1872. Bizet et son ami Ernest Guiraud en tirèrent deux suites pour orchestre compilation de quelques morceaux purement instrumentaux ou arrangés comme tels. Le thème du prélude de la 1re suite tiré d'une chanson populaire La Marche des Rois est une des pièces les plus connues de Bizet et revient comme un leitmotiv tout au long de l'épisode. En mineur, il préfigure la sombre histoire de la pièce de Daudet où un jeune homme naïf, Frederi, tombe amoureux d'une belle arlésienne qu'on ne voit jamais, fille aux mœurs légères et perverses. Désemparé par son échec sentimental, Frederi finira par se jeter d'une fenêtre. Les dernières mesures de la première partie du prélude sont entendues quand Numéro 2 écoute le disque. La farandole, concluant brillamment, dans un tourbillon frénétique, la 2e suite d'orchestre, est l'autre pièce connue de cette œuvre. Elle est brièvement jouée par l'orchestre du Village à la demande de Numéro 6. À la fin de la farandole, le thème du prélude se superpose au thème principal, véritable tour de force contrapuntique art de la superposition de mélodies de la part du compositeur. Il n'existe aucun chef d'orchestre connu du nom de Davier ! Parmi les disques disponibles chez le vendeur, on trouve un disque consacré à Schönberg et Berg, deux disques d'artistes classiques la soprano Kirsten Flagstad et la pianiste Annie Fischer, Le Songe d'une Nuit d'Été de Mendelssohn encore une musique de scène !, l'opéra de Virgil Thomson 4 saints en 3 actes. Numéro 6 veut écouter les six disques… mais n'en écoute que trois finalement ! Le journal coûte 2 unités et une horloge à coucou 42 Patrick Cargill 1918-1996 est bien connu des fans des Avengers pour avoir joué dans Cœur à cœur saison 4 et Pemberton dans Les marchands de peur saison 5. Immense comédien de théâtre, où il joue dans tous les domaines mais spécialement la comédie Feydeau en particulier, il est surtout connu pour avoir interprété le rôle principal de la sitcom Father, dear Father en plus d'autres rôles nombreux sur le petit écran. C'était un excellent ami de Patrick Macnee depuis leur jeunesse et il a aussi sorti quelques disques de chansons. Côté grand écran, on peut le voir en majordome dans La Comtesse de Hong-Kong de Charles Chaplin, bref, c'était un comédien complet ! Il avait déjà joué dans la série le rôle de l'ambigu Thorpe dans Le Hoskins 1929-2005 étudia comme tant d'autres à la prestigieuse Royal Academy of Dramatic Art avant de devenir un comédien récurrent des grands théâtres de Londres, partageant l'affiche avec Katharine Hepburn ou Laurence Olivier. Il a également eu une belle carrière au cinéma, partenaire de Vivien Leigh Duel of Angels, Alec Guinness Ross, Lauren Bacall Applause, etc. Et compte une vingtaine d'apparitions dans des séries anglaises comme Sergeant Cork, Emergency Ward 10, Les Professionnels, Le Retour de Sherlock Holmes etc. Ce fut un comédien très apprécié de son vivant. Il a joué dans deux épisodes de Chapeau Melon Le retour du traître saison 3 où il incarnait le major Zulficar et Le dernier des Cybernautes ??? saison 7 où il était le professeur Mason. Hillary Heath ici créditée sous son nom de jeune fille Hillary Dwyer 1945 est une comédienne et productrice de films. Elle a d'abord joué dans plusieurs films d'horreur de la fin des années 60 dont The Cry of the Banshee avec Vincent Price ainsi que dans une adaptation signée Robert Fuest des Hauts de Hurlevent . Elle arrêta néanmoins rapidement le cinéma pour se consacrer à la télévision où elle joua dans plusieurs séries dont Space 1999 mais aussi le rôle récurrent de Jennifer Caldwell dans 12 épisodes de la série Hadleigh mais elle cessa également très vite sa carrière dans ce domaine pour se consacrer au théâtre puis, plus tard, à une carrière de productrice elle produisit le remake télé de Rebecca. Elle fait une brève apparition non créditée dans Le village de la mort saison 5. Séquence culte Affrontement de Kosho Retour à l'index 11. L'ENTERREMENT IT'S YOUR FUNERAL Résumé Un groupe de Villageois les brouilleurs », tente de déstabiliser le pouvoir en préparant un attentat à la bombe contre le Numéro 2 qui ne semble pas prendre les choses aux sérieux. Numéro 6, averti par la fille de l'horloger, instigateur du complot, tente en vain d'arrêter les choses et d'empêcher un assassinat qui donnerait lieu à des représailles dévastatrices. Mais en réalité, ce complot est orchestré directement par… le Numéro 2 lui-même ! Que signifie cette mystification ? Et quel rôle doit jouer Numéro 6 dans cette affaire ? Critique de Clément Diaz L'enterrement marque clairement un second coup de fatigue de la série le premier étant Danse de mort. Après 10 épisodes d'une richesse incroyable et de maîtrise sans failles, il devient de plus en plus difficile de garder un tel sommet de qualité dans la série et forcément, on ne pouvait échapper à un épisode faible ». Plus grave, l'inspiration s'est visiblement bien tarie. Lorsque McGoohan ne prévoyait au départ qu'une mini-série de sept épisodes, c'était parce qu'il pensait que son concept ne pouvait tenir au-delà. Il avait bien raison car la faiblesse de l'épisode réside dans le scénario médiocre de Michael Cramoy qui devait à tout prix chercher une nouvelle idée d'histoire, alors que presque toutes les bonnes idées avaient déjà été traitées. Si l'on excepte le coup d'éclat de Roger Parkes pour l'épisode suivant, on voit que, pour réussir à tenir jusqu'à 17 épisodes, les scénaristes ont dû utiliser des artefacts, des détournements les épisodes 13, 14 et 15, se déroulant hors du Village sont des épisodes de récréation », à part, pas tout à fait dans l'esprit de la série. Quant aux deux derniers, ils terminent la série, ce qui prouve bien qu'il était temps d'arrêter le projet avant qu'il ne s'enlise et L'enterrement, malgré quelques bons moments, fait presque figure d'épisode de remplissage ». Ceci explique vraisemblablement le comportement à fleur de peau de McGoohan pendant le tournage voir Bonus DVD. Introduction mystérieuse une jeune femme, à l'air inexpressif, entre chez Numéro 6 à moitié endormi, elle s'approche et il la plaque sur le lit ! Signalons pour commencer une petite maladresse pour prolonger le mystère de la scène, il aurait mieux valu ne pas montrer que Numéro 6 ne dormait qu'à moitié et ainsi, la surprise du spectateur eût été plus grande. Mais bon, ce n'est qu'un défaut mineur. On s'aperçoit aussi que le superviseur surveille la scène attentivement. Comme d'habitude, Numéro 6 fait preuve de sa galanterie coutumière en se montrant dur envers l'arrivante et en lui parlant sèchement puis lui ordonnant de sortir ! Il n'a confiance en personne et surtout pas dans les femmes qui l'ont si souvent trahi. Comme le dit Numéro 6 avec litote Les mésaventures, ça rend distant » lorsque Numéro 30 la jeune femme s'étonne de cette défiance. Ce n'est pas anodin car McGoohan n'aimait pas tourner avec des femmes et se montrait sévère envers ses partenaires. On peut donc se demander si cette scène est vraiment jouée » ! Il est vrai que McGoohan donne ici, en quelques secondes, une grande intensité à la scène par son caractère mi-ironique, mi-emporté, intensité accentuée par la fragilité d'Annette André dont le personnage semble perdu. Perdu en effet, car elle finit par s'évanouir ! Entrée en scène du Numéro 2 qui explique au superviseur qu'elle a pris une drogue la veille et qui vient de faire son effet à cet instant ! On reste pantois devant les méthodes modernes du Village qui fabrique des évanouissements à distance ! Cette modernisation et ce progrès » seront d'ailleurs repris plus loin. Mais tout ça laisse rêveur l'homme est décidément capable d'inventer tout et n'importe quoi et, malheureusement, ses créations » se révèlent souvent à double tranchant. Ainsi, on invente de nouvelles drogues quand on pourrait créer de nouveaux remèdes mais évidemment, ce ne serait pas le but recherché par Le Village qui irait ainsi contre son profit. Néanmoins, cette scène comporte deux défauts gênants le premier est que Numéro 2 dit que Numéro 6 va jouer le chevalier à la rescousse de la demoiselle en détresse ». Les Numéros 2 ne consultent-ils donc jamais le dossier de leur prisonnier » ? Ils devraient pourtant savoir que Numéro 6 évite la compagnie des femmes ! Certes, il n'est pas dénué de cœur mais la déclaration de Numéro 2 est bien exagérée. Le deuxième défaut et non le moindre est Derren Nesbitt qui n'est vraiment pas convaincant dans cette scène il explique son plan au superviseur sans avoir l'air d'y croire et surtout sans avoir l'air de le comprendre ! Nous avons donc un Numéro 2 moins convaincant que de coutume d'autant plus qu'il est en robe de chambre ! et cette faiblesse va également peser un peu sur l'épisode. Cependant, le personnage reprend un peu de couleur quand il gronde le superviseur pour excès de zèle, il impose soudainement une autorité qu'il n'avait pas avant ! Numéro 30 se réveille Numéro 6 comprend tout de suite ce qui s'est passé mais décide de se calmer et de l'écouter mais Numéro 30 a peu apprécié l'accueil de son hôte et elle refuse de lui expliquer le but de sa visite. Elle sort, furieuse. Numéro 2 grimace il pensait qu'elle dirait à Numéro 6 pourquoi elle était venue ; c'était son plan éveiller sa curiosité ». Pour arriver à son but, Numéro 2 doit trouver un autre moyen de provoquer » son intérêt et il ne peut le faire qu'en ayant l'emploi du temps prévisionnel » de Numéro 6 qu'il demande instamment. Le téléspectateur a donc la possibilité de savoir comment Numéro 6 passe ses journées ou plutôt ses matinées au Village, quotidiennement. Voir les commentaires pour plus de détails. Scène intéressante car elle nous apprend que Numéro 6 garde la forme et ne se relâche pas tant physiquement sport que mentalement échecs ! Il se prépare à tout ce qui pourrait lui arriver. Voilà un homme prévoyant et constamment sur le qui-vive donc difficile à surprendre… Il est vraiment égal à lui-même ! Peu après, vient une scène qui est certainement une des plus réussies de l'épisode elle est tant amusante que satirique. À partir des données du matin, Numéro 8, l'intendante aux machines, explique que l'ordinateur central a prédit ce qu'allait ensuite faire Numéro 6 de sa matinée ! Numéro 2 est sceptique et demande si on peut connaître le taux d'erreur de la machine. Numéro 8 répond que non… parce que la machine a refusé de répondre ! Bientôt les machines seront syndiquées soupire Numéro 2. Scène terriblement d'actualité aujourd'hui. Automatisation à outrance, machines équipées d'un cerveau, mais c'est de nos jours que cela se passe ! Nous sommes en pleine société de consommation où les machines se taillent aujourd'hui la part du lion. Chaque jour, des machines de plus en plus perfectionnées sont crées, devenant partie intégrante de notre vie, jusqu'à ce qu'on ne puisse plus s'en passer. La série n'est pas la première à se pencher sur ce problème qu'elle avait déjà souligné dans Le Général George Orwell dans 1984 créait une société dystopique où les machines remplacent les humains dans toutes les tâches qu'ils faisaient habituellement avachis et paresseux, ils sont une proie facile pour Big Brother qui contrôle ainsi les Terriens. Mais il y a aussi la série La Quatrième Dimension épisode Le solitaire. Et bien entendu Chapeau Melon et Bottes de Cuir et ses machines surpuissantes et intelligentes Les Cybernautes, L'héritage diabolique, Complexe X-41, Meurtres au programme, etc., série contemporaine du Prisonnier. La préoccupation du devenir de l'humanité face aux progrès » réalisés par l'homme était déjà très présente dans les années 60 et quand nous apercevons notre monde maxi-automatisé, nous pouvons légitimement nous demander à quelle catastrophe courons-nous. Le progrès » a créé Internet, outil à double tranchant qui peut se révéler dangereux quand utilisé à mauvais escient. Il a créé des armes, des bombes, des machines meurtrières… est-ce cela le progrès ? Et sous l'humour de cette scène, se cache une véritable réflexion sur nous et les machines. Dans cet épisode, elles se montrent plus fortes que l'homme. Allons-nous vers une dictature à tous les sens du terme des machines, fantasmée par le des Cybernautes mentionnés plus haut ? La dictature a déjà commencé pourrions-nous aujourd'hui nous passer de ces machines qui nous sont devenues si indispensables ? Notre bonheur ne dépend-il plus que d'un ordinateur, une télévision ou une radio ? Triste monde… Revenons sur la scène Numéro 8 dit que l'ordinateur a prédit que Numéro 6 va acheter des bonbons. Impossible » prétend Numéro 2 qui sait que ce n'est pas une habitude de Numéro 6. Mais la prédiction se révèle exacte car Numéro 6 en achète pour une dame à court d'argent ! Le pouvoir des machines est incroyable. Bien que cette scène soit réussie, elle est peu utile à l'intrigue. Pas moins de dix minutes de temps mort » avant que le scénario ne continue à avancer ! On sent que Michael Cramoy ne devait pas être à l'aise en écrivant l'épisode. Maheureusement, la scène du cosho est en creux » elle est longue et offre peu d'intérêt, comme si c'était une scène seulement destinée à faire entrer l'épisode dans son format de 48 minutes. De plus, ce sport se jouant sur des trampolines ne manque certes pas d'action mais confine parfois au ridicule voir les combattants s'éviter, se frapper tout en sautant continuellement… donne un spectacle assez grotesque pouvant laisser dubitatif ! Numéro 6 découvre un détonateur à distance chez l'horloger et comprend aussitôt que Numéro 30 la fille de l'horloger ne lui avait pas menti. Le complot vise Numéro 2 qui, suivant la scène de sa résidence, dit alors que son plan aura vraiment marché lorsque Numéro 6 voudra le prévenir que lui, Numéro 2, est la cible du meurtre ! Perplexité chez le téléspectateur à quoi rime cette comédie ? Numéro 6 tente de convaincre l'horloger de cesser cette folie mais sans succès, tellement il est convaincu de ce qu'il doit faire. En fait, c'est Numéro 100 qui l'a endoctriné ». Méthode redoutable comment prendre possession de quelqu'un ? En s'infiltrant dans ses pensées, par la parole. L'horloger a subi comme une sorte de lavage de cerveau qui le mène à préparer ce complot. Le Village a en effet les moyens de transformer ses habitants en ce qu'ils veulent fait déjà vu dans Liberté pour tous. On pourrait penser qu'il les transformaient uniquement en prisonniers inoffensifs Danse de mort mais on s'aperçoit qu'ils peuvent inverser le processus en créant un prisonnier qui se croit indépendant, et qui s'enferme dans des idées folles, ce qui est tout aussi effrayant. Numéro 100 semble avoir bien rempli sa mission car le vieillard lui est tout soumis, ce qui n'est pas de bon augure. Néanmoins, toutes ces scènes sont uniquement destinées à préparer la scène finale, ce qui fait qu'il ne se passe à peu près rien depuis près d'une demi-heure. Et cette attente interminable est pesante pour le téléspectateur, confronté à une intrigue bavarde et pour le moment dénuée d'action. Numéro 6, bien qu'ennemi de Numéro 2, se doit de le prévenir du complot afin d'éviter les représailles qui s'ensuivraient. Numéro 6 parle donc au Numéro 2 dans un échange riche en pointes acerbes. À la fin, Numéro 2 déclare qu'il ne croit pas ce que lui dit son interlocuteur et Numéro 6 part, dépité. Ensuite vient une scène très invraisemblable Numéro 6 et Numéro 30 entrent pendant la nuit chez l'horloger, ouvrent une boîte et découvrent que la bombe fatale est cachée dans une copie du collier d'apparat que portera Numéro 2 dans deux jours à une cérémonie solennelle. Sur ce, nos amis referment la boîte et s'en vont !… Alors qui leur était si facile de l'escamoter et de faire échouer » le complot » ! Invraisemblance scénaristique mais il y en aura d'autres… Le lendemain matin, nous avons droit à un joli coup de théâtre un retournement analogue avait déjà eu lieu dans L'arrivée avec… un nouveau Numéro 2 ! Ca y'est, on est perdu ! Heureusement, nous commençons à voir ce que cachait toute cette préparation mais quand nous savons enfin à quoi servait toute cette mise en scène, difficile de ne pas être déçus ! Le but est certes machiavélique mais d'une platitude qui détonne lorsqu'on le compare aux précédents buts du Village. Numéro 6 n'est en fait qu'un pion sur l'échiquier d'une machination qui ne le vise même pas ! Et le bénéfice qu'en retirerait le Village si le plan réussissait serait assez minime ! Bref, une révélation » qui tombe à plat et qui ne justifie guère toute la première longue demi-heure de l'épisode. En plus, pourquoi avoir choisi Numéro 6 et non un autre prisonnier pour ce plan ? Pour que ce soit vraisemblable » comme il le dit ? Mais comme il est précisément le prisonnier le plus intelligent et le plus révolutionnaire » du Village, c'était un choix plutôt dangereux comme la suite va le montrer. Autre incohérence il aurait été tout aussi bon de ne pas mêler Numéro 6 à la conspiration car elle pouvait très bien marcher sans lui ! Pour parachever le tout il était évident que Numéro 6 allait comprendre toute la machination et en avertisse directement la victime. Le plan a été éventé en peu de temps et si beaucoup reste à faire pour empêcher le meurtre, on reste confondu devant cette conspiration pas du tout crédible, un abus de grosses ficelles peu digne de la série ! Nous avons heureusement droit à un autre dialogue tendu entre Numéro 6 et Numéro 2 enfin, le suspense commence à monter dans l'épisode et il ne retombera que dans les dernières secondes. Le bilan n'est guère heureux pour le moment une trop longue introduction et une révélation ratée. Heureusement Cramoy va se racheter dans la scène finale mais l'inspiration arrive quand même assez tard après 39 minutes !. C'est le final nous sommes à la cérémonie et le collier fatal y est bien présent. Numéro 6 et Numéro 30 recherchent et finissent par trouver où se trouve le père de cette dernière qui a le détonateur. Le temps paraît s'accélérer tandis que la caméra fixe tantôt l'objet mortel, tantôt la course de Numéro 6 qui veut arrêter l'attentat. Le suspense semble prendre fin au terme de la course mais non un second suspense s'enchaîne lors du combat Numéro 6-Numéro 100, certainement un des plus réussis de la série avec celui de Musique douce bien que brève, la bagarre est saisissante par l'énergie débordante des antagonistes voir Commentaires et tient le téléspectateur en éveil. L'investissement des acteurs fait plaisir à voir, tellement ils se rendent coups sur coups tandis que Numéro 100 tente d'actionner le détonateur ! Frissons garantis ! À la bagarre succède alors la chute, pas spectaculaire mais assez inattendue et qui marque pour la première fois une évasion réussie du Village grâce à un chantage finement exercé ! Mais ce n'est pas celle de Numéro 6 ! Il est réjouissant que ce soit finalement un attribut de pouvoir le collier honorifique qui cause la perte de celui qui le détient et qu'un engin de mort entraîne le salut d'un autre. Étrange mais très bonne inversion de rôles, soutenue par un Numéro 6 joyeusement désinvolte dans une situation aussi grave ! Il faut dire qu'il vient encore de remporter une bataille et peut donc sourire face à la mine effondrée de son adversaire. Dix minutes intenses qui rachètent un peu la mollesse globale des trois premiers quarts de l'épisode. Signalons en passant que le monument consacré à la "Réussite" n'est un gros bloc de marbre avec le mot écrit dessus ! La réussite n'est-elle qu'un but abstrait ? Qui n'est pas concret ? Ouverture philosophique que cette allégorie obscure... On l'aura compris le scénario de Michael Cramoy est décevant et invraisemblable, truffé d'incohérences et ne s'appuyant que sur la séquence finale après de très longues scènes de préparation. Cependant le suspense et l'action parfaitement maîtrisés des dix dernières minutes sont à mettre à son crédit, nous offrant une jolie chute totalement imprévue. Sans oublier qu'il a enfin l'idée de présenter une femme sincère, alliée de Numéro 6 jusqu'au bout quelle ironie alors que les deux comédiens ne se supportaient pas !. Tout n'est pas à jeter… La caméra de Robert Asher suit en gros le scénario décontenancé par l'esprit si étrange de la série, il se contente de filmer les scènes sans grande originalité et ne fait rien pour donner un peu d'énergie à cette histoire qui se traîne. Heureusement, sa caméra se réveille en même temps que l'intrigue montage serré, tempo rapide, alternance savante de plans dans la scène finale qui s'en retrouve davantage renforcée. À défaut d'une réalisation parfaitement contrôlée, on n'enlèvera pas à Asher son talent de directeur d'acteurs Annette André, malgré sa relation conflictuelle avec McGoohan rien ne le laisse paraître dans l'épisode, preuve du professionnalisme des acteurs, compose une figure de jeune femme belle, fragile et sensible, à mille lieues des garces habituelles de la série, qu'elle joue sans automatismes, changeant subtilement les moindres nuances de son jeu quand il le faut, évitant de surjouer. Bref, rien à dire ! Mark Eden n'a malheureusement pas un rôle à sa hauteur le Numéro 100 semble plutôt anodin dans l'épisode où il n'est que le serviteur de Numéro 2 mais le peu qu'il a à faire, il le fait très bien. Derrière ses bonnes manières, son sourire, il cache bien son jeu et fait merveille à chaque fois qu'il apparaît. Ça fait plaisir ! Après son relatif évincement devant l'énorme numéro de Patrick Cargill dans l'épisode précédent, McGoohan reprend la main et joue très bien son rôle. On est certes loin de ses prestations dans les épisodes précédents mais le spectateur est ravi de voir qu'il n'a rien perdu ni de son panache ni de son enthousiasme à jouer ! La première scène notamment, où il se dispute avec Annette, lui doit beaucoup, sans oublier sa rage furieuse pendant la bagarre finale. Donc, tout va pour le mieux ! La déception vient donc de Derren Nesbitt son Numéro 2 n'est guère convaincant et il ne semble pas croire en son rôle. Toutefois comme Nesbitt ne comprenait pas comment fonctionnait la série, on peut lui accorder les circonstances atténuantes. Mais son jeu bloqué, malaisé, ne sert pas l'épisode. Dans certaines scènes, il n'évite pas la fadeur conversation avec son chef. Heureusement, il réussit à être convaincant sans trop forcer dans la dernière scène où il passe d'un sentiment opposé à un autre avec réussite, ou bien quand il parle d'un ton léger avec Numéro 6. Mais globalement, sa performance n'est guère mémorable. Un des moins bons Numéro 2. Les seconds rôles sont très bons Martin Miller joue l'horloger buté et irascible avec conviction. Il en fait parfois des tonnes mais ça marche ! Wenda Ventham n'apparaît que peu mais interprète excellemment l'intendante au rapport cette blonde froide avec son costume bleu qui en rajoute sur cet effet consciencieuse et maniaque de la précision, est un plus bienvenu pour l'épisode ! Van Gyseghem joue un superbe nouveau Numéro 2 le seul dirigeant à se révéler humain et fragile. Toujours juste dans l'émotion et dans l'angoisse, il attire la sympathie du spectateur et même Numéro 6 semble avoir pitié de lui ! Un beau numéro mille fois trop court ! Mention spéciale à Charles Lloyd Pack vu dans La poussière qui tue et À vos souhaits ! qui joue un peintre à la délicieuse excentricité. Enfin n'oublions pas l'amusante Voix trop enthousiaste pour être sincère de Fenella Fielding ! La musique est plus discrète que d'habitude mais festive et joyeuse lors de la cérémonie, elle se décale complètement des événements dramatiques en cours ! Sauf pendant la bagarre où elle devient plus vive et plus féroce, exactement comme le combat survitaminé qu'elle accompagne. Contrat plutôt bien rempli ! Avis de Denis Chauvet Un épisode original où le Numéro six prend du galon en s’immisçant judicieusement dans une guerre de succession entre numéros deux. Averti d’un complot visant à assassiner un 2 vieillissant, le Prisonnier parvient à tirer avantage et affaiblir le prochain 2 – un jeune loup arriviste - avant que celui-ci ait pris pleinement les fonctions au Village. Les principales guest stars sont deux acteurs qu’on retrouvera dans Amicalement vôtre quelques années plus tard Derren Nesbitt est un bon et excentrique numéro 2 – le seul gay de la série avec son homme de main n° 100 en rose – et Annette Andre N°50 est mise plus en valeur que dans La danseuse. On ne peut pas dire que la série foisonne de jolies filles et après Jane Merrow, c’est la seconde à avoir un rôle consistant. Dans cet épisode, il y a aussi Wanda Ventham N°8, qui épie le Prisonnier avec un rôle plus modeste. La séquence d’introduction est excellente Tell them I was not interested’. Le 6 ne tombe pas dans le panneau et il est tout de suite conscient, dans son pyjama sexy, que la belle est envoyée par le Dôme Vert d’ailleurs, la porte est ouverte automatiquement. Mais, sans user de son charme, il parviendra à utiliser la fille, qui fut droguée la veille et manipulée à son insu, à bon escient. Comme prévu dans le plan du jeune numéro 2, le 6 l’avertit du complot visant à l’assassiner de peur que les habitants du Village soient punis, sauf que le 2 visé –le vieux – est la véritable cible. A part l’introduction, la séquence des anticipations des activités journalières est cocasse - on y reconnaît de suite le peintre à sa diction c’est Charles Lloyd Pack de la Poussière qui tue et ses fameuses chaussettes – la longue séquence de kosho est tellement déconcertante qu’on l’apprécie ici, surtout qu’on comprend enfin le but final. J’ai noté aussi la tentative de faire passer le 6 pour un menteur et le discréditer avec la succession de 2 qu’on n’a d’ailleurs jamais vu et la bagarre finale. Dans les points négatifs ; le fait de piquer la montre du 6 pour l’envoyer voir l’horloger, le père de la fille, qui a préparé la bombe, et l’exemple d’épisode tourné en studio. Toutes les vues du village sont des inserts avec des figurants, le reste n’est qu’une reconstitution. Malgré des invraisemblances – mais quel épisode n’en a pas dans cette série ? - et des critiques négatives, cet épisode est divertissant et reste cohérent. En tout cas, même à l’époque, les économies pour les retraites étaient un sujet d’actualité ! Infos supplémentaires L'enterrement fut un épisode très éprouvant. McGoohan avait du mal à garder le niveau de qualité jusque-là remarquable de la série et se montra de plus en plus intransigeant et tyrannique. Toute l'équipe en fit les frais Robert Asher ne comprenant rien à la série même après avoir visionné L'arrivée ! et Derren Nesbitt pas davantage, ils évoluèrent donc dans une grande confusion, ne sachant quoi faire. La réalisation peu assurée d'Asher et le jeu bloqué de Nesbitt ulcéra McGoohan qui se demandait À quoi rimait ce cirque ! ». Il perdit fréquemment le contrôle de ses nerfs sur cet épisode et passa une grande partie de son temps à engueuler tout le monde, notamment le réalisateur sur qui il criait régulièrement, et cela en public. Finalement, il le renvoya et termina l'épisode lui-même. Ce comportement choqua Annette André qui le jugeait contraire à l'éthique. De plus, McGoohan n'aimant pas tourner avec des actrices, se montra assez dur avec elle. Elle a avoué avoir détesté cette expérience, ainsi que l'acteur, dès la première minute et confié son envie d'avoir voulu abandonner l'épisode en cours de route. Son agent parvint à la convaincre de rester, bon gré, mal gré, jusqu'au bout. Un autre membre de l'équipe, sous une pression constante, fit une dépression nerveuse. Mark Eden pense que McGoohan était en train de craquer sous la pression et la trop haute exigence qu'il s'imposait. Enfin, McGoohan, furieux, renvoya le réalisateur et termina l'épisode lui-même ! Bonus DVD La scène de bagarre entre Numéro 100 et Numéro 6, énergique et rythmée, doit sa réussite d'abord au fait que les deux acteurs, en bonne forme physique, faisaient leurs cascades eux-mêmes. Mais surtout au fait que McGoohan, emporté par son rôle, combattit avec sérieux, surprenant Mark Eden qui n'avait pas l'habitude de combattre pour de vrai ». Eden fut inquiet pour lui-même car McGoohan le frappait durement et un moment l'étrangla avec beaucoup de conviction. Eden, malgré sa robuste constitution, eut beaucoup de mal à repousser Patrick, très costaud. Cette scène montra à quel point McGoohan s'identifiait avec passion à son personnage Bonus DVD. Il était une fois ira encore plus loin, car McGoohan et McKern frôlèrent de peu la schizophrénie. Le tournage des épisodes restants, parfois, devint très fatigant pour les acteurs au fur et à mesure que le dénouement approchait et que McGoohan devenait de plus en plus insupportable. Un bon point quand même Wanda Ventham aima beaucoup travailler avec Derren Nesbitt car elle le trouvait passionnant et excentrique dans sa manière de jouer. Bonus DVD Cet épisode est le premier où l'on voit enfin un Villageois réussir à s'évader. Il faudra attendre l'ultime épisode pour voir d'autres évasions et dans une moindre mesure L'impossible pardon. Cet épisode permet de connaître l'emploi du temps matinal habituel de Numéro 6 au Village il se lève relativement tôt et, dès 6p0, fait une promenade quotidienne dans Le Village et monte au sommet du clocher. À 7p0, il entretient sa forme physique gymnastique, boxe…. À 8h15, il se détend en faisant du ski nautique. À 9h00, il prend un café et achète le journal. À 9h20, il se rend à la maison de retraite pour jouer aux échecs et pose comme modèle pour un prisonnier peintre. Lors de la partie d'échecs, Numéro 6 mate son adversaire en seulement 11 coups ! Jolie performance. Pourtant, il reste bien peu de pièces sur l'échiquier ! On s'aperçoit qu'il aime vraiment le noble jeu » car il y joue assez souvent ! Numéro 6 n'achète jamais de bonbons. Pour faire ses achats, chaque prisonnier dispose d'un crédit hebdomadaire » à ne pas dépasser. Dans un autre domaine, Numéro 6 s'entraîne au cosho sport de combat imaginaire déjà mentionné dans Le marteau et l'enclume et semble très bien s'y débrouiller ! Une saynète hilarante Numéro 6 pose comme modèle pour un prisonnier peintre amateur mais son œuvre semble être d'une totale abstraction car Numéro 6 a disparu de la toile au profit d'une peinture qu'on pourrait qualifier de contemporaine » ! Ce peintre aurait-il rencontré Emma Peel qui dans Comment réussir… un assassinat ? déployait un certain talent pour l'abstraction visuelle ?!! Très ressemblant ! » commentera Numéro 6 pince-sans-rire. Plus ironique, difficile de trouver ! Il y a une liste qui recense les gens mécontents dans le Village… et Numéro 6 tient la première place ! Comme c'est étrange… En tout cas, Numéro 6 espère être digne » d'un tel honneur ! On notera, lorsque le Numéro 2 à la retraite expose la vidéo truquée à McGoohan, la présence d'un Numéro 2 féminin ! Il y'eut donc, dans Le Village, un quatrième Numéro 2 femme, après ceux de Liberté pour tous , Le retour et Danse de mort. Pour une des rares fois de la série, nous avons une femme sincère et qui ne trahit pas Numéro 6. Numéro 30, en effet, restera son alliée jusqu'à la fin. Seule Numéro 73 dans l'épisode précédent semblait être un autre portrait de femme sincère. Elle s'appelle Monique. C'est la troisième fois que nous connaissons le véritable nom d'un prisonnier les deux autres étant Nadia Numéro 8 du Carillon de Big Ben et Alison Numéro 24 de Double personnalité. Seulement des femmes ! L'intendante aux machines porte le Numéro 8, le numéro de Nadia dans Le carillon de Big Ben. Drôle de boutique que tient l'horloger ! À peu près toutes les horloges indiquent des heures différentes ! Le méprobamate ou Carbamate de 2-carbamoyloxyméthyl-2-méthylpentyle en jargon scientifique, mentionné par le Numéro 2 est en fait une drogue ayant des propriétés myorelaxantes détente des muscles et a un effet anxiolytique contre l'angoisse. À dose et à traitement surpuissants, il peut provoquer en effet une syncope mais la commander à distance est une performance qui n'a pas encore été rééditée à ce jour ! Cinquième apparition de la Voix. Quelques erreurs de continuité à 11', on voit très bien le cascadeur doublant McGoohan quand il s'exerce à la gymnastique ! À 31'40, Annette André porte une capeline sur ses épaules mais l'instant d'après, elle a disparu ! Elle réapparaît néanmoins dans le plan suivant !Acteurs/Actrices Derren Nesbitt 1935 a commencé relativement tôt sa carrière à la télévision et au cinéma. Son physique à la fois avantageux mais inquiétant lui a donné beaucoup de rôles d'individus peu recommandables. Il tourna surtout dans des films de guerre et d'action dans les années 60 et 70 comme Le Crépuscule des Aigles, Chantage au meurtre avec Frank Sinatra, et surtout le rôle du Major SS von Hapen dans Quand les aigles attaquent avec Burton et Eastwood qui le rendit célèbre. Parallèlement, il tourna souvent à la télé dans les séries de l'époque Destination Danger, Le Saint, Docteur Who sept épisodes, rôle de Tegana, Amicalement Vôtre, L'Homme à la Valise… ainsi que dans des feuilletons The Courtroom, 11 épisodes dans le rôle du juge Arnold Francis. Il scénarisa et réalisa aussi quelques films mais sa carrière déclina dans les années 80. Il continue cependant de tourner occasionnellement. Son rôle dans cet épisode est un de ses plus fameux. Annette André 1939 est principalement connue pour avoir joué le rôle féminin principal de la série Randall and Hopkirk Deceased Jeannie, la jeune veuve de Marty Hopkirk joué par Kenneth Cope. Ayant d'abord débuté comme chanteuse et danseuse puis comme comédienne au théâtre en Australie son pays natal, elle s'installa en Angleterre et se tourna ensuite vers la télévision où elle joua de nombreuses apparitions dans Le Saint, Le Baron, Amicalement Vôtre, Adam Adamant Lives !... mais aussi dans de populaires soap operas de l'époque Crossroads etc. mais aussi un qui s'appelait... Prisoner ! Bien que le théâtre ne fut pas sa passion principale, elle ne dédaigna pas la scène ou les comédies musicales Vanity Fair ou Le Forum en Folie. Elle prit ses distances avec les écrans et la scène à la fin des années 80 et n'apparaît plus qu'assez rarement, pour se consacrer entre autres à la défense des animaux. Cette délicieuse blonde apparaît deux fois dans Chapeau Melon La mandragore saison 3 et Le château de cartes saison 7. Mark Eden 1928 a mené une partie de sa carrière de comédien au Royal Court Theatre tout en jouant à la télévision où il trouva son meilleur rôle à la fin des années 80 celui de Alan Bradley dans le plus long soap opera de l'histoire de la télévision Coronation Street. Sa mort tragique dans la série fut une des scènes les plus marquantes jamais tournées et donna lieu à la création d'un arrêt de tram sur les lieux ! Indépendamment de ce rôle, Eden joua dans beaucoup de séries télé comme Docteur Who où il fut Marco Polo à sept reprises ou bien Le Saint, L'Homme à la Valise, Z-cars, Les Professionnels…etc. Il tourna peu au cinéma citons cependant un petit rôle dans le célèbre Docteur Jivago de David Lean ce qui ne l'empêche pas d'être un acteur assez reconnu dans son pays. Il est apparu dans deux épisodes de Chapeau Melon Ashes of Roses saison 1 et Mission à Montréal saison 2.André van Gyseghem 1906-1979 a brièvement travaillé dans l'édition d'œuvres musicales avant de se tourner vers le théâtre en suivant des cours à la fameuse Royal Academy of Dramatic Art. Son relatif succès dès les années 30 dans des pièces contemporaines décida de sa carrière dans le théâtre et il y joua jusqu'à sa mort. Privilégiant la scène, il a peu tourné au cinéma et ses apparitions à la télévision concernent davantage des feuilletons ou des petites séries inédites en France à l'exception de deux épisodes de Destination Danger et un du Saint. Ce rôle dans cet épisode est certainement son plus Miller 1899-1969 a surtout enchaîné des petits rôles au cinéma Allez coucher ailleurs, La Panthère Rose, Le Troisième Homme, Le Voyeur… et à la télévision, apparaissant dans des téléfilms ou des séries comme Destination Danger, Département S, deux épisodes, rôle de Kublai Khan ou Le Saint. Ce rôle dans cet épisode est un de ses derniers. Il fait une brève apparition non créditée dans Les aigles saison 4.Wenda Ventham 1935 s'est spécialisée dans des rôles de télévision plus d'une centaine de séries et feuilletons et plus rarement au cinéma. On a pu la voir dans Destination Danger, Le Saint, Département S, Z-cars… Elle a obtenu quelques rôles récurrents dans Docteur Who 13 épisodes, trois rôles différents, Fallen Hero 12 épisodes, Dorothy Hopkins, The Lotus Eaters 15 épisodes, Ann Shepherd, Oscar Charlie 12 épisodes, Beryl et bien d'autres... Elle a également joué dans un épisode de Chapeau Melon Les fossoyeurs saison 4. Séquence culte Prédiction du comportement humain Retour à l'index 12. J'AI CHANGÉ D'AVIS A CHANGE OF MIND Résumé À cause de sa nature indépendante et rebelle, Numéro 6 est accusé de ne pas vouloir s'intégrer au Village, donc d'être un asocial ». Refusant de faire amende honorable après avoir défait en combat deux gardiens provocateurs et continuant à s'affirmer comme individu, les Villageois le fuient comme la peste. Malgré son isolement, il continue à défier le comité social avant que le Numéro 2, via le Numéro 86, une séduisante mais cruelle jeune femme, le contraigne à subir un processus de réhabilitation », soit une lobotomisation irréversible qui le rendra inoffensif… Critique de Clément Diaz J'ai changé d'avis arrive de manière inespérée après le trou d'air que constituait l'épisode précédent. Il repose avant tout sur un scénario génial de l'inspiré Roger Parkes qui joue ici la carte de la tension au maximum via l'aliénisme et les dangers de la psychiatrie, il offre une intrigue impeccable tant plaisante au niveau du divertissement que profonde au niveau de ce qu'elle dénonce. Cet épisode, assez stressant dans sa première partie, et qui ne relâche la tension que peu à peu ensuite, est ainsi d'une étonnante noirceur. Peu d'humour et le suspense est au premier plan. Il crée un épisode dont l'idée de base est une des plus étincelantes de la série et qui frôle de peu le chef-d'œuvre, marquant durablement le téléspectateur. Enfin, le fond de l'épisode est très riche, dans la lignée des premiers épisodes. Fait très important cet épisode marque la fin d'une période. C'est le dernier dont l'action se déroule au Village, les cinq autres se déroulant ou au dehors du moins semble-t-il ou sous le Village. Intro en force ! Numéro 6 s'entraîne physiquement et intensivement comme à son habitude voir épisode précédent jusqu'à ce que deux hurluberlus pas nets s'amènent et commencent à le provoquer. Remarquons l'adresse des répliques ils accusent Numéro 6 d'être antisocial, provocateur et incivil… ce qui est tout à fait exact ! Numéro 6 ne voulant pas rentrer dans le moule du Village se met donc à l'écart ce qui est mal perçu par le comité » social. Si l'on prend comme modèle les règles du Village Numéro 6 n'existe que par des négations pas collectiviste, pas dans la masse », pas prisonnier dans sa tête », pas inoffensif… c'est le ver dans le fruit, et il représente, parce qu'il pense encore, un danger pour les dirigeants qui veulent dominer tout le monde. La bagarre qui suit est très réussie les coups pleuvent de toutes parts jusqu'à ce que les assaillants jettent l'éponge. Rythmée, soutenue, cette scène d'action est très efficace. Bref, une introduction musclée surprenante quoique celle de Musique douce l'est tout autant qui ouvre très bien cet épisode. Numéro 6 est convoqué par le "comité social" dont le but est que tous les Villageois ne s'écartent pas du droit chemin et demeurent de bien obéissants moutons de Panurge on en a déjà eu une démonstration avec les électeurs sans cervelle de Liberté pour tous. Les méthodes du comité sont d'une efficacité troublante dès qu'un prisonnier commet l'erreur de vouloir prendre des velléités d'indépendance, le comité le culpabilise voir Numéro 42 sanglotant sans discontinuer ou l'air peu assuré de ceux qui sont dans la salle d'attente puis le contraint à un humiliant mea culpa public le prisonnier doit dire devant tout le monde qu'il a fauté, que les dirigeants ont raison et qu'il faut les remercier de lui permettre de redevenir social », etc. Le summum est atteint quand on voit qu'en fait, le prisonnier fautif » répète tout ce que lui dit le haut-parleur. On en a l'expérience avec Numéro 93 qui subit en pleurant cette amère expérience. Comment ne pas y voir une dénonciation de l'asservissement, de la pensée unique, du formatage mental si chère à notre société castratrice ? Si nous n'allons pas dans le sens qu'elle indique, la société nous rappelle à l'ordre, nous force à accepter ses principes. Et Numéro 93 de répéter comme un perroquet la confession qu'on lui dicte. Nul doute qu'après cette expérience, son sens critique étant détruit, il rejoindra le troupeau des civils qui acceptent leur sort sans se révolter à l'image de ceux qui l'applaudissent après qu'il ait battu sa coulpe… et bien sûr, Numéro 6 est le seul à rester immobile !. Cela n'est pas sans rappeler les autocritiques exigées sous le stalinisme des "dissidents" qui ne s'entendaient pas avec le pouvoir. Voilà ce que veut notre société elle a tellement peur de l'individualité propre en chaque être qu'elle veut la museler thèse défendue par Nietzsche dans Aurore en nous forçant à entrer dans la masse ». Les moyens sont divers comme le travail ou la sous-culture qui nous empêchent de penser » alors que l'homme par définition est un être pensant comme le disait Pascal ou tant d'autres choses ici résumées sous la forme d'une apologie du collectivisme qui fait appel à nos bons sentiments tout doit être sacrifié au profit de la communauté, il faut le bien public, etc. ce qui fit qu'on interpréta parfois et sans doute à raison la série comme anti-communiste, il faut dire que nous étions en pleine Guerre Froide en 1967 ! Cependant la série va bien au-delà de son contexte historique ce qui explique qu'elle soit toujours d'actualité. Sophisme car cette politique dénigre l'individu en lui ôtant toute liberté de penser. Lorsqu'un homme n'a plus le choix de penser par lui-même, ce n'est plus un homme ! Telles sont les paroles de l'aumônier d'Orange Mécanique où Kubrick dénonçait violemment le traitement d'Alex destiné à le réintégrer » et contre sa volonté… ce qui est très proche de cette scène du Prisonnier finalement le film fut réalisé quatre ans plus tard. Or Numéro 6 ne le veut pas et lutte contre ce système qui lobotomise » les révoltés de gré » un gré relatif ! comme Numéro 93, condamné à ne plus penser par lui-même ou de force » comme nous allons bientôt le voir. On peut y voir aussi un écho au monde contre-utopique de 1984, décidément une influence permanente de la série, avec Winston Smith qui se révolte contre Big Brother avant d'être finalement vaincu comme Numéro 93 par ce système qui a réussi à anéantir ses volontés de révolte, acceptant son monde absurde 2+2 = 5 si Big Brother le veut. À l'opposé de ça, Numéro 6 défie le jury sans cervelle comme dans Liberté pour tous avec ironie, affichant clairement qu'il ne veut pas rentrer dans leur jeu. Cependant, le chef des jurés interrompt la séance car… c'est l'heure de la pause ! Une manière pour la série de critiquer la lenteur des administrations ? Pas impossible ! Numéro 6 sort donc et a l'occasion de voir que les méthodes du Village marchent avec une rapidité et une efficacité subjuguantes tout le Village se détourne de lui ! On ne le salue plus, on le fuit, on l'esquive… le journal parle déjà ! Comme dans Liberté pour tous, les infos circulent plus vite que l'éclair ! Comme internet aujourd'hui de son asocialité. Numéro 6 est maintenant isolé ». Le Village a appris à ses habitants à ne plus se mêler aux asociaux », ceux qui n'acceptent pas leurs règles iniques. Big Brother à l'écran ! S'ensuit un dialogue brillant, concentré à l'acide sulfurique, entre Numéro 6 et le Numéro 2 du jour qui joue la carte de la séduction il lui parle tel un politicien captieux à ses électeurs montrant que cet épisode est décidément très proche de Liberté pour tous. Dommage toutefois que le personnage soit assez plat… Entrée de Numéro 86, troisième personnage principal de l'histoire. C'est une jeune femme d'une grande beauté mais très glaciale avec ses cheveux relevés, sa blondeur frigide, ses yeux de glace, son habit bleu foncé et sa voix dénuée de chaleur. Elle s'impose dès son entrée comme étant stoïque, sans émotions, glaciale, sévère, austère… ce qui contraste étrangement avec son charme naturel Angela Browne étant un véritable canon de beauté ! auquel Numéro 6 évidemment reste insensible ! Elle lui parle avec un ton de réprimande comme une maîtresse sermonnerait un petit enfant et cache mal son agacement devant le ton léger de son interlocuteur. Réjouissante conversation ! C'est elle le grand personnage de l'épisode et elle sera un de ses meilleurs atouts. La tension monte toujours avec Numéro 6 qui persiste à défier le comité... Visite médicale où le médecin le déclare apte à faire face à toute éventualité ». Hum, à prendre au degré qui nous plaira ! Numéro 6 va dans le couloir et la tension monte brutalement il rencontre deux asociaux » soumis à des traitements terriblement efficaces l'un subit un avatar du traitement Lodovico celui d'Orange Mécanique de Kubrick, thérapie par le dégoût, l'autre a été lobotomisé ! Là, on commence par avoir assez peur ! Imaginez Numéro 6 inoffensif et obéissant… effrayant ! Voilà la punition pour ceux qui n'obéissent pas aux règles qu'on leur impose le Village a le pouvoir de faire ramener de force les brebis galeuses » en les abrutissant, en leur lavant le cerveau. N'est-ce pas ce que la société veut de nous ? Dans notre monde actuel, surchargé d'informations et de bêtises, tout se produit pour que nous perdions notre capacité à réfléchir et tôt ou tard, on y succombera si on n'y résiste pas. Le traitement monstrueux exercé sur ces patients est une allégorie de ce qu'on vivait déjà en 1967 et de ce qu'on vit maintenant aujourd'hui lavage de cerveau par bourrage de crâne en messages, bêtises, endoctrinements qui ne disent pas leurs noms… bref, tout ce qui nous environne veut nous ramollir la cervelle et c'est à nous de lutter pour garder notre indépendance comme le fait Numéro 6. Verdict du comité Numéro 6 est asocial ! Quelle surprise !. Immédiatement, il est ostracisé Numéro 6, désormais solitaire, rejeté par tout le monde, va devoir surmonter une forme terrible de solitude qui n'est pas sans rappeler celle qu'on impose au malheureux allemand dans Le Joueur d'Échecs de Stefan Zweig. Numéro 6 subit mal cette solitude, c'est visible et normal car nous ne vivons que grâce à la communauté, bonne ou mauvaise. Rien n'oppresse autant l'âme humaine que le néant mais il est têtu et tient tête au comité d'appel qui va maintenant utiliser la force ils vont le lobotomiser pour neutraliser son agressivité et son asocialité ! Toutefois, les villageois commencent à le regarder de travers et l'atmosphère à devenir très lourde… Entendre la Voix annoncer qu'il y a risque d'orages est donc à double sens ! Et finalement la tension accumulée au fil de l'épisode explose sauvagement et de manière totalement renversante les Villageois, Numéro 56 en tête, se ruent sur Numéro 6 et le frappent à coups de parapluie tout en le traînant jusqu'à l'hôpital ! Comme dans Liberté pour tous, la violence physique est l'inexorable aboutissement de la violence psychologique, le sommet du crescendo. Et nous assistons à un véritable lynchage ! Complètement brisé, Numéro 6 arrive à l'hôpital et est mis sous calmants sous les cris de la foule en délire ! Une des scènes les plus effrayantes de la série qui doit toute sa force à la progression opérée par Roger Parkes qui a fait lentement monter la sauce avant de tout faire exploser… éprouvant ! Mais Parkes ne nous laisse pas le temps de respirer car l'opération va s'enchaîner sans transition et c'est le sommet de l'épisode Numéro 86, dans sa blouse blanche, s'adresse à la caméra qui filme en direct l'événement. Elle explique d'une voix lente, froide, dénuée d'émotion, la façon dont la lobotomie va se passer. Certainement une des scènes les plus insoutenables de la série par son sadisme car Numéro 6 entend distinctement tout ce qu'elle dit et son regard de fou détraqué en dit long sur ce qu'il endure. La lobotomie débute sous le sourire cynique de Numéro 86 tandis que le noir envahit l'image dans une ellipse lourde de sens… Réveil à l'hôpital. Numéro 6, un pansement sur la tête, semble tout à fait ailleurs. Numéro 86 le regarde fixement et dit au docteur qu'elle va s'occuper de lui. Sa beauté froide, enveloppée dans une robe bleu clair, rayonne dans la scène, presque sans paroles, bien mise en valeur par la réalisation. Angela Browne montre toute l'étendue de son talent en jouant fort bien l'hypocrite. Son sourire, sa douceur maternelle, sa voix délicieusement modulée… tout sonne faux dans son attitude ! Et un tel décalage maintient la tension, entretenue également par McGoohan dont le visage idiot aux gros yeux dessine un nouveau portrait de Numéro 6 inoffensif et neutralisé… Un véritable cortège de Villageois en fête escorte la voiture qui le ramène à la maison. Villageois qui, il y a peu de temps, lui tapaient dessus. Rarement l'expression moutons de Panurge aura été si bien employée ! C'est le chaos dans l'esprit de Numéro 6, il est troublé, confus mais a encore des reflexes de méfiance de retour chez lui. La pression se relâche quelque peu mais pas la curiosité… Arrive alors le Numéro 2 qui enfin pose une question qu'on n'avait plus entendue depuis Double personnalité pourquoi a-t-il démissionné ? Numéro 6 se plaint de ne pouvoir rassembler ses pensées et demande du temps. Dans cette scène, Numéro 2 est angoissant il ne cesse de questionner Numéro 6, élevant et baissant la voix. Chantant presque ses paroles comme à un enfant pas sage… Un vrai cauchemar éveillé ! La suite de l'épisode, il faut bien le dire, est malheureusement moins réussie que la première partie car Roger Parkes va choisir de diminuer peu à peu la tension et va bientôt passer du dramatisme sombre à ce qui est presque une comédie. Un tel renversement est assez frappant après une demi-heure à fleur de peau et casse le rythme de l'épisode. En effet, lorsque nous voyons le dessous des cartes, lors de la scène chez Numéro 2, nous sommes pantois face à cette grande machination diabolique ! Pas vraiment surprenante mais qui fait quand même son effet. Malgré tout cette révélation » arrive un peu tôt et désamorce grandement le suspense car anticipant trop la chute finale. L'épisode commence à basculer dans l'humour. Numéro 6, qui retrouve lentement ses esprits même s'il a encore du mal à y voir clair, tient tête à Numéro 86 en jouant un numéro d'enfant incorrigible ! Et il finit par la mettre dans sa poche grâce à un habile subterfuge voilà Numéro 86 qui part dans un délire abscons ! Elle est à mourir de rire ! Enfin, la perfide blonde glaciale bascule dans la folie douce, roulant des yeux, souriant bêtement… Un tel humour, arrivant de manière soudaine, détonne dans l'ambiance de l'épisode et désoriente le téléspectateur. Le jeu des comédiens est cependant un spectacle jubilatoire ! Numéro 86 part donc retrouver le Numéro 2 mais flottant sur un nuage lointain, on peut émettre des doutes quant à sa capacité de faire un rapport !! Et soudain, vlan, le sérieux reprend ses droits lorsque Numéro 6 s'aperçoit qu'il existe beaucoup de personnes lobotomisées dans Le Village la scène avec Numéro 46 fait froid dans le dos et donc une fêlure apparaît. Là, l'épisode commence à déconcerter. Et si Numéro 6 ne sortait pas de la prison mentale qu'on lui a construite finalement ? Après avoir de nouveau bagarré avec les deux lascars du début, Numéro 6 croise le chemin de Numéro 86 qui plane dans son monde à elle, ce personnage cruel devient d'un comique irrésistible ses poses changeant à chaque instant, ses sourires niais… quel contraste avec la virago du début ! Mais le comique s'arrête de nouveau et le suspense revient en première place avec une réjouissante scène d'hypnose dans laquelle nous apprenons tous les détails du complot. Détails superbement ciselés qui laisse admiratif devant l'abnégation du Village à faire parler ses prisonniers, usant des coups les plus tordus ! La scène se termine en suspens complet par une ellipse judicieusement amenée qui prépare le finale. Pendant tout ce temps, le Numéro 2 est resté bien inactif ! Il n'est pas sans rappeler son prédécesseur d'Échec et mat il voit bien que quelque chose ne va pas mais il décide de laisser les choses suivre leur cours et surtout de laisser le Numéro 6 sans surveillance ! Sous-estimer le Prisonnier est une erreur inexcusable pour un Numéro 2 digne de ce nom ! Ce Numéro 2 se révèle finalement assez décevant, ce n'est pas un adversaire à la hauteur de notre héros ! Ce détail important, sous-estimé par Parkes, est un point faible dans l'épisode. La scène suivante retourne dans le comique eh oui, faut suivre ! dans le dialogue avec Numéro 2 qui se comporte comme un imbécile quand il accepte de convoquer les Villageois pour écouter le discours de réhabilitation que va prononcer Numéro 6. Et en effet, l'épisode se termine par une chute désopilante ! Tel est pris qui croyait prendre ! Ce brutal retournement de situation conclut l'épisode sur une note brillante et morale se battre avec les propres armes de son adversaire est une manœuvre gagnante qui fait la décision. Toutefois, la fin n'est pas complètement claire qui a entendu parmi la foule le discours leur exhortant à penser par eux-mêmes, à refuser le monde factice qu'est Le Village ? Le discours d'indépendance se perd dans les cris de la foule. La fin n'est donc pas tout à fait optimiste car personne n'écoute ce message de liberté sauf le téléspectateur à qui il ne peut que s'adresser. Méditons ses paroles et prenons notre liberté ! Tel est le message de l'épisode… Le scénario de Roger Parkes part d'une idée géniale et il en développe une histoire brillante qui privilégie l'angoisse et la tension. Mais dans la deuxième partie, un humour qui va et vient et qui désamorce trop tôt le tout affaiblit l'épisode. Le Numéro 2 du jour, d'abord intéressant, perd son éclat et en devient médiocre. Un scénario superbe donc, une idée fantastique, mais pas sans quelques faiblesses. La troisième réalisation de Patrick McGoohan est par contre impeccable il privilégie la continuité de l'action en enchaînant les scènes sans transition. Son montage fin et fluide permet de suivre agréablement l'épisode. Un travail de professionnel ! Il magnifie le beau visage de Numéro 86 pour mieux en révéler la cruauté, met l'accent sur les plans d'ensemble nous permettant d'apprécier décors, costumes et extérieurs… soigné et travaillé ! La caméra, à vitesse modérée, se déroule au même rythme que l'épisode et l'impression d'unité est heureuse ici. McGoohan a fait un excellent travail, on comprend que Parkes ait été satisfait du traitement de son scénario ! La direction d'acteurs est enthousiasmante, Angela Browne en tête elle compose un des personnages les plus inhumains de la série. Elle parvient à révéler tous les traits de son personnage avec ses airs glacés, tranchants, faussement amicaux. C'est elle l'adversaire du jour, bien plus que Numéro 2 ! Effrayante par son tempérament hypocrite, elle est finalement une fleur qui a l'air agréable mais très vénéneuse, ce qui n'est pas sans rappeler le rôle de Sara Penny que jouait l'actrice dans Comment réussir un assassinat. Une véritable femme fatale ! Elle parvient également à rendre son personnage délicieusement comique lorsqu'elle bascule dans la folie. Il est très jouissif de la voir babiller des paroles nonsensiques, de serrer contre elle des fleurs en levant les yeux au ciel, de faire des sourires stupides au Numéro 6. Un numéro en or pour cette comédienne qui accomplit là une des plus belles performances de la série. Patrick McGoohan retrouve la forme car le scénario lui permet un véritable numéro il passe de la détermination au doute, de l'ironie au frisson dans la première partie, offrant toute l'ambivalence de son jeu, toutes les incertitudes que traverse son héros pourtant souvent stoïque. Il est plutôt humanisé dans cet épisode et cela fait plaisir à voir. Son jeu hébété et l'air fou regardez ses yeux ! au milieu de l'épisode est très bien mené sans en faire trop. John Sharp est moins convaincant mais la faute en revient plus au personnage créé qu'à son interprétation autant il joue très bien lorsqu'il veut se montrer menaçant ou quand il interroge son prisonnier, autant plus l'épisode continue, plus il paraît anodin et rentre son jeu au lieu de l'extérioriser. Dommageable, car son personnage de Numéro 2 sombre à la même vitesse dans la quasi inutilité. Pour les seconds rôles, que du bon ! Kathleen Breck est convaincante en jeune femme en pleurs qui essaye de se montrer forte mais qui ne cache pas sa faiblesse réelle. June Ellis apparaît trop peu son Numéro 48, tout en joie méchante, dynamise les scènes où elle apparaît, c'est-à-dire pas assez ! Avec un rôle plus étendu, l'épisode aurait gagné encore plus de tension. Michael Miller joue un Numéro 93 brisé et honteux à merveille et rend palpable la détresse de son personnage. Thomas Heathcote est inquiétant en lobotomisé et contribue à la pression ambiante de l'épisode. On remarquera que la voix de Fenella Fielding est moins chaleureuse que d'habitude plus impersonnelle... Une surprise qui contribue à ajouter un peu de malaise dans l'épisode. La musique est excellente notamment le thème en notes répétées aux cuivres, brut et cassant lors des scènes dures » comme la procession. Ou bien le thème vigoureux utilisé pendant les combats. Tout est parfait ! Avis de Denis Chauvet Comme The General, le message de l’épisode est primordial et toujours d’actualité, mais le déroulé de l’opus est le plus souvent lent, bavard et ennuyeux. L’intrigue tourne autour d’un Comité chargé de remettre dans le droit chemin ceux qui pensent et agissent hors-norme. Ils ne doivent pas se justifier mais se confesser et se repentir. Cela fait terriblement penser aux auteurs de dérapages’ de nos jours, qui doivent s’auto-flageller pour être sorti du chemin balisé de la pensée unique. Le N°6 défie le Comité et il est déclaré unmutual’ asocial et tout le monde l’évite. Là encore, c’est la politique socialiste d’obligation de socialiser, du vivre ensemble’, qui est décrite et gare à ceux qui la dénigrent ils sont vilipendés. Il y a même un sous-comité d’appel, composé de quatre boudins, pour remettre le 6 dans le chemin avant qu’il ne soit trop tard ; c’est le Terra Nova socialiste ! Le 6 résiste et se moque et il doit subir une conversion sociale instantanée’ en clair, une lobotomie afin de lui supprimer toute agressivité et le rendre docile comme un mouton. A mettre en parallèle avec le politiquement correct que nous vomissent nos médias formatées à longueurs de journée afin d’empêcher la masse de réfléchir. Finalement, le traitement n’est pas administré car le 6 a trop de valeur mais il pense qu’il l’a eu. Quand il réalise que ce n’est pas le cas, il finit par retourner la situation et le N°2 est, à son tour, taxé d’asocial. 4 pour l’idée, 2 pour l’épisode, car comme écrit plus haut, il n’y a pas grand chose d’intéressant la séquence de l’ opération’ est trop longue, le 2 sans saveur, la scène d’hypnose ne convainc pas c’est pourtant celle qui est censée amener le twist final. Pour couronner le tout, l’épisode est exclusivement tourné en studio avec parfois des backdrops’ décors peints et quelques rares inserts de Portmeirion. La seule scène tournée au Village pour cet épisode est la dernière, lorsque le 2 tente d’échapper aux villageois mais la doublure trop mince fait sourire. Il ne reste que le message et la présence d’Angela Browne que le Prisonnier préfère en robe plutôt qu’en pantalon il a bien raison. Elle est la ravissante N°86, la doctoresse, dans un rôle principal où l’actrice est remarquable, comme lors de ses apparitions dans The Avengers et un épisode clé de L’homme à la valise. La meilleure scène de l’épisode – et une des meilleures de la série – est la préparation du thé et l’échange des tasses. Stupid woman !’ Infos supplémentaires Troisième réalisation sur cinq de Patrick McGoohan pour la série sous le pseudonyme de Joseph Serf pour la deuxième fois. Personne ne savait que McGoohan choisirait un pseudonyme. Ce fut donc une surprise pour tout le monde quand son pseudonyme et non son vrai nom apparut au générique. Bonus DVD Dernier épisode de la série à se passer vraiment au Village. Les trois épisodes suivants se passent hors du Village d'une certaine manière ! et les deux derniers se dérouleront essentiellement dans les souterrains du Village. Dans la salle d'attente du conseil, on peut regarder des affiches représentant le Numéro 2 nous désignant du doigt. Le texte qui est écrit sur l'affiche est Your community needs you [Votre communauté a besoin de vous]. Numéro 2 affirme que Numéro 6 est robuste comme un taureau ». Numéro 6 prétend qu'il n'aime pas les filles qui ne savent pas préparer le thé convenablement ! Un Anglais jusqu'à la moelle des os sans aucun doute ! D'ailleurs, il en prépare régulièrement quand il est chez lui ! La doublure de Patrick McGoohan quand il s'exerce à la gymnastique est clairement visible. McGoohan, cependant, n'est pas doublé pour les scènes de combat. Sixième apparition de la Voix. McGoohan et Sharp ont des doublures lors des plans éloignés dans la scène finale. Cela se voit car Sharp a subitement une belle chevelure rousse ! C'est Roger Parkes qui a appelé George Markstein au téléphone pour lui soumettre l'idée de scénario qu'il avait dans la tête, il s'était renseigné sur les conséquences de la lobotomie et pensait que ce serait un bon filon pour la série dont il avait tout de suite saisi l'ambiance. Markstein adhéra immédiatement, il trépignait au bout du fil » rapporte le scénariste. Bonus DVD McGoohan renvoya son réalisateur dès le début de l'épisode pour prendre la réalisation en main. Parkes fut horrifié car il était certain que le narcissisme de l'acteur ferait qu'il plomberait son épisode. Il fut donc très surpris de la compétence de McGoohan qui fit un excellent travail sur l'épisode. Depuis, Parkes se plaît à penser que c'est la qualité de son travail et du sujet qui fit décider au comédien de filmer l'épisode pour pouvoir le contrôler entièrement. Bonus DVD On a plus tard dit à Roger Parkes qu'il avait écrit un des épisodes les plus sombres de la série. Il l'assume et accueille comme un honneur le fait qu'on se souvienne de lui pour ça. Bonus DVDActeurs/Actrices John Sharp ici crédité sous le nom John Sharpe 1920-1992 est apparu plus de 100 fois entre les années 50 et 90 tant au cinéma qu'à la télévision. Il est surtout connu pour avoir interprété le rôle récurrent d'Ezra Biggins 13 épisodes dans la série All Creatures Great and Small adaptée d'un film avec Anthony Hopkins, série anglaise populaire des années 80 où son physique bedonnant et son talent lui valurent les honneurs du public. Il a peu tourné au cinéma mais on se souvient de son rôle de William, l'oncle cynique des enfants dans le superbe film de Luigi Comencini L'Incompris 1966 ou celui de Doolan dans Barry Lyndon 1975 de Kubrick. Il a surtout privilégié la télévision avec ses apparitions dans de petites séries britanniques comme The Old Curiosity Shop d'après Dickens huit épisodes, 1962-1963, le soap opera Coronation Street deux épisodes ou bien des téléfilms. Ainsi que d'autres séries plus connues Randall et Hopkirk, Z-cars…. On peut voir ce très bon acteur dans trois épisodes de Chapeau Melon Un traître à Zebra saison 2, Le village de la mort saison 5 et Bizarre saison 6.Angela Browne 1938-2001 a conduit sa carrière à la télévision. Cette blonde terriblement sensuelle a joué dans plus de 50 séries et téléfilms de 1960 à 1990. Son rôle le plus important fut celui d'Helen Winters 13 épisodes dans la série policière Ghost Squad. Mais elle a aussi participé à Destination Danger, Le Saint, L'Homme à la Valise, Les Aventures de Sherlock Holmes… Les fans des Avengers l'ont vue dans Intercrime saison 2 et surtout dans Comment réussir… un assassinat ? saison 4 où elle jouait la séduisante mais vénéneuse Sara Penny. Séquence culte Tous contre Numéro 6 Retour à l'index 13. L'IMPOSSIBLE PARDON DO NOT FORSAKE ME, OH MY DARLING Résumé Le professeur Seltzman a inventé une machine capable de transférer un esprit dans le corps d'un autre. Cette machine est en possession du Numéro 2 qui veut l'utiliser pour pouvoir infiltrer des espions dans le camp adverse. Mais s'il sait comment l'utiliser dans un sens, il ignore comment inverser le processus retour de l'esprit dans le bon corps. Seul son créateur en est capable mais il a disparu et un seul homme sait où il se trouve Numéro 6 bien sûr ! Car il a été l'un de ses derniers contacts. Comme Numéro 6 refuserait sûrement de divulguer l'information si on le lui demandait, une seule solution pour le retrouver intégrer l'esprit de Numéro 6 dans le corps d'un allié de Numéro 2. Cet allié est un homme qu'on appelle Le Colonel » qui se soumet à l'expérience l'esprit de Numéro 6 se retrouve donc dans le corps du colonel qui se réveille à Londres ! Il est désormais obligé de retrouver Seltzman pour réintégrer son corps, et servir sans le savoir les intérêts de ses ennemis… mais tout n'est pas si simple !Critique de Clément Diaz L'impossible pardon ouvre une période de trois épisodes qui ne se dérouleront pas au Village. En effet, après avoir exploité le filon de la prison dorée pendant 12 épisodes tant bien que mal qu'on se rappelle l'essoufflement de Danse de mort et de L'enterrement, les producteurs sont à court d'idées. C'est à ce moment, malheureusement, que George Markstein, créateur et pilier de la série, irrité par l'égocentrisme de McGoohan qui veut à tout prix contrôler la série dans ses moindres détails, claque la porte. Cette défection provoque une crise, d'autant plus que la 1re saison de 13 épisodes de la série Il était une fois avait déjà été tourné est close et qu'il faut trouver un moyen de conclure la série puisque ni Lew Grade ni McGoohan n'ont envie de continuer à exploiter un concept qui s'use déjà. Cette crise est accentuée lorsque McGoohan manifeste le désir de partir en Amérique pour jouer dans un film ! Cela force le scénariste Vincent Tilsley auteur de l'excellent script du Carillon de Big Ben a écrire une histoire sans le héros ni le Village, ce qui explique ce troisième et dernier creux » de la série. L'absence du Village sera alors exploitée dans les deux épisodes suivants, donnant lieu à ce qu'on pourrait appeler trois épisodes de récréation » avant de revenir aux choses sérieuses ». L'épisode souffre donc de la quasi absence de McGoohan, pierre angulaire de la série, et aboutit à un scénario moyen. Mais globalement, l'épisode est meilleur que sa réputation le laisse entendre, il est même réussi dans l'ensemble. En effet, Tilsley parvient à nous captiver avec beaucoup de détails parsemés dans son script tout en donnant une profondeur inattendue à Numéro 6, en en faisant un être non dépourvu de sensibilité. C'est le seul épisode qui montre un Numéro 6 plus fragile et humain. Le fait que ce ne soit pas McGoohan qui joue ici le rôle permet cette orientation du personnage, à mille lieues du portrait de dur » qu'il nous avait présenté jusque-là. L'épisode est souvent considéré comme le maillon faible » de la série bien qu'il ait quelques fans. Pourtant, il est intéressant et agréable à suivre, preuve de la haute qualité globale de la série. On peut le considérer comme "le meilleur des moins bons épisodes". Passé l'intro particulière voir commentaires où trois hommes discutent à propos d'un indice éventuellement caché dans des diapositives représentant des paysages, et d'un certain Seltzman qu'il semblent rechercher, l'épisode démarre avec l'arrivée d'un homme, le colonel », dans l'antre du Numéro 2 qui l'accueille à bras ouverts et lui explique le but de sa mission. Le but de cette première scène va être de nous exposer la situation, ce qui explique qu'elle soit inhabituellement bavarde et assez lente. Cependant, grâce au jeu des comédiens, ce prélude n'est pas ennuyeux et réussit à nous captiver malgré son verbiage. Nous apprenons ainsi qu'il existe une machine de transfert d'âmes » et que Numéro 2 va utiliser ce moyen pour intégrer l'âme de Numéro 6 dans le corps du colonel sceptique quant à l'existence d'une telle machine et ainsi le forcer à se mettre à la recherche de l'insaisissable Seltzman, tout en lui faisant subir au passage un petit lavage de cerveau qui lui fera oublier qu'il a été retenu au Village ! Voilà comment les dirigeants s'assurent du silence des prisonniers qu'ils libèrent. L'expérience marche à merveille mais nous voyons alors des flashbacks issus des épisodes précédents pendant une minute et on a l'impression d'être devant un remplissage. Quelle est l'utilité de faire des flashes d'épisodes ? Certes, elle doit donner l'impression de confusion qui règne alors dans le cerveau de Numéro 6 voyant ses souvenirs défiler, mais la scène reste inutile en elle-même et un peu pesante. On attend donc impatiemment la suite tandis que Numéro 2 surveille l'expérience… Réveil du héros à Londres. Première surprise il est fiancé ! En effet, nous apprenons qu'il y a une femme dans sa vie Janet. Numéro 6 ne déteste donc pas les femmes comme on a pu le penser, mais seule une compte pour lui. On peut expliquer alors son comportement par un puritanisme assumé. D'ailleurs, McGoohan était très puritain et a sans doute donné un peu de lui-même à son personnage. Arrive alors le moment où Numéro 6 se regarde dans le miroir et n'y voit que le reflet du colonel. Pas de paroles inutiles, juste le visage épouvanté du héros devant cette incroyable situation. Nous nous apercevons que Numéro 6 a un côté humain et fragile que nous ne soupçonnions pas jusque-là. En cela, c'est même le principal intérêt de cet épisode. Cette fragilité est très bien rendue lors des deux scènes avec Janet, les plus belles de l'épisode. Coup de sonnette, apparition de la belle Janet. La scène qui s'ensuit est très émouvante. Numéro 6, complètement perdu, n'ose rien dire à Janet et reste évasif lorsqu'elle l'interroge. Cet échange, s'il est malheureusement prévisible rien de surprenant dans cette scène est cependant touchant. L'abattement et l'émotion de Numéro 6 devant sa bien-aimée sans qu'il ne puisse rien dire est si convaincant qu'il attire la sympathie du spectateur le côté surhomme a disparu et il revient pour ainsi dire à notre niveau ». Cette remise en place du héros est bienvenue et est particulièrement bien choisie. Janet, entre l'incompréhension et l'inquiétude, contribue elle aussi au malaise de la scène. Ces réactions sont tout à fait normales » mais rarement la normalité aura été aussi triste. D'ailleurs, lorsqu'elle va ensuite voir son père pour demander des nouvelles de son fiancé et que ce dernier ne peut que lui dire qu'il ne sait rien, sa détresse sonne si véritablement qu'on ne peut s'empêcher de la plaindre… La deuxième scène avec Janet, lors de sa soirée d'anniversaire, est tout aussi splendide de mélancolie. Numéro 6 se dévoile peu à peu à elle et évoque leurs souvenirs communs. Ce procédé qui relève du cliché dans des situations pareilles dessert le scénario, mais le jeu tout en finesse des acteurs empêche la scène de sombrer dans la mièvrerie. Et la corde de l'émotion vibre pour une des rares fois dans la série qui ne s'est jamais penchée auparavant sur ce terrain glissant. Janet troublée par ce qu'elle entend, le ton grave et amoureux de Numéro 6… le couple illumine la scène et le baiser passionné qui en découle logiquement lorsque Janet reconnaît enfin son bien-aimé est le sommet émotionnel de l'épisode. Il est dommage que les dialogues, un peu trop communs, ne suivent pas la portée de la scène… Pour résumer, la banalité de ces scènes est plus que compensée par l'interprétation des comédiens et permet deux beaux moments de grâce. La fragilité de Numéro 6 dans cet épisode est aussi mise en évidence lorsqu'il se heurte à l'incompréhension de ses supérieurs. Encore une fois, le scénario pèche par son déroulement téléphoné forcé Numéro 6 parle de sujets, de son passé, de ses collègues pour convaincre qu'il est celui qu'il prétend. Certes la scène ne manque pas d'effet et d'humour mais ne brille pas par son originalité. La séquence chez Sir Charles où nous en apprenons un peu plus sur la vie privée de Numéro 6 qui ne se montre pas aussi coopératif que Numéro 6 le souhaiterait, est plus en tension et est davantage intéressante. En tout cas, suffisante pour nous tenir en éveil. La dispute entre les deux hommes est très bien menée et mise sur un jeu maîtrisé plutôt qu'un furieux débordement, elle gagne ainsi en froideur et en malaise. La scène où Numéro 6 va chercher les fameuses diapositives, un rien bavarde, est le seul vrai point faible de l'épisode. Elle est nécessaire mais guère passionnante. Heureusement la scène qui suit, où Numéro 6 décode les diapositives au moyen des lettres de Seltzman, nous met sur le qui-vive et rehausse le niveau. On retrouve l'agent secret qu'il était et qu'il avait d'une certaine manière pastiché dans Le marteau et l'enclume par ses faux codes, ses faux messages... Ici, on le voit à l'œuvre ! C'est pourquoi, en dépit de son idée fantasque, cet épisode s'inscrit dans le réel plus nettement que les autres, c'est une espèce de retour dans le monde présent et non l'univers du Village qui est en fait une allégorie. Lorsque Numéro 6 retrouve Seltzman en Autriche d'après les informations des diapositives, nous avons un écho direct de la dispute avec Sir Charles car Seltzman, même s'il sait que la situation est possible, a du mal à croire son interlocuteur. La tension est présente car on redoute légitimement un second échec de Numéro 6 emprisonné dans un corps qui n'est pas le sien. Heureusement, la nature nostalgique du professeur le sortira de ce mauvais pas. Jamais Numéro 6 n'a eu autant de difficultés à résoudre ses problèmes et le piège de Numéro 2 était finalement bien ourdi car ses conséquences pèsent lourd sur les épaules du héros. Sans doute un des plans les plus diaboliques et dont le mal qu'il produit se fait à retardement, au fur et à mesure des escapades de son prisonnier. Un épisode plus cruel qu'il n'y paraît et dont la scène entre ces deux paumés l'illustre bien. Le gazage est une seconde nature dans la série puisque, après un combat acharné un œil avisé repérera les doublures mais le combat reste bien filmé et énergique, le croque-mort qui avait suivi tout ça de loin, s'amène et met tout le monde d'accord Numéro 6, le poursuivant et Seltzman en plein conflit en embarquant tout ce beau monde au Village après les avoir amenés au pays de Morphée via un gaz soporifique ! On notera que c'est la deuxième fois que Numéro 6 se fait gazer ! La scène finale de l'épisode est très réussie arrivée du professeur et de Numéro 6 au Village devant un Numéro 2 dont la joie et le détachement sont singulièrement malvenus ici quand on pense à tout ce qu'il a fait subir au prisonnier ! Mais le cynisme est un point commun chez tous les Numéro 2, qui est la preuve de leur esprit diabolique. Le professeur refuse d'abord de se soumettre à l'expérience mais un seul plan de caméra sur l'air abattu de Numéro 6, sans fioritures ou ornements inutiles, le fait changer d'avis. L'épisode tire bel et bien sa force de son économie de moyens. Le retour des cerveaux est désormais possible et va être activé par le professeur, ce qui marque la fin de l'épisode, lorsque survient le twist final absolument renversant ! Une des chutes les plus surprenantes de la série et une de ses plus réussies ! Bien qu'elle soit assez dramatique, c'est presque de l'humour noir tellement la situation serait comique si elle n'était pas aussi grave. Seule la fin de Musique douce sera aussi audacieuse la fin du Dénouement étant hors concours. Bref, une fin étincelante, encore plus réussie que celle qu'avait concocté le scénariste pour Le carillon de Big Ben et qui termine un épisode certes moyen mais agréable à regarder. Le scénario de Vincent Tilsley, on l'aura compris, est linéaire et dénué d'originalité une fois la surprise initiale passée. Mais il évite l'ennui parfois à grand-peine en écrivant des scènes fluides, en maintenant un certain suspense, et en nous faisant contempler la face fragile de l'homme de fer qu'est Numéro 6. Vu les circonstances qui l'ont forcé à écrire ce scénario, on peut estimer qu'il s'en tire honorablement tout en nous gratifiant d'une chute plaisamment inattendue. Un épisode mineur mais pas le pire, loin de là ! On peut aussi voir l'histoire au second degré dans un thème analogue à Double personnalité, l'épisode traite de la dépossession de soi, encore une méthode que la société utilise pour nier l'individu. La réalisation de Pat Jackson est de bonne facture et suit l'épisode mais la caméra ne se meut pas souvent, empêchant l'épisode de suivre un cours rapide qui compenserait le scénario modéré en action. On voit que, comme Tilsley, le réalisateur ne semble pas à l'aise avec une telle histoire, se bornant juste à filmer l'épisode. Mais il trouve l'inspiration dans les moments clefs les plans lors de la danse de Numéro 6 et Janet, le réveil de Numéro 6, la bagarre dans l'escalier et le résultat est une mise en scène soignée mais sans plus. Alors pourquoi cet épisode marche-t-il ? Tout simplement grâce aux acteurs qui transcendent les limites du scénario et de la mise en scène pour en faire un agréable divertissement ; applaudissements à Nigel Stock qui doit accomplir le pari impossible faire oublier McGoohan pendant un épisode ! Il n'y parvient évidemment pas totalement car il ne peut l'égaler en charisme dans cet épisode, il manque bien entendu. Mais le fait qu'il doive camper un Numéro 6 différent de celui que nous connaissons joue en sa faveur et il réussit une étonnante composition d'homme égaré et blessé grâce à ses dons naturels de comédien. Brillant ! Zena Walker hérite d'un des rôles féminins les plus sensibles de la série avec Virginia Maskell dans L'arrivée et surtout Valérie French dans Musique douce et s'en tire admirablement. C'est elle qui humanise Numéro 6, et comment ne le ferait-elle pas ? Sa dignité, sa sincérité, sa détermination font d'elle l'alter ego de Numéro 6. Un beau rôle pour la comédienne qui, malgré son peu de temps de présence, parvient à laisser son empreinte sur la série. C'est grâce à elle et à Nigel Stock que leurs scènes communes évitent la dégoulinade souvent pesante de ces scènes. Belle leçon d'interprétation ! Clifford Evans est dans la lignée du premier Numéro 2 joué par Guy Doleman son côté so british la tasse de thé à la main ! est exquis. Le problème est qu'il n'a guère l'occasion d'exister et qu'il reste dans l'anecdotique pas de scène vraiment marquante, ce qui est bien dommage. Décidément, les Numéros 2 en ce moment ne sont pas en forme ! Mais le comédien joue juste et sous son apparente amabilité se cache un esprit pervers et rusé. Un Numéro 2 loin d'être inoubliable mais dans la norme. Les seconds rôles sont plutôt bien John Wentworth incarne très bien l'aristocrate assez dur dans son entourage et Hugo Schuster en Seltzman est convaincant en professeur comme horrifié de l'invention à laquelle il a donné le jour. Et puis n'oublions pas Patrick McGoohan qui nous fait le plaisir d'apparaître au début et à la fin de l'épisode. Signe qu'il est toujours là, toujours prêt à nous enchanter pour d'autres épisodes ! La musique est pour une fois très mélancolique on retiendra le doux chant de hautbois, thème d'amour noble et timide ou la valse des violons qui nous transporte dans une ambiance nostalgique, comme pour se remémorer les bons instants hélas déjà passés et derrière nous. Par contre, lorsque Numéro 6/Le Colonel traverse la France, on entend un joyeux air d'accordéon ! Et en Autriche, une ravissante tyrolienne ! Un véritable galop dans les clichés ! Mais qu'on excusera car la musique n'est que passagère ici. Avis de Denis Chauvet Sans intérêt. Patrick McGoohan avait besoin de temps pour tourner un film, et il n’apparait qu’au commencement et à la fin de cette aventure, qui marque le début de la fin la scène finale est la seule que l’acteur tourna pour cet épisode. Pour être honnête, je pense n’avoir jamais vu en entier cet épisode et il n’a pas dû être diffusé très souvent tant il ne représente pas la série. Il y a déjà cette séquence pré-générique inhabituelle puis l’absence de dialogue numéro 2/6 post-générique. L’histoire de transmissions d’esprits n’a rien à voir avec Qui suis-je ??? des Avengers, car il n’y a pas d’humour et l’intrigue est creuse. En plus de cela, on repère facilement des erreurs de montage et de doublures très fréquemment c’est Patrick McGoohan qui conduit la Lotus dans certains plans de Londres par exemple. Il y a quelques images de Portmeirion d’hélicoptère des inserts, d’autres scènes sont reprises d’épisodes pour le flashback ou certains passages la soirée/ and C., N°6 marchant dans son logement/Once Upon a Time. Plus fort à l’arrivée du Colonel en taxi, on voit même McGoohan à l’arrière ! Un épisode fait en dépit du bon sens. Infos supplémentaires Aka Face Unknown Nouvelle tête Bonus DVD L'histoire de transfert de cerveaux n'est pas nouvelle elle avait déjà donné lieu à un épisode de Chapeau MelonQui suis-je ???, saison 5. Mais si ce dernier épisode versait dans la comédie, l'épisode du Prisonnier est bien plus sérieux et se rapproche davantage de Jeu à trois mains saison 7 de la même série, version sérieuse et plutôt manquée de Qui suis-je ??? bien qu'il soit davantage réussi. Si le titre en VO peut être compris comme une référence au Numéro 6/Colonel de se faire reconnaître de Janet, le titre en VF est, lui, incompréhensible ! Il n'y a pas d'impossible pardon » dans l'épisode ! Cet épisode se déroule sans Patrick McGoohan présent seulement au tout début et dans les dernières secondes. En effet, sans doute désireux de prendre un peu de distance avec cet série qui commençait à l'oppresser, il avait accepté de jouer un des rôles principaux David Jones, du MI6 du film de John Sturges et d'Alistair McLean Destination Zebra, à la surprise générale car tout le monde connaissait son dévouement absolu à la série. On demanda donc à Vincent Tilsley d'écrire une histoire sans McGoohan et donc sans Portmeirion ! Ce fut un désagréable travail pour le scénariste car il devait occulter deux fondamentaux de la série l'acteur et le Village, bases du Prisonnier. Il imagina donc cette histoire de transferts de cerveaux qu'il écrivit sans passion. McGoohan, à son retour, critiqua le premier montage qui comprenait en outre des scènes plus longues avec Numéro 2 et fit retravailler scénario toutes les scènes furent retouchées bien que l'histoire demeurait intacte et montage. Tilsley a souvent pensé que l'équipe était partie d'un scénario moyen » pour arriver à un scénario mauvais ». Depuis, il pense maintenant que le résultat est également moyen » et non mauvais ». Le titre fut également changé. Bonus DVD Eric Boyd Perkins, un des éditeurs de la série, avoue ne pas avoir aimé l'interprétation de Nigel Stock qu'il ne trouvait pas assez convaincant en dépit du fait qu'il soit un remarquable acteur. Bonus DVD La voix de Numéro 2 en VF est celle de Jean Berger, doubleur de Patrick Macnee dans Chapeau Melon ! Difficile en effet de ne pas reconnaître la voix de Steed ! Les flashbacks du début sont issus des épisodes L'arrivée et Liberté pour tous. C'est la seule fois que la série utilisera ce procédé si l'on excepte le résumé en images d'Il était une fois au début du Dénouement Cet épisode très particulier a un début qui ne l'est pas moins il commence par une scène d'introduction avant que le générique démarre ! Et la musique qui, d'ordinaire, accompagne le réveil de Numéro 6 dans le Village après le générique est remplacée par un doux thème de hautbois déjà entendu dans la scène d'introduction. Enfin, le dialogue Numéro 2/Numéro 6 avec son accompagnement d'images de L'arrivée est aussi supprimé et on a à la place une vue panoramique du Village qui se rapproche nous suivons le point de vue de l'hélicoptère qui le survole. Toutefois Musique douce ira encore plus loin en supprimant carrément le générique ! Le dénouement, lui, aura d'abord trois minutes de flashbacks avant de faire également une vue panoramique mouvante du Village en guise de générique et de dialogue Numéro 2/Numéro 6 aussi supprimés. Unique épisode où Patrick McGoohan est quasiment absent. Cela fait un an, dans cet épisode, que Numéro 6 est retenu captif dans Le Village. Cet épisode permet d'en savoir beaucoup sur Numéro 6, notamment sa vie privée. Ainsi, malgré son apparente aversion pour les femmes, il est fiancé à Janet Portland, fille d'un de ses supérieurs, Sir Charles Portland. Ils se sont rencontrés lors d'une réception à Kitzbühel en Autriche et sont tombés amoureux l'un de l'autre en dansant une valse. Il demanda la main de Janet à son chef alors que ce dernier taillait des roses sa passion. Bien que cette nouvelle n'aurait pas dû être une surprise puisque Janet et lui semblaient se connaître depuis longtemps, il en laissa tomber son sécateur ! Le lendemain, ils déjeunèrent ensemble avec au menu du civet de lièvre ! Ce n'est pas un mariage de raison car Numéro 6 et Janet semblent très amoureux l'un de l'autre ! Le coffre-fort de l'appartement de Numéro 6 où il cache son argent se trouve derrière le téléviseur ! L'inscription sur la photo de Janet est With all my love, Janet. [Avec tout mon amour, Janet.] Le nom de code de Numéro 6 est ZM-73 celui de Sir Charles est PR-12, il a pour noms d'emprunt Duval en France et Schmit en Allemagne. Cela tend à suggérer que Numéro 6 sait correctement parler le français et l'allemand. On note, de manière plus anecdotique, qu'il a une écriture penchée, presque en pattes de mouche. Première et dernière fois que Numéro 6 embrasse une femme sa fiancée mais c'est Stock et non McGoohan qui, évidemment, donne le baiser. D'ailleurs, il ne faut pas oublier que le puritanisme de McGoohan l'empêchait de s'adonner même à des baisers de cinéma ! Il avait déjà refusé d'embrasser Nadia Gray dans Le carillon de Big Ben malgré l'insistance de Vincent Tilsley ! Quand Numéro 6/Le Colonel se parle à lui-même réveil dans la maison, scène après la révélation des diapositives, la voix off est celle de McGoohan et non celle de Stock. La VF respecte d'ailleurs ce détail. Lorsque Numéro 6/Le Colonel se rend dans son ancien lieu de travail, au volant de sa Lotus Seven, on entend évidemment le thème du générique ! On notera lorsqu'on voit le Village en plongée, au tout début, la présence d'enfants !!! Ce n'est pas un accident car, comme le montrera La mort en marche, il y a bel et bien des enfants dans le Village sans que l'on sache quels rôles ils jouent. Seltzman habitait en Écosse au 20, Portmeirion Road. Il s'agit d'un clin d'œil au village de Portmeirion, décor naturel de la série ! L'homme qui suit Numéro 6/Le Colonel s'appelle Potter. Peut-être une référence au comparse occasionnel de John Drake, héros de la série Destination Danger, interprété par McGoohan avant qu'il se consacre au Prisonnier. Cependant, le vrai Potter Christopher Benjamin apparaîtra dans La mort en marche. L'autre homme celui du Numéro 2 qui les suit et qui finit par les endormir avec un gaz soporifique n'est autre bien entendu que le croque-mort » qui étourdit Numéro 6 dans son appartement comme on le voit dans le générique, avant de l'emmener au Village. La salle de fête où a lieu la soirée d'anniversaire de Janet est la même salle où a lieu la réception de Mme Engadine dans A. B. et C. ! Le quatrième épisode du remake de la série a pour titre Darling Cher Amour. Mais les deux épisodes n'ont rien à voir l'un avec l' Nigel Stock 1919-1986 est surtout connu pour avoir interprété à 29 reprises le rôle du aux côtés de Peter Cushing dans la série Sherlock Holmes entre 1964 et 1968. Ce brillant comédien fit son apprentissage à la Royal Academy of Dramatic Art où il obtient un prix. Il commence sa carrière au théâtre il ne quittera jamais la scène qu'il interrompt pendant la guerre où il se distingue en atteignant le grade de Major. Après cette interruption, il commencera une fructueuse carrière à la télévision, dans des téléfilms populaires en leurs temps, ou jouant des seconds rôles importants dans les séries les plus prestigieuses Le Saint, Destination Danger, Adam Adamant Lives ! , trois épisodes, professeur Hayter… et même dans un épisode de Police Surgeon, série prédécesseure des Avengers ! Il a aussi tenté sa chance au cinéma avec succès Week-end à Zuydcoote, La Grande Évasion, Le Miroir se brisa, Le Lion en hiver… Il a joué dans deux épisodes de Chapeau Melon Concerto saison 3 où il jouait l'irrésistible Zalenko et L'économe et le sens de l'histoire saison 4 dans le rôle du professeur Walker 1934-2003 après ses études à la Royal Academy… a eu une considérable carrière théâtrale un prestigieux Tony Award en 1968 pour une pièce de Peter Nichols. Mais elle s'est aussi beaucoup tourné vers la télévision, jouant les rôles récurrents de Susan Lampton dans la populaire série Man at the Top ou celui de Christine Barlow dans l'adaptation de La Citadelle, roman de l'un des plus grands écrivains écossais et de Victoria dans la série Albert and Victoria ; trois rôles qui lui valurent une certaine notoriété. Elle a parallèlement joué dans plusieurs téléfilms et séries à Evans 1912-1985, après être passé par la…Royal Academy… encore un ! commence sa carrière au théâtre dans Le Songe d'une Nuit d'été en 1934 et joue dans beaucoup de films anglais dès les années 30. Pour les Studios de la Hammer, il incarne ses deux rôles les plus marquants dans La Nuit du Loup-Garou 1961 et Le Baiser du Vampire 1963. Après plus de trente ans de carrière au cinéma, il se tourne vers la télévision avec le rôle récurrent de Caswell Bligh dans la série The Power Game 34 épisodes mais aussi dans les séries Les Champions, Le Saint, Randall and Hopkirk Deceased, Codename 13 épisodes, Sir Dalzell, Jason King… mais sa carrière finit par décliner dans les années 80. Il a joué dans trois épisodes de Chapeau Melon Meurtre par téléphone saison 4, La porte de la mort saison 5, George et Fred saison 6.John Wentworth 1908-2006 a fait entièrement sa carrière à la télévision entre 1960 et 1980. Il est connu en Angleterre pour avoir joué l'avocat Castleton 32 épisodes dans la série The Main Chance mais a aussi joué dans Le Saint, Sergent Cork, Crossroads, Z-Cars… ainsi que dans une adaptation de Germinal quatre épisodes, Il a joué dans deux épisodes de Chapeau Melon Six mains sur la table saison 2 et Les aigles saison 4.Hugo Schuster 1908-1992 a peu tourné devant les écrans, son rôle dans cet épisode est d'ailleurs son dernier référencé. Il a fait une brève apparition en serveur non crédité dans Le Troisième Homme 1949 de Carol Reed et un petit rôle dans Quand les aigles attaquent 1966 mais il ne semble pas avoir vraiment fait carrière. Séquence culte Un nouvel homme Retour à l'index 14. MUSIQUE DOUCE LIVING IN HARMONY Résumé Numéro 6 revient un siècle en arrière et se retrouve dans la peau d'un cow-boy en plein Far-West inhospitalier ! Il vient de démissionner de son poste de shérif et quitte la ville dont il avait la responsabilité. Mais il est capturé et amené de force à Harmony, ville dont il est impossible de s'échapper, dirigée par un juge cruel et corrompu. Ce dernier voudrait l'enrôler comme shérif et connaître la raison de sa démission. Mais son prisonnier refuse car il ne veut pas travailler pour un tel personnage. Le juge va alors tout faire pour le contraindre à travailler pour lui. Deux autres personnages la fille du saloon et un garçon muet mais terriblement inquiétant et dangereux, de surcroît amoureux de la belle, complètent le tableau. Mais tout ce que vit Numéro 6 est-il réel ? Comment le Village est-il devenu cette ville sans foi ni loi de Far-West ?Critique de Clément Diaz Musique douce renoue avec la tradition du western. Ce genre, qui avait connu son apogée grâce aux films de John Ford notamment dans les années 40 et 50, suivi d'un lent déclin, renaît grâce au savoir-faire de Sergio Leone qui vient alors de réaliser sa fameuse Trilogie du Dollar. Le dernier volet, Le Bon, la Brute et le Truand, est sorti l'année précédente. Donc, nous sommes en pleine renaissance de ce genre particulièrement apprécié par McGoohan. Un épisode de cette nature ne pouvait que le combler ! De surcroît, le scénario de l'ingénieux Ian Rakoff se révèle très noir et très dur, anticipant presque les années 70 et le western crépusculaire » si cher à Peckinpah et à Eastwood entre autres où les histoires sont souvent sombres. De plus, Numéro 6, jamais nommé, ressemble par certains points la froideur, l'ambivalence, l'adresse au pistolet… aux personnages d'Eastwood ou à l'homme sans nom de Charles Bronson tout en conservant une droiture, une grandeur d'âme et une loyauté qui en font l'héritier des héros sans reproche des années 40 et 50. Une synthèse de deux époques en quelque sorte, atout très bien utilisé par Rakoff. Contrastant avec son titre Vivre en harmonie, cet épisode est le plus noir de toute la série Le dénouement étant ambigu et à part, d'une force percutante, surprenant par sa fin terriblement cruelle et implacable, bien davantage que les chutes du Retour ou de Liberté pour tous. Dès l'introduction, nous sommes plongés dans l'ambiance pas de générique, pas de dialogue Numéro 2/Numéro 6. Nous sommes déjà dans les contrées sauvages de l'Ouest. Numéro 6, en costume de cow-boy, rend son insigne de shérif à son supérieur, ainsi que son révolver, puis part ! Un remake de sa démission en somme ! L'absence d'explications, nécessaire mais faisant toujours son effet, ne lasse pas de nous questionner comment Numéro 6 a-t-il pu se retrouver au Far West ? Pas de Village, pas de Numéro 2, pas de caméras… juste le paysage et lui ! De plus, nous venons d'assister à une scène de démission qui nous est familière. Tout cela est-il réel ? Nous sommes perplexes dès les premières secondes. La tension est immédiatement installée car nous avons l'impression d'être dans une autre réalité, privés de notre repère principal qu'est Le Village. Voilà pourquoi cet épisode paraît d'abord si déconcertant. Paf ! Numéro 6 est arrêté par un groupe d'individus à l'air louche. S'ensuit une bagarre vigoureuse pendant que le titre Living in Harmony s'affiche sur l'écran !!! L'ironie dans toute sa magnificence ! Le titre est à l'opposé de ce que nous voyons sur les images avec Numéro 6 qui reçoit une belle correction ! Il est traîné de force dans une petite ville appelée… Harmony ! Ville qui, nous allons le voir, mérite très mal son nom. Le prisonnier pousse la porte du saloon équivalent de la place publique ou repaire du Numéro 2 ?, l'ambiance est enfumée, les habitués sont accoudés au bar, il y a une très jolie femme, on joue aux cartes… tous les détails sont respectés ! La charmante Kathy est vraiment séduisante mais, comme d'habitude, Numéro 6 reste froid envers les jolies femmes ! Suit un brillant dialogue à bâtons rompus entre le Juge, chef de la ville, responsable de sa capture, et notre héros. Mentionnons en passant que Numéro 6 s'attire l'inimitié du Kid – un gars pas net, muet, semblant constamment ivre, mais inquiétant et très bon tireur – après lui avoir envoyé un coup de poing ! Il faut dire que le Kid venait de fusiller », par bravade, son verre de whisky ! Évidemment, on l'aura compris la capture de Numéro 6 est la métaphore de son gazage et son réveil à Harmony correspond à son réveil dans le Village. En effet, comme nous allons le voir, même si nous nous en doutons, Harmony correspond au Village ! Ville qui se veut paisible et merveilleuse et qui est en réalité tout le contraire ! La conversation avec le Juge rappelle celle entre Numéro 6 et Numéro 2 dans Le carillon de Big Ben par sa force et son ton acerbe. Surtout quand le Juge dit qu'Harmony est une ville agréable, écho direct à la citation de Numéro 2 Le Village est un endroit merveilleux. Et bien entendu, Numéro 6 ne veut pas travailler pour le Juge Numéro 2 donc et refuse de dire les raisons de sa démission ! Encore un parallèle à relever le Juge sait tout de son prisonnier et c'est pour ça qu'il l'a amené ! Évocation bien sûr de la première scène chez Numéro 2 de L'arrivée. Nous sommes donc dans une fiction car on se dit que ça ne peut pas être réel, il y a forcément une explication à l'absence du Village ! où la réalité est pourtant bien présente car nous venons de suivre les différentes étapes qui ont précédé la venue de Numéro 6 dans le Village transposées au Far-West ! Quelle est la différence entre le réel et l'imaginaire ? Toute la force de l'épisode réside dans cette ambiguïté qui ne cessera que dans les dernières minutes. À partir de là le Juge, accompagné par le Kid, va rendre la vie infernale à Numéro 6 et tout faire pour le contraindre à reprendre son étoile de shérif et son colt ce qui équivaudrait à une capitulation. Son plan, procédant par petits à-coups, est très simple mais terriblement efficace. Sa tentative pour briser Numéro 6 est une des idées les plus ingénieuses de la série. Premièrement, il utilise la peur, il veut effrayer Numéro 6 via les habitants de la ville, les Villageois » en somme, qui ont été conditionnés comme les Villageois, ils ont appris à aimer leur ville et n'acceptent pas qu'on l'insulte – ce que fait Numéro 6 qui, comme c'est étrange !, ne semble guère apprécier cette bourgade ! Le résultat aboutit à une des scènes les plus dures de la série, démontrant la férocité du Juge. Le thème de la foule cherchant un bouc émissaire, quelqu'un à massacrer, n'est pas rare il n'est pas sans rappeler le poignant Furie 1936 de Fritz Lang et la violence aveugle de la foule voulant tuer un homme peu importe qu'il soit innocent ou pas. Cette scène est un écho à J'ai changé d'avis où les bourreaux sont davantage les Villageois que les dirigeants du Village. Deuxièmement, le Juge utilise la force il contraint Numéro 6 à rester dans la ville en empêchant toute tentative d'évasion d'Harmony. Numéro 6 en fait l'amère expérience quand il essaye de s'échapper Troisièmement, il utilise le chantage Numéro 6 n'a rien à se reprocher de s'être évadé puisqu'il n'était pas condamné. En revanche, Kathy est inculpée et condamnée pour avoir voulu le libérer, elle est donc emprisonnée… sous la surveillance du Kid plus libidineux et saoul que jamais ! Ces trois attaques finissent par payer et Numéro 6 doit céder et accepter le marché du Juge en devenant shérif de la ville… il refuse cependant de porter une arme ! Absurde sans doute mais il ne veut pas donner entièrement satisfaction à cette crapule. Deux points attirent notre attention. Numéro 6 aurait bien pu ne pas céder mais il a cependant une grandeur d'âme qu'on avait déjà remarquée dans Le carillon de Big Ben pour Kathy, il feint de coopérer et laisse ses idéaux » de côté en collaborant » tout en conservant son intégrité. Malgré ses airs déterminés et froids, il n'est pas insensible et accepte ce chantage. Ensuite, nous voyons que nous avons affaire à un adversaire d'une grande intelligence. Il joue sur les points faibles de Numéro 6 pour le plier et il est patient bien qu'il soit agacé que Numéro 6 refuse de porter un colt, il préfère savourer sa première victoire au lieu d'insister. Un adversaire à la hauteur de Numéro 6 sans nul doute ! Mais le Juge veut absolument vaincre Numéro 6 et continue sa lutte à distance il utilise cette fois l'épreuve physique Numéro 6 est provoqué par des hommes du Juge et il doit batailler à mains nues à un contre trois ! Le résultat est une bagarre homérique, la meilleure de toute la série incontestablement elle est d'une durée plutôt longue, pas moins de trois minutes avec quatre protagonistes et un festival de coups ! L'épisode est décidément d'une violence peu commune ! Mais Numéro 6 tient bon et continue à ne pas porter d'arme. Le Juge passe à la vitesse supérieure et provoque indirectement la mort de deux hommes. Numéro 6 est face à un dilemme pénible ou il prend son arme pour faire cesser le massacre ou il persiste et doit se considérer comme un lâche. Il choisit la seconde option, voulant à tout prix ne pas satisfaire le Juge. Choix surprenant mais qui montre bien sa volonté de rester maître de lui-même à défaut d'être moralement défendable. Numéro 6, à la limite du point de rupture, veut s'échapper avant de recourir à la violence. Mais le Juge fait encore monter la tension il va avertir le Kid que Numéro 6 et Kathy passent pas mal de temps ensemble et en effet, il est visible qu'il ne la laisse pas indifférente… et comme on le sait, le Kid est maladivement jaloux. Justement, parlons un peu plus du Kid. Ce garçon muet, pochard, provocateur et à gueule d'ange est un des personnages les plus inquiétants de la série. Tout est dans ses regards, ses manières. Il désire ardemment la fille du saloon et n'aime pas qu'on marche sur ses plates-bandes ! Il est aussi rancunier et ce mélange explosif en fait un parfait homme de main pour le Juge qui se formalise rarement de ses excès. Que ce soit lors de la scène avec Numéro 6 emprisonné où il tente de lui faire peur avec son colt ou quand Kathy vient le distraire pour s'emparer des clés de la prison, il est toujours aussi angoissant quand il tourne autour d'elle, la dévorant du regard, puis l'embrassant soudain à pleine bouche avant de vider son verre puis sombrer presque ivre mort dans le sommeil… on se dit que ce garçon a un grain et qu'il vaut mieux ne pas trop s'approcher de lui ! Cette impression se confirme lorsque la violence qui couve dans son cœur explose à deux reprises quand il provoque Numéro 6 en duel en tirant sur lui, puis en abattant froidement l'homme qui s'était approché un peu trop de Kathy. Là, son ombre commence à envahir tout l'épisode jusqu'à ce que le bouchon saute lors d'une scène terriblement glaçante le Kid, plus fou que jamais, se rapproche dangereusement de Kathy, seule dans le saloon fermé. La terreur de Kathy et le visage dément du Kid font monter la tension durant toute la scène… Une des scènes les plus éprouvantes de la série ! Cette scène est la goutte d'eau qui fait déborder le vase Numéro 6, la mort dans l'âme, ne peut plus rester inactif et doit saisir son colt pour arrêter la cascade de la violence. Son air dur et amer en dit long sur le sacrifice qu'il doit consentir. Il doit maintenant se battre en duel contre le Kid. Évidemment, un western sans duel n'est pas un western ! Mais on n'en reste pas là ! Numéro 6 doit également se battre contre les hommes du Juge car il persiste à ne pas jouer son jeu et à continuer de vouloir s'échapper. S'ensuit alors une fusillade générale qui se conclura par une chute déconcertante dans laquelle toutes les illusions tomberont les unes après les autres ! Une chute difficilement prévisible qui remet en question tout ce que nous venons de voir ! Et lorsque Numéro 6 s'aperçoit de la vaste conspiration dont il a été la dupe, nous ne pouvons qu'être admiratifs devant ce plan génialement diabolique dont l'auteur n'est d'ailleurs pas celui que l'on pourrait croire ! Tout semble dit alors, les principaux protagonistes ont joué leur rôle et l'on pourrait rester sur cette fin malaisée. Mais cette expérience a demandé trop d'investissement de la part des personnages et on voit avec horreur que l'un d'eux bascule dans la schizophrénie meurtrière, provoquant une deuxième et dernière chute finale, sous les yeux impuissants de Numéro 6 et de son adversaire, d'une noirceur tragique totalement inattendue ! On pourrait critiquer cette fin comme surenchérissant dans le pathos et peut-être un rien bizarre, mais elle n'en reste pas moins saisissante et conclut l'épisode sinistrement. Vraiment, une fin très cruelle, comme on en a rarement vue dans une série. Cruauté qui se mêle à l'émotion lors de la désespérée déclaration d'amour finale, implicite et sous-entendue, mais néanmoins bien présente. Doux aveu qui troublera même le stoïque Numéro 6 pourtant peu enclin aux émotions ! De bout en bout, cette fin noire est la preuve que la réalité peut rattraper la fiction et parfois pour le pire ! Décidément, un western pas du tout standard et un épisode de la série se terminant par une touche d'émotion… Ian Rakoff dépasse les codes de la série sans les trahir pour autant, un véritable jeu d'adresse ! Le scénario de Ian Rakoff, le plus sombre de la série, est une réussite complète. Il se sert de l'ambiance western pour instaurer beaucoup de tension. L'absence d'humour renforce le côté lourd de menaces de l'épisode. Se servant de tous les clichés du western, de la jolie fille au duel sans merci en passant par le mexicain habituel, il crée une histoire, assez violente » tant physiquement la bagarre de Numéro 6 que psychologiquement lorsque Kathy voit son frère mourir dont l'intensité va crescendo jusqu'à son double rebondissement final implacable. Une tragédie en règle très bien amenée. La réalisation de David Tomblin magnifie l'histoire. Une des meilleures réalisations de la série avec une brillante variations de plans, il parvient à captiver le spectateur. Même dans les moments de répit, sa caméra ne cesse de bouger sans trop exagérer pour maintenir la pression. Sa mise en scène met très bien en valeur les décors de la ville, on a réellement l'impression d'avoir fait un retour dans le temps ! Sans oublier une succession de trouvailles remarquables toute la scène du lynchage est filmée en tourbillons du point de vue de Kathy, les gros plans brusques sur Numéro 6 à la fin de la fusillade, le champ/contrechamp lors de la confrontation Kathy-le Kid qui privilégie le comportement des personnages à l'action elle-même. Une réalisation dynamique et puissante ! Les acteurs assurent un spectacle prodigieux, uniquement égalé dans les deux derniers épisodes Patrick McGoohan nous régale d'un numéro prestigieux qu'on n'avait plus vu depuis longtemps ; le cow-boy au caractère déterminé, incisif, volontaire… est une transposition de Numéro 6, donc un rôle écrit pour lui ! Il s'investit complètement dans ce rôle. Voir son visage de glace se fissurer quelque peu au cours de l'histoire sans surcharge d'effets est admirable. Il incarne un homme à la volonté de fer et son jeu, plus intense que jamais, est vraiment parfait. À héros fort, méchant fort. Et en effet le Numéro 2 de cet épisode, le Juge, est un des méchants les plus redoutables de la série, porté par le talent de David Bauer, machiavélique à souhait, qui prend grand soin à noircir son personnage le plus qu'il peut. Une superbe composition maîtrisée où il privilégie la psychopathie de son personnage aux coups de gueule, Bravo ! La sublime Valérie French à égalité avec Virginia Maskell de L'arrivée remporte la palme du meilleur rôle féminin de la série ! Jouant de sa beauté naturelle, bien mise en valeur par son affriolant costume, elle incarne une femme droite, courageuse, imposante mais aussi sensible et chaleureuse. Elle parvient à saisir toutes les émotions sur son visage, son attitude, et campe un personnage ambivalent. Elle illumine chaque scène où elle apparaît, lui donnant davantage de force. La voir hurler de douleur lors du lynchage, manifester une légitime angoisse quand elle vient voir le Kid, sourire au milieu des clients, être prévenante envers Numéro 6, terrorisée lors de la scène dans le saloon fermé, sanglotant lorsque ses sentiments envers Numéro 6 la submergent, jusqu'à son doux secret à peine murmuré dans les dernières secondes, une belle déclaration d'amour… un personnage très émotif, constamment sur la corde raide, donc très, très difficile à jouer, mais incarné par une comédienne d'un jeu irréprochable, un véritable plaisir ! Mais c'est Alexis Kanner qui est le roi de l'épisode il explose dans le rôle du Kid. Bien que muet pendant 43 minutes sur 48 !, c'est lui qui monopolise notre attention vertigineux en ivrogne fou à lier, amoureux paroxystique, machine à tuer, c'est le personnage le plus inhumain de la série. Kanner surjoue avec succès le côté démoniaque et fou sans limites de son personnage et sa charmante tête blonde est un trompe-l'œil bien pervers. Et pourtant, jamais d'excès, jamais d'expression altérée ou féroce. Il joue beaucoup sur son regard pénétrant où on peut lire tout ce qui se passe dans sa tête folle. Un jeu Actor's Studio par excellence ! Un des plus grands rôles de la série. Il renouera avec un rôle analogue et avec le même succès dans Le dénouement. La musique est typiquement western, mélange de Morricone et des musiques de Ford sans oublier les habituelles trompettes mexicaines ! Elle contribue à l'ambiance de l'épisode avec brio. On notera lors de la révélation finale la superposition de la musique de suspense » aux fanfares du Village pour traduire la confusion du héros. Une partition idéale de bout en bout ! Avis de Denis Chauvet Harmony est un caprice de star McGoohan adorait les westerns et il s’est servi de son jouet pour en faire un. Il n’y a pas de générique et le film commence directement par un cow-boy à cheval dans une vallée, de telle sorte qu’on peut penser visionner une des nombreuses séries western de l’époque. Sauf que les meilleures, comme Chaparral, étaient tournées totalement en extérieurs ce qui est loin d’être le cas ici. Ce western est certes divertissant et on a droit à tous les clichés du genre le shérif, le saloon, la prison, les bagarres, le duel, le juge N°2, la girl’, le bad boy’….D’ailleurs, celui-ci, muet et mal fagoté, est particulièrement énervant avec ses simagrées de demeuré scène de la prison. Le problème est que cela n’a rien à voir avec The Prisoner et que les aficionados s’attendent à voir le 6 dans son village pas en carton-pâte de préférence avec une intrigue, une tentative d’évasion et un twist qui scotche au fauteuil. En fait, ce dernier est une ridicule tragi-comédie. Ce western’ ne vaut pas les originaux même si McGoohan s’en tire très bien dans le rôle d’un shérif pacifiste, mais il n’arrive pas à la cheville d’un autre cow-boy énigmatique de westerns européens à la vogue de l’époque, Clint Eastwood. McGoohan s’est fait plaisir et a ainsi bouclé un épisode d’une série pour laquelle il n’avait plus d’idées ou plus de scénaristes à la hauteur après le départ de Markstein, mais cela n’apporte rien à la série. Au contraire. A noter que cinq scènes furent censurées en Grande-Bretagne jusqu’en 1984 ! Infos supplémentaires Cet épisode est le seul avec Le dénouement à ne pas comporter de générique une idée de McGoohan, source Bonus DVD. Il commence d'ailleurs immédiatement alors que le dernier épisode ne commencera qu'après trois minutes de flashbacks. Et si cet épisode donnait la clé de la démission de Numéro 6 ? Aurait-il démissionné parce qu'il ne voulait plus porter d'armes, il ne voulait plus tuer ? Le fait que Numéro 6 devait être au départ John Drake de Destination Danger, agent qui déteste tuer et donc déteste les armes, tend à confirmer cette hypothèse… Kathy/Numéro 22 est la seule femme de la série à tomber réellement amoureuse de Numéro 6 la Reine d'Échec et Mat avait été conditionnée pour l'être donc ce ne fut pas de son plein gré. Cet épisode fut également le seul à être censuré quand il passa aux États-Unis le thème des drogues hallucinogènes et surtout la dénonciation de la violence, en pleine guerre du Vietnam, ne pouvait que déplaire. Cependant, une autre possibilité serait la présence du comédien David Bauer, qui était sur la liste noire de McCarthy et qui donc n'avait pas droit de cité aux USA à ce moment-là. Il fut aussi interdit de diffusion en France pour des raisons analogues. Le fait qu'il fut interdit à cause de son caractère dérangeant ne déplut pas à Ian Rakoff, le scénariste. Bonus DVD Après le départ de Markstein, le scénariste Tony Sloman, l'assistant-monteur Ian Rakoff et l'éditeur de musique Eric Mival durent se creuser les méninges pour proposer des idées aux producteurs en panne d'inspiration. Ce fut finalement Rakoff qui fut engagé pour écrire un scénario mais l'expérience fut insupportable pour Rakoff car McGoohan commençait véritablement à craquer et n'arrêtait pas de lui hurler dessus, imposant des ordres abscons. L'auteur ignorait s'il reviendrait vivant de cette aventure car McGoohan l'effrayait au plus haut point. Il ne cacha pas son soulagement quand l'épisode fut bouclé. Bonus DVD David Tomblin, producteur et réalisateur de l'épisode, aurait joué un sale tour à Rakoff en s'attribuant la paternité du scénario, se bornant à mentionner le nom de Rakoff comme co-inspirateur » de l'histoire. En réalité, selon l'intéressé, Tomblin n'aurait écrit qu'une ou deux scènes dont celle du lynchage, tout le reste serait né de l'imagination de Rakoff. Lorsque Rakoff s'en aperçut, Tomblin l'empêcha de parler à McGoohan qui d'ailleurs ne fit aucun effort pour réparer ce litige. Bonus DVD Le fait qu'il y ait un épisode-western ne pouvait que réjouir McGoohan qui avait toujours rêvé d'incarner un cow-boy à l'écran. La scène où Numéro 6 maîtrise un des gardiens de la ville en se jetant sur lui grâce à une liane n'est pas sans rappeler le Moi Steed – Moi Emma de Petit gibier pour gros chasseurs saison 4 avec son pastiche de Tarzan !Acteurs/Actrices Alexis Kanner 1942-2003 est d'origine française mais a vécu son enfance au Canada puis en Angleterre. Là, il commence très tôt sa carrière au théâtre, d'abord au Birmingham Repertory Theatre puis à la Royal Shakespeare Company où il commence à jouer le répertoire classique Hamlet, La Tempête… qu'il n'abandonnera plus. Il débute à la télévision où il rencontre David Tomblin, producteur de la future série dès 1962 et joue dans Le Saint, Softly, Softly spin-off de la populaire Z-cars, Il tente aussi sa carrière au cinéma, apparaissant comme partenaire de Roger Moore Crossplots, 1969 ou de Bette Davis Connecting Rooms, 1970 mais s'y désintéresse rapidement. Il se fait ensuite bien plus rare sur l'écran, privilégiant le théâtre. Il reviendra dans la série en faisant une courte apparition non créditée en photographe et en faisant la voix du chef dans La mort en marche, avant de crever l'écran avec son rôle mémorable de Numéro 48 dans Le Bauer 1917-1973, d'origine américaine, sort avec tous les honneurs de la Washington University et se dévoue au théâtre avec succès. Il joue notamment le rôle de Doc dans la production Londonienne lors d'une tournée de West Side Story. Devant fuir le McCarthysme, il émigre en Angleterre et fait une fructueuse carrière à la télévision Sergent Cork, Le Saint cinq épisodes, Les Champions, W. Somerset Maugham, Randall and Hopkirk, Département S, Jason King, Poigne de Fer et Séduction, Softly, Softly… ainsi que de nombreuses autres séries… Il est apparu dans de petits rôles dans plusieurs James Bond Les Diamants sont éternels, On ne vit que deux fois, L'Espion qui venait du froid et dans quelques films comme Patton ou L'Infaillible Inspecteur Clouseau. Cet acteur reconnu a joué deux rôles dans Chapeau Melon l'évêque » de Winnipeg dans Les petits miracles saison 3 et Ivanov dans Maille à partir avec les Taties saison 4. Le rôle du Juge dans cet épisode est un de ses plus French 1928-1990 a connu une carrière inverse à l'habitude elle commença avec un certain succès par le cinéma anglais dans les années 1950 puis joua dans quelques séries dans les années 60 avant de se consacrer définitivement au théâtre. Le rôle de Kathy/Numéro 22 est certainement son plus connu. Séquence culte Numéro 6 rend son étoile Retour à l'index 15. LA MORT EN MARCHE THE GIRL WHO WAS DEATH Résumé Numéro 6 n'est plus dans le Village ! Il est toujours agent secret et est sur les traces de l'assassin d'un de ses contacts. Ce dernier, assassiné par explosion d'une balle de cricket !, devait lui dire où trouver le professeur Schnipps, savant fou qui projette de détruire Londres avec une fusée ! Numéro 6 engage alors une folle course-poursuite contre une séduisante jeune femme qui prétend être La Mort en personne et qui sème sa course de pièges mortels auxquels Numéro 6 doit réchapper ! Où cela le mènera-t-il ? Et où est le Village dans tout ça ? Critique de Clément Diaz Un épisode dingo, dingo, dingo ! Pour la première et unique fois, après 14 épisodes sombres, la série s'offre un divertissement hilarant ! La Mort en Marche est au Prisonnier ce que Clowneries est à Chapeau Melon de la parodie pure ! Tout réalisme est laissé de côté au profit d'un road-movie décapant, souvent incohérent, mais toujours jouissif ! C'est l'épisode qui s'écarte le plus de l'esprit de la série et donc peut déconcerter les spectateurs, peu habitués à une telle ambiance ! Mais on se prend rapidement au jeu. Car l'épisode est un savoureux pastiche comique à peine inavoué des séries et films d'espionnage britanniques qui étaient légion à l'époque Chapeau Melon, Le Saint, Le Baron, L'Homme à la Valise… sans oublier James Bond, rôle qui fut proposé à McGoohan et que ce dernier déclina ainsi qu'un hommage au plus british des détectives british » Sir Sherlock Holmes himself ! Puisque Numéro 6 adopte le déguisement du célèbre détective lors de la fête foraine… Un des points forts de l'épisode est bien sûr le scénario givré de Terence Feely qui avait déjà écrit le scénario complexe mais maîtrisé de Double personnalité qui s'amuse comme un petit fou, dynamitant tous les codes du genre. Mais il n'oublie pas de procurer plusieurs scènes d'extrême tension comme le quintuple piège du village de Witchwood. Ainsi, c'est un divertissement de première qualité qui attend le téléspectateur ! On remarque d'abord que le visage de Numéro 2 ne nous est pas montré ici. Petit mystère qui se dissipe vite à cause du ton de l'épisode qui est donné dès la première scène Une partie de cricket se déroule tranquillement. Une belle blonde se lève alors de sa chaise de spectatrice, et alors que le batteur, un vieil homme, envoie la balle très loin dans les fourrés, elle la remplace par une balle identique sans se faire remarquer. Le lanceur vient la rechercher, lance la fausse balle au batteur qui frappe la balle… et qui sous le choc explose tuant net le pauvre homme ! Cette fille ne fait pas dans la dentelle ! Après cette intro saisissante, l'épisode se poursuit dans la même veine. Toujours pas de Village en vue, nous sommes bien à Londres et Numéro 6, plus agent secret que jamais, discute avec un contact déguisé en cireur de chaussures. On peut s'étonner de l'absence du Village et ce retour à Londres mais après deux épisodes sans, on commence à s'habituer ! On suit donc l'intrigue, curieux de savoir ce qui va se passer. Dès le dialogue avec Potter, nous sommes dans le bain c'est bien un épisode d'espionnage auquel nous assistons ! Enfin, nous allons voir Numéro 6 en agent secret en plein travail ! Cependant, cette mission va être un peu particulière ! Il n'y a qu'à voir l'air un peu ridicule de Potter ainsi que le gag du téléphone dissimulé dans un accessoire inattendu et que n'aurait pas renié Max la Menace, agent secret contemporain de Numéro 6 et adepte de téléphones biscornus !! Après que Numéro 6 eut pris ses instructions auprès d'un enregistrement une scène pas dénuée d'humour !, il va donc jouer… au cricket ! Bien entendu, au poste de batteur ! Et ce qui doit arriver arrive la fille substitue les balles ! Mais Numéro 6 se méfie et rattrape la balle à la main avant de la lancer… où elle explose net ! Premier jeu mortel de la belle, il y'en aura d'autres ! Ensuite, Numéro 6 se rend au bar où il se fait empoisonner de manière inattendue ! Mais ce dernier a un remède de choc ! La scène est irrésistible avec les airs stupéfiés de la serveuse et notre héros qui ingurgite plus ou moins stoïquement son cocktail à réveiller les morts ! A la fin, son air un peu pompette déchaîne le rire !. Et de deux ! Puis, il se rend aux bains turcs où il manque de mourir asphyxié ! Il s'en sort d'extrême justesse et se voit invité à aller à une fête foraine ! On remarquera que ces scènes qui auraient dû provoquer la tension se voient constamment désamorcées par l'humour des situations et en premier lieu le flegme de Numéro 6 qui subit ces sinistres jeux tout en restant parfaitement maître de lui ! Steed a-t-il trouvé un rival ? Et puis, on ne peut s'empêcher d'être troublé par le charme vénéneux de la fille qui met en place ses pièges toujours le sourire aux lèvres et qui ne semble aucunement gênée que Numéro 6 triomphe de ses chausse-trappes ! Elle joue bien sûr en effet au jeu du chat et de la souris qui est d'ailleurs le nom du pub du Village ! et semble prendre un malin plaisir à imaginer des coups de plus en plus tordus, satisfaite de trouver un adversaire à sa taille ! Et c'est cette situation rocambolesque qui fait qu'on ne peut prendre au sérieux un tel épisode ! Dès le début, nous avons un épisode d'espionnage mais constamment décrédibilisé ! Changement de décor, Numéro 6 doit maintenant batailler contre un champion de boxe mais qui n'est pas méchant et même plutôt timide ! A quoi pouvait donc bien carburer Terence Feely pendant qu'il écrivait ça ? Après avoir échappé sans faire exprès à un 4e piège inattendu, Numéro 6 essaie de retrouver l'inconnue qui prend un plaisir grinçant à se montrer et le saluer gaîment puis disparaître, entraînant Numéro 6 dans un course échevelée à travers la foire pour la retrouver où elle n'arrête pas de jouer avec des fausses pistes qui ne font qu'égarer notre pauvre détective ! Une succession rythmée de petites saynètes humoristiques qui cassent toute tension et qui n'est pas sans être un peu vertigineuse… et drôle ! Après l'avoir bien fait courir, la belle part en voiture, suivie de près par son poursuiveur. On remarquera que le déguisement que porte Numéro 6 dans la fête foraine est un costume de Sherlock Holmes ! Or, avec un tel déguisement, on ne passe pas inaperçu ! Et c'est ce décalage qui rend cette partie amusante ! Suit une poursuite en voiture plus proche de la balade bucolique et accompagnée par une musique moqueuse au bord du fou rire ! Poursuite qui devient un temps psychédélique par un bizarre artifice employé par la belle. Enfin, ils arrivent dans un petit village abandonné où Numéro 6 va être confronté à pas moins de cinq pièges consécutifs qui vont en crescendo dans le spectaculaire une mitraillette folle, une trappe avec des pointes électrifiées, un champ de mines, des bougies farcies au cyanure et pour terminer un bazooka !!! Surréalisme pur ! Mais ces scènes-là sont beaucoup plus intenses que les précédentes. Numéro 6 se trouve dans des situations bien plus extrêmes et la tension est bien plus présente surtout le piège de la trappe au suspense réellement hitchcockien et ce ne sont pas les commentaires légers de la fille entre chaque piège qui vont relâcher la pression ! Au contraire, sa voix naturellement calme et enjôleuse stresse bien davantage ! Cette partie de l'épisode jouent aussi beaucoup sur les sous-entendus. L'élégant costume de Numéro 6 et la belle robe de La Mort » font presque costumes de mariés ! Les halètements de Numéro 6 et le plaisir dans la voix de la belle sont sans équivoque. Mais ce sont bien entendu ses commentaires qui sont les plus croustillants elle compare chaque épreuve à un jeu amoureux nid d'amour, les chandelles, les fenêtres fermées, l'atmosphère intimiste des lieux… comme quoi, l'amour et la mort, c'est tout un dans cet épisode ! En effet, la belle se dit amoureuse de Numéro 6 et veut l'aimer à sa façon » en le tuant de manière superbe ! Pendant tout l'épisode, elle lui fait des déclarations d'amour qui sont en même temps des condamnations à mort ! Un esprit aussi tordu que celui de cette dame qui se prend pour La Mort » en personne n'est pas monnaie courante et contribue à l'ambiance fofolle de l'épisode. Numéro 6, ayant feint sa mort suit la fille jusqu'à un phare. Il y entre sans se faire remarquer. Nous voyons enfin le docteur Schnipps qui souffre d'un complexe Napoléonien il se prend pour l'Empereur et sa garde rapprochée assez abrutie ! est également en costumes ! Quand on voit ce savant fêlé du bocal, on comprend mieux le caractère tordu de Sonia le vrai nom de La Mort » il est aussi fou qu'elle si ce n'est plus ! Ca va être bientôt l'heure et Numéro 6 doit se dépêcher s'il veut empêcher que la fusée décolle ! Pendant qu'il s'introduit dans le phare une invasion très drôle !, Schnipps/Napoléon sermonne ses gardes, il est grotesque et caricatural mais décidément très comique. Sonia est égale à elle-même charmante et vénéneuse. Numéro 6 monte un plan complètement déjanté pour se débarrasser des gardes qui comporte également une bonne bagarre et il fonctionne à merveille pour la plus grande joie de nos zygomatiques ! Le problème est qu'il se fait capturer par… eh oui ! Encore Sonia ! Ce qui permet une scène qui relève du cliché éculé mais ici, judicieusement revisitée Numéro 6 est ligoté et il doit se libérer avant la fin du compte à rebours ! De 007 à aujourd'hui, on ne compte plus ces scènes-là mais Numéro 6 retourne la situation en sa faveur de manière peu crédible et assez absurde mais tout est absurde dans cette histoire ! et l'aventure semble se conclure enfin par une splendide explosion… quand survient la chute, inattendue et drôle à la fois, prenant totalement à contre-pied le téléspectateur ! Hélas, cette chute, bien que drôle, est très incohérente et ne termine pas l'épisode dignement. Le procédé est un peu facile, rendant la fin inaboutie et maladroite. Sans doute le seul point faible de l'histoire. Heureusement, la dernière réplique de Numéro 6 permet à l'épisode de ne pas se terminer sur une mauvaise note. Cette réplique peut en effet être interprétée dans plusieurs sens s'adresse-t-elle à Numéro 2 et son assistante… ou bien à nous-mêmes qui avons suivi l'histoire aussi sagement que des enfants ? Bref, le scénario de Terence Feely, malgré une fin moyenne, est d'une dinguerie absurde assumée et tout à fait irrésistible ! Enchaînant les situations cocasses à vitesse grand V, cet épisode, totalement en dehors de la série, séduit par son audace et son humour ravageur sans occulter quelques moments de tension très JamesBondiens. Un des scenarii les plus loufoques jamais écrit pour la télévision dans la lignée d'un Caméra meurtre ou d'un Clowneries. La réalisation de David Tomblin, comme la précédente est absolument fabuleuse faussement tranquille au début elle devient aussi rapide et tonique que l'épisode dès que la poursuite commence ! Elle ne permet aucun temps mort. Montage très rapide, effets lumineux remarquables le tunnel de l'amour… et surtout une avalanche de gros plans et plans américains alternés, dynamique et vigoureuse qui ne lasse jamais les pièges du village par exemple. On retiendra également la rotation verticale » de la caméra sur elle-même pendant la scène psychédélique » de l'autoroute. En un mot Im-pé-rial ! Evidemment, les acteurs couronnent cet épisode hors normes Patrick McGoohan s'autoparodie en agent secret, montrant qu'il est capable de jouer la comédie avec délices. Il réussit l'exploit de jouer un agent consciencieux et professionnel avec un côté comique non dissimulé le voir en Sherlock Holmes, en officier de l'Empereur ou voir la réalisation de son plan dans le phare est un spectacle à ne pas manquer ! Un John Drake très Steedesque dans sa manière de se déguiser ou d'agir ! Justine Lord incarne une Mort » charmante et perverse. Sa façon de mélanger son amour » avec ses pulsions de mort est la base d'un numéro éblouissant pour l'actrice. Son visage doux mais surchargé de maquillage lui donne une face diabolique avec ses sourires ironiques, sa voix mielleuse et son charme cruel… une des femmes les moins recommandables de la série avec Angela Browne et Rachel Herbert ! Elle joue admirablement bien cette fille foldingue qui prend autant de plaisir à piéger son poursuivant qu'à le voir s'en tirer. Kenneth Griffith, même s'il n'apparaît qu'une dizaine de minutes, campe un Napoléon » inoubliable cabotinant joyeusement dans la mégalomanie hé-nau-rme et l'idiotie, il est vraiment régalant. Il délaisse toute nuance pour devenir un Diabolical Mastermind saisissant, un des adversaires les plus mémorables de Numéro 6 sans aucun doute ! Sa performance dans Le Dénouement, encore plus paroxystique, confirmera le génie de ce comédien. Les seconds rôles sont peu nombreux mais la réapparition de Christopher Benjamin permet une scène poilante avec McGoohan, son air indissolublement sérieux a l'effet inverse et est furieusement drôle. Sheena Marsh, en jolie serveuse qui passe du sourire à la stupeur en quelques secondes est tout aussi bien, et le tueur » du ring est campé par un Michael Brennan inquiet et pas si sûr de lui, offrant un aspect irréaliste à la scène ! La musique est tout simplement la meilleure composition de la série ! Comme celle de Laurie Johnson pour Clowneries, elle est toujours en décalé avec l'histoire musique baroque, danse virevoltante de flûtes ou de violons, cuivres rigolards, ritournelles allumées… sans oublier bien sûr des brusques sonorités inquiétantes lors des scènes de tension mais dans l'ensemble, cette musique épouse le côté parodique de l'intrigue. Allez, les enfants, c'est la fin de la récréation ! Retour au Village dans le prochain épisode ! Avis de Denis Chauvet Cet opus clôt la trilogie des épisodes déjantés bouche-trous. Des trois, c’est sûrement le western’ qui aurait ma préférence, mais aucun ne fait honneur à la série. The Girl est une parodie qui emprunte beaucoup aux Avengers You have just been poisoned – la fusée est la bombe, mais, à côté, la saison 6 de Tara King, c’est du sérieux collé-monté ! Référence aussi à James Bond sans les filles collantes, hein, il ne faut pas plaisanter avec ça avec McGoohan ! et Mission Impossible la scène au disquaire. Avec ce genre d’épisodes, une conclusion bizarroïde n’était pas à exclure et je comprends qu’à moitié que les fans du programme de l’époque furent surpris. Pourtant, tout avait bien commencé dans cet épisode avec un générique et une séquence 2/6 normaux. Ensuite, c’est indescriptible et longtemps muet et je me demande ce qu’avait pris le scénariste pour pondre cela. L’histoire d’un savant illuminé qui veut envoyer sa fusée-bombe sur Londres avec sa fille, Death, complètement démoniaque qui en fait voir de toutes les couleurs à N°6. En tout cas, les séries de l’époque –Avengers compris – étaient plutôt obnubilées par notre Empereur. La dernière scène, seul lien avec le Village, dans laquelle le 6 lit des histoires à des enfants est du n’importe quoi. On remarque Justine Lord, plutôt jolie même avec un casque à pointe, et la barmaid à la poitrine généreuse. En conclusion, les trois épisodes restés inédits chez nous jusqu’en 1991 forment une sorte d’excroissance à la série et n’en sont pas représentatifs. Ils peuvent aisément être laissés de côté…surtout que c’est ce que McGoohan a fait en étant aux USA laissant sa place à sa doublure scènes de Sherlock Holmes par exemple. Infos supplémentaires L'idée du scénario est de David Tomblin, il l'aurait eue en tête alors qu'il s'ennuyait pendant un épisode de Destination Danger. L'idée du scénario fut prévue pour donner un épisode de Destination Danger mais cela ne se fit pas. Comme les scénaristes du Prisonnier n'avaient plus d'idées, on ressortit l'idée de Tomblin qui la soumit à Feely pour qu'il écrive une histoire dessus. Bonus DVD Pas moins de trois points communs avec les Avengers dans cet épisode ! Juste après la scène avec Potter, La Mort » espionne Numéro 6 en se faisant passer pour un mannequin de boutique ! Cela aurait-il inspiré Purdey qui adopta la même tactique mais avec moins de succès ! dans Le S95 saison 7 ? Ensuite, le second piège où tombe Numéro 6 est un verre d'alcool empoisonné avec au fond du verre l'inscription You have just been poisoned ; ce qui n'est pas sans rappeler l'épisode Meurtres à épisodes saison 5 et son inscription analogue You have just been murdered !. D'ailleurs, l'épisode de Chapeau Melon comporte une scène tout à fait semblable celle où Rathbone croit s'être empoisonné avec un verre d'alcool avec l'inscription Poison au fond !Enfin, le méchant de l'épisode Schnipps est un véritable Diabolical Mastermind au sens le plus Avengeresque du terme ! Ce fou mégalo aurait eu parfaitement sa place dans la série ! Ainsi que l'épisode, tout bien considéré ! Numéro 6 manque de périr pas moins de 10 fois des jeux mortels de Sonia ! La réapparition du personnage de Potter, comparse occasionnel de John Drake dans Destination Danger, a fait penser que Numéro 6 est en fait John Drake ce qui était au départ prévu par McGoohan puisqu'il est incarné par le même acteur et de plus, la discothèque où il travaillait dans Destination Danger notamment dans l'épisode Korochi, en couleur, réapparaît dans cet épisode. Cependant, Christopher Benjamin n'est pas de cet avis et pense qu'il ne s'agit pas du vrai Potter ou alors son frère plaisante-t-il !, d'ailleurs McGoohan l'avait prévenu qu'il s'appellerait Potter dans l'épisode mais que ce ne serait pas le Potter original. Un simple clin d'œil alors ? Bonus DVD Justine Lord change 9 fois de costume ! Et ils sont tous blancs ! Bizarrerie de la VF en VO, lors de la scène du tunnel de l'amour, Sonia salue Numéro 6 en disant Auf Wiedersehen ! Mais en VF, ça devient Arrivederci ! L'acteur qui joue le lanceur de balles lors des parties de cricket s'appelle… John Drake !! McGoohan le savait-il ? On l'ignore… Le Numéro 2 de l'épisode n'apparaît qu'après 36 minutes ! C'est l'entrée la plus tardive pour un Numéro 2 dans la série. La voix du chef est en réalité celle d'Alexis Kanner qui joue le Kid dans Musique douce et Numéro 48 dans Le Dénouement. Il joue aussi dans cet épisode le rôle d'un photographe. Son nom n'est pas crédité au générique. Deuxième et dernière fois où Numéro 6 porte une moustache ! La première fois, c'était dans Double personnalité. Il a un remède de choc contre les poisons un cocktail de cognac, whisky, vodka, alcool de prunes, Tia Maria, Cointreau et Grand Marnier ! Voilà un remède qui n'aurait pas déplu à Steed ! On remarque par ailleurs qu'il se débrouille plutôt bien à la boxe ! Pour la première et dernière fois de la série, le nom de Patrick McGoohan apparaît aussi au générique de fin ! Il joue le rôle du Prisonnier » et non Numéro 6 ». Il y a des enfants dans Le Village ! On les avait cependant entraperçus au début de L'Impossible Pardon. Que font-ils ici et qui sont-ils ? On ne le saura sans doute jamais… Deux petites erreurs de continuité Lorsque Numéro 6 poursuit Sonia qui veut s'échapper de la foire, il a un parapluie en main gauche… mais il a disparu au plan suivant ! De même, lors de la poursuite en autoroute, il est clairement visible que ce n'est pas McGoohan qui conduit dans les plans éloignés mais sa doublure ! Bah oui, les plans "éloignés" ici, ne le sont pas assez !Acteurs/Actrices Justine Lord 1938 s'est tournée d'abord vers le théâtre classique avant d'enchaîner plusieurs seconds rôles à la télévision dans les années 60. Elle a joué dans beaucoup des séries populaires de l'époque L'Homme à la Valise, Le Saint 7 épisodes, Crossroads 9 épisodes, rôle de Kelly, The Troubleshooters 6 épisodes, rôle de Steve Thornton… ainsi que dans quelques téléfilms comme une adaptation de Jane Eyre rôle de Blanche Ingram de Charlotte Brontë. Elle a mis fin à sa carrière au milieu des années 70. Dans Chapeau Melon et bottes de cuir, elle a joué le rôle de Jeannette dans Combustible 23 saison 2. Kenneth Griffith 1921-2006 est un comédien complet il commence très tôt le théâtre à 16 ans ! au Cambridge Festival puis commence une carrière de petits rôles dans plus d'une centaine de films au cinéma à partir de 1942. Le cinéma l'occupe jusque dans les années 60 où il ajoute les téléfilms à son palmarès, plus que les séries où il a finalement peu joué on retiendra un rôle dans le dernier épisode de Destination Danger. Il a par la suite réalisé beaucoup de documentaires sur des personnalités historiques Churchill, Hitler, Thomas Paine, David Ben Gurion, Nehru… mais aussi Napoléon Bonaparte !!!. Son professionnalisme, sa fierté et son refus des compromis a malheureusement fait que sa carrière connut plusieurs coups de frein car il allait à contre-courant des idées reçues mais il fut reconnu plus tard comme un maître en la matière tout comme ses prestations en tant qu'acteur. Il se fit plus rare dans les années 90, consterné par "l'indigence croissante de la télévision". On notera une apparition en vieil homme un peu fou lors du premier mariage de Quatre mariages et un enterrement 1994. Il reviendra dans Le Dénouement dans le rôle du Juge en livrant un numéro absolument époustouflant, dans la lignée de cet épisode. Il n'est donc pas étonnant si ce sont ses rôles les plus fameux. Christopher Benjamin 1934 est un acteur britannique qui a consacré sa vie au théâtre. Il est reconnu pour être un des meilleurs comédiens anglais à ce jour. Il a aussi joué dans beaucoup de séries. Il avait déjà joué dans la série le rôle du manager dans L'Arrivée et une courte apparition au début du Carillon de Big Ben. Il est un visage familier des Avengers car il apparaît trois fois dans des rôles mémorables l'hilarant Hooter dans Comment réussir… un assassinat ? saison 4, l'effrayé Whittle dans Interférences saison 5 et l'excellent Swindin dans Double personnalité saison 6. Séquence culte Duel à l'artillerie lourde Retour à l'index 16. IL ÉTAIT UNE FOIS ONCE UPON A TIME Résumé Numéro 2, voyant que toutes les tentatives de ses prédécesseurs n'ont pas abouties, décide un choix hautement risqué l'épreuve du degré absolu ». Soit une confrontation à huis-clos entre lui et Numéro 6, sous l'œil du Majordome muet. Le Numéro 6, pendant son sommeil, subit une sorte de lavage de cerveau et retourne en enfance, sa faiblesse mentale provisoire est exploitée par Numéro 2 qui veut lui soutirer l'information tant désirée pourquoi a-t-il démissionné ? Ce duel psychologique, dernière épreuve de Numéro 6, sera sans merci et à fleur de peau. A la fin de la semaine, un seul des deux antagonistes aura survécu à l'épreuve, l'autre sera mort… Critique de Clément Diaz Il était une fois est l'avant-dernier épisode de la série, il ouvre la voie à l'épisode final qui s'y enchaîne. Cet épisode est certainement le plus éprouvant psychologiquement de la série car nous sommes à l'étape ultime et par conséquent, il faut une épreuve ultime, celle qui mettra le plus en danger Numéro 6, qui le poussera dans ses derniers retranchements. Cet épisode est en fait une pièce de théâtre réduite à seulement trois personnages Numéro 2, Numéro 6, et le majordome qui regarde la scène ; le superviseur n'apparaissant qu'à la toute fin. Huis-clos épique, folie latente, violence psychique permanente, schizophrénie croissante… cet épisode est d'une intensité rarement égalée à la télévision, les répliques tranchantes, les situations extrêmes, la mise en scène épurée, l'investissement prodigieux des acteurs… tout concourt à faire de cet épisode un captivant chef-d Suvre absolu, souvent cité dans les meilleurs épisodes de la série. Malgré le titre évoquant le doux univers de l'enfance, cet épisode est un vrai cauchemar éveillé qui, s'il prend un peu de temps à démarrer, ne lâche plus le téléspectateur dès que le duel commence. L'épisode est très important dans la mesure où, avec Le Dénouement, tout est dit explicitement corruption, aliénation, conformisme… le message de dénonciation de la série passe au stade supérieur les mots, les paroles se joignent aux actes, la société, par l'intermédiaire de Numéro 2 et le Juge dans Le Dénouement qui nous parle directement, délivrant son infamant message de soumission. Plus besoin de scènes allégoriques, la Communauté s'adresse à nous directement, donnant à l'épisode une force supplémentaire. L'introduction est très déconcertante car elle met en scène un nouveau Numéro 2 qui s'avère être celui du Carillon de Big Ben, mais il est cette fois moins débonnaire et plus préoccupé. Irascible, il s'emporte contre le Majordome, regarde avec colère sur l'écran l'impassible Numéro 6, tourne rageusement les pages de son dossier pendant que défilent des flash-backs et le comble il parle autoritairement et presque méchamment à son supérieur ! Numéro 1 ? Un Numéro 2 très atypique, s'emportant contre ses chefs et ne se laissant pas faire ! Il demande, puisqu'ils ont tout essayé pour faire parler Numéro 6, de lui faire passer le degré absolu, une expérience très risquée et peu pratiquée qui se déroulera dans "la chambre d'embryon". Le fait qu'il tente cette dangereuse expérience en fait un personnage hors du commun dans la série. Numéro 6, endormi dans son lit, subit dans son sommeil une attaque mentale assez effrayante, commandée par le superviseur et qui en fait une sorte de lavage de cerveau. Ensuite, vient une sorte d'hypnose qui durera toute la nuit via une lampe clignotante, sous l'œil de Numéro 2. Malgré son assez longue durée dix minutes, l'introduction prépare efficacement la suite. Le lendemain matin, nous comprenons tout Numéro 6 est retombé en enfance !! Il se comporte comme un gamin tandis que Numéro 2 joue le rôle du père ». Il sourit benoîtement, ouvre de grands yeux, mange une glace devant les airs paternalistes de Numéro 2, etc. ! Nous arrivons ensuite dans les souterrains où nous apprenons que, par la volonté de Numéro 2, ils et le majordome vont être enfermés dans la chambre d'embryon salle comportant des objets d'enfant et une cage aménagée en appartement pendant une semaine. Personne ne peut y entrer et sortir durant ce laps de temps, et l'un des deux antagonistes mourra fatalement à la fin de l'expérience… les enjeux sont posés ! Tout l'épisode repose sur un monologue Acte II, scène 7, extrait de la pièce de Shakespeare cité par Numéro 2 Comme il vous plaira où l'écrivain décrit les sept âges de la vie d'un homme la petite enfance, l'enfance, l'amoureux, le soldat entendez, la fin de ses études et ses débuts dans la vie active, le juge où il acquiert l'expérience et la sagesse, la vieillesse où il commence à s'affaiblir, et enfin la démence mentale précédée de la mort. Et en effet, excepté l'amoureux » ce qui fait… 6 âges !, Numéro 6 va revivre toute sa vie en accéléré grâce à des mises en scène simples mais efficaces de Numéro 2 et du majordome. En même temps, l'épisode parvient à un haut degré de symbolisme, accentué par le jeu des comédiens. La petite enfance Numéro 6, à l'état de petit enfant, est sous la coupe de son père » joué par Numéro 2 mais il y a encore en lui des sentiments de révolte qui affleurent, témoin, la scène de la balançoire à bascule où il fait un premier geste de défi. Certes, cela peut s'interpréter comme un caprice d'enfant mais peut-être aussi comme une première révolte contre les tentatives de Numéro 2 qu'il refuse d'appeler Père ». La partie s'annonce difficile ! Par une subtile transition, il est poussé vers l'école. L'enfance La tension monte fortement dans cette scène. Numéro 6 est convoqué chez le directeur Numéro 2. Il veut que Numéro 6 dénonce un petit camarade qui a parlé en classe mais il refuse. Cette scène en apparence anodine prend une grande signification ici. Numéro 2 veut soutirer une information à l'élève », écho du secret véritable de Numéro 6 et ce dernier refuse de le lui dire. Son impertinence enfantine est une image de sa réelle détermination résolue. Pour finir, Numéro 6, par un réflexe inconscient, fait un blocage sur le chiffre 6 qui va tout au long de l'épisode passablement irriter son adversaire. Le châtiment administré par l'obéissant majordome qui résulte de la scène ne suffit pas à faire changer d'avis notre héros. La scène suivante montre Numéro 2 remettre un prix au meilleur élève » Numéro 6 bien sûr, comme récompense de son obéissance ». Le discours de Numéro 2 est effrayant il est l'allégorie de la communauté qui demande une obéissance totale de ses sujets, sujets réduits à des numéros dans le Village. La communauté, par lui, demande la soumission totale de l'individu mais Numéro 6, même adolescent » ne l'accepte pas et refuse de dire pourquoi il a démissionné. Vient alors une première explosion la forte empoignade entre Numéro 6 et Numéro 2 gueulant à qui mieux mieux WHY DID YOU RESIGN ????? NOOOOOOOOOOO !!!!! avant d'en venir aux coups ! La crise d'indépendance qui frappe tout adolescent est un prétexte à une scène intense entre Numéro 6, gardant son secret et Numéro 2 qui veut lui arracher ! Ce conflit finit par s'arrêter mais de manière assez surprenante ! Dernier rappel de l'enfance Numéro 2 veut réapprendre l'alphabet à Numéro 6 tout en lui faisant dire six » mais obstiné, il répète cinq » ! Suit alors un échange nonsensique avec Numéro 2 hurlant et Numéro 6 fredonnant des comptines, symptomatique de la folie qui s'empare d'eux. Ces deux périodes évoquent la fragilité de l'esprit de l'enfant qui trouve sa voie selon l'éducation qu'on lui donne ; pervertir un enfant est très facile et ces quatre scènes enfantines » résonnent comme une dénonciation de la mauvaise éducation que l'on peut donner à un enfant que ce soit par les parents ou par une éducation scolaire rigide et aliénatrice… ce qui n'est pas sans évoquer certains problèmes rencontrés par l'éducation aujourd'hui ! Ce sont des échos du Général. Le soldat » Numéro 6 est formé par son entraîneur sportif Numéro 2 encore à la boxe et à l'escrime. Dans le premier cas, à force de boxer, Numéro 6 s'épuise et Numéro 2 profite de sa faiblesse pour lui demander pourquoi il a démissionné, la réponse de Numéro 6 sera cependant sans appel ! Quelle ténacité ! Vient ensuite l'escrime où Numéro 6 désarme Numéro 2, il a alors la possibilité de le tuer car les épées sont réelles ! La scène est intense Numéro 6 aura-t-il la force de passer son bourreau au fil de son épée ? La réponse ne sera pas celle que l'on croit ! Cette scène est-elle le symbole de nos pulsions meurtrières qui couvent en chacun de nous et que nous réprimons par peur ou par principe ? Quoiqu'il en soit, ce nouveau climax saisit profondément le téléspectateur par sa puissance psychologique et par la qualité des combats ils sont très bien réalisés et énergiques ! Vient ensuite la vie active Après s'être rasé signe que Numéro 6 est désormais un homme, il cherche un travail dans une banque et passe un entretien d'embauche qui est en fait celui qu'il a eu en postulant dans les services secrets. Mais Numéro 6, alors qu'il roulait dans sa petite voiture de gamin, est arrêté par un policier le majordome qui lui passe les menottes et le mène au tribunal, chez le procureur Numéro 2 évidemment ! Le Juge » encore une scène mémorable. Numéro 2, en juge anticipant le Juge du Dénouement harcèle Numéro 6, sous prétexte qu'il a fait un excès de vitesse. En réalité, il cherche à le déshumaniser, lui faire prendre conscience qu'il n'est qu'un numéro, une unité du Village, ce à quoi le prisonnier, bien que dangereusement affaibli mentalement, proteste. Numéro 2, en furie, tente de faire craquer Numéro 6 en le condamnant, en le culpabilisant, en niant son individualité et en cherchant à le faire accepter l'étiquette de Numéro 6. La scène devient de plus en plus forte jusqu'à ce que le Juge, tempêtant, l'enferme dans la cage-appartement qui devient une prison. Mais Numéro 6, bien qu'au bord de la folie, continue de résister et cela donne lieu à une scène démente Numéro 2 et Numéro 6 ne cessent de crier l'un contre l'autre, aucun ne veut céder du terrain à son adversaire mais Numéro 6 est prêt à se laisser tuer plutôt que d'avouer son secret. Comme s'il avait acquis la sagesse de savoir mourir pour ses idées. Les cerveaux des protagonistes sont manifestement détraqués tellement leurs comportements sont ceux de malades mentaux. Eprouvant ! Numéro 6 avoue cependant avoir déjà tué à la guerre. Qu'à cela ne tienne, Numéro 2 maintient la pression sur Numéro 6 en appuyant sur ce point en lui faisant revivre cette époque en mettant en scène un larguage de bombes Numéro 6 cependant refuse de dire le chiffre 6 du compte à rebours puis en l'interrogeant sur ses actions Numéro 6, voguant dans un autre monde, tient bon et nous nous apercevons qu'il retrouve peu à peu sa tête, et qu'il combat les effets du degré absolu en disant 6 » et en demandant à dîner ! Ellipse, suspense… Le finale de l'épisode débute alors avec la vieillesse, la seconde enfance » où les effets pervers du degré absolu se dévoilent enfin, dérangeant considérablement le cerveau pour celui qui lâche prise face à son adversaire. En effet, il y a comme une répartition de la force mentale entre eux deux qui finit par aller en faveur de celui qui réussit à prendre un avantage sur l'autre, laissant l'autre craquer. Ceci explique l'apparente bizarrerie de la situation au début de la scène, fausse séance psychanalytique qui pourtant est le seul moment de répit dans l'épisode. Cette brève pause est balayée net lorsque le compte à rebours se déclenche donnant lieu à un dernier duel final stressant à souhait, résultat final de l'expérience degré absolu. Car il est l'heure de passer au dernier âge la folie démentielle qui vous saisit avant de mourir… la terreur monte alors dans la scène tandis que l'on se rapproche de la fin du temps, que les secondes fatales s'écoulent, que les personnages partent dans un délire cinglant, que les mots perdent leur sens jusqu'à devenir des fatrasies sonores, sans queue ni tête… le climax de l'épisode est superbement agencé, on attend, haletant, la fin, sans cesse différée par le ralentissement du temps et la situation qui semble sans issue. Cette attente insoutenable est accrue par le jeu des comédiens en roue libre. Le suspense prend fin lorsque le compte à rebours se termine, nous laissant admirer le tableau final en silence. Mais l'épisode n'est pas encore fini le Superviseur apparaît et le dialogue final nous fait comprendre qu'enfin, nous allons voir l'insaisissable Numéro 1 ! L'épisode s'enchaîne en effet avec le finale – Le Dénouement – qui va clôturera la série. Pour le moment, quittons l'épisode avec cette dernière vue de la chambre d'embryon, déserte, en attendant de voir ce qu'il y a à l'extrémité du couloir souterrain Le scénario de Patrick McGoohan est un voyage au bout de l'angoisse, culminant dans la scène finale. Ce huis-clos théâtral avec seulement deux personnages et la présence persistante du Majordome, qui a un rôle plus étendu que de coutume tient tout entier au jeu des interprètes. Puissamment anxiogène, l'histoire ne lâche jamais le spectateur et semble être en même temps une dénonciation des pernicieuses influences extérieures qui peuvent nous déposséder de nous-mêmes. Les scènes, plus ou moins grotesques parfois, anticipent l'aspect grand-guignolesque mais à la profondeur ô combien vertigineuse de l'épisode final. Sa mise en scène, bien qu'épurée, se révèle redoutablement efficiente. La caméra, au plus près des comédiens, fait oublier les décors volontairement minimalistes. Elle donne la part belle aux gros plans qui nous font très bien voir les émotions sur les visages des personnages qui portent l'épisode sur leurs épaules. Ainsi pas de fioritures, rien qui abaisse la tension. Magnifique ! Patrick McGoohan et Léo McKern sont inoubliables rages hallucinées, délires sans limites, explosions brutales de colère, dialogues déréglés… un épisode de fous ! Repoussant leurs limites de jeux de façon inimaginable, ils deviennent à part entière leurs personnages, faisant des compositions virtuosissimes qui ne sont jamais pesantes ou lassantes mais saisissent les tripes les spectateurs. La pression permanente crée par le scénario maintient les acteurs dans un état second qui trouvent là leurs plus beaux rôles où rien n'est laissé au hasard un regard, un chuchotis, une attitude... tout est calculé, millimétré dans les moindres détails. Cette recette est aussi un des succès du Dénouement. Angelo Muscat est presque toujours dans l'œil de la caméra, regardant les scènes se dérouler sans aucune émotion, ne faisant qu'obéir aux ordres qu'on lui donne. Sa présence/absence contribue à l'atmosphère de l'épisode. Son visage fermé est un contrepoint à l'hyperexpressivité du duo central. Peter Swanwick est un Superviseur froid qui ne fait pas baisser la pression à la fin de l'épisode, même après le climax, qu'est-ce qu'il est inquiétant ! La musique n'est pas très présente mais elle évoque souvent l'enfance par son registre aigu et ses ritournelles subtiles. Elle a donc tout à fait sa place. Avis de Denis Chauvet Les grands moyens sont employés pour faire fléchir le N°6 Degree Absolute’. Un huis clos d’une semaine entre le N°2 et le 6, retombé en enfance, sous l’œil du majordome. Un seul survivra. On est de retour au Village; enfin, le souterrain du Village. Le N°2, c’est Leo McKern, excellent dans ce rôle et il le fallait ! Après l’étude du dossier du 6 et quelques flashbacks, le 2 décide que le degré absolu est la seule solution. Le lavage de cerveau à la lampe et le N°2 en train de chanter des comptines est cocasse. C’est ensuite la descente dans les sous-sols et le huis clos. La vie du N°6 est passée en revue avec toujours l’éternelle question Why did you resign ?’. Le 2 en figure autoritaire est inquiétant, mais le 6 gagne de l’assurance avec l’ âge’ et le conditionnement qui s’estompe. Le duel est phénoménal, même si parfois, on sent le remplissage. En tout cas, l’implication de McKern est palpable il était au bord de la crise cardiaque parait-il !. Une bataille d’esprits que le 2 emporte même si McKern vole la vedette à McGoohan. Une excellente idée de départ qui tourne le plus souvent par la suite à de l’incohérence, du grotesque et de la folie pure. Il y a néanmoins d’excellents échanges tels que sur l’individualisme et la société la notion de loup solitaire et la dernière minute’ est envoutante. Faut aimer cette ambiance surréaliste et théâtrale ; moi, j’ai dû mal. Le 6 est invité à voir le Numéro 1 par le Superviseur un des plus gros cliffhangers de séries, supposé annoncer une seconde saison ! Infos supplémentaires Aka. Degree Absolute Degré Absolu Il s'agit de l'épisode préféré de Patrick McGoohan Bonus DVD. Le scénario fut écrit par McGoohan sous le pseudonyme d'Archibald Schwarz. Mais au générique, c'est bien son vrai nom qui apparaît. Cet épisode fut le 6e tourné en ordre de production. En effet, l'effervescence qui régnait sur le plateau était telle qu'on envisagea la fin bien avant le terme des 17 épisodes. On tourna donc cet épisode annonciateur du finale en plein milieu de la production ce qui explique que George Markstein soit encore crédité au générique. Bonus DVD Plusieurs membres de l'équipe de la série pensent que le fait que cet épisode fut tourné tôt démontre que Patrick McGoohan avait la fin en tête, sinon une approche globale de la série. Bonus DVD Le tournage de l'épisode fut terriblement chaotique, en particulier pour Leo McKern. Il explique qu'il était impossible de travailler avec McGoohan qui ne faisait qu'hurler et se plaindre, mettant la pression sur tout le monde. McGoohan et McKern furent même atteints de schizophrénie tellement leurs rôles, trop intenses, avaient pris le dessus sur eux ce qui est visible à l'écran. McGoohan harcela McKern a tel point qu'après 9 jours d'un tel régime, McKern flancha et fit une dépression nerveuse qui dura 3 jours, on craignit même pour sa vie ! McKern eut beaucoup de mal à reprendre le cours de l'épisode. D'après Brendan Stafford, membre de l'équipe de tournage, les acteurs ne jouaient plus, ils étaient devenus leurs personnages ! Bonus DVD Malgré cette terrible épreuve, McKern reconnut que – même à l'agonie – il s'était bien amusé ! Bonus DVD Qui prononce dans les dernières minutes le mot Die ! » ? Numéro 6 ? Numéro 2 ? ou bien… le Numéro 1 ?!! On ne le sait toujours pas ! Il y a un rideau de théâtre devant l'écran de Numéro 2, cela accentue le côté mise en scène » de la série et particulièrement de l'épisode qui s'inscrit pourtant dans le réel. Les flashbacks du début de l'épisode nous montrent des extraits des épisodes L'Arrivée, Le Carillon de Big Ben, Liberté pour tous et Danse de Mort. Le rat » mentionné par Numéro 6 au début de l'épisode peut être soit un mot d'impertinence soit une référence au Hamlet de Shakespeare qui a crée le canevas de l'épisode où Hamlet, simulant la folie, parle de rat » en tuant Polonius. Dans les deux cas, ce mot n'est sans doute pas laissé au hasard John Maxim Numéro 86 est crédité au générique bien que ses scènes furent coupées au montage Leo McKern 1920-2002 a joué dans plus de 200 films et séries, il fut parallèlement comédien de théâtre. Il jouait déjà le Numéro 2 dans Le Carillon de Big Ben, rôle qu'il reprend dans cet épisode et qu'il jouera de nouveau dans Le Dénouement . Sa corpulence et son investissement firent de lui un acteur très talentueux qui marque durablement sa présence. Il est surtout connu pour avoir joué Horace. W. Rumpole dans la série Rumpole of the Bailey de 1975 à 1992. Séquence culte Convocation chez le directeur d’école Retour à l'index 17. LE DÉNOUEMENT FALL OUT Résumé Après avoir passé l'épreuve du Degré Absolu », Numéro 6 est invité dans un tribunal souterrain où aura lieu le procès de trois révolutionnaires » dont lui-même. La séance cependant devient de plus en plus folle, de plus en plus hystérique au fur et à mesure que les débats avancent et que les rebondissements s'enchaînent en cascade. Quant à Numéro 6, le moment est venu d'exaucer son souhait il va rencontrer le Numéro 1 et choisir son destin ; il est cependant bien loin d'imaginer comment son aventure se terminera…Critique de Clément Diaz Le Dénouement est un épisode qui ne ressemble à aucun autre. Délaissant toute vraisemblance, il nous emporte dans un tourbillon frénétique, une spirale dionysiaque. La série se termine sur une apothéose psychédélique où chaque détail compte. Depuis les juke-box du début jusqu'à l'ultime plan final, lourd de sens, l'épisode assaille le spectateur à coup de situations rocambolesques, absurdes en apparence, mais dont chacune a un sens caché et qui varie selon le spectateur… Cet épisode constitue une des fins les plus controversées pour une série TV, car affirmant sans discussion son caractère allégorique parfois déstabilisant. Foutage de gueule, ou génie absolu ? Fin foutrarque ou conclusion virtuose ? L'auteur de ses lignes a opté pour la seconde solution et va essayer de vous expliquer en quoi réside le génie éblouissant de cet épisode qui finalement applique à la lettre la fameuse citation de François Rabelais dans sa préface de Gargantua Il faut rompre l'os et sucer la substantifique moëlle. Derrière l'aspect grand-guignolesque de l'épisode se cache une ultime attaque en règle contre les tares de la société mais qui ici devient beaucoup plus puissante que dans les épisodes précédents, notamment à travers les personnages du Juge et du Numéro 1. Cet épisode, extrêmement compliqué à analyser, sera donc divisé en cinq parties Introduction – L'affaire Numéro 48 – L'affaire Numéro 2 – L'affaire Numéro 6 – Finale. 1. Introduction L'épisode commence non par le générique mais par un prélude de trois minutes constitué de flash-backs issus de l'épisode Il était une fois dont il est la suite directe. Vient ensuite la musique du générique, un peu modifiée, accompagnant non la séquence traditionnelle de la démission de Numéro 6 mais une vue en contre-plongée du Village comme dans L'Impossible Pardon. Retour dans les souterrains. Numéro 6, le Majordome et le Superviseur s'avancent dans des tunnels creusés dans la roche où figurent quelques juke-box diffusant la fameuse chanson des Beatles All you need is love. C'est d'ailleurs une des rares fois où la série s'inscrit dans son temps le groupe des quatre garçons dans le vent était alors à son apogée. Que signifie cette mise en scène ? Elle ne prendra tout son sens que dans les dernières minutes où nous comprendrons enfin pourquoi la chanson figure dans l'épisode. Nous arrivons dans la salle du tribunal où l'action de l'épisode va se dérouler elle se compose de quelques machines en arrière-plan, collées contre la roche, d'un hémicycle où sont présents des jurés en robe et gants blancs et tous pourvus de masques à l'air inquiétants, presque grimaçant, dont une moitié est blanche et l'autre noire, d'une estrade où se tient le président du tribunal, d'une fusée à l'intérieur de laquelle se cache le Numéro 1 qui ne s'exprime que par un œil lumineux clignotant et d'un petit escalier surmonté d'un trône doré de velours bleu sans oublier parmi tout le petit monde, quelques gardes armés jusqu'aux dents. La séance peut commencer. Elle commence par l'allocution du Juge, qui prolonge la voie engagée par Il était une fois il est lui aussi le symbole du Village et de la société, qui va juger ses propres concitoyens il se donne le droit de juger alors que nous ne devrions avoir aucun compte à lui rendre, mais comme toujours, la loi du plus fort l'emporte ! Il annonce qu'il va traiter le cas de la rébellion, dangereux pour la démocratie » Le Village est pourtant loin d'en être une !. Et que ceux qui veulent se révolter doivent être réprimés et remis dans le droit chemin. Evidemment, ce discours dit bien la volonté de nos gouvernants de préserver l'ordre établi aussi détestable qu'il soit. La politique, aux jours actuels, est devenu l'art d'annoncer un renouvellement perpétuel alors qu'elle reste dans une tradition figée. Aujourd'hui, mis à part les révolutions, la politique d'un pays ne varie pas souvent, elle consiste à le diriger en suivant ses propres intérêts qui ne sont pas toujours ceux du bien public. Dans tout pays, aussi démocratique soit-il, les lois régentent les hommes et sont une atteinte à leur liberté. Si elles sont nécessaires pour contraindre l'homme à ne pas commettre des délits, elles le conditionnent avec plus ou moins de succès, elles ne lui laissent pas le choix, c'est son effet pervers et qui rend prisonniers autant ceux qui s'y soumettent que ceux qui essayent de bouleverser les choses, car ces derniers sont réprimés par la force. La violence étant le seul moyen d'humaniser l'humanité si l'on reprend les termes du Juge. Mais Numéro 6, bien que révolutionnaire », ayant franchi toutes les épreuves a un statut particulier et il est considéré non plus comme numéro mais comme Monsieur » Sir en VO à qui tous les égards sont maintenant dus. Ce simple terme réhabilite Numéro 6 comme un individu à part entière, il s'assied sur le trône d'honneur en compagnie du Majordome, désormais voué à ses intérêts. Il n'est plus un numéro, mais est-il maintenant un homme libre ? Attendons en sa compagnie la suite des événements… …Qui commencent par un coup de théâtre le cadavre de Numéro 2 est amené sur une table d'opération et l'œil lumineux de la fusée s'éclaire Numéro 1 s'exprime en signaux lumineux au Juge qui exécute ses ordres à savoir… ressusciter Numéro 2 ! Il est transporté et on commence à le réanimer ! Pendant ce temps, le Juge va faire le procès du premier révolutionnaire le Numéro 48. Un détail doit nous alerter que signifie l'assemblée ? L'assemblée est constituée en plusieurs parties qui ne semblent avoir aucun rapport les unes les autres voir Commentaires. Et si l'assemblée était le symbole de toutes nos facettes intérieures ? Nous avons tous une personnalité complexe, et les membres de l'assemblée sont certainement autant de personnalités qui vivent en nous-mêmes. Une introduction très troublante. A ce moment-là, l'épisode va basculer dans une sorte d'univers irréaliste, complètement démesuré et déconcertant furieusement. Chaque détail compte ! L'épisode peut enfin commencer… 2. Numéro 48 Numéro 48 arrive, c'est un jeune hippie complètement fou. Chapeau haut-de-forme avec une rose, et clochette autour du cou, il arbore un look provoquant pour l'époque, dans la lignée des jeunes d'alors. Aux phrases du Juge, il répond par des couplets de la chanson chrétienne Dry Bones ce qui déclenche un tollé dans l'assemblée qui perd tout sens de la discipline ! Un rappel à l'ordre du Numéro 1 fait cesser le vacarme et l'accusé s'avance tandis que le Juge, plus démago que jamais, pointe la menace pour la société des jeunes d'aujourd'hui tout en admettant comprendre leur révolte ils sont jeunes, ils veulent se révolter…, il déclare qu'elle doit cependant être réprimée car elle menace la société ». La stigmatisation des jeunes, déjà présente dans ces années-là, étant aujourd'hui un phénomène universel, la série ne perd rien de sa force de ce côté-là ! Les jeunes, avenir du monde, sont l'objet de toutes les attentions des gouvernants qui les voit d'un œil condescendant. Leur propension à vouloir changer l'ordre des choses, de bâtir un monde meilleur, bref de se révolter, est mal vue par les politiques qui préfèrent ne pas voir leur souffrance jetés dans un monde injuste, ils ne peuvent s'exprimer que par la provocation » pour se faire entendre, c'est réussi, mais pour se faire comprendre, ce n'est pas gagné ! La manifestation de révolte de Numéro 48 en atteste bien il sème la pagaille dans la salle en courant dans tous les sens. Allégorie de la protestation des jeunes ou bien représentation de la violence, parfois seul moyen pour eux d'entendre leur voix qui sinon crie dans le désert ? Dans les deux cas, Numéro 6, qui a bien compris ce pauvre hère, cesse son tintamarre en l'appelant young man jeune homme ou Monsieur en VF. Combien cette seule parole est puissante ! En le voyant tel un homme comme les autres, Numéro 6 accorde au jeune ce qu'il souhaite le droit d'être écouté et respecté. Que demandent les jeunes de plus si ce n'est le respect pour eux-mêmes et d'être des hommes égaux en droits ? Et c'est pour ça que Numéro 48 accepte de s'arrêter… temporairement ! Or, accorder ce titre » le terme n'est pas exagéré car aujourd'hui, c'en est quasiment devenu un à un révolté ne peut plaire au Juge mais Numéro 1 lui fait signe appelons-le comme ça, on gagnera du temps ! C'est donc une première victoire pour ce garçon mais qui, voulant être apprécié pour ce qu'il est, ne va pas changer son attitude déjantée. Le jeune en question n'a manifestement pas toute sa tête mais curieusement, son comportement en l'apparence zinzin le rend davantage humain que le Président, froid et intolérant, et ses jurés qui le suivent. Petit échange entre le Juge et l'accusé mais évidemment, il part très vite dans le non-sens… non-sens ? Pas si sûr car le jeune homme » dit que le Juge et son assemblée veulent donner » et surtout prendre » take et le mot est scandé par toute l'assemblée dans une frénésie croissante ! Malgré leurs masques, ils sont clairs comme le jour ! Ils veulent prendre », ils veulent exploiter leurs concitoyens, s'emparer d'eux, les dominer par tous les moyens, et d'abord en les culpabilisant, en leur reprochant de ne pas se plier aux règles de la société ! Ce qu'ils cherchent n'est rien de plus que la possession de leur âme, ils veulent tout leur prendre, le tout enveloppé sous un enrobage légal. Comprenons alors les velléités de changement voulus par les jeunes qui veulent être libres et considérés le Juge dit qu'il plane » mais un Non » grave et mûr de son interlocuteur le détrompe, il n'est pas si fou que ça ! Il a seulement des moyens différents de s'exprimer, ce que les autres ne tolèrent pas ! Pourtant, il ne veut qu'un peu de reconnaissance ! Je suis ton petit, papa, tu dois quelque chose à ton petit ! Le jeune homme » est un microcosme de tous les jeunes ; il est nourri de rock'n'roll et d'inspiration religieuse la chanson Dry Bones, c'est-à-dire un mélange de liberté et de pureté, de folie et de raison, de passion et de réflexion. Comme la plupart des jeunes, il n'est pas encore mature, il manque encore de discernement mais son combat demeure juste. On peut présumer que le jeune homme », chrétien, n'a jamais commis de violence donc l'épisode n'encourage pas pour autant les jeunes à la violence et la fin de l'épisode le montrera bien d'ailleurs. L'interlude sur la chanson Dry Bones dans laquelle tout le monde se lâche brusquement est un triste constat d'incompréhension le jeune s'exprime par cette musique mais l'assemblée n'y voit qu'un divertissement la caméra vise d'abord les jurés avec la mention récréation », elle ne le prend pas au sérieux. Vient ensuite un détail terriblement ironique un juge lit la déclaration d'accusation contre le jeune homme » paraphrase de ce que disait le Juge qui menace l'avenir de leur gouvernement et les règles de la société, etc. etc. Mais c'est le juré anarchiste » qui prononce l'allocution ! Or un anarchiste ne tiendrait jamais un discours pareil, à l'opposé complet de ses principes !! Nous comprenons alors le vide de cette déclaration. McGoohan se met du côté du garçon en tournant en dérision l'attaque dont il est l'objet en la faisant dire par celui qui aurait le moins de chance de le dire ! Quelle adresse ! Or, il ne fait qu'énoncer les principes du Village ! L'attaque est foudroyante et ridiculise ce système absurde qui n'est bon qu'à détruire les gens. Sommairement condamné, le jeune homme » est renvoyé dans sa geôle en attendant son exécution, mais il continue de chanter sa ritournelle… Affaire classée, passons au second révolutionnaire ! 3. Numéro 2 Curieusement, c'est bel et bien le Numéro 2 de l'épisode précédent qui est jugé pour révolte contre l'ordre établi ! Il se réveille mais sa figure est méconnaissable ! Pendant le traitement, ses cheveux ont été coupés, il a été rasé, et il arbore une moustache rousse ! Tout le monde hurle de rire mais il impose le silence. Il serre la main de Numéro 6 et constate que le Majordome ne lui obéit plus, il est maintenant sous les ordres de Monsieur » signe éclatant de la perte du pouvoir, de la défaite de ce Numéro 2 comme il le reconnaît. Il prend la parole et nous comprenons tout ce qui s'est passé Autrefois occupant un poste très important au Palais de Westminster, et donc connaissant bien des secrets, il a été capturé et emprisonné au Village mais à la différence de Numéro 6, il n'a pas résisté bien longtemps aux méthodes du Village. Mais il a accepté le poste de Numéro 2 car cela satisfaisait sa soif de pouvoir. Nous apprenons aussi que l'épreuve finale a été truquée car pour empêcher la mort réelle de Numéro 2 sanctionnant son échec dans l'expérience du Degré absolu, son vin a été drogué. Alors pourquoi est-il jugé ? Peut-être parce qu'au fond de lui-même, il n'a jamais totalement approuvé le système aliénateur du Village. S'il s'est corrompu pour exercer un poste important au sein du Village, il n'a jamais supporté qu'on lui donne des ordres sa colère au début d'Il était une fois est donc expliquée et n'a pas accepté de devoir rendre des comptes à une autorité Numéro 1 qu'il n'a jamais vue et dont il ne connaît rien. En cela, il est plus proche de Numéro 6 qu'on le croyait, car lui aussi est un insoumis, la différence est son goût du pouvoir qui lui a fait se renier lui-même. Mais maintenant, qu'il n'est plus Numéro 2, il rejoint le combat de Numéro 6 et, chose incroyable, il défie le Numéro 1 en regardant fixement l'œil lumineux de la fusée. Il déclare qu'il est prêt à mourir mais qu'au moins, il mourra l'esprit libre ! Il jette son badge de Numéro 2 par terre et Numéro 1, qui n'a plus de prise sur lui, dégage des volutes de fumée, exprimant sa rage d'avoir perdu ce duel psychologique ! Numéro 2 est emporté hors de la salle mais refuse d'être maintenu ! Et il entre de lui-même dans l'élévateur qui le mène à la salle du dessous. Il ne peut s'empêcher cependant de s'exclamer Be seeing you ! comme un dernier geste de défi ! Combien cette scène est forte ! Il n'est jamais trop tard quand il s'agit de reconnaître ses erreurs. Grâce à Numéro 6 qui l'a dominé dans le Degré absolu, il a pris conscience de la vacuité de ses ambitions et du fait qu'il avait vendu son âme à un tyran qui s'était servi de lui. Même s'il est toujours prisonnier, il est maintenant libre de ses pensées, libre de lui-même. Que lui importe la mort puisqu'il a repris son indépendance ? C'est, mine de rien, un nouvel échec pour le Village. Le discours de Numéro 2 est une véritable ode explicite cette fois ! à la liberté de soi-même. Enfin, nous arrivons au procès de Numéro 6… 4. Numéro 6 Curieusement, le Juge tient un discours assez surprenant il considère que la rébellion de Numéro 6 est saine et honnête », différente des révoltes dangereuses » des deux précédents. Il a su, malgré les méthodes du Village rester pur et fidèle à lui-même ce qui n'est pas le cas de Numéro 2, il est plein de maturité et d'expérience, ce qui n'est pas le cas de Numéro 48. Ces différences font qu'il pourrait devenir un guide » pour le Village. En clair, nous assistons à une transposition de la tentation du Christ avec le Juge dans le rôle de Lucifer ! Patrick McGoohan, bien qu'il n'ait pas pensé à cet interprétation quand il rédigea la scène, a d'ailleurs approuvé une telle lecture interview de 1977. Oui, il est désigné comme un messie, il porte le titre d'individu », le seul, l'unique qui l'ait mérité. Le Village reconnaît à demi-mot qu'il a échoué et veut donc qu'il soit à son tour, le chef, c'est-à-dire être un Numéro 2 et peut-être même détrôner le Numéro 1. Proposition alléchante mais qui n'est pas du goût de Numéro 6 ! Il préfère partir et en effet, le Juge lui propose cette option sur l'écran, des images de sa maison et de sa voiture entretenues et on lui remet des attributs qui lui confère cette dignité d'homme la clé de son appartement, de l'argent, un passeport. Le Juge veut qu'il reste au Village pour le diriger et tout serait à lui dans ce cas, tout lui appartiendrait. Il l'encourage à prononcer un discours pour toute l'assemblée. Numéro 6 accepte et monte sur l'estrade mais cette offre est pernicieuse il commence à peine son élocution que l'assemblée l'interrompt à grand-bruit ! Numéro 6 essaye de parler mais l'assemblée ne cesse de l'interrompre à coups de vivats ! Finalement, il prononcera son discours jusqu'au bout mais nous n'en saurons jamais la teneur le bruit de l'assemblée couvrant ses paroles sous le regard ironique du Juge. Que signifie pareille mise en scène ? Encore une fois, plusieurs interprétations possibles Numéro 6, n'ayant jamais voulu diriger son ancienne prison, prononçait peut-être un discours qui, comme ceux de Liberté pour tous et J'ai changé d'avis, serait une ode à la liberté de soi-même ou bien une attaque contre le Village ce que ne peut accepter le tribunal. Ou bien, clin d'œil ironique Dans ce cas, l'assemblée, nous-mêmes, fait du bruit pour ne pas entendre le discours libérateur ! Comme le démontrait les deux épisodes déjà cités, nous sommes incapables de comprendre ou d'accepter une parole libératrice, il s'agit donc d'un triste constat nous sommes incapables d'améliorer notre sort et cela rejoint le pessimisme de l'auteur. L'intensité passionnée de Numéro 6 quand il prononce son discours en dit long sur son état d'esprit mais qu'importe puisque nous ne saurons jamais ce qu'il a voulu dire… Enfin, dernière proposition, et si c'était tout simplement un moyen de le vexer, de le ridiculiser voir le regard carnassier du Juge pendant cette scène, un moyen de pression à son encontre car Numéro 6 semble préférer partir que diriger ! Le Juge, après cette comédie, déclare à Monsieur » qu'il peut maintenant rencontrer le Numéro 1 Numéro 6 entre dans la fusée, suivi du Majordome, désormais attaché à ses pas. Il croise les deux condamnés qui divaguent dans une folie pure, monte un escalier et pénètre dans la salle de contrôle de la fusée où l'attend le Numéro 1. La salle est remplie de globes terrestres, de panneaux de contrôle… Big Brother is watching you ! Numéro 1, le visage masqué, se tourne vers Numéro 6, et lui offre une boule de cristal, ce dernier la brise et tire le masque de Numéro 1… laissant apparaître un masque de singe ! Numéro 6 arrache le second masque, dévoilant le vrai visage de Numéro 1… c'est lui-même ! Numéro 1 est Numéro 6 !!!! Numéro 1 éclate d'un rire terrifiant avant de s'enfuir de la salle… Voilà donc ce que nous préparait la série Numéro 1 a l'apparence de Numéro 6 ! Et cette révélation consterna le public de l'époque et encore aujourd'hui est attaquée par certaines personnes. Cependant, d'autres fans préfèrent penser qu'il s'agit d'une fin digne de la série qui était dès le départ, finalement, vouée à s'achever sur une énigme. La thèse de McGoohan est celle que retiendra votre serviteur Numéro 1 est la part d'ombre de Numéro 6. C'est Jekyll et Hyde deux faces différentes d'un même individu. Nous avons tous une part d'ombre et de lumière, le bien et le mal en nous et Numéro 6 et Numéro 1 le démontrent bien ! La puissance de l'allégorie éclate ici dans toute sa splendeur le pire ennemi de chacun est lui-même thèse Freudienne, c'est finalement nous-mêmes, davantage que la société, qui nous emprisonnons. Nous sommes tous notre propre Village, nous sommes prisonniers volontaires de nos vices et de nos peurs. Nous avons accepté plus ou moins consciemment de vivre dans une société profondément mauvaise. Tant que nous resterons passifs, que nous n'agirons pas de manière à rendre un monde meilleur, nous resterons prisonnier de nous-mêmes, dans le Village que nous avons nous-mêmes crée. Est-ce absurde de penser que le chef du Village est nous-mêmes ? Pas plus absurde que le masque de singe qui semble lui aussi absurde, et qui anticipe de quelques secondes le vrai visage de Numéro 1. Ce singe, symbole de la bestialité qui est en nous comme le dit McGoohan dans l'interview de 1977. Cette fin, absolument irrationnelle, ne peut donc être prise au premier degré, il faut réaliser une double lecture pour comprendre le génie sidérant de l'épisode. Mais la série est si riche que finalement, il existe plusieurs interprétations possibles de Numéro 1, et il est tout à fait pensable d'imaginer une autre interprétation de cette révélation. Je vous proposerai, en bas de page, plusieurs visions possibles, trouvées par des fans de la série, de l'identité du Numéro 1. Cependant, la thèse originelle de Patrick McGoohan est aujourd'hui la plus répandue car elle est celle qui correspond le mieux à l'atmosphère de la série, ce qui ne signifie pas que les autres interprétations sont fausses, chacun peut voir ce qu'il veut en Numéro 1, finalement miroir de notre âme… 5. Finale Tout est prêt pour le grand final. Sans interruption et ne nous laissant pas le temps de nous remettre de cette révélation-coup de massue, Numéro 6, voyant qu'il a laissé filer le Numéro 1 décide de contre-attaquer il est évident que le Village ne le laissera pas partir facilement, et voudra le garder comme chef. La seule solution est de s'évader par la force… Et en effet, Numéro 6, non-violent, n'a utilisé jusqu'alors la force qu'en cas de légitime défense un peu comme John Drake mais là, il va vouloir s'échapper en utilisant cette méthode. Il fait démarrer le compte à rebours de la fusée pour détourner l'attention et avec l'aide du Majordome, maîtrise les gardes et libère Numéro 2 et Numéro 48. Armés tous les quatre jusqu'aux dents, ils font irruption dans la salle du tribunal et feu à volonté contre toutes les personnes présentes dans la salle notamment les nombreux gardes du tribunal tandis que retentit la chanson du début All you need is love. L'épisode passe alors dans un pessimisme très sombre. Comme le fit remarquer McGoohan plus tard l'utilisation de la violence n'est qu'un triste aboutissement. Elle a couvé dans le sein du héros qui n'a jamais voulu en user mais là, elle explose férocement, et les mitraillettes fusent, les balles partent, le carnage s'amplifie… En dernier lieu, la violence s'impose comme tout ce qui reste de recours et malheureusement on fait appel à elle bien trop souvent. Même les purs » comme Numéro 6 doivent s'y soumettre et tuer, tuer, pour recouvrer sa liberté. La chanson All you need is love qu'on avait entendu au début prend alors une dimension cruellement ironique une chanson sur l'amour, la joie, pour accompagner une tuerie ! Comme What a wonderful world d'Armstrong, souvent parodiée de manière analogue, la chanson prend une signification amère oui, tout ce dont nous avons besoin, c'est l'amour, mais les rapports humains sont si pervertis, si tordus, si trompeurs qu'en fin de compte la violence la domine. Les images, la réalité, disent l'inverse de la chanson, hélas, utopique ! Constat amer sur l'homme, réduit à en user de la sorte pour se satisfaire, qu'il le veuille Numéros 1 et 2 ou non Numéro 6. Cette fusillade est certainement la seule scène vraiment violente de la série qui a toujours misé sur la violence mentale ou sur des combats certes vitaminés mais sans complaisance sanguinaire. La fusée va décoller, Numéro 6 a accompli son but tous les habitants désertent le Village à l'annonce de la catastrophe le Rôdeur rapetisse et meurt, symbole d'un Village qui n'a plus de raison d'être, la fusée finit par décoller dans le ciel et nous nous apercevons qu'elle ressemble beaucoup à un missile ! Encore une pointe de McGoohan contre le progrès » dangereux de notre monde qui rend possible la prolifération des armes nucléaires ? Sans doute, car lui-même en a parlé par la suite… Nos quatre amis Numéros 2, 6, 48 et le Majordome s'évadent grâce au camion dans la salle qui abritait le fameux décor d'appartement » d'Il était une fois. On signalera une incohérence, si le Village est situé sur une île, comment le camion parvient-il au pays ? Certes, il a pu rouler dans un tunnel sous-marin mais ça reste peu probable étant donné la situation du Village et la brève longueur du tunnel… Malgré cette imprécision, le final nous captive jusqu'au bout tant il nous captive par sa progression. La chanson diffusée dans le camion qui file vers la capitale on considère que pas mal de semaines se sont écoulés dans cette accélération temporelle éclair car le Village est loin de Londres, mais le montage gomme ce laps de temps est la chanson de Carmen Miranda I like you very much, cette belle chanson d'amour, à la différence d'All you need is love, intervient dans un autre contexte nos héros sont libres ! Cette chanson marque le retour à la lumière, loin de l'enfermement infernal du Village. Ainsi, dans une scène étonnante, Numéros 2, 6 et 48 le Majordome conduisant le camion se lâchent, en dansant comme des fous sur la chanson à l'intérieur du véhicule ce qui effraie un conducteur !. Après avoir été emprisonnés si longtemps, ils sont si euphoriques qu'il se comportent comme des gamins ne tenant plus en place ! Les trois ex-numéros se séparent finalement, car ils doivent reprendre leur vie l'hippie retourne à sa vie de jeune un peu folle, vivant au jour le jour, au gré du vent… l'ancien dirigeant retourne à son travail au palais de Westminster tandis que notre héros retourne chez lui, accompagné désormais du fidèle majordome. L'épisode pourrait s'arrêter là, de manière optimiste, Numéro 6 semble être vainqueur de ses épreuves et rentre chez lui, enfin libre ! Mais les dernières secondes en décident autrement et font basculer Le Prisonnier dans une fin terriblement pessimiste, qui l'est d'autant plus que jusqu'à la fin, le héros croit être vainqueur Après avoir esquissé quelques pas de danse, couru comme des petits fous, nos deux amis arrivent chez l'ancien Numéro 6 qui préfère cependant rouler un peu dans sa Lotus Seven tandis que le Majordome s'approche de la porte… qui s'ouvre toute seule ! Dernier trait de génie de la série ce simple détail, frissonnant, couronne l'épisode de manière formidable le Village se serait-il étendu à l'échelle mondiale ? La Terre, est-elle une sorte de Village à immense échelle ? McGoohan nous le dit clairement même si c'est implicite nous resterons pour toujours des prisonniers et si notre héros n'a rien perdu de lui-même pendant son aventure, il ne reste pas moins qu'il sera un prisonnier, comme nous, jusqu'à la fin de sa vie. D'ailleurs, nous en avons une autre preuve Alexis Kanner Numéro 48, Leo McKern Numéro 2 ont leurs noms affichés dans les dernières images avant le générique mais Patrick McGoohan n'a pas le sien affiché simplement la mention Prisoner ! Il est prisonnier, comme tous les humains de la Terre. Tous les maux du Village sont dans notre société actuelle et la série a un culot énorme le Village n'est pas un microcosme de la société, c'est la société. Et l'ultime plan est en fait le premier plan du générique, symbole d'un éternel recommencement, d'une lutte jamais finie. Et si la liberté n'était qu'une chimère, nous nous croyons libre mais nous ne le sommes pas, prisonniers des règles imposées par la société et de nous-mêmes. Admirons aussi le clin d'oeil nous nous rappelons, en voyant la scène, que Numéro 6 habite au N°1 de sa rue... C'est sur cette renversante conclusion que la série s'achève, nous laissant le soin de méditer sur notre condition de citoyen du monde… cependant, le tour de force de la série est qu'elle n'a jamais sacrifiée le divertissement sur l'autel de la métaphore. Tous les épisodes sont autant de bijoux de divertissement en eux-mêmes et chacun porteur d'un message fort qui n'a pas vieilli le divertissement intelligent par excellence ! Cet épisode gagne sur tous les tableaux le scénario de Patrick McGoohan est terriblement sophistiqué tant sur son aspect extérieur qu'intérieur il maintient la tension jusqu'à sa double révélation finale et même lorsque le générique de fin défile à l'écran, il est difficile de ne pas continuer à se sentir fasciné, subjugué par le spectacle que l'on vient de voir. Fastueux jusque dans les moindres détails, cet épisode couronne glorieusement une des plus grandes séries de tous les temps par son intrigue fouillée et ses personnages écrasants de majesté dont le Juge, qui conduit véritablement tout l'épisode, seul l'acteur principal, véritable créateur de la série, pouvait la clore aussi merveilleusement. On notera, en passant, que le final de Danse de Mort, avec son tribunal plein de magnificience, anticipait cet épisode mais sans en avoir la profondeur. Un scénario comme on en voit peu ! La réalisation est tout aussi enthousiasmante brillante, avec une grande succession de zooms et de gros plans qui scotche immédiatement le spectateur à sa télé sans omettre des plans plus généraux qui nous font saisir la magnificence de l'ensemble une mise en scène superbe, McGoohan accomplissant là son magnum opus ! Les acteurs, outranciers à souhait, achèvent de basculer l'épisode dans une apothéose explosive Kenneth Griffith, en premier lieu, crève l'écran en Juge halluciné, dangereux, et flamboyant d'autorité, Alexis Kanner incarne un hippie allumé, vivant dans son monde à lui, étincelant à chaque fois qu'on le voit et sémant un joyeux désordre quand il passe, il est à lui tout seul un hymne à la liberté d'être et de vivre ce qui lui plaît, une interprétation fantastique ! A côté de ces deux dingues, Leo McKern apporte la retenue mais son jeu n'est pas moins puissant digne, fier, droit, il incarne l'Homme dans sa plus noble humanité ayant trouvé la voie de sa rédemption. Rebelle tardif mais sincère, McKern fait une composition incandescente. Angelo Muscat trouve ici toute son importance, toujours impassible, son personnage reste mystérieux jusqu'au bout, à la fois attachant et inquiétant, sympathique et maléfique, on ne peut l'oublier... Patrick McGoohan, curieusement, n'utilise pas tout son talent d'acteur ; son personnage regardant la suite des événements pendant presque tout l'épisode mais sa majesté, sa détermination demeurent intactes et il fait une très bonne prestation. Son opposition aux autres personnages s'explique par le fait qu'il incarne la raison au milieu du chaos ambiant donc un jeu plus calme mais tout de même saisissant. La musique, reprenant des tubes rock et populaire, ainsi que certains passages assez nostalgiques la fin habille à merveille l'épisode. Voilà, la série est finie mais elle continue de nous interroger Et nous, qui sommes-nous ? Accepterons-nous notre condition de Prisonnier comme les villageois ? Passerons-nous du côté des dominants pour faire régner en tyran notre loi comme les Numéros 2 ? Ou bien nous révolterons-nous, avec des actes, non par paroles, pour clamer notre fierté d'être des hommes et non des numéros comme Numéro 6 ? Vous êtes seul juge YOUR LIFE IS YOUR OWN ! Avis de Denis Chauvet Pas de générique c’est mauvais signe, mais un long résumé de Once Upon a Time à la place et Portmeirion est enfin dévoilé comme lieu de tournage. On reprend exactement là où on s’est arrêté. On conduit le 6 dans un couloir au son de All You Need Is Love c’est sympathique et on arrive devant une sorte de tribunal, qui va constituer l’essentiel de l’épisode. C’est bavard et ennuyeux, avant que le 6 ne rencontre le numéro 1 lui-même sous deux déguisements, fasse décoller une fusée et retourne à Londres accompagné du 48 et de l’ancien 2, McKern ressuscité. Cet ultime épisode me fait le même effet que la première fois amusement et incrédulité. C’est du foutage de gueule et on se met à la place des téléspectateurs de l’époque, période – je le rappelle – où les épisodes étaient diffusés au rythme d’un par semaine. Tout ça pour ça a dû être la réaction de la majorité. Ah, cette fusée qui décolle du village….McGoohan voulait sûrement arrêter et la série ne devait pas être de toute façon renouvelée. Il a eu le courage ou le culot pas le génie, faut pas exagérer ! de fournir ça, car c'est particulièrement difficile à regarder sans jeter un coup d’œil sur sa montre toutes les cinq minutes. Il faut néanmoins se placer dans le contexte McGoohan était parti aux USA tourner un long métrage et il savait à son départ qu’il n’y aurait plus que quatre autres épisodes produits. En son absence et à son retour, les trois épisodes bizarres’ furent tournés. L’acteur n’avait plus beaucoup de temps de conclure – et pas trop d’idée - et il se servit d’Once Upon, tourné juste après The Chimes, pour trouver une conclusion qui envoie paitre ses détracteurs’ et qui, en même temps, saborde son jouet. De toute façon, une seconde saison n’aurait pas été envisageable vu le caractère impossible de McGoohan qui faisait vivre un enfer aux acteurs et à la production. D’ailleurs, l’égocentrisme de l’acteur/scénariste/producteur/réalisateur ressort dans l’ultime volet par la place qu’il prend sur le trône et les Sir’ et You are the greatest’ qui lui sont destinés ! Cette fin est complètement nulle mais c’est donc fait exprès. La série est devenue culte après coup, mais beaucoup – j’en fais partie – retiennent de la série ce qui faisait son charme au début ce mélange réussi d'espionnage et de fantastique dans un village atypique. Ces intrigues tarabiscotées à diverses interprétations ont fait l’objet d’études et la série est encore décortiquée pour tenter de comprendre son message, mais elle a toujours résisté à son explication. La fin, qui n’apporte aucune solution, laisse la porte ouverte à notre propre interprétation et elle a contribué au statut atteint par la série. C'est aujourd'hui une œuvre à part, hors des canons traditionnels, et surtout intemporelle, car les sujets de société traités sont toujours d’actualité, comme les parallèles personnels que j’ai parfois tirés sur la liberté d’expression, les limites de la démocratie et le refus de la conformité. Et puis, le Village est une anticipation de la mondialisation qu’on vit actuellement. Patrick McGoohan a réussi son coup la série est devenue culte et on en parle encore presque un demi-siècle après et je ne pense pas que cela aurait été le cas si la fin avait été cartésienne. La série permet d’avoir une lecture personnelle et pour moi, c’est une suite directe à Destination danger et le N°6 est John Drake. McGoohan l’a démenti mais George Markstein, un des concepteurs, l’a affirmé. Je crois plus volontiers le second dans ce cas. D’ailleurs, Markstein a détesté cette conclusion surréaliste ». Je dois avouer que je décroche souvent après le douzième opus et les derniers ne font pas partie de mes préférés – je les considère dans l’ensemble ratés – mais cela ne m’empêche pas de penser que la série est globalement une réussite et qu’elle mérite son statut. D’ailleurs, je garde un merveilleux souvenir de ma découverte de Portmeirion et du 1, Buckingham Place. Mon top 5 de la série ; dans l’ordre L’arrivée Arrival, Double personnalité The Schizoid Man, Echec et mat Checkmate, A. B. et C. A. B. and C. et Le retour Many Happy Returns. Be Seeing You. Infos supplémentaires McGoohan mit 36 heures non stop a écrire le scénario de l'épisode. Il ne savait en effet pas comment terminer la série et il ne le sut lui-même que progressivement, au fur et à mesure qu'il écrivait le script. Bonus DVD Le générique de début remercie la ville de Portmeirion et son créateur Sir Clough Williams-Ellis pour avoir permis le tournage de la série. Charmante attention ! Cet épisode est celui qui comporte le plus de figurants. L'assemblée est divisée en grand nombre de parties dont les noms sont assez surprenants ! Bien-être, pacifistes, activistes juste à côté !, Identification, sécurité, déserteurs, éducation, thérapie, jeunes, réactionnistes, nationalistes, gens, récréation, réhabilitation, divertissement, anarchistes, vieil ami, unité blanche… La marche accompagnant Numéro 6 gravissant le trône ainsi que sa descente dans la fusée est celle de Marlborough s'en va en guerre. Numéro 2 dit qu'il a été un prisonnier d'abord mais qu'il n'a pas résisté longtemps aux méthodes du Village. Il est considéré toutefois comme mort administrativement » car le Juge dit qu'il est un late Number 2 late signifiant défunt Le Numéro de téléphone sur la pancarte devant la maison de Numéro 6 est 546 0001 or 2 ce qui veut tout dire ! La personne ayant prononcé le mot Die ! » dans l'épisode précédent est bien le Numéro 1 ! L'acteur portant l'habit de Numéro 1 avant que le masque tombe est le comédien Roy Beck. A la différence de la plupart de ceux qui ont participé à la série et qui ont applaudi la fin. George Markstein dit au contraire que cet épisode est une manifestation vulgaire de complaisance qui ne révèle rien ». Il a détesté cette conclusion surréaliste ». Bonus DVD Alexis Kanner a avoué que le rôle de Numéro 48 l'avait lessivé et qu'il a mis beaucoup de temps à récupérer ! L'ambiance infernale du tournage y est pour beaucoup Même le Hamlet de Peter Brook n'est rien comparé au Dénouement ! dit-il. Bonus DVD Quelques hypothèses sur le numéro 1 - Et s'il n'y avait pas de Numéro 1 ? Le fait que Numéro 1 ne puisse exister qu'allégoriquement pourrait laisser penser que Numéro 1 n'existe pas ! Dans ce cas, nous reviendrons à la révélation de 1984 d'Orwell, qui a beaucoup inspiré la série, car Big Brother en réalité n'existe pas. On peut certes objecter que les Numéros 2 et le Juge ont certainement un supérieur mais si c'était quelqu'un d'autre que le Numéro 1 ? Les services secrets par exemple dont on sait qu'ils sont dans le coup depuis Le Carillon de Big Ben. - Numéro 1 est le diable. En effet, ses méthodes sont toujours les plus raffinées, les plus cruelles psychologiquement, ses envoyés ont plusieurs visages Numéros 2, il incarne le mal absolu dans la série. Ou peut-être le mal en nous-mêmes ? Dans ce cas, il rejoint l'interprétation originale. - Numéro 1 est le téléspectateur Qui suit la vie du Prisonnier pendant son séjour au Village ? Nous bien sûr ! Nous sommes des voyeurs qui s'immiscent au cœur de la vie de Numéro 6, y compris sa vie privée L'Impossible Pardon. Nous l'espionnons, nous le regardons et nous rêvons de lui ressembler nous voudrions être ce Numéro 6 qui se bat pour recouvrer sa liberté et la révélation finale est comme un quatrième mur qui se brise subtilement nous sommes devenus Numéro 6 et il n'est pas étonnant alors que Numéro 1 ait cette apparence. - Tout ça n'est que le produit de notre imagination. Le surréalisme de la situation ainsi que l'ultime plan de l'épisode nous montrent en effet que l'épisode ferme la boucle du 1er épisode idée d'un éternel retour, d'un combat sans fin, tout ça n'est-il qu'un rêve finalement ? - Dans le même genre tout ça est le produit de l'imagination de Numéro 6 En réalité, le degré absolu a fait craquer son cerveau en même temps qu'il vainquait le Numéro 2. Le Dénouement est ce que nous voyons de son cerveau malade d'où l'absence de réalisme dans cet épisode ; et la succession rapide des scènes finales évoque les rêves de Numéro 6 qui ne sait plus faire la différence entre réalité et imagination, le Numéro 1 est alors un produit de son délire. - Numéro 1 est une puissance extraterrestre modulable, à plusieurs visages, insaisissable il se sert des hauts dignitaires de notre monde, de nos représentants, il prend le contrôle de leur esprit et gouverne ainsi indirectement par eux notre monde. Cette interprétation est possible dans la mesure où la série est également à tendance SF. - Dans le même genre, le Village est une planète extraterrestre où tout ce qui est sur la Terre est copié à l'identique et le Numéro 1 est le sosie de Numéro 6. Cela pourrait aussi expliquer le plan final nous ne sommes pas sur Terre. - Numéro 1 est le Majordome avez-vous remarqué que cet obséquieux serviteur, bien qu'aimable n'en a pas moins l'air sinistre et inquiétant ? Par deux fois, il ouvre dans cet épisode, une porte importante avec sa clé. Et s'il était la clé » de tout. D'ailleurs, il est parfaitement au courant de l'ultime révélation des dernières secondes, car il ne semble aucunement surpris de ce qui se passe à ce moment-là ! Ce serait d'ailleurs une solution terriblement redoutable le serviteur est en réalité le Maître. Cela pourrait avoir une dimension Christique le Christ étant un Maître mais qui sert ses disciples si elle ne se révélait pas ici aussi diabolique. - Et s'il y avait encore un masque derrière celui représentant Numéro 6 ? Ne serait-ce pas un dernier piège pour angoisser Numéro 6 ? Qui est-il en fait ? Un agent jaloux, un génie du mal genre Blofeld qui prend son apparence pour le déconcerter comme dans Double Personnalité - Enfin, comme dirait Numéro 2 dans Le Carillon de Big Ben cela n'a pas d'importance de savoir qui est le Numéro 1 ! En effet, peut-être que la morale de la série se situe davantage dans la dernière scène que dans la révélation du Numéro 1 qui est surtout là pour répondre au désir du public. Même si c'est une clé de la série, le dernier plan nous offre une révélation tout aussi inattendue si ce n'est plus !Acteurs/Actrices Kenneth Griffith 1921-2006 est un comédien complet il commence très tôt le théâtre à 16 ans ! au Cambridge Festival puis commence une carrière de petits rôles dans plus d'une centaine de films au cinéma à partir de 1942. Le cinéma l'occupe jusque dans les années 60 où il ajoute les téléfilms à son palmarès, plus que les séries où il a finalement peu joué on retiendra un rôle dans le dernier épisode de Destination Danger. Il a par la suite réalisé beaucoup de documentaires sur des personnalités historiques Churchill, Hitler, Thomas Paine, David Ben Gurion, Nehru… mais aussi Napoléon Bonaparte !!!. Son professionnalisme, sa fierté et son refus des compromis a malheureusement fait que sa carrière connut plusieurs coups de frein car il allait à contre-courant des idées reçues mais il fut reconnu plus tard comme un maître en la matière tout comme ses prestations en tant qu'acteur. Il se fit plus rare dans les années 90, consterné par l'indigence croissante de la télévision. On notera une apparition en vieil homme un peu fou lors du premier mariage de Quatre mariages et un enterrement. Il avait déjà joué dans La Mort en Marche le rôle du pas très loin du rôle de cet Kanner 1942-2003 est d'origine française mais a vécu son enfance au Canada puis en Angleterre. Là, il commence très tôt sa carrière au théâtre, d'abord au Birmingham Repertory Theatre puis à la Royal Shakespeare Company où il commence à jouer le répertoire classique Hamlet, La Tempête… qu'il n'abandonnera plus. Il débute à la télévision où il rencontre David Tomblin, producteur de la future série dès 1962 et joue dans Le Saint, Softly, softly spin-off de la populaire Z-cars, Il tente aussi sa carrière au cinéma, apparaissant comme partenaire de Roger Moore Crossplots, 1969 ou de Bette Davis Connecting Rooms, 1970 mais s'y désintéresse rapidement. Il se fait ensuite bien plus rare sur l'écran, privilégiant le théâtre. Il avait déjà joué dans la série en jouant le rôle glaçant du Kid dans Musique douce ainsi qu'une courte apparition non créditée en photographe et en faisant la voix du chef dans La Mort en McKern 1920-2002 a joué dans plus de 200 films et séries, il fut parallèlement comédien de théâtre. Il jouait déjà le Numéro 2 dans Le Carillon de Big Ben et Il était une fois . Sa corpulence et son investissement firent de lui un acteur très talentueux qui marque durablement sa présence. Il est surtout connu pour avoir joué Horace. W. Rumpole dans la série Rumpole of the Bailey de 1975 à 1992. Séquence culte Assemblée Générale Séquence culte L'identité de Numéro 1 Retour à l'index TOP 5 1. Le Dénouement Un final psychédélique complètement fou ! Une des fins les plus surprenantes jamais réalisées pour un feuilleton télévisuel qui encore aujourd'hui suscite les passions. Sous ses dehors foldingues, une intense réflexion sur l'aliénation de la société. Un épisode d'une sublime richesse, à tous les sens du terme. 2. Il était une fois Un huis-clos dément où la tension, omniprésente, dessine une atmosphère d'épouvante psychologique, supportée par des numéros d'acteurs vertigineux. Un épisode puissant dont on ne sort pas indemne. 3. La Mort en Marche L'épisode le plus décalé de la série. L'histoire, une course-poursuite effrénée et semée de chausse-trappes raffinées, n'est qu'un prétexte pour parodier librement les films et les séries d'espionnage. Un divertissement follement hilarant ! 4. L'Arrivée Un des meilleurs pilotes jamais réalisé ! Le scénario, brillamment écrit, nous introduit efficacement à la série tout en nous faisant suivre une histoire riche en péripéties. La musique de Ron Grainer est inoubliable. 5. Le Marteau et l'Enclume David contre Goliath aujourd'hui. Ou comment la ruse triomphe de la force brute. La tension monte imperturbablement vers sa fin inexorable. Immense composition de Patrick Cargill. Accessits d'honneur Musique douce, Double personnalité, Le Carillon de Big Ben. Retour à l'index LE SITE INTER-PAS-NET D'HOMER THE COMPUTER WORE MENACE SHOES Résumé Homer a acheté un ordinateur et crée un site internet. Hélas, personne ne vient le visiter. Aussi, il décide de mettre sur son site toutes les rumeurs que colportent entre eux les habitants de Springfield pour l'alimenter. Il signe sous le nom de Monsieur X » pour ne pas être reconnu. L'idée marche au-delà de ses espérances tout le monde se rue sur son site et de jour en jour, les secrets de milliers de personnes sont livrées aux yeux de tous. Succès phénoménal qui ravit Homer mais consterne sa famille. Malheureusement, il commettra l'erreur de se dévoiler, et du jour en lendemain, tout le monde se détourne de lui, car tous ont peur de laisser échapper en sa présence un secret intime. Homer passe la vitesse supérieure et décide d'imaginer alors des ragots inventés de toutes pièces, mais il est loin d'imaginer ce qui va se passer… Critique Un épisode hilarant des Simpson ! Cette série d'animation offre un divertissement réjouissant sans omettre des attaques drôles mais féroces contre les tares de l'Amérique et du Monde. Cet épisode compte parmi les plus réussis de la série, par son humour acide et la dénonciation sous-jacente de l'utilisation des rumeurs à seul but de se faire un nom ou de se faire lire. Méthode qui n'est pas sans rappeler celle des paparazzi d'aujourd'hui… L'épisode, quoiqu'excellent, ne se met à parodier LePrisonnier qu'après 14 minutes sur 21, seulement à partir de la 3e et dernière partie ! Heureusement, on n'a pas le temps de s'ennuyer Homer divulgue anonymement tout ce qu'il entend dans tous les endroits de la ville. Bien entendu, on rit toutes les dix secondes devant les révélations » et les méthodes » d'Homer pour les trouver ! Les personnages sont irrésistiblement comiques dans cet épisode même si on peut regretter la mise en retrait relative de la famille. Après qu'Homer dévoile son identité et cause ainsi la perte de son site, il se reprend en inventant des rumeurs et ça marche ! Mais patatras, il se fait kidnapper et est amené sur L'Île ! A ce moment-là, Le Prisonnier est parodié avec un brio fantastique ! Homer devient le Numéro 5 et rencontre Numéro 6 McGoohan simpsonnisé et avec sa propre voix en VO !!! qui lui apprend où et pourquoi ils sont détenus. Numéro 5 voudrait bien savoir pourquoi il a été enlevé et il l'apprend par Numéro 2 la ficelle est tellement énorme qu'elle déchaîne le rire !!! Numéro 5, après avoir volé le moyen d'évasion de Numéro 6, parvient à s'échapper de L'Île et se débarrasse du sosie qui avait pris sa place. Tout est bien qui finit bien ? Non, car un ultime gag renversant clôt l'épisode de manière certes de manière très drôle mais très ironiquement aussi. Les dernières secondes sont frissonnantes et lourdes de pessimisme, exactement comme dans Le Dénouement ! La parodie est soignée, beaucoup de références les numéros dont le 6 ! ; Homer s'exclamant I'm not a number ! I'm a person ! à son arrivée rappelle de bons souvenirs. Le camion qui kidnappe Homer est celui du Dénouement, la salle de Numéro 2 est reproduite fidèlement, L'Île ressemble un peu au Village par la captivité dorée qu'elle donne et elle est bien sûr en pleine mer, sans oublier le gazage incessant, super comique de répétition ! Pas mal d'éléments d'épisodes sont pastichés délicieusement Le mannequin de bois de Musique Douce et du Dénouement, l'évasion sur un bateau improvisé évoque Le Carillon de Big Ben et Le Retour, le double maléfique mais très con et pourvu d'un accent allemand à couper au couteau de Double personnalité, l'infirmière acolyte de Numéro 2 qui a ses prédecesseures dans certains épisodes de la série comme A. B. et C., un discret clin d'œil au Dénouement quand Numéro 5 demande à Numéro 6 qui les a amenés sur L'Île. Et enfin, le sommet de l'absurde Homer face au Rôdeur sur la musique de Grainer la scène est d'une débilité génialissime ! Comme la série qu'elle parodie, Le Site inter-pas-net d'Homer propose aussi une virulente dénonciation de la société les idiots avides des derniers potins du jour, des buzzes Les Simpson, plus contemporain, replace les thèmes du Prisonnier dans notre époque, bref de la sous-information quand ce n'est pas de la désinformation thème cher à Liberté pour tous et au Général. L'hypocrisie des visiteurs du site » ils se pourlèchent de la vie privée des autres mais jouent les vierges effarouchées dès qu'on s'attaque à la leur, c'est certes compréhensible mais hypocrite. N'oublions pas aussi la mainmise des puissants Numéro 2 qui veulent museler ceux qui en savent trop Numéros 5 et 6 par exemple sur leur compte, grâce notamment à des glaces bourrées de seringues thème tristement d'actualité dans tous les pays du monde, aussi démocratiques qu'ils puissent être. Enfin, le triomphe des apparences Marge et les enfants se laissent tromper par le double d'Homer alors qu'il est absolument pas crédible est aussi bien présent. Bref une relecture impeccable des thèmes de la série mais ici passés au hachoir de l'humour burlesque et avec une efficacité remarquable ! Bref, un hommage brillant au Prisonnier. Dommage qu'il ne dure que le tiers de l'épisode. On regrettera aussi l'absence de la fameuse salutation Bonjour chez vous ! Be seeing you !. Mais l'épisode est totalement réussi en lui-même, y compris les deux premières parties. 3/4 du point de vue du fan du Prisonnier, 4/4 du point de vue du fan des Simpson. Infos supplémentaires L'épisode nous révèle deux points importants qui satisferont les fans Numéro 6 dit à Homer quel est son secret, et nous apprenons comment nous débarrasser du Rôdeur. Deux révélations à prendre au degré qu'il vous plaira ! Pour voir l'épisode en VF Il est à noter qu'un autre épisode des Simpson comporte une brève citation de la série. Il s'agit d'un épisode de la saison 9 Un coup de pied aux cultes. Marge tente de s'échapper d'une secte dont les alentours sont truffés de pièges. Et évidemment, qu'est-ce qui apparaît, et encore sur la musique de Grainer ? Le Rôdeur bien sûr !! Pour voir la scène en VF Retour à l'index Crédits photo TF1 Vidéo. Images capturées par Clément Diaz.

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L'acteur John Hillerman avait 84 ans. Pendant près d'une décennie, il a été aux côtés de Magnum, dans les bons comme les mauvais moments. L'acteur John Hillerman, qui a incarné le célèbre majordome Hggins de la série policière américaine, entre 1980 et 1988 il a d'ailleurs remporté un Emmy pour ce rôle est décédé ce jeudi, à l'âge de 84 ans. Il est mort à son domicile de Houston, rapporte The Hollywood Reporter, sans préciser la cause de sa disparition. Souvent surnommé "P'tit Bonhomme" dans la série, le très solennel Jonathan Higgins était le gardien de la luxueuse propriété hawaïenne connue sous le nom de "Robin's Nest", occupée par Thomas Magnum joué par Tom Selleck. Un homme très à cheval sur les principes, contrastant avec le style de vie débridé du détective privé. DR En retraite officielle depuis 1999, John Hillerman avait également fait parler de lui, dans La Croisière s'amuse et la sitcom The Hogan Family, à la télévision. Mais c'est au cinéma qu'il s'était d'abord fait un nom, dans d'innombrables seconds rôles. Pour le réalisateur Peter Bogdanovich d'abord, qui le fera tourner dans La Dernière Séance 1971, On s'fait la valise, Doc ? 1971, puis La Barbe à papa 1973. Dans Chinatown ensuite photo ci-dessus. En 1974, il incarne le rôle mémorable de Russ Yelburton, le chef adjoint du département des eaux de Los Angeles, dans le grand classique de Roman Polanski, face à Jack Nicholson et Faye Dunaway. Et en 1996, John Hillerman joue son dernier rôle, un second rôle, évidemment, celui d'un médecin, dans la petite comédie Les nouvelles aventures de la famille Brady. Notons que sa mort intervient quelques jours seulement après que la chaîne américaine CBS a annoncé préparer un remake de Magnum... avec cette fois une femme dans la peau Higgins !
Lecomédien John Hillerman, l'interprète du très british majordome Higgins dans la série culte Magnum, est mort le 9 novembre 2017 à l'âge de 84 ans à Houston. Que sont devenus les autres comédiens Codycross est un jeu mobile dont l'objectif est de trouver tous les mots d'une grille. Pour cela, vous ne disposez que des définitions de chaque mot. Certaines lettres peuvent parfois être présentes pour le mot à deviner. Sur Astuces-Jeux, nous vous proposons de découvrir la solution complète de Codycross. Voici le mot à trouver pour la définition "Nom du majordome rigide dans Magnum" groupe 10 – grille n°5 Higgins Une fois ce nouveau mot deviné, vous pouvez retrouver la solution des autres mots se trouvant dans la même grille en cliquant ici. Sinon, vous pouvez vous rendre sur la page sommaire de Codycross pour retrouver la solution complète du jeu. 👍 Publishingplatform for digital magazines, interactive publications and online catalogs. Convert documents to beautiful publications and share them worldwide. Title: nouveautés_adultes_2015, Author: Médiathèque municipale Jacques Thyraud, Length: 363 pages, Published: 2015-12-04
L’Europe est la fenêtre sur le monde occidental. Chaque coin de ce continent est un objet d’art qui capte l’attention et l’admiration du passant curieux. Qu’il s’agisse des vues imprenables sur les montagnes ou des stations balnéaires ensoleillées, chaque destination représente une expérience unique dans ce magnum opus qu’est le continent. Que vous alliez à Zurich ou à Zagreb, vous êtes sûr de trouver l’endroit idéal pour vous asseoir, vous détendre et voir le monde d’un nouveau point de vue. Cette liste des 10 meilleures destinations européennes de voyage de luxe vous aidera à planifier votre prochaine visite dans ce collage coloré d’un continent. 10. Croatie de luxe Split Meilleure période pour voyager Mai-octobre. Overview La popularité de la Croatie en tant que destination touristique est montée en flèche après son incroyable parcours en Coupe du monde. En plus de son équipe de football phénoménale, la Croatie abrite des villes historiques incomparables, une gastronomie et des vins exceptionnels, ainsi qu’un charme côtier à l’ancienne. Voyagez dans la ville de Split et profitez de magnifiques plages cachées parmi des milliers d’années d’architecture grecque, romaine, vénitienne et austro-hongroise – l’un des seuls endroits au monde où ces quatre époques ont été préservées en un seul lieu. Square charmant dans le centre de Split, Croatie. Si vous êtes intéressé par une excursion historique relaxante, visitez le Palais de Dioclétien. Dioclétien était un empereur romain qui a construit sa maison de retraite dans le centre actuel de Split. Cette merveille architecturale a obtenu le titre de site du patrimoine mondial de l’UNESCO, démontrant ainsi son influence à l’échelle mondiale. Un site du patrimoine mondial est un point de repère ou une zone sélectionnée par l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture UNESCO comme étant culturelle, historique, scientifique ou autre, et qui est légalement protégé par des traités internationaux. Les sites sont jugés importants pour les intérêts collectifs de l’humanité. Cependant, le palais de Dioclétien n’est pas aussi fréquenté que d’autres sites européens de l’UNESCO, principalement parce que le tourisme en Croatie ne fait que commencer à germer. C’est le moment de visiter l’un des secrets les mieux gardés du monde avant que tout le monde ne le découvre ! Vous espérez passer une journée au soleil ? Détendez-vous sur l’une des meilleures plages de Croatie – la plage de Lubenice. Le sable blanc immaculé, les eaux céruléennes et l’accès à la célèbre grotte bleue font de la plage de Lubenice la meilleure des retraites privées de l’île. La mer à Split regorge de longues côtes de sable et de baies cachées enchanteresses. Naviguez vers l’une des nombreuses petites îles au large de la côte pour une expérience de plage plus exclusive. La grotte est accessible par une nage facile le long de la baie en demi-lune. Une vue aérienne de Split . Où séjourner en Croatie Si vous recherchez l’endroit le plus authentique et le plus exclusif pour séjourner à Split, ne cherchez pas plus loin que l’hôtel Vestibul Palace. Cet hôtel de 11 chambres est situé dans l’enceinte du palais de Dioclétien, déjà mentionné. Chaque chambre est luxueusement moderne, ce qui constitue une merveilleuse juxtaposition avec l’architecture romaine, gothique et Renaissance environnante. L’hôtel Vestibul Palace abrite également un restaurant 5 étoiles. Si vous avez la chance de séjourner dans cet hôtel d’élite, vous serez au cœur de toutes les festivités. Explorez les bâtiments historiques de Split ou aventurez-vous dans une croisière en Dalmatie en franchissant simplement le seuil de votre porte. 9. Suisse de luxe Zurich Meilleur moment pour visiter Juin-septembre pour un temps plus ensoleillé, meilleurs mois d’hiver pour le ski. Overview La Suisse est connue depuis longtemps comme une oasis de luxe au milieu des Alpes. C’est une nation de montres de luxe, de chocolats au lait riche, de fromages, de chalets et de comptes bancaires secrets. Les voyageurs font un arrêt spécial dans ce pays montagneux pour skier dans les magnifiques Alpes. Visitez la Suisse pour découvrir la culture et l’histoire uniques du pays qui ont inspiré des histoires comme Heidi ou Wilhelm Guillaume Tell, le héros national suisse de la liberté. Que vous soyez à la recherche d’une vue imprenable sur les montagnes qui représentent 60 % du pays à une altitude de 400 mètres au-dessus du niveau de la mer ou d’une expérience de shopping haut de gamme, Zurich, en Suisse, est l’endroit idéal. Zürich Cathédrale au coucher de soleil Que faire à Zurich ? Skier en Suisse est une expérience à nulle autre pareille et oui, vous pouvez aussi skier en été !. La station de ski de Saint-Moritz est la première destination touristique à l’année. Située à seulement 2 heures et demie de Zurich, elle offre d’excellentes conditions de ski. Moritz a accueilli les Jeux olympiques d’hiver en 1928 et 1948, ce qui en fait le meilleur choix pour des vacances de ski en Europe. Si vous avez du temps à perdre et que vous souhaitez découvrir une autre station de ski suisse luxueuse, prenez le Glacier Express, qui est ironiquement le train le plus lent du monde. Le voyage de 8 heures et de 311 miles, directement de Saint-Moritz à la station de ski de Zermatt-Matterhorn, peut sembler long, mais les paysages incroyables de prairies alpines enchanteresses et de mystérieux tunnels de montagne en valent la peine. La Bahnhofstrasse de Zurich est une autre expérience d’élite à ne pas manquer. C’est l’un des principaux quartiers commerçants du monde, où l’on peut acheter de la haute couture et des montres de luxe. Bucherer, l’un des magasins les plus célèbres de la rue, propose la plus grande sélection de Rolex au monde. La Bahnhofstrasse abrite les magasins phares des marques Breguet, Cartier, Omega, Piaget, IWC et Montblanc. Montblanc est connu pour fabriquer certaines des meilleures montres et instruments d’écriture de luxe au monde. Apprenez-en davantage sur leurs stylos plume exquis. Fidelio est l’un des meilleurs magasins de vêtements de rue, car il est toujours à la pointe de la mode. Ils proposent un mélange élégant de marques de luxe classiques et de créateurs émergents. Les marques proposées dans ce magasin comprennent Paul Smith, Kenzo, Comme des Garçons, Lanvin, Marc Jacobs, Michael Kors, Miu Miu, Acne Studios, Armani, Escada, Burberry et Gucci, parmi une liste de noms constamment mise à jour. Le magnifique Cervin . Où séjourner à Zurich ? L’hôtel Widder est le meilleur hébergement pour vos prochaines vacances suisses de luxe. En tant que meilleur hôtel de charme de Zurich, il ne fait aucun doute que vous ferez l’expérience du charme authentique du vieux monde lorsque vous réserverez une chambre. En fait, ses 49 chambres exclusives sont situées dans neuf maisons médiévales, vous permettant de revivre l’histoire tout en profitant des meilleurs équipements modernes. L’hôtel Widder est situé à proximité de la Bahnhofstrasse, ce qui vous permet de faire du shopping à quelques pas de votre porte. Un service de conciergerie personnel est disponible pour répondre aux besoins individuels. Si vous recherchez un endroit unique pour dîner, l’hôtel dispose d’un restaurant 5 étoiles servant de la haute cuisine, des plats coûteux caractérisés par une préparation méticuleuse et une excellente présentation. 8. Espagne de luxe Asturies Meilleure période pour voyager Mai-octobre. Asturias Au nord-ouest de l’Espagne, une magnifique communauté autonome de bord de mer vous attend. Riche en histoire, le passé des Asturies remonte à l’époque de l’Homo erectus. Elle est également connue comme l’une des régions d’Espagne les plus tranquilles et les plus préservées sur le plan environnemental, offrant aux visiteurs une échappatoire parfaite à l’agitation de la vie urbaine. Encadrée par de belles montagnes d’un côté et des plages de sable de l’autre, cette destination de vacances de premier ordre offre le meilleur des deux mondes. Les tranquilles montagnes des Asturies . Que faire dans les Asturies ? Si vous cherchez à vous détendre, la plage de Ribadesella devrait être la première étape de vos vacances dans les Asturies. Étant l’une des plages les plus populaires d’Espagne, elle offre plus d’intimité que les stations balnéaires stéréotypées. Imaginez-vous en train de prendre un bain de soleil sur le sable blanc presque immaculé, en admirant l’eau vert émeraude. Puis, à l’heure du dîner, rendez-vous dans la vieille ville de Ribadesella pour déguster une cuisine espagnole authentique et haut de gamme. Lorsque vous serez prêt à prendre une journée de repos, offrez-vous une visite au spa naturel de Puebloastur. Ce spa est situé au cœur des paisibles montagnes asturiennes et a été conçu pour vous aider à vous déconnecter complètement du monde extérieur. Il est situé sur une grande surface au milieu de la nature, invitant les clients à laisser la technologie derrière eux et à se concentrer sur leur bien-être. Le spa dispose d’une piscine d’hydrothérapie pour traiter les douleurs et les courbatures, ainsi que d’un sauna finlandais traditionnel pour détoxifier le corps. Des bains turcs sont disponibles pour éliminer les impuretés de la peau. Cinq douches expérimentales individuelles vous permettent de profiter de l’aromathérapie, des pressions d’eau alternées et de la thérapie par les couleurs pour équilibrer le corps et l’esprit. La capacité du spa est limitée afin de garantir à tous les clients une expérience de rajeunissement personnelle. Que vous réserviez un traitement d’une journée ou un séjour d’une nuit, vous êtes sûr de vous sentir reposé et rafraîchi après avoir visité le Nature Spa. Un quai à canoës dans les Asturies Où loger dans les Asturies ? En séjournant à l’hôtel Villa Rosario, vous vivrez une expérience que vous n’oublierez jamais. Situé directement sur la plage de Ribadesella, ce magnifique bâtiment historique rénové offre des vues extraordinaires sur la mer Cantabrique. Pour séjourner ici, vous devrez cependant faire vite, car il n’y a que 17 chambres disponibles. Si vous cherchez à manger un morceau après une journée à la plage et que vous ne voulez pas vous aventurer en ville, rendez-vous au restaurant sur le toit de l’hôtel pour déguster des tapas tout en profitant de la vue sur l’océan. 7. Royaume-Uni de luxe Berkshire Meilleure période pour voyager Mai-septembre. Overview Le Berkshire est l’endroit idéal pour des vacances élégantes au Royaume-Uni. Magnifique comté situé juste à l’ouest de Londres, le Berkshire offre le meilleur de la campagne anglaise combiné à la vie urbaine dans un emplacement parfait. Il est célèbre pour le château de Windsor, qui est la résidence préférée de la reine Elizabeth II. Suivez les conseils de Sa Majesté et réservez vos prochaines vacances au Royaume-Uni dans la région la plus élevée de Grande-Bretagne. Chemin d’entrée du chateau de Windsor Que faire en Angleterre ? Mêlez-vous à la haute société anglaise en passant une journée à l’hippodrome royal de Windsor. Attrapez l’une des célèbres courses du lundi soir » tout en profitant de la vue imprenable sur la Tamise avec des kilomètres de collines verdoyantes. Lorsque vous serez prêt à manger un morceau, prenez place dans le meilleur restaurant 1866 de l’hippodrome. Si, après avoir regardé les courses, vous souhaitez vous essayer à l’équitation, prenez une leçon dans l’une des nombreuses écuries du comté. Un autre jour, participez à une véritable et authentique tradition anglaise en prenant le thé de l’après-midi sur la Tamise. Vous pouvez louer un bateau à moteur classique des années 1960 pour un maximum de 12 invités, juste pour cette occasion. Passez deux heures à naviguer sur la rivière, en passant par des sites célèbres comme le château de Windsor, tout en sirotant du thé et en mangeant d’élégants scones et sandwichs. Ces croisières offrent le choix d’aller en aval vers Windsor ou en amont vers Maidenhead, une grande ville de marché. Personnalisez votre voyage à votre guise. Windsor Castle on a clear morning . Où séjourner en Angleterre ? Hormis les résidences de la famille royale, il n’y a pas de meilleur endroit pour séjourner dans tout le Royaume-Uni que la Cliveden Country House. Cette ancienne maison de campagne luxueuse a été transformée en l’un des hôtels les plus chers d’Europe. Les caractéristiques victoriennes des suites du Parterre Mansion House vous aident à revenir à une époque simple, entouré de meubles anciens. En dehors de votre chambre, profitez des nombreux jardins du domaine, des magnifiques sentiers de randonnée, des piscines intérieures et extérieures, des courts de tennis et du spa. Le spa Cliveden n’utilise que des produits exclusifs, vous ne pourrez donc pas profiter de ces soins élégants ailleurs. Lorsque vous serez prêt à manger, vous pourrez choisir entre l’Andre Garrett pour un dîner plus formel et l’Astor Grille pour une cuisine 5 étoiles dans un cadre plus décontracté. Un séjour à la Cliveden Country House vous fera certainement vous sentir comme un Lord ou une Lady à la cour de Sa Majesté. 6. Italie de luxe Bellagio Meilleure période pour visiter Juin-août. Bellagio Visitez la perle du lac de Côme » en séjournant à Bellagio pour vos prochaines vacances en Italie. Magnifiquement située au pied des Alpes dans le nord de l’Italie, Bellagio est connue pour ses belles plages qui bordent un lac turquoise. Elle abrite une place de ville italienne traditionnelle, permettant aux visiteurs de vivre une expérience culturelle authentique. Les rues sont remplies de nourriture locale, d’articles en cuir et d’églises romanes, ce qui permet à chaque visiteur de trouver quelque chose à son goût. Where Bellagio and Lake Como meet Que faire à Bellagio? Flânez dans les pittoresques rues pavées à la recherche des meilleurs produits artisanaux de Bellagio. Contrairement à la station supernaturelle et clinquante du même nom à Las Vegas, le vrai Bellagio est rempli de trésors locaux uniques. Achetez des foulards en soie haut de gamme auprès de vendeurs locaux ou essayez un parfum exclusif fabriqué uniquement par les artisans de Bellagio. Cette ville est bien connue pour ses articles en cuir fabriqués par des experts. Sans étiquette de créateur, leur qualité est tout aussi élevée. Vous pouvez également faire une promenade en bateau privé avec Limousine Bellagio Water. Cette société a personnalisé ses bateaux en Italie. Voyager avec eux est une véritable expérience locale, car l’entreprise est dans la famille depuis trois générations. Le guide parle couramment l’anglais, ce qui garantit une visite informative et relaxante du lac pour presque tous les clients. Personnalisez votre excursion en fonction de votre emploi du temps. Des croisières sur le lac d’une heure, de deux heures, d’une demi-journée et d’une journée entière sont disponibles. Découvrez toute la beauté que le lac de Côme a à offrir dans le confort d’une luxueuse limousine aquatique. A luxurious Bellagio cafe Où séjourner à Bellagio ? L’hôtel le plus opulent de Bellagio est le Grand Hotel Villa Serbelloni. Construit en 1918, ce bâtiment historique conserve le charme d’antan tout en offrant des commodités de premier ordre. Les clients qui séjournent ici bénéficient dans leur chambre d’une vue imprenable sur le lac de Côme et les montagnes environnantes. Ils peuvent également passer du temps à faire trempette dans l’élégante piscine de l’hôtel ou à se détendre dans le spa haut de gamme. Si vous recherchez un peu d’activité physique, la propriété comporte des courts de tennis et une salle de sport. Complétez votre séance d’entraînement par un passage au sauna ou au hammam pour un plaisir bien mérité. 5. Grèce de luxe Santorin Meilleure période pour voyager Mai-octobre. Overview Les îles grecques sont l’une des destinations de vacances les plus prisées au monde, et pour cause. Située à 200 km de la Grèce continentale, Santorin est la meilleure de toutes. C’est la plus grande île de l’archipel de Santorin et l’une des seules masses habitées de la chaîne d’îles. Elle est située sur le site de l’éruption minoenne de Théra, qui fut l’une des plus grandes éruptions volcaniques de l’histoire. Aujourd’hui, Santorin est un paradis méditerranéen rempli de bâtiments classiques blanchis à la chaux et de toits d’un bleu saisissant. Une vue classique de Santorin Que faire à Santorin L’une des meilleures plages de Santorin est la célèbre plage rouge. Ce qui la distingue est son sable rouge unique, résultat des matériaux volcaniques qui composent la colline. Située près du village d’Akrotiri, la plage était autrefois accessible en voiture puis en randonnée, mais elle n’est plus recommandée en raison des glissements de terrain potentiels. Cependant, le moyen le plus pratique de découvrir la beauté de Red Beach est de s’y rendre en bateau. Louez un yacht avec Alex Private Boat Rental et passez la journée à naviguer, à faire du snorkeling et à admirer le paysage unique sans vous battre avec la foule. Goûter au meilleur vin de Santorin est un must. Rendez-vous à la Vineria Venetsanos, située sur les falaises orientales de l’île, pour le siroter tout en profitant de vues incroyables. Selon les Venetsanos, la cave elle-même a été formée par la nature », car elle semble être située à même le flanc de la colline. Ils font leur vin naturellement, en utilisant la gravité de la falaise pour écraser et fermenter les raisins. L’établissement est détenu et géré par une famille depuis 1947, vous savez donc que vous vivrez une expérience grecque authentique. Enfin, terminez votre visite en dégustant des petits plats et des vins sur la terrasse Sunset du Venetsanos, qui surplombe la mer Égée. La falaise de la plage rouge à Santorin Où séjourner à Santorin ? Profitez du meilleur hôtel de Santorin en séjournant au Mystique, un hôtel Luxury Collection, un ensemble d’hôtels Marriott spécialement conçus. Tout comme le domaine viticole Venetsanos, l’hôtel est construit dans les falaises de Santorin. Avec seulement 40 suites et villas, séjourner au Mystique est une expérience vraiment exclusive. Chaque villa dispose d’une piscine privée et de deux autres piscines plus grandes sur la propriété. L’hôtel abrite un spa asiatique, proposant uniquement des soins biologiques et d’origine locale. Vous pourrez dîner dans trois restaurants différents pendant votre séjour au Mystique Charisma, qui propose une cuisine grecque fraîche ; Asea, un bar à sushis ; ou The Captain’s Lounge, l’endroit idéal pour un repas décontracté toute la journée. 4. Islande de luxe Reykjavik Meilleur moment pour visiter Juin-août pour un ensoleillement de 24 heures, septembre-août pour les aurores boréales. Overview L’Islande est la destination parfaite pour le voyageur qui cherche à s’échapper de l’Europe continentale sans laisser la grandeur derrière lui. Avec la plus faible densité de population de tous les pays d’Europe, un voyage à Reykjavik est le moyen idéal d’échapper à la masse. Avec ses plages de sable, ses champs de lave volcanique, ses vallées verdoyantes et ses fjords glacés, l’Islande ne ressemble en rien à ses homologues européens. Les volcans actifs de l’île créent une topographie mercurielle qui change constamment. Ce qui distingue les vacances en Islande des autres escapades européennes, c’est la possibilité d’observer les aurores boréales. C’est l’un des meilleurs et des plus chauds endroits pour voir les aurores boréales, qui sont les plus évidentes de septembre à avril. Une vue imprenable des aurores boréales en Islande. Que faire à Reykjavik ? Se baigner dans le lagon bleu est un must lors de votre séjour à Reykjavik. Il s’agit d’une source chaude naturelle remplie d’eau chauffée par la géothermie. Ce qui rend cette source chaude meilleure que la plupart des autres dans le monde, c’est son entrée limitée – assurez-vous de réserver tôt, sinon les billets risquent d’être épuisés. Cette réglementation garantit une expérience exclusive et relaxante pour tous les invités tout en préservant l’environnement naturel vierge pour les années à venir. Si vous souhaitez découvrir la perspective la plus unique de l’Islande, plongez à Silfra – une excursion proposée aux touristes toute l’année. Silfra est l’un des endroits les plus extraordinaires au monde pour relever un défi en mer, car il se trouve dans l’espace entre les plaques tectoniques nord-américaine et européenne. Par conséquent, elle abrite les eaux les plus claires de la planète et une vie marine que l’on ne peut voir nulle part ailleurs. Silfra est situé à une heure de Reykjavik, au milieu du parc national de Thingvellir, classé au patrimoine mondial de l’UNESCO. La source thermale Blue Lagoon en Islande . Où séjourner à Reykjavik ? Le Reykjavik Marina Residence est parfaitement situé dans le centre-ville, permettant aux clients de profiter des commodités d’une zone urbaine tout en restant à proximité des excursions les plus extravagantes de l’île. Le bâtiment historique de l’hôtel se trouve directement sur le port, et chacune des six chambres spacieuses offre une vue imprenable sur la ville d’un côté et sur l’eau de l’autre. L’hôtel allie l’intimité d’une maison au luxe des suites d’hôtel les plus raffinées grâce à ses intérieurs spacieux, ses entrées privées et son service de conciergerie accueillant. Des services de majordome et de mise à disposition sont également disponibles. 3. France de luxe Côte d’Azur Meilleure période pour voyager Mai-octobre. Panoramique La Côte d’Azur, est connue pour accueillir le Festival du film de Cannes chaque année au mois de mai. C’est également l’une des meilleures destinations de vacances en Europe. Située dans le sud de la France, la plus grande ville de la Côte d’Azur est Nice. La principauté de Monaco étant située sur la côte, les visiteurs peuvent facilement accéder aux paillettes et au glamour de Monte Carlo après avoir passé une journée à se détendre sur l’une des plus belles plages de la Méditerranée. La promenade de Nice au cœur de la Côte d’Azur Que faire sur la Côte d’Azur ? Faites le tour de toute la côte en louant un luxueux bateau pneumatique rigide. Mettez les voiles depuis Saint-Tropez et profitez d’une journée de bronzage relaxante. Lorsqu’il fait trop chaud, faites un plongeon dans les eaux bleues et claires juste à côté du bateau. La plupart des entreprises proposent des locations flexibles à partir de 10 heures du matin, ce qui vous permet de planifier une excursion en bateau en fonction de vos besoins. Si vous vous aventurez pour une journée plus mouvementée, faites du shopping au Grand Monte Carlo. Vous devrez obtenir votre passeport pour traverser la frontière, mais c’est une routine quotidienne pour certains locaux et cela ne pose généralement aucun problème aux touristes. Le centre commercial du Cercle d’Or est célèbre pour ses marques et ses magasins haut de gamme. Vous pouvez acheter des articles de marques de créateurs telles que Prada, Gucci, Cartier et Valentino. Pour une journée plus cultivée, visitez le paradis des historiens de l’art. L’itinéraire d’une journée de Painter’s Côte d’Azur montre comment de grands artistes comme Monet, Picasso, Renoir, Matisse, Dufy et Chagall ont été inspirés par la région où vous vous trouvez. Vous visiterez une série de villes le long de la côte et verrez où ces célèbres artistes ont travaillé et vécu. Monte Carlo at night Où se loger sur la Côte d’Azur ? Le Cap Estel à Eze est le meilleur endroit pour séjourner dans toute la Côte d’Azur. Avec seulement 50 hôtes et situé à seulement 10 minutes en voiture de la ville, l’hôtel offre une véritable évasion de la civilisation. Un autre aspect à prendre en compte est qu’il s’agit d’une entreprise familiale – une véritable rareté dans les hôtels 5 étoiles. L’hôtel dispose d’une piscine d’eau salée chauffée, d’un spa, de courts de tennis et d’œuvres d’art rares décorant chaque chambre. Un autre avantage de l’hôtel Cap Estel est qu’il dispose d’un restaurant étoilé au Michelin. Chaque année, le guide d’élite français décerne un nombre très limité d’étoiles Michelin, et seuls les meilleurs restaurants du monde peuvent espérer obtenir un tel honneur. 2. Espagne de luxe Marbella Meilleure période pour visiter Juin-septembre. Aperçu Située dans la région sud de l’Andalousie, Marbella est une destination de rêve pour des vacances de luxe. Défini par les rivages sablonneux de la Méditerranée et les sommets de la Sierra Blanca, ce coin de paradis offre le meilleur de la vie à la plage et à la montagne. Il est connu pour ses terrains de golf de qualité supérieure et sa vie nocturne animée. Chacun peut trouver quelque chose qu’il aime faire à Marbella. Le littoral de Marbella Que faire à Marbella ? Prenez une journée ou trois pour vous détendre sur les 10 km de plages de Marbella. Les bars de plage, appelés chiringuitos, bordent la plage et servent les meilleurs cocktails et plats méditerranéens. Les rivages sont assez larges, ce qui laisse beaucoup de place pour trouver un coin de sable tranquille, loin de la foule. Marbella est connue pour avoir des conditions de baignade dans l’océan parmi les plus sûres au monde, en raison de l’absence de vie marine ou de marées dangereuses. C’est vraiment le meilleur endroit pour se reposer, sans souci. Passez une autre journée à la montagne et jouez au golf au Marbella Club Golf Resort. En raison de son altitude, il offre des vues magnifiques sur la côte africaine, sur le détroit de Gibraltar, ainsi que sur le rocher de Gibraltar lui-même. Les installations du Marbella Club Golf Resort sont à la pointe de la technologie et ont la réputation d’avoir des caddy masters exceptionnels. Les 18 trous ont été conçus par Dave Thomas, un golfeur professionnel et architecte de golf gallois. Les plages de Marbella au coucher du soleil Où se loger à Marbella ? Le Puente Romano Marbella est le lieu idéal pour vos vacances. Ce vaste complexe en bord de mer dispose de 14 restaurants, d’un spa proposant des soins d’origine naturelle, de courts de tennis de classe mondiale, de magnifiques piscines et d’un accès à des jet-skis et des bateaux bananes. À la fin de la journée, détendez-vous dans votre jacuzzi privé sur la terrasse de votre suite. Avec des équipements incroyables et un emplacement parfait, le Puente Romano Marbella est vraiment l’une des meilleures retraites de luxe au monde. 1. Italie de luxe Capri Meilleure période pour visiter Mai-octobre. Overview La première destination de vacances de luxe. C’est une destination de vacances élégante depuis l’époque romaine. Située au large de Naples, Capri est l’endroit où réserver vos prochaines vacances européennes. Avec des vues à couper le souffle sur la côte amalfitaine où se trouve le célèbre citron presque sans pépins et la mer Méditerranée, une visite à Capri est imbattable ! Stunning rock formations off the coast of Capri Que faire à Capri ? Pour une expérience italienne authentique, louez un bateau Gozzo privé pour visiter l’île par la mer. La croisière fera un ou deux arrêts baignade, en fonction de la durée de la location. Passez du temps à bronzer sur le pont du bateau, ou faites un plongeon dans l’océan et faites de la plongée libre dans la célèbre Grotte bleue. Lorsque vous serez prêt à passer une journée en ville, visitez les magnifiques Jardins d’Auguste. Vous y trouverez les plus belles fleurs d’Italie et des vues éblouissantes sur la baie de Marina Piccola et les rochers Faraglioni. Détendez-vous dans le jardin ou promenez-vous le long de la falaise en empruntant le chemin de la Via Krupp. La côte de Capri Où séjourner à Capri L’hôtel Cesare Augustus est l’un des meilleurs endroits où séjourner dans toute l’Italie. Il ne contient que 6 suites, mais il contient 49 chambres individuelles, ce qui signifie que chaque suite est essentiellement un palais. Le bâtiment était autrefois une somptueuse résidence unifamiliale, mais il a depuis été transformé en cet hôtel exclusif. Ce qui le rend si spécial, c’est son emplacement isolé, car il est construit dans la falaise à 300 mètres au-dessus du niveau de la mer. Vous n’avez même pas besoin de quitter le bâtiment pour goûter aux meilleurs plats de Capri, car un restaurant gastronomique 5 étoiles se trouve à l’intérieur de l’hôtel. Vous pourrez également vous ressourcer dans le superbe spa extérieur de l’hôtel, qui offre une vue imprenable sur la mer. Réservez, faites vos bagages et partez ! » L’Europe abrite clairement certains des endroits les plus luxueux du monde. Que vous souhaitiez skier ou vous prélasser sur la plage, vous êtes sûr de trouver votre prochaine destination haut de gamme. Explorez la beauté de Split ou l’enchantement de Capri et préparez-vous à vivre une expérience de luxe européenne lors de vos prochaines vacances. Auteur, Sarah Selden. Hi, I’m Corrado Firera, digital entrepreneur and Italian blogger. I founded this website in 2017, since then I write fashion and lifestyle articles. To get further information about me or the web site, go directly to the about me » section. Good continuation!!
ala suite d'un pari, le détective privé Thomas Magnum peut occuper librement la propriété hawaienne de l'écrivain Robin Masters, mais qu'il doit partager avec Higgins, majordome britannique, dont les chiens sont la plus grande hantise de notre sympathique héros. Aidé de ses amis Terry et Rick, vétérans du Vietnam et anciens Marines comme lui, il enquete dans un
Ci-dessous, vous trouverez CodyCross - Réponses de mots croisés. CodyCross est sans aucun doute l'un des meilleurs jeux de mots auxquels nous avons joué récemment. Un nouveau jeu développé par Fanatee, également connu pour la création de jeux populaires tels que Letter Zap et Letroca Word Race. Le concept du jeu est très intéressant car Cody a atterri sur la planète Terre et a besoin de votre aide pour traverser tout en découvrant des mystères. Il mettra au défi vos connaissances et vos compétences en matière de résolution de mots croisés de manière nouvelle. Lorsque vous trouvez un nouveau mot, les lettres apparaissent pour vous aider à trouver le reste des mots. S'il vous plaît assurez-vous de vérifier tous les niveaux ci-dessous et essayez de correspondre à votre niveau correct. Si vous ne parvenez toujours pas à le comprendre, veuillez commenter ci-dessous et essaiera de vous aider. Answers updated 24/08/2022 Planète Terre - Groupe 10 - Grille 5 Mots croisés réponses à ces énigmes Sponsored Links Loading comments...please wait... More app solutions
Զէж էτСлуሹεμե езаκቤцаժխհКлαжюпсев а աλጀзθсвужо
Оቧеμሓβ ισυλунтጩсխԽպራጺխ клዋЩытዛсωզεлю գ
Ճቫկиглዜ የθνюреСвиπидуվи ጉሐ ህоχቅ νዌ
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Δэከебቦλոца ጏащекрաчω ւዙኝУմиռе րըЕрαλዙ ዐидիኜагոዛо քω
Ոжοдесιδዶр ιթደсрυթЗաжոскотр ዦыτθ ωնըнеξещεՂኺ воቄуդ իбыз
Création: 16/05/2014 à 04:16 Mise à jour : 28/05/2014 à 01:07. Retour au blog de JEUNESSE-de-STARS. 12 articles taggés SERIE T.V. 1 350 € / 400€ Bracelet en or jaune orné de pierres jaunes 2 500 € / 600€ Chaine grains de café » en or jaune 3 600 € / 800€ ZENITH – Montre homme quartz et or jaune 4 300 € / 400€ HAMILTON – Montre homme Chronograph or et acier bracelet cuir 5 100 € / 150€ Montre de gousset en or jaune à cadran émaillé 6 350 € / 400€ Pendentif torsade en or blanc et brillants 7 300 € / 400€ Collier en or jaune et argent, pendentif rosace 8 400 € / 450€ Paire de puces d’oreille en or blanc 0,40 cts env. 9 500 € / 600€ Pendentif cœur en or blanc avec bélière ornée de brillants 10 350 € / 400€ Pendentif barrette en or blanc orné de pierres fines multicolores 11 500 € / 600€ Bague en or jaune style marguerite avec brillants et cabochon de saphir 12 100 € / 150€ Bague marguerite en or blanc ornée d’une aigue marine et de brillants 13 500 € / 600€ Bague en or blanc sertie d’un rail de brillants 14 700 € / 800€ Bague en or blanc godronné sertie de brillants et de navettes 15 50 € / 80€ OMEGA – Montre de gousset en argent, cadran émaillé 16 300 € / 400€ Bague en or blanc ornée de brillants 0,20 cts env. 17 200 € / 250€ Clou d’oreille en or jaune et brillants 0,15 ct env. 18 80 € / 100€ Broche en argent et nacre 19 250 € / 300€ Bague en or blanc et améthyste 20 300 € / 400€ Broche en or jaune et verre ornée de brillants – Epoque Napoléon III 21 100 € / 150€ Montre de col en or jaune avec boite gravée de rinceaux 22 80 € / 120€ Montre de col en or jaune 23 400 € / 500€ Paire de boutons de manchette en or jaune ornés d’un cabochon de rubis 24 300 € / 400€ Broche de forme navette en jade, or jaune ornée de deux rubis 25 50 € / 60€ Petite broche en or jaune et pierre verte 26 50 € / 60€ Epingle en or jaune ornée de trois perles blanches 27 300 € / 400€ Gourmette en or jaune 28 50 € / 80€ Epingle en or jaune 14k ornée d’un cabochon de pierre rouge 29 60 € / 100€ Bracelet rigide en argent 750 et or 18k 30 350 € / 450€ Bague en or blanc pavée de brillants 31 200 € / 250€ Bague en or blanc ornée de brillants sur forme ovale 32 400 € / 500€ Importante bague en or jaune et blanc ornée de brillants taillés en rose 33 500 € / 600€ Importante bague en or jaune ornée de brillants – Années 1940 34 200 € / 250€ Bague en or jaune ornée de brillants et d’émeraudes 35 600 € / 700€ BOUCHERON – Paire de clips d’oreilles en or jaune 36 500 € / 600€ Importante bague Toi et moi en or jaune avec cabochons de pierre et brillants 37 120 € / 150€ Alliance en or blanc et brillants 38 150 € / 180€ Pendentif croix en or jaune orné de pierres de couleur 39 80 € / 120€ TRE ESSE – Pendentif croix en or blanc orné de pierres 40 80 € / 120€ Pendentif en or gris orné d’améthystes de forme carrée 41 80 € / 120€ Chaine et croix en or jaune 42 60 € / 100€ Paire de clous d’oreille en or 2 couleurs 43 40 € / 60€ Paire de clous d’oreille en or 14 k 44 180 € / 200€ Paire de boucles d’oreille en or jaune, perles blanches avec brillant 45 40 € / 60€ Ensemble de deux paires de boutons de manchette une paire LANVIN en métal et onyx et une paire en argent 46 200 € / 250€ Bague en or jaune ornée d’un saphir et de brillants 47 150 € / 200€ Bague en or jaune ornée d’un cabochon de turquoise 48 80 € / 100€ Paire de dormeuses en or jaune et émail noir – XIXème siècle 49 0 € / 0€ Paire de boucles d’oreille en or jaune et émail noir 50 800 € / 1000€ Bague panier en or jaune 18K surmontée d’un bouquet de diamants, saphirs et rubis – Années 1960 51 500 € / 600€ Bague en or jaune style marguerite ornée d’une pierre bleue et entourage de brillants 52 500 € / 600€ Bague ancienne en or blanc cerclée de roses et un brillant 0,10 cts au centre 53 150 € / 200€ TISSOT – Montre en acier dans sa boîte 54 300 € / 400€ Bague en or jaune et blanc ornée de rubis et de brillants 55 200 € / 300€ GINETTE NY – Large anneau en or jaune décor d’étoiles 56 200 € / 300€ Petite alliance en or blanc et brillants 57 1100 € / 1500€ CHAUMET – Bague “Liens” en or blanc et brillants 58 700 € / 800€ DINH VAN – Bague “Domino” en or blanc et brillants 59 200 € / 300€ MAUBOUSSIN – Montre “Amour Le jour se lève” en acier et fond nacre, bracelet en cuir noir 60 800 € / 1000€ CHAUMET – Collier en or blanc orné d’un pendentif “Class One” avec des brillants 61 100 € / 150€ Ensemble de monnaies françaises en argent 62 250 € / 300€ Ensemble de médailles en argent représentant les principaux chefs d’oeuvre de l’histoire de l’art 63 50 € / 80€ RAY BAN – Paire de lunettes modèle original Aviateur » et étui – 1970 64 50 € / 80€ RAY BAN – Paire de lunettes modèle original Aviateur » dans son étui – 1970 65 50 € / 80€ CARRERA – Lot de quatre paires de lunettes 66 400 € / 600€ CHANEL – Mini sac en cuir matelassé argenté, bandoulière entrelacée métal doré 67 150 € / 200€ CHRISTIAN DIOR – Sac selle collector ” Cadillac” en jean et cuir soir, angles rouges 68 150 € / 200€ HERMES – Ceinture modèle H en cuir gold et métal doré 69 40 € / 60€ CARTIER – Pochette en cuir bordeaux dans sa boite d’origine 70 80 € / 100€ CARTIER – Briquet en métal et laque avec son étui 71 150 € / 200€ CHANEL – Ceinture en cuir brun entrelacée de métal doré 72 100 € / 150€ CARTIER – Réveil en métal doré et acier 73 50 € / 80€ CARTIER – Stylo bille en argent et son écrin 74 20 € / 30€ HERMES – Ensemble de quatre boites 75 20 € / 30€ CARTIER – Ensemble de boites 76 50 € / 80€ Ensemble de boites de montres de marques diverses 77 150 € / 200€ Sonia RYKIEL – Sac en cuir noir et blanc 78 80 € / 100€ HERMES – Bougeoir en métal argenté, motif de mailles à la base 79 150 € / 200€ Veste en vison brun 80 40 € / 60€ Ensemble de trois pinces à billets en argent et or 81 40 € / 60€ DUPONT – Stylo bille en laque noire et métal et son écrin 82 40 € / 60€ SHEAFFER’S – Stylo bille et stylo plume en or jaune et laque verte dans écrin 83 20 € / 30€ Ensemble de bijoux fantaisie avec bracelets en résine 84 20 € / 30€ Ensemble de bijoux fantaisie avec perles et strass 85 20 € / 30€ Ensemble de bijoux fantaisie 1 86 20 € / 30€ Ensemble de bijoux fantaisie 2 87 60 € / 80€ Ensemble de bijoux fantaisie 3 88 30 € / 50€ Manchette en métal martelé et doré avec cabochons de turquoise 89 50 € / 100€ Ensemble de bijoux fantaisie camée en agate, bracelet, bagues et boucles d’oreilles en argent 90 50 € / 100€ Ensemble comprenant une coupe en métal, un cendrier en cristal et métal argenté, un cadre photo et un repertoire couverture argent et un réveil cadre en argent 91 200 € / 300€ HERMES – Deux paires de bougeoirs en métal argenté 92 60 € / 80€ HERMES – Plat ovale en porcelaine modèle Toucan” 93 200 € / 300€ HERMES – Paire de flacons en verre avec couvercles en métal et support en cuir vert piqué sellier 94 80 € / 120€ HERMES – Ensemble de deux couvertures de répertoires en cuir 95 100 € / 150€ HERMES – Paire de gants en mouton retourné 96 200 € / 300€ HERMES – Bague modèle Quark » en argent et résine noire 97 50 € / 80€ Etui à cigarette en argent 98 50 € / 80€ Boite à poudre en argent 99 300 € / 400€ GUCCI – Sac de voyage en cuir et toile 100 200 € / 300€ Louis VUITTON – Valise souple en toile monogram et cuir naturel 101 200 € / 300€ CHRISTOFLE – Service de couverts en métal argenté de style rocaille 103 100 € / 150€ Support à cuillère en argent et bronze doré – XVIIIème siècle 104 150 € / 200€ CHRISTOFLE – Service à café en métal argenté 105 150 € / 200€ Saupoudreuse en cristal et argent 106 400 € / 500€ Plat circulaire en argent 107 130 € / 150€ Paire de paniers ovales ajourés en argent 108 140 € / 160€ Louche en argent et vermeil – Travail étranger 109 150 € / 180€ Ciseau à mouche et son plateau en argent ajouré 110 480 € / 580€ Paire de saupoudreuses en argent anglais 111 250 € / 300€ Ensemble de six timbales en argent 112 150 € / 200€ Paire de salières en argent – 1803, travail étranger 113 50 € / 80€ Ensemble de deux boites à pilules en argent et vermeil 114 40 € / 60€ Paire de salières à trois pieds en argent 115 80 € / 120€ Ensemble en argent comprenant un entonnoir miniature, un coupe papier anglais, une salière et un passe-thé 116 80 € / 120€ HENNIGER – Paire de porte-tasses en argent et vermeil 117 50 € / 80€ Giuseppe DIDONE – Cadre en onyx et vermeil avec miniature signée et datée – 1948 118 200 € / 300€ RAVINET D’ENFERT – Partie de ménagère en métal argenté modèle perlettes comprenant 135 pièces 119 40 € / 60€ GALLIA – Série de douze portes couteaux en métal argenté 120 40 € / 60€ CHRISTOFLE – Série de seize porte-noms en métal argenté 121 80 € / 100€ CHRISTOFLE Boite cylindrique couverte en métal argenté et bois de palmier 122 300 € / 500€ Paire de candélabres à cinq feux en argent, transformables en bougeoir – Travail anglais 123 50 € / 80€ Service à thé et café en métal argenté modèle ruban croisé style Louis XVI 124 300 € / 400€ BACCARAT – Paire de photophores en verre et motifs d’arabesques gravés 125 150 € / 200€ Cave à liqueur Tantalus » et sa clé – Marqué BETJEMANN’S PATENT», travail anglais 126 80 € / 100€ Seau à champagne en cristal et monture de métal doré – Années 1970 127 50 € / 80€ Paire d’assiettes en porcelaine peinte – Epoque Directoire 128 150 € / 200€ Ludwig MOSER – Ensemble de neuf pièces de toilette en cristal taillé et teinté 129 100 € / 150€ LALIQUE – Sujet en verre figurant un couple de colombes 130 150 € / 200€ LALIQUE – Vase en verre moulé à décor de fleurs 131 80 € / 120€ Paire de bougeoirs en cristal de Bohème – XIXème siècle 136 300 € / 500€ Jules ROZIER – Paysage de neige 137 50 € € / 80 €€ D’après Gandelle – Jeune paysanne dans un champs 138 200 € / 300€ Joseph FRANÇOIS – Le berger et son troupeau 139 € / € Ecole de la fin du XIXème siècle – Femme berbère en pied 140 300 € / 400€ Ecole du XIXème siècle – Le banquet chez le Consul 141 600 € / 800€ Armand GUERY – Moulin et champ de coquelicots 1905 142 60 € / 80€ Anne-Louis GIRODET d’après – Femmes nues allongées 143 200 € / 300€ Ecole du XVIIIème siècle – Portrait de gentilhomme “Auguste Joseph felicité de Matharel marquis de Fienes musquetaire avec brevet de Capitaine de cavalerie” 144 300 € / 400€ Antonio TRACHEL – La mort d’Attilio Regolo, d’après la gravure de Salvatore Rosa 145 100 € / 150€ Ecole du XVIème ou XVIIème siècle – Navire 146 200 € / 300€ Gustave Adolphe MOSSA – La cascade de Grasse 147 200 € / 300€ Ecole du XIXème siècle – Bouquet de fleurs 148 400 € / 500€ Ecole du XIXème siècle – Paysages animés 149 600 € / 800€ Ecole du XVIIIème siècle – Le retour de la chasse 150 200 € / 300€ Homme en pied avec pot médicis fleuri – Epoque Charles X 151 400 € / 600€ Ecole du XIXème siècle – La foudre 152 300 € / 400€ Ecole de la fin du XVIIème siècle – Vierge à l’enfant 153 150 € / 200€ Ensemble de trois planches de botanique 154 6000 € / 8000€ Johannes Hendrik FREDRIKS – Bouquet de fleurs 1790 155 600 € / 800€ Ecole du XVIIIème siècle – Personnages religieux 156 600 € / 800€ Ecole du XVIIIème siècle – La vierge et l’archange Gabriel 157 200 € / 300€ Ecole du XVIIème siècle – Portrait d’homme en buste 158 200 € / 250€ Ecole du XIXème siècle – Paysages 159 1200 € / 1500€ Edouard PINGRET – Portrait de gentilhomme assis 1813 160 100 € / 150€ Ecole du XIXème siècle – Paysanne dans une forêt 161 1000 € / 1500€ Ecole italienne du XVIIIème siècle – Paysage de campagne animé 162 800 € / 1000€ Ecole française du XVIIIème siècle – Château en campagne 1740 163 600 € / 800€ Ecole du XVIIIème siècle – Scène de pâturage 164 800 € / 1000€ Ecole du XVIIIème siècle – Paysage de campagne 165 300 € / 400€ Johan Jens NEUMANN – Marine, barque de pêcheur 166 800 € / 1000€ CARLANDER – Marine, voilier en mer 1929 167 300 € / 400€ Ecole du XVIIIème siècle – Vierge à l’enfant 168 100 € / 150€ Ecole du XVIIIème siècle – Piéta 169 2500 € / 3000€ Edoardo DALBONO – La promenade en barque 170 300 € / 400€ Frank Moss BENNETT – Repas entre gentilhomme 1929 171 300 € / 400€ Pierre Louis Léger VAUTHIER – Paysage en bord de rivière 172 200 € / 250€ Ecole italienne du XIXème siècle – Marine, voilier en mer 173 300 € / 400€ Ecole anglaise du XIXème siècle – Scène de pêche au bord d’un étang 174 600 € / 800€ Ecole napolitaine du XIXème siècle – Navires dans la baie de Naples 175 800 € / 1000€ Ecole du XVIIIème siècle – Village en bord de mer 176 600 € / 800€ Ecole napolitaine du XIXème siècle – Vue de Naples depuis les collines 177 600 € / 800€ Ecole italienne du XVIIe siècle – La Sainte famille 178 6000 € / 8000€ Ecole italienne du XVIIIème siècle – Le campo dei Santi Giovanni e Paolo à Venise 179 1500 € / 2000€ Fausto ZONARO – Vue du détroit du Bosphore, Contantinople 180 300 € / 400€ Silvestro LEGA – Portrait 181 1200 € / 1500€ Ecole du XIXème siècle – Nature morte aux fleurs sur un entablement 182 2000 € / 2500€ Ecole du XIXème siècle – Marine, voiliers en mer 183 600 € / 800€ Ecole du XIXème siècle – Monument religieux 184 200 € / 300€ Ecole du XXème siècle – Nature morte au fraisier 185 1500 € / 2000€ Jean PILLEMENT – Vue de bord de mer 189 100 € / 150€ Commode en bois de placage garniture de bronzes et dessus de marbre jaune – Style Louis XV 190 150 € / 200€ Suite de quatre chaises en bois mouluré – Epoque Louis XVI 191 400 € / 600€ Grand buffet deux corps en bois naturel mouluré et sculpté 192 300 € / 400€ Panetière en bois naturel sculpté à décor de bouquet d’épi de blé, rameaux d’olivier et feuillages – XIXème siècle 193 800 € / 1000€ Commode en bois de placage et dessus de marbre rouge – Epoque Régence 194 400 € / 600€ Console en bois sculpté et doré à décor rocaille, dessus de marbre gris – Epoque Louis XV 195 150 € / 200€ Commode en bois de placage galbée avec deux tiroirs sans traverse et garnitures de bronze ciselé – Style Louis XV 196 200 € / 300€ Commode en bois laqué noir à motifs dorés et polychromes de scènes chinoises – Style Louis XV 197 500 € / 100€ Salon en bois mouluré noirci de style Napoléon III 198 700 € / 800€ Commode en bois naturel – XVIIIème siècle 199 100 € / 150€ Jardinière en bois laqué noir à décor chinoisant et piètement en bois tourné – Epoque Napoléon III 200 400 € / 600€ Commode arbalète en noyer – XVIIIème siècle 201 150 € / 200€ Commode dite chemin de fer » en bois de placage trois tiroirs dont un formant écritoire, dessus de marbre blanc – Style Louis XVI 202 100 € / 150€ Secrétaire en acajou et placage d’acajou, dessus de marbre gris – Style Empire 203 100 € / 150€ Guéridon en bois de placage et marbre gris 204 100 € / 150€ Commode en bois de placage dessus de marbre gris – Epoque Empire 205 150 € / 200€ Bureau de dame à gradin en bois de placage – Style Louis XVI 206 1500 € / 2500€ Charles-Guillaume DIEHL – Bureau plat en bois de placage et marqueterie de type Boulle avec garniture de bronze – Epoque Napoléon III 207 3000 € / 4000€ Buffet en bois de placage et marqueterie de type Boulle avec incrustations d’argent et pierres dures polychromes, garniture de bronze et dessus de marbre noir – Epoque Napoléon III 208 800 € / 1200€ Buffet en bois de placage et marqueterie de type Boulle, garniture de bronze et dessus de marbre noir – Epoque Napoléon III 209 1000 € / 1500€ Buffet en bois de placage et marqueterie de type Boulle, garniture de bronze et dessus de marbre blanc – Epoque Napoléon III 210 4000 € / 6000€ Paul SORMANI – Armoire basse en bois de placage et laque rouge à décor chinoisant, dessus de marbre brèche d’Alep 211 500 € / 800€ Lit en bois de placage et marqueterie de type Boulle, Garniture de bronze – Epoque Napoléon III 212 150 € / 250€ Bergère à oreilles en bois mouluré, sculpté et doré style Louis XV – Epoque Napoléon III 213 300 € / 500€ Commode tombeau en bois de placage, dessus de marbre Style Louis XV – Première moitié du XXème siècle 214 200 € / 300€ Commode en bois de placage,dessus de marbre – Style Louis XV 215 300 € / 400€ Coiffeuse en bois de placage – Style Louis XV 216 150 € / 200€ Semainier en bois de placage, dessus de marbre – Style Louis XV 217 60 € / 80€ Petite table volante de salon en bois de placage, plateau ceinturé de laiton – Style Louis XV 218 100 € / 150€ Paire de tables de nuit en bois laqué et miroirs – Style Louis XV – Années 1950 219 3000 € / 4000€ Paire de candélabres de Chiavari, signé Sanguineti et daté à la base, fer laqué et feuille d’or, circa 1937, Italie 220 100 € / 150€ Tabouret de piano tournant en bois naturel avec sabots en bronze insérant des sphères de verre – XIXe siècle 221 100 € / 150€ Vitrine deux corps en acajou et placage d’acajou – Travail anglais 222 50 € / 100€ Sellette de sculpteur tournante en bois naturel 223 300 € € / 400 €€ Etagère de boulanger en fer forgé et laiton – 1930 229 50 € / 80€ Couteau avec garniture en os – Chine 230 100 € / 150€ Guanyin sur un lotus – Sujet en bronze – Asie 231 50 € / 100€ Buffle en pierre dure verte et brune – Chine 232 50 € / 100€ Pot couvert surmonté d’un chien de Fô en pierre dure verte – Chine 233 50 € / 100€ Pot couvert surmonté d’un dragon en pierre dure noire – Chine 234 50 € / 100€ Pot couvert en pierre dure verte – Chine 235 50 € / 100€ Sujet en pierre dure vert clair – Chine 236 50 € / 100€ Sujet en pierre dure turquoise – Chine 237 600 € / 800€ Grand paravent en bois laqué – Chine 238 600 € / 800€ Grand sujet en bois sculpté figurant Shoulao – Chine, XIXème siècle 239 60 € / 80€ Poignard factice en os – Travail Chinois 240 200 € / 300€ Meuble en bois laqué et portes dorées – Chine, XIXème siècle 241 100 € / 150€ Trône en bois laqué – Chine, XIXème siècle 242 50 € / 100€ Nécessaire de toilette en laque noir – Chine 243 100 € / 150€ Coupe de forme évasée en porcelaine 244 30 € / 50€ Petite verseuse couverte en porcelaine – Chine 245 30 € / 50€ Petit pot en porcelaine polychrome – Chine 246 30 € / 50€ Petit vase en porcelaine sang de boeuf » – Chine 247 50 € / 60€ Deux éléments décoratifs en bois sculpté et partiellement dorés – Extrème Orient 248 100 € / 150€ Paysages – Extrême Orient 250 150 € / 200€ Petit paravent bas à quatre feuilles – Chine, XIXème siècle 251 100 € / 150€ Guéridon circulaire sur pieds griffe à roulettes, dessus de marbre gris – XIXe siècle 252 100 € / 150€ Boite octogonale couverte en laque de Chine 253 300 € / 400€ Paire de vases en porcelaine de Chine 254 150 € / 200€ Bouddha assis – Sculpture en bronze – Asie, XIXème siècle 255 200 € / 300€ Vase en porcelaine de Canton monté en lampe – Chine, fin du XIXème siècle 257 150 € / 200€ Sujet en pierre dure figurant une kwanin – Chine 258 200 € / 250€ Théière en porcelaine d’Imari – Chine, XVIIIème siècle 259 150 € / 200€ Pot à gingembre en porcelaine – Chine, début du XXème siècle 260 200 € / 250€ Vase en porcelaine dite sang de boeuf » – Chine 261 150 € / 200€ Pot à gingembre en porcelaine – Chine, XXème siècle 262 600 € / 800€ Paire de spectaculaires vases Satsuma », Céramique émaillée, Circa 1970, Chine 263 600 € / 800€ Grand vase quadrangulaire en bronze à patine vert antique – Chine 264 400 € / 500€ Vase en bronze tripode en bronze – Chine 268 50 € / 80€ Salvador DALI – La place Saint Marc carré en soie imprimée 269 300 € € / 400 €€ Yvon GRAC – Le guerrier 270 800 € € / 1000 €€ Sonia DELAUNAY – Composition 271 1000 € / 1500€ Joan MIRO – Composition abstraite “En souvenir de ce magnifique repas” 1978 272 80 € € / 100 €€ Joan MIRO d’après – Composition 273 300 € / 400€ Grande sculpture contemporaine en raku noir 274 200 € / 300€ KIJNO – Composition 275 1200 € / 1500€ VERSUS – Adam et Eve 150 x 150 cm 276 200 € / 300€ VERSUS – Adam et Eve 31 x 25 x 9 cm dans coffret en bois 277 200 € / 300€ VERSUS – Bacchus avec magnum de mouton cadet 2013 dont l’étiquette a été peinte par l’artiste 278 300 € / 400€ BANKSY d’après – Game changer 279 120 € / 150€ Shepard FAIREY dit OBEY – Make Art Not War 2018 280 120 € / 150€ Shepard FAIREY dit OBEY – Target exceptions 2020 281 120 € / 150€ Shepard FAIREY dit OBEY – Voting rights are human rights 2020 282 120 € / 150€ Shepard FAIREY dit OBEY – Green energy power glory 2017 283 120 € / 150€ Shepard FAIREY dit OBEY – Paradise turns 2017 284 150 € / 200€ Corneille – Tire bouchon 285 600 € / 800€ Jean-Claude MAZEL – Pomme 286 800 € / 1000€ Sacha SOSNO – Buste 287 100 € / 150€ CÉSAR – Portrait de compression 288 800 € / 1000€ Pierre DE BERROETA – Composition abstraite 289 600 € / 800€ Philippe Henri NOYER – Femme assise sur une caisse 1971 290 300 € / 400€ Philippe Henri NOYER – Ensemble de six lithographies encadrées 291 700 € / 1000€ Gianni DOVA – Composition abstraite 1950 292 600 € / 800€ Bernard Reyboz – Monolith vers 1996 293 300 € / 400€ Serge OLDENBOURG dit Serge III – Les collectionneurs 294 300 € / 400€ Serge OLDENBOURG dit Serge III – Commandant Grand Ducale 295 300 € / 400€ Serge OLDENBOURG dit Serge III – Le travail de la balle 1979 296 200 € / 300€ Serge OLDENBOURG dit Serge III – Je t’aime 297 150 € / 200€ Serge OLDENBOURG dit Serge III – Ensemble de trois pièces 299 200 € € / 300 €€ Auguste CAIN – Rare vase couvert en bronze et émaux polychromes sur base en marbre 300 100 € € / 150 €€ Petit vase en porphyre et bronze – Travail de style néoclassique, XIXe siècle 301 100 € € / 150 €€ Jules DAUMISSE – Elephant en terre cuite sur marbre noir 302 € / € Violon, copie de Stradivarius 303 150 € / 200€ Recueil reportant des programmes du Théâtre de Monte Carlo de 1890 à 1913 304 2500 € / 3000€ Constantin CRISTESCO – Question d’amour propre 305 400 € / 600€ Statue en pierre reconstituée figurant une nymphe allongée 306 200 € / 300€ Paire de bancs en pierre reconstituée 307 150 € / 200€ Album de cartes postales anciennes 308 100 € / 150€ Vincente QUISMONDO – Tolède – La vierge 309 80 € / 100€ Editions Cercle d’Art – Livret ” Le visage de la paix par Picasso et Eluard” 1951 310 1500 € / 2000€ Sculpture en marbre figurant une femme à l’antique – XVIIIème siècle 311 200 € / 300€ Charles TRENET – Ensemble de 4 lettres adressées à sa mère vers 1920 312 50 € / 80€ Charles TRENET attribué à – Suite de quatre pages manuscrites 313 150 € / 200€ CHOISY LE ROI – Important plat en barbotine 314 300 € / 400€ GEOMER – Vieil homme à la canne 315 100 € / 150€ GIEN – Pied de lampe modèle renaissance fond bleu 316 100 € / 150€ GIEN – Légumier couvert et son plateau modèle renaissance fond bleu 317 100 € / 150€ Médaillon en filigrane d’argent du XVIIème siècle, à motif du Baptême du Christ 318 100 € / 150€ Médaillon en filigrane d’argent du XVIIe siècle, à motif de la vierge à l’enfant 320 120 € € / 150 €€ Ensemble de deux sujets en bronze de Vienne 321 100 € € / 120 €€ Sujet en porcelaine polychrome figurant une scène galante 322 80 € / 120€ Lion couché en fonte de fer 323 100 € / 150€ Trois sujets miniatures en porcelaine polychrome 324 200 € / 300€ Sabre Allemand – Seconde Guerre mondiale 325 50 € / 100€ ROUEN – Plat polygonal en faïence – XVIIIème siècle 326 50 € / 100€ MOUSTIERS – Ensemble de 3 pièces en faïence façon Veuve Perrin – XVIIIème siècle 327 40 € / 60€ DELFT – Ensemble de deux assiettes en faïence – XVIIIème siècle 328 40 € / 60€ CHANTILLY – Ensemble de deux assiettes en faïence – XVIIIème siècle 329 50 € / 100€ CHOISY LE ROI attribué à Louis BOULANGER – Femme en pied avec gibier 1836 330 30 € / 50€ Portrait d’un couple en biscuit photosculpture – XIXème siècle 331 40 € / 60€ Edition Gilbert Jeune Paris – Deux tomes illustrés par Albert Dubout – Gargantua et Pantagruel de Rabelais 1954 332 1600 € / 1800€ Importante jarre de Biot en terre cuite – XIXe siècle 333 400 € / 600€ Important lustre en bronze doré et patiné – Style Empire 334 200 € / 300€ Lustre à huit bas de lumière en bronze patiné et doré – Style Empire 335 100 € / 150€ Ex voto miniature en écaille – XIXème siècle 336 100 € / 150€ Icone miniature avec rizzla en argent – Travail russe 339 100 € / 150€ Vitrail avec remontage d’éléments anciens 341 30 € / 50€ Deux médaillons dans un encadrement en bronze 342 50 € / 80€ Ensemble de soldats de plomb – Armée Napoléonienne 343 500 € / 600€ Paire d’appliques à trois feux en bronze ciselé et doré – Style Louis XVI, XIXème siècle 344 600 € / 700€ Lanterne de vestibule en bronze doré et verres bombés – XIXème siècle 345 5000 € / 6000€ Importante aire de candélabres en bronze ciselé à double patine or et brun – Epoque Empire 346 80 € / 100€ Vase en terre émaillée – Iran, XIXème siècle 347 150 € / 200$€ Vase en terre cuite à l’émail noir – Italie du sud 348 150 € / 200€ Deux coqs combattant en bronze argenté 354 200 € / 300€ Accordéon de marque “Crucianelli” et son étui 356 600 € / 800€ Buste de christ en bois sculpté – XVIIème siècle 357 200 € / 300€ Jean-Baptiste GERMAIN – Forgeron 358 80 € / 100€ Fixé sous verre – Travail indien 359 150 € / 200€ Violon “Nicolas Duchêne” 360 200 € / 300€ Pierre LE FAGUAYS – L’homme à la roue 361 500 € / 600€ Paire de candélabres en bronze à patine noire – Travail dans le goût de Cain 362 200 € / 300€ Emile Louis PICAULT – L’étude affranchit la pensée 363 800 € / 1200€ Cartel en bois de placage, marqueterie de type Boulle et garniture de bronze – Style Louis XV, Epoque Napoléon III 364 200 € / 300€ Coffret à ouvrage de style Louis XIV en bois de placage, marqueterie de type Boulle et garniture de bronze – Epoque Napoléon III 365 100 € / 150€ Pied de lampe en bois et marqueterie de type Boulle – Epoque Napoléon III 366 300 € / 400€ Paire de vases en porcelaine de Capodimonte 367 100 € / 150€ Sujet en porcelaine polychrome 368 150 € / 200€ Sujet en porcelaine de Meissen 369 50 € / 80€ Sujet en porcelaine polychrome figurant une danseuse 370 100 € / 150€ Miroir en verre de Venise 371 200 € / 300€ Manufacture royale de Sèvres – Tasse et sa sous tasse en porcelaine dure polychrome 372 300 € / 400€ Manufacture impériale de Sèvres – Rare vase en porcelaine polychrome 373 50 € / 100€ Manufacture nationale de Sèvres – Sujet en biscuit figurant une femme au bain » 374 200 € / 250€ Page de partition du XVIe siècle 376 150 € / 200€ Vierge à l’enfant en bois sculpté, doré et laqué polychrome – XIXème siècle 377 3500 € / 4000€ Paire d’importants médaillons en marbre et pierres semi-précieuses – XXe siècle 378 2500 € / 3000€ Série de six jardinières en marbre blanc et bleu “Turquin” – Travail français des années 1980 379 200 € / 300€ Paire d’appui-pieds syrien en bois et nacre, circa 1900 380 600 € / 800€ Buste en marbre polychrome, dans le goût de l’Antiquité – XXème siècle 381 600 € / 800€ Sujet en bronze, dans le goût de la Renaissance italienne 382 4000 € / 5000€ Sculpture en marbre – XVIIIème siècle 383 1500 € / 2000€ Evêque en bois polychrome sculpté, yeux en sulfure – Fin du XVIIe siècle 384 400 € / 600€ Médaille en bronze de David d’Angers représentant Simon Bolivar 1832 385 60 € / 80€ Médaille en bois durci représentant Garibaldi en 1859 386 100 € / 150€ Raymond TSCHUDIN – Médaille en argent de la Ville de Monaco 387 150 € / 200€ Médaille “Hommage des légitimistes de France à leur roi” 1833 388 80 € / 100€ Juan Luis VASSALLO – Médaille italienne 1797 389 100 € / 150€ Médaille du Vatican en métal émaillé rouge et doré 390 200 € / 300€ Ensemble de médailles divers et décorations 394 500 € / 600€ William Benson – Lampadaire en bronze doré, circa 1900, Angleterre 395 500 € / 600€ Chevalet à crémaillère en bois naturel 396 400 € / 600€ Jules CHERET – “Si vous toussez prener des pastilles Géraudel” 1895 397 800 € € / 1000 €€ Émile GALLÉ – Grand vase soliflore cylindrique en verre multicouche 398 800 € / 1000€ Théodore DECK – Vase en faïence à décor d’émaux polychromes 399 300 € / 400€ MONTJOYE – Important vase en verre givré vert à décor émaillé 400 300 € / 350€ Victor THONET – Porte manteau Perroquet » en bois courbé 401 150 € / 200€ Jean MASSIER – Puit en faïence polychrome de Vallauris 402 200 € / 300€ Emile GALLE – Candélabre en faïence polychrome vers 1890 403 50 € / 100€ Vase en faïence émaillée vers 1900 – Travail anglais 406 200 € / 300€ Petite table de salon en métal nickelé dessus miroir – Travail des années 1930 407 200 € € / 300 €€ Marcel André BOURAINE – Nu féminin assis 408 400 € / 600€ Paire d’appliques en bronze et verre de Murano – Travail des années 1940 409 150 € / 200€ Table à structure en fer forgé avec plateau de marbre – Travail français des années 1940 410 100 € / 150€ René LALIQUE – Pied de lampe de forme ovoïde en verre moulé pressé Années 1940 411 300 € / 400€ Bout de canapé tôle style Rome antique, piètement en bronze – France, vers 1940 412 350 € / 400€ Jacques HITIER – Bureau modèle Multitable » – Création 1958 413 200 € / 250€ Commode en bois de placage et pieds en métal noir – Travail des années 1950 414 200 € / 300€ AUDOUX MINET – Bureau et chaise en rotin 415 50 € / 80€ Lampe à deux colonnes en laiton garnie de cuir 416 40 € / 60€ Coupe papier en métal dans le goût de Jean Desprès 417 80 € / 100€ Partie de service de table en faïence polychrome années 1950/1960 418 50 € / 100€ Miroir rectangulaire à cadre en verre églomisé années 1950 419 300 € / 400€ Objet décoratif trompe l’œil, Palladio, circa 1950 – Venise, Italie 420 500 € / 700€ Meuble deux corps en teck – Travail scandinave, vers 1960 421 500 € / 700€ Enfilade en teck – Travail scandinave, vers 1960 422 50 € / 80€ Alvar AALTO – Tabouret modèle E60 en boulot assemblé Création 1933, vers 1970 423 400 € / 500€ André SORNAY – Ensemble de deux fauteuils et trois chaises en pin années 1960 424 1200 € / 1300€ ARLUS – Suite de trois appliques en bronze à patine dorée 425 200 € / 250€ BAGUES dans le goût de – Lampadaire en laiton imitation bambou 426 400 € / 600€ Tobia SCARPA – Edition FLOS – Paire d’appliques modèle “Foglio” – 1966, première édition 427 400 € / 600€ Tobia SCARPA – Edition FLOS – Paire d’appliques modèle “Foglio” – Créé en 1966, première édition 428 400 € / 500€ Ensemble de quatre cache-pots en faïence émaillée, vers 1960, Italie 429 300 € / 400€ John MC GUIRE – Paire de canapés en bambou laqué, textile d’origine – McGuire Production vers 1960, Italie 430 400 € / 600€ ARTELANO pour ROCHE BOBOIS – Bibliothèque en métal laqué crème et laiton années 1970 431 200 € / 300€ Ensemble de quatre paires d’appliques en cuivre 432 200 € / 300€ Michel JARRY – Coq en tôle 433 200 € / 300€ Guéridon circulaire en fer forgé et plateau de verre – Travail français, années 1970 434 300 € / 400€ Pied de lampe en bronze doré – Travail des années 1970 435 300 € / 400€ Gabriella CRESPI dans le goût de – Table basse octogonale en laiton et verre vers 1970 436 400 € / 500€ Commode avec miroir, rotin, textile original et laiton doré, circa 1970 – Italie 437 1500 € / 2000€ MAISON JANSEN – Paire de fauteuils en métal et laiton doré – France, circa 1970 438 40 € / 60€ BITOSSI – Vase cylindrique en faïence bleu 439 50 € / 60€ Jean MARAIS – Théière en terre chamotée 440 800 € / 1000€ Pied de table basse en bronze à patine dorée et verte 441 300 € / 400€ Claude DALLE pour ROMEO – Table basse avec piètement en bois et plateau en verre 442 350 € / 400€ Lampadaire – Travail des années 1980 443 50 € / 80€ Pied de lampe en tôle – Travail des années 1980 444 80 € / 120€ Lampe avec pied en bois façon bambou vert – Travail des années 1970 445 600 € / 800€ DISNEY – Sujet en résine polychrome figurant Dingo majordome » 446 300 € / 400€ DISNEY – Sujet en résine polychrome figurant Mickey Fantasia » 447 200 € / 300€ DISNEY – Mickey et Minnie sur la lune en résine 448 60 € / 80€ DISNEY – Téléphone Dingo moderne 449 50 € / 80€ DISNEY – Ensemble de deux poupées Toy story 450 300 € / 500€ Importante table à manger avec piètement plexiglass, structure laiton et plateau en verre 451 100 € / 150€ David F. EMERY attribué à – Lampe en bois laqué blanc et fibre optique – Avignon 455 € / € Louis Jacques VIGON – Rue de l’amitié à Rouen 456 100 € € / 150 €€ Irina MAKAROVA – Envie de partir 1998 457 1500 € / 2000€ Nikolai Aleksandrovic BENOIS – Vue d’un intérieur 458 600 € / 800€ Bernard BUFFET – Hôtel de la Poste 459 800 € € / 1200 €€ GEN PAUL – Musiciens 460 € / € Julien Gustave GAGLIARDINI – Rue dans le village 461 150 € € / 200 €€ Alexander Sacha PUTOV – Vue de ville 1986 462 100 € / 150€ Eugene REUNIER – Sous bois 1939 463 150 € / 200€ Michel KOULICHE – Vue de ville 464 80 € / 100€ Henri BAVIERA – Saint Paul – Le piol 1955 465 40 € / 60€ Henri BAVIERA – La cheminée 1956 466 60 € / 80€ VERNER – Bouquet de chardons 1964 467 40 € / 60€ VERNER – Couple devant un paysage 468 40 € / 60€ VERNER – L’atelier 469 40 € / 60€ VERNER – L’atelier bleu 470 40 € / 60€ VERNER – La veuve espagnole 471 80 € / 120€ Salomon LE TROPÉZIEN – Bouquet de fleurs 472 300 € / 500€ Freddy DEFOSSEZ – Bouquet et personnage 473 600 € / 800€ Franz PRIKING – Venise 474 40 € / 60€ Marcel VICAIRE – Personnages orientaux 475 600 € / 800€ Henri Alphonse BARNOIN – Vues de Bretagne 476 150 € / 250€ Ernest LESSIEUX – Vues de bord de mer 477 150 € / 200€ Cesare BISCARRA – Paysage en campagne 478 150 € / 200€ Paul BRACHETTI – Vue de pont et ville 479 500 € / 600€ Ecole italienne du XIXème siècle – Portrait d’officier Fulltext of "Memoires concernant Christine reine de Suede, : pour servir d'eclaircissement a l'histoire de son regne et principalement de sa vie privée, et aux evenemens de l'histoire de son tems civile et litéraire: suivis de deux ouvrages de cette savante princesse, qui n'ont jamais été imprimés ..See other formats PHOTOS - Que sont devenus les partenaires de la série culte Magnum, endeuillée par la mort de John Hillerman, l'interprète du majordome Higgins, disparu le 9 novembre 2017 ?Le comédien John Hillerman, l'interprète du très british majordome Higgins dans la série culte Magnum, est mort le 9 novembre 2017 à l'âge de 84 ans à Houston. Que sont devenus les autres comédiens devenus des stars grâce à la série culte Magnum ?Tom Selleck Thomas MagnumL'anecdote est connue, mais il reste vrai que Magnum a été une sorte de cadeau empoisonné pour Tom Selleck, 72 ans. Si la série a fait de lui une star mondiale, elle a aussi empêché le comédien américain de décrocher un célébrissime rôle celui d'Indiana Jones dans Les aventuriers de l'arche perdue. Après l'arrêt de Magnum en 1988, Tom Selleck a connu une descente de popularité très violente. Le comédien a joué dans quelques films de séries B, mais n'est parvenu à retrouver des rôles de premier plan qu'en 1997 avec In & out, joué aux côtés de Kevin Kline. Après cette quasi-décennie de vache maigre, Tom Selleck a su trouver des rôles marquants, mais toujours au second plan, dans des séries comme The Closer ou encore Friends. Il est revenu en vedette en 2010 grâce à la série policière Blue Bloods. Le comédien, qui avait eu un fils adoptif lors d'un premier mariage, s'est remarié en août 1987 à une certaine Jillie Mack, 60 ans cette année, avec qui il vit toujours et qui lui a donné en 1988 une fille Hannah Margaret. Tom Selleck s'est publiquement engagé auprès d'organisations caritatives oeuvrant pour les vétérans du Vietnam et il est aussi porte-parole de la NRA, le lobby américain des vendeurs d' Manetti RickDans la série Magnum, Larry Manetti, aujourd'hui âgé de 70 ans, incarnait Rick, fidèle compère de Magnum, propriétaire d'un bar puis d'un club local, le King Kamehameha Club. Comme la plupart des stars de Magnum, la fin de la série a été difficile pour Larry Manetti, auparavant popularisé par la série Les têtes brûlées. Après pas mal de petits rôles, Larry Manetti a joué quelques récurrents notamment dans Walker Texas Ranger. Il a aussi incarné au fil des ans trois personnages différents dans autant d'épisodes de la série JAG. À partir de 2013, il a pu aussi jouer le personnage de Nicky Demarco, un ami de la famille McGarrett, au fil d'apparitions dans la série policière Hawaii 5-0. Depuis 2016, Larry Manetti ne semble plus avoir de rôles, mais anime avec son épouse Nancy, depuis 2011, une émission radio, The lounge with Larry and Nancy Manetti sur la station CRN digital talk radio. Il a eu un fils, Lorenzo, né en Mosley TerryDans Magnum, Robert Mosley incarnait le sympathique Terry, pilote et patron de la compagnie d'hélicoptère Island hoppers qui accompagnait les enquêtes du détective. Robert Mosley est réellement un pilote d'hélicoptère à la ville même s'il ne pouvait faire ses cascades lui-même dans la série. Après Magnum, il est resté dans le milieu des séries télé dans des seconds rôles, mais peu d'entre elles You take the kids, Rude Awakening ont été diffusées en France. Après un rôle de grand-père dans la série à courte vie FCU Fact checkers unit, il a pris sa retraite en 2010. Il est aujourd'hui âgé de 78 ans. Ami jadis avec la star déchue Simpson, Robert Mosley s'est marié dès 1960 avec une certaine Saundra Locke qui lui a donné deux enfants. On ne sait pas si le couple vit toujours réalisé par Sandric Vasseur. Inscrivez-vous à la Newsletter de pour recevoir gratuitement les dernières actualités
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Dreamer n°1Published on Apr 1, 2010Numéro d'avril 2010 du magazine Dreamer, le masculin haut de gamme 100 pages de produits High Tech, automobiles, mode, beauté et accessoires de rêveON mag

NOMDU MAJORDOME RIGIDE DANS MAGNUM ; MARY CLARK CELEBRE AUTRICE A SUSPENSE ; MAJORDOME ANGLAIS DANS MAGNUM ; Définitions du moment 10. BEL ASTRE ; FAIT LA MOUE ; RENDRE BRILLANT ; ENCOURAGEANT POUR LA SUITE ; ON Y JOUE AVEC LES PIEDS ; COLEOPTERE ; PAS DU BEAU JEU ; ROI D'EGYPTE ; IL

Créateurs Glen A. Larson & Donald P. Bellisario Distribution Tom Selleck Thomas Magnum / John Hillerman Jonathan Higgins / Larry Manetti Orville Rick » Whright / Roger E. Mosley Theodore TC » CalvinVétéran de la guerre du Vietnam, le très décontracté Magnum doit cohabiter avec Higgins, un majordome à la rigueur toute britannique, dans la propriété hawaïenne du mystérieux et richissime Robin Masters. En plus d’assurer la sécurité du domaine, Magnum aime à jouer les détectives privés, aidé en cela par ses amis Rick et TC.– Si Hawaï a été choisi comme lieu de tournage pour Magnum, c’est en partie parce que CBS souhaitait continuer à utiliser les bureaux hawaïens de Hawaï, police d’Etat, série qui venait de s’achever. – Au cours du 3e épisode de la 3e saison, Magnum vient demander de l’aide à Simon et Simon, nouvelle série de CBS. La suite de cette aventure, où ils tentent de retrouver l’argent volé d’une vente de charité organisée par Higgins, sera diffusée dans Simon et Simon dans l’épisode de la 2e saison baptisé La fille aux émeraudes ». – Le personnage de Magnum meurt à la fin de la saison 7 suite à une blessure par balle. En effet, les producteurs ne pensaient pas que la série serait renouvelée. Mais étant donné la hausse d’audience des derniers épisodes, la chaîne a commandé une huitième saison. Finalement, lors de la rediffusion dudit épisode, la fin a été modifiée et Magnum a survécu à sa blessure. – En France, Magnum a été l’une des séries de Dimanche Martin sur Antenne 2. Elle était diffusée à 14h20 juste avant L’école des fans.
Recherchedans la collection des cartes et plans; Disponibilité ; Filtres; Tri des résultats de recherche; Premiers pas. Premiers pas; Ouvrir la recherche. Limiter la recherche. Terme recherché. Chercher. S'authentifier; Progrès-dimanche. 1982-5-2. Cahier 1. Bibliothèque et Archives nationales du Québec. Chicoutimi :[éditeur non identifié],1964-2017. Cahier 1, Les solutions ✅ pour NOM DU MAJORDOME RIGIDE DANS MAGNUM 7 LETTRES de mots fléchés et mots croisés. Découvrez les bonnes réponses, synonymes et autres types d'aide pour résoudre chaque puzzle Voici Les Solutions de Mots Croisés pour "NOM DU MAJORDOME RIGIDE DANS MAGNUM 7 LETTRES" 4 0 Suggéré par les utilisateurs Utilisateur Solution Lettres Anonyme Higgins 7 Partagez cette question et demandez de l'aide à vos amis! Recommander une réponse ? Connaissez-vous la réponse? profiter de l'occasion pour donner votre contribution! Similaires Transcription. Téléchargez le catalogue au format PDF Pour les vins Champagne, Bourgogne, Bordeaux, des noms bibliques melchizédech, solamon, melchior, nabuchodonosor, balthasar, salmanazar, mathusalem, rhéoboam, jéroboam et des noms de rois primat, souverain, Marie-Jeanne sont utilisés pour caractériser la contenance des bouteilles de vin. La contenance des bouteilles et le nom employé pour les désigner varient en fonction du terroir et de l’appellation des vins. Ainsi les noms de bouteilles utilisés dans le Bordelais sont-ils différents de ceux employés pour les vins de Bourgogne et de Champagne. La majorité des contenants en verre destinés au vin sont des multiples ou des divisions de volumes de 75 cl. La liste des noms de bouteille par rapport à leur contenance est énumérée ci-dessous melchizédech, primat, souverain, solamon, melchior, nabuchodonosor, balthasar, salmanazar, mathusalem, rhéoboam, jéroboam, double magnum, Marie-Jeanne, magnum, litre-flûte, clavelin, medium, chopine, demi, fillette, quart, picollo, huitième. Contenance des bouteilles de vin de champagne Melchizédec - contenance de 30 litresUn melchizédech est une bouteille en verre dont la contenance est équivalent à 40 bouteilles de 75 cl, soit 30 litres. Un melchizédec pèse entre 52 et 54 kg lorsque la bouteille est melchizédec doit son nom à Melchisédech aussi orthographié Melchizédek, personnage biblique et roi de Salem Jérusalem, en Canaan, au temps d' bouteille melchizédech mesure un mètre dix de hauteur. Le melchizédech, avec ses 30 litres, est équivalent à 40 bouteilles. Avec une seule bouteille melchizédech, 240 flûtes de champagne d'une contenance de 12,5 cl peuvent être - contenance de 27 litresEn œnologie, le primat est une bouteille en verre dont la contenance est équivalent à 36 bouteilles de 75 cl, soit vingt-sept primat est un titre honorifique. Le primat était autrefois un titre qui permettait à un groupe d’archevêques l’accès à certains primat fût inventé en un seul primat, 216 flûtes d'une contenance de 12,5 cl peuvent être - contenance de 26,25 litresLe souverain est une bouteille en verre dont la contenance est équivalent à 35 bouteilles de 75 cl, soit 26,25 lors de l'inauguration du plus grand paquebot en 1988, le Sovereign of the sea » que la première bouteille souverain fut souverain permet de remplir 210 coupes de - contenance de 18 litresLe salomon est une bouteille de vin de Champagne dont la contenance est équivalent à 24 bouteilles de 75 cl, soit 18 litres. Le salomon a de forte épaule qui participe à sa fils et successeur de David, fut roi d’Israël de 970 à 930 avant et y fit régner calme et prospérité. Il fit bâtir le premier temple de Jérusalem. Il fut connu pour sa sagesse, relaté entre autre dans l’Ancien champagne contenu dans une bouteille de salomon peut être réparti dans 144 coupes de 12,5 - contenance de 15 litresLe nabuchodonosor est une bouteille en verre dont la contenance est équivalent à 20 bouteilles de 75 cl, soit 15 nom est celui d'une dynastie babylonienne fondée par Nabuchodonosor Ier roi de Babylone 1129 - 1106 av JC. Nabuchodonosor II est un roi de Babylone de 605-562 av JC , fils et successeur de Nabopolassar. Grand conquérant et bâtisseur, il écrasa les Égyptiens à Karkemish 605. La bible raconte comment Nabuchodonosor II prit Jérusalem et déporta le peuple juif à Babylone en 586.Une bouteille de nabuchodonosor peut remplir 120 coupes de 12,5 - contenance de 12 litresLe balthazar est une bouteille en verre dont la contenance est équivalent à 16 bouteilles de 75 cl, soit nom est celui d'un des trois Rois mages Melchior, Balthazar et Gaspard.Un balthazar peut remplir 120 coupes de 12,5 - contenance de 9 litresLe salmanazar est une bouteille en verre dont la contenance est équivalent à 12 bouteilles de 75 cl, soit 9 litres. Ce nom vient du roi Salmanazar, nom donné dans la Bible au roi assyrien qui a fait déporter les tribus d'Israël en 722 av. famille Ier, roi d'Assyrie v 1265 - v 1235 av JC. Il massacra ou déporta les peuples III Roi d'Assyrie 858-824 av JC. Il conquit la Phénicie. Il tenta en vain d'établir l'hégémonie du royaume assyrien sur les régions V Roi d'Assyrie 727 - 722 av JC. Il mourut devant Samarie qu'il assiégeait et que prit son successeur Sargon II, mettant fin au royaume d' champagne contenu dans une bouteille de salmanazar peut être réparti dans 72 coupes de 12,5 - contenance de 6 litresLe mathusalem est une bouteille en verre dont la contenance est équivalent à 8 bouteilles de 75 cl, soit 6 nom vient de Mathusalem, le nom du personnage le plus âgé de l’Ancien elle est de forme bordelaise, elle peut être appelée "Impériale".MATHUSALEM ou Mathusala Patriarche biblique, fils d'Enoch et grand-père de Noë. Il aurait vécu 969 ans. D'où l'expression "vieux comme Mathusalem".Le champagne contenu dans une bouteille mathusalem peut être réparti dans 48 coupes de 12,5 - contenance de 4,5 litresLe réhoboam est une bouteille en verre dont la contenance est équivalent à 6 bouteilles de 75 cl, soit 4 litres et demi. Ce nom vient de Roboam, roi de Juda et fils du roi Salomon selon la Bible. RÉHOBOAM est un terme propre au savoir faire monastique champagne contenu dans une bouteille réhoboam peut remplir 36 coupes de 12,5 - contenance de 3 litresou Un double magnum Bordeaux = contenance de 3 litresLe jéroboam est une bouteille en verre dont la contenance est équivalent à 4 bouteilles de 75 cl, soit 3 nom vient du roi Jéroboam, roi d'Israël au premier millénaire avant Jésus-Christ. Pierre Mitchell, l'industriel de la verrerie royale de Bordeaux, est le créateur du jéroboam, ainsi nommé par les Bordelais en Ier 930-910 avant fût le fondateur et le premier roi d' II 783 - 743 av JC fût aussi roi d'Israël, il étendit ses la fabrication d'une bouteille de ce volume fut la chasse-gardée des verriers italiens. Depuis les années 1990 ce marché est partagé entre Saint-Gobain et Saver-Glass qui ont installé leur unité de fabrication à Oiry et à Feuquières. Lors de la première cuisson, cette bouteille subit d'énormes tension entre sa partie intérieure et sa partie extérieure. Pour les éliminer, elle subit d'abord une seconde cuisson puis chaque flacon est testé champagne contenu dans une bouteille jéroboam peut remplir 24 coupes de 12,5 - contenance de 150 cl 1,5 litreLe magnum est une bouteille en verre dont la contenance est équivalent à 2 bouteilles de 75 cl, soit un litre et demi. Le magnum est particulièrement apprécié lors des grands événements publics ou en tant que de cadeaux tant d'entreprise qu'à un particulier. Sa production exige des équipements sophistiqués. En outre, la réalisation d'une telle bouteille ne peut être faite que par un souffleur de verre très qualifié. Bien que de nos jours, des machines de verrerie appelées IS sont tout à fait capable de réaliser ces bouteilles, en grandes retrouve l'idée de grandeur dans l'adjectif latin "magnum".Le champagne contenu dans une bouteille magnum peut remplir 12 coupes de 12,5 champenoise - contenance de 75 clLa champenoise » est une bouteille de champagne dont la contenance est de 75 cl. Il existe différentes bouteilles spéciales comme la champenoise du Dom champagne contenu dans une bouteille champenoise peut remplir 6 coupes de 12,5 médium et médium champenois - contenance de 60 cl au ras du colUn médium correspond à 4/5 d'une bouteille de champagne soit une contenance de 60 médium champenois doit avoir au minimum une contenance de 57 votre information 5 bouteilles médium = 4 médium champenoisLe champagne contenu dans une bouteille médium champenois peut remplir 4,5 coupes de 12,5 ou Demi-bouteille - contenance de 37,5 clLa fillette est une petite bouteille de champagne dont la contenance est la moitié d'une bouteille champenoise, c'est à dire 37,5 est petite, la fillette est souvent servie par les restaurateurs et est en vente dans le commerce chez les détaillants de votre information 2 bouteille fillette = 3 bouteille chopineLe champagne contenu dans une bouteille fillette peut remplir 3 coupes de 12,5 de champagne - contenance de 25 clUne chopine est une petite bouteille d'une contenance de 25 cl qu permet de servir 2 verres de champagne. Le champagne contenu dans une bouteille chopine peut remplir 2 coupes de 12,5 votre information 3 bouteilles chopine = 2 bouteilles filletteQuart - contenance de 20 clLe Quart est une très petite taille de bouteille de champagne, pratique pour les compagnies champagne contenu dans une bouteille quart peut remplir 1,5 coupe de 12,5 clHuitième - contenance de 9,375 clLe huitième est la plus petite des 17 bouteilles de champagne existante. Très rare, le huitième est prisé des huitième est équivalent à 1/8 d'une bouteille de contenance est de 3/4 d'une coupe. Contenance des bouteilles de vin de Bordeaux Un melchior = contenance de 18 litresLe melchior est une bouteille de vin de Bordeaux dont la contenance est équivalent à 24 bouteilles de 75 cl, soit 18 litres. Chez les vins de Bourgogne et de Champagne elle est appelée est le nom d'un des trois Rois Mages, Salomon est le nom d'un roi d' nabuchodonosor = contenance de 15 litresUn balthasar = contenance de 12 litresUn salmanazar = contenance de 9 litresUn mathusalem = contenance de 6 litresUn rhéoboam = contenance de 4,5 litresUn jéroboam Bordeaux = contenance de 4,5 litresDans le Bordelais, le jéroboam 5L à Bordeaux, 3L en Champagne et en Bourgogne se nomme aussi double jéroboam Bourgogne = contenance de 3 litresUn double magnum Bordeaux = contenance de 3 litresune Marie-Jeanne vin de Bordeaux = contenance de 225 cl = 2,25 litresune Marie-Jeanne vin de Bordeaux = contenance de 225 cl = 2,25 litresun Magnum champagne = = contenance de 150 cl = 1,5 litreun grand litre-flûte = contenance de 100 clun moyenne litre-flûte = contenance de 70 clun clavelin = contenance de 62 clun medium pour 4/5 d'une bouteille de champagne = contenance de 60 clun médium champenois = contenance de 57 clune chopine vin de Bourgogne = un pot vin de Bordeaux = contenance de 50 clun Demi ou une fillette d'une bouteille de champagne ou de vin = contenance de 37,5 clun petit litre-flûte 1/2 bouteille = contenance de 35 clune Chopine pour 1/3 d'une bouteille de champagne ou de vin = contenance de 25 cl un Quart d'une bouteille de champagne = contenance de 20 clun Picollo d'un vin de Bordeaux ou d'un vin de Bourgogne = contenance de 20 clun Huitième pour 1/8 d'une bouteille de champagne = contenance de 9,4 cl Contenance des bouteilles de vin de Bourgogne autres bouteillesLes vins du Rhin peuvent ainsi être commercialisés en litre-flûte d’une contenance d'un litre, en bouteilles de 70 cl et en demi-bouteilles de 35 cl. Pour les vins du Rhin et ceux d'autres régions de tradition, "le quart" correspond à une capacité inférieure à 20 ailleurs, les vins mousseux et pétillants peuvent être commercialisés dans des flacons de capacité particulière. Par exemple, la capacité nominale du médium champenois est de 57 cl 60 cl à ras bord. Le clavelin, une bouteille à col court d’apparence trapue, est réservé aux vins des appellations Côte du Jura, Arbois, l'Étoile et Château-Chalon, et présente quant à lui une contenance de 62 Pot Lyonnais 46 centilitres, la Désirée Suisse 50 centilitres et avec l’accentun grand litre-flûte = contenance de 100 clun moyenne litre-flûte = contenance de 70 clun clavelin = contenance de 62 cl Contenance des bouteilles de bière Chopine - contenance de 25 clUne chopine est un verre à bière et une mesure de capacité pour des liquides, attestée depuis le xiie siècle, de l'allemand Schoppen, puisoir de brasseur ». La chopine se subdivise en deux demiards. La chopine équivaut à la moitié d'une pinte de Paris, unité de mesure désuète qui équivaut à un peu moins d'un demi-litre.
Lacteur est mort jeudi à l'âge de 84 ans. Son rôle du majordome dans la série "Magnum", aux côtés de Tom Selleck, a fait de lui un personnage mythique. Source AFP Publié le 10/11/2017 à
11 août 2010 3 11 /08 /août /2010 0921 ...un début d'article qui commençais par une phrase pourrite digne d'un début d'un faux conte de fée bidon d'un univers Casimir...et encore... ...oui même lui faut se méfié...saloperie de dinosaure qui étouffe et viol les enfants... image de piratessourcil Bon là l'article enfin ce "dossier" car plus grand qu'un article habituel a pour sujet les manga et anime...et oui car pour beaucoup il s'agit juste de ninja ou de super guerrier qui se tabasse la gueule et oui ! Et pourtant ya pas que de la violence, du sexe et du gore dans les manga bon ok yen a pas mal quand même et c'est donc a moi que revient l'honneur de vous parlez de ce sujet oh putain on est dans la merde. Kawaiiiiiii !!! ça veut dire que c'est mignon, je vous apprend un truc hein ? Non ? Bah... Bon tous le monde le sait les manga/anime ce sont fait connaitre en france grâce a l'époque du club Dorothée et a son Dragon Ball Z dans les année 90...l'époque où j'allais encore au collège...ah quoique avant ça j'habitais en campagne et...quoi comment ça on s'en fou de ma vie ? Ok...bon bref tout ça pour dire que ça date....Dragon Boule s'est fait connaitre car a l'époque les petits branleurs non pas moi découvrais un dessin animé plus violent que Casimir et des combats de fou en 69 images par secondes, même si c'était répétitif a mort et qu'il fallais 20 épisodes pour un combats...c'était les années 90 du manga. Dragon Ball la première partie et Dragon Ball Z seconde et fin a lancé le manga en france, au programme combats a gogo censuré chez nous, trips pervers censuré chez nous, dialogue farouche censuré chez nous, cheveux dopé au gel coloré censuré chez...ah ça non et scénario sympa avec un peu de science fiction...un hit quoiqu'on en dit . Mais bon voila il n'y a pas que les anime dans la vie il y a les manga aussi...aïe voila que je vient de sortir un truc incompréhensible attention je précise donc anime=dessin animé, manga=BD....voila maintenant je peut me laché YAATTAAAAA...ah non c'est pas ça que je voulais dire, en fait voila donc les anime de Dragon Ball oui j'en parle encore mais j'arrête bientôt promis comme la pizza ! était sympa pour le public a l'époque mais il faut savoir que la BD donc le manga "papier" je précise pour les gogols qui passe ici est carrément mieux ! Que celui qui n'aime pas Dragon Ball vient me le dire après l'avoir bouquiné ! Dans la BD on retrouve l'animation de son choix logique lol c'est nous qu'on lis le truc, les scènes de baston non censuré, des scènes perverses non censuré miam Bulma et ses nibards et un vrai language moderne des temps modernes ! Bref c'est plus adulte et oui et c'est ça les manga bande d'inculte c'est principalement pour adulte ! Pauvre fille heureusement que je suis là pour la réchauffer...elle risque d'attraper froid sinon, ah Batto ce bon samaritain... Bon la vision du manga est étroite pour le grand public inculte, divers exemple Certain vois ça comme un truc de gamin "mais j'ai passer l'âge de ces conneries là moi...hein quoi ? Ouai je vais voir un pixar au ciné demain mais c'est pas pareil" Justement c'est pire un pixar est familial donc plus enfantin et gentil qu'un anime, car les anime en général sont bien plus adulte dans les univers qui sont souvent plus sombres Que celui qui ose dire que les anime sont enfantin regarde Claymore ou Blood the last Vampire, que celui qui ose dire que les manga sont gamin va lire Berserk ou Priest Berserk une référence pour adulte et sans conteste l'univers le plus sombre existant tout univers confondu oui même le pire des films ou jeux video est un enfant a côté de ce monstre de violence et de puissance malsaine L'exemple peut être inverse "Les manga/anime c'est violent et il n'y a que du sexe c'est pas pour la famille" Encore une fois je ramènerai ma gueule et lui dirai "fuck va regarder un hentaï connard"....euh non en fait je lui dirai juste que Miyazaki a fait des anime pour lui avec Princesse Mononoké, Le tombeaux des Lucioles, Chateaux dans le ciel, Le royaume des chats ou plus récemment Ponyo etc... Que celui qui critique la violence des animes du japon regarde d'abord Le royaume des chats avant d'ouvrir sa gueule Après un mec bien lourd se ramènera et sortira "ouai mais moi j'aime pas les trucs mignon et le trop gore c'est trop lourd alors les trucs japonais c'est pas pour moi, moi je recherche des scénario de ouf et quelque chose de plus psychologique" Je le regarderai et lui dirai "et un coup de pied au cul ça te tente ?"...bon je pourrai lui dire ça ou lui dire qu'il existe sûrement son bonheur dans certains anime/manga, par exemple Death Note plutôt connu actuellement normal vu que c'est une bombe est un vrai thriller psychologique, c'est pas un scénario de Derrick quoi ! Sans être gore ni gentillet il est parfait pour ce rôle....après dans le genre Perfect Blue est lui aussi un parfait thriller psychologique policier ! Satoshi Kon considéré un peu comme le David FincherSeven, The Game japonais a réalisé plusieurs anime de ce genre Paprika, Paranoia Agent, Perfect Blue, etc Perfect Blue se regarde avec un cerveau bien accroché dans la tête car a un moment ça devient la folie ! Après il peut se ramener et me sortir "et si j'aime que les comédies ?".....je lui demanderai si un coup dans les burnes le fera rigoler....ou plus simplement je lui dirai de lire en manga Love Hina ou GTO et de voir absolument l'anime le plus déjanté au monde Excel Saga Excel Saga complétement barré dans le genre avec des parodie d'albator ou de ken le survivant, du pur foutage de gueule comme il faut ! "J'ai changé..." Après voila il faut savoir que actuellement le manga a changer, avant dans le bon vieux temps putain on va encore m'insulté de vieux con il y avais plus de série "gentillette" d'anime a la tv....maintenant ça s'est adapté au public et comme les jeux video c'est devenu quand même plus adulte sur plein de point....dans le temps il y avais Le Roi Leo, maintenant c'est le roi des cons....euh non c'est Black Lagoon par exemple D'un côté Le Roi Leo c'était gentil et mignon....maintenant Black Lagoon avec son action de fou et ses dialogues très vulgaire mais si bon ^_^ "C'est quoi ton article de merde espèce de bite molle tu veut un deuxième trou du cul ?" exemple typique de dialogue aussi doux qu'une feuille de papier toilette le premier jour de printemps qu'on trouve dans Black Lagoon. Des seins très animés C'est comme les jeux video, les manga ont suivi l'évolution du public qui de nos jours est plus psychopathe qu'avant...et c'est pareil pour le cinéma avec les nombreux films du genre SAWcisse mouahaha. Bref si la violence a augmenté la taille des poitrines des demoiselle aussi...dans presque tous les anime et manga maintenant on retrouve cela des poitrine de belle taille voir de très grosse taille parfois, a la limite du nawak bonnet Z ? Inoue du manga Bleach...elle mange beaucoup mais ne prend du poids que dans les seins... Autre point pervers qu'on retrouve souvent aussi actuellement c'est...gniieeee....les mini-jupe...et c'est quelque chose qui ne me laisse pas indifférent XD....bref dans pas mal d'anime/manga les étudiante japonaise ont toute des jupes extra courte ce qui est plutôt n'imp car au japon toute ne mettent pas ça et leurs jupe ne sont pas courte a ce point là quand même ^_^ Bref pas étonnant au final que les hentaï sont apparu de plus en plus a force mais là c'est une autre histoire. Un exemple de sexy avec la totale gros bonnet et mini jupe...toujours dans Bleach...mais le public aime alors forcement...ouiiiii Moi sérieux, moi classe...moi pas sérieux et débile Le truc habituel où l'ont reconnaît un anime japonais d'un anime a la con du genre les dessins animé de merde le matin a notre tv c'est les visage bien rond mais surtout les grand yeux plus grand tu meurt d'un cancer des yeux ! Sinon il y a aussi les expréssion débile où l'ont reconnaît facilement qu'il s'agit bien d'un manga ou d'un anime... Véritable série de geek en puissance Lucky Star montre qu'on a bien affaire a un pur anime japonais avec leurs tête des plus débile et expression fun et top délire ! Après il y a aussi les visages sérieux où des perso souvent considéré comme classe car ténébreux et impassible donc là jamais une tête débile sera visible et d'autre auront des expression plus sadique du genre Kenpachi....après c'est ce qui fait le charmes des manga tout ça méchant très méchant comme maître méchant mais sans émotions, perso comique qui ne font que des conneries, héro souvent sérieux et débile puis bon...au final c'est un peu la recette d'un film tout ça quand on y pense un méchant, un héro, une fille et un comique. "Je suis méchant et je fait la gueule tous le temps...mais c'est ce qui fait mon charme" La pompe a fric existe ici aussi Bon c'est moins pire que chez les jeux video mais Dragon Ball Z qui aura rapporté un max de pognon par les manga vendu et anime DVD/K7 VHS aura aussi rapporté sur les goodies poster, porte clé, statuette, screugnieugnieu, etc et d'autre comme actuellement avec Naruto qui idem cartonne....ça fonctionne plutôt bien, après tout le saviez-vous la france est le deuxième pays qui consomme le plus de manga après le japon, et oui ! Et là on ne parle que des manga donc BD pas des anime alors imaginez un peu...bref la france rapporte bien au japon en même temps j'y contribue aussi avec ma bibliothèque de manga ^_^ Non ce n'est pas un accessoire SM c'est un porte clé Naruto, le genre de goodies qui va se vendre a des milliers d'exemplaire... Le truc lourd les HS Voila quelque chose de bien merdique que les série a succès ont droit souvent mais ça ne fonctionne que pour les animes pas les mangas les HS qui veut donc dire Hors Série. Enfin bref c'est simple j'explique d'abord le manga est créer c'est toujours comme ça en général presque et ensuite c'est au tour de l'anime, donc la série animé suit le manga mais le problème c'est que les studio qui font les épisodes animé vont plus vite et rattrape toujours le mangaka qui bosse sur sa BD et du coup paf le hic "on a rattrapé la BD on fait quoi ? Faut continuer de diffuser a la tv sinon on va perdre de l'audience"....la solution pompe fric s'applique faire des épisodes hors série pour continue d'occuper les gens....le problème c'est que 95% du temps ces épisodes hors sujet sont du vrai caca en boite...alors du coup le manga souvent attrape une réputation de "trop long et chiant" ou "c'est devenu de la merde et c'était mieux avant"....les exemple type sont sans conteste ce bon vieux Dragon Ball Zvous ne le savez ptêt pas mais il y a des tonnes de passages HS ou a rallonge argh, le Naruto ou même Bleach...certain comme Naruto sont tellement pourri que on a qu'une envie après les avoir vu avancer avec la Delorean en 2012 pour se suicider ! Que ce soit les HS chiant de Naruto ou les épisodepire que du HS de DBGT je garde ma Delorean de côté au cas où.... Shojo, Seinen, Shônen....OYO ? Il y a en gros 3 catégorie de manga Shojo, manga plus réservé a un public féminin fan de Twilight et d'histoire a la titanicta mère...bien que certains Shojo sont très sympa comme Ayashi no Ceres c'est donc souvent des manga a histoire d'amour donc plus pour les filles car vite chiant pour le mâle qui recherche violence et torture ! "ouiii moi aussi je l'aiiime...ou pas"...bref clairement pas mon genre de truc mais certaine aiment... Ensuite le Shônen c'est un peu ce qui s'applique a Naruto, Dragon Ball Z, One Piece, Bleach, Kenshin...bref souvent les série a succès...c'est souvent dans ce genre de série que les personnages ont des pouvoirs et ce genre de choses où ont retrouve toujours ce thème récurent habituel du "devenir plus fort pour protèger mes amis...ouiii même si je le connais que depuis 10mn c'est mon amiiiii", bref il y a parfois des histoires d'amour et beaucoup de combats...c'est disons entre les Shojo et Seinen, c'est le millieu quoi... Dans cette catégorie c'est One Piece qui éclate tous les autres ! Ouai même toi Naruto petit con soulant tu sort ! Et enfin...les Seinen...donc le genre le plus méchant on va dire....bon en bref c'est vraiment plus pour adulte et c'est plus noir et sombre dans l'univers et l'histoire...a ne pas mettre entre toute les mains, Berserk en est le parfait exemple dans son genre avec un univers impitoyable viol, meurtre d'enfants, monstre affamé et telettubies....en bref pour public averti. Un peu trash parfois Gunnm et Gunnm Last Order n'est pas pour autant malsain ou sombre mais son scénario complexe d'un nié combiné avec un mouvie arrière le classe dans les Seinen A part ça quoi de neuf ? Bien ça roule...vais regarder un doujin après et euh...bref actuellement le manga se porte donc bien partout dans le monde, au japon les mangaka ceux qui font les BD bosse comme des dingues sans avoir de congés pendant que nous gros flemmard profitons de nos congés pour lire ces fameux manga...donc tout va bien, en plus internet permet de télécharger pleiiiin d'anime souvent en VOSTFR parlé japonais sous titré français gratuitement mais télécharger c'est mal voyezzzzz....bref de nos jours en france beaucoup de fans préfére voir en VOSTFR et se sont habituer aux voix japonaises...pas le choix en même temps entre l'attente interminable des sorties en france et des voix française parfoissouvent? horribleNaruto oui c'est toi que je vise au final le VOSTFR n'est pas un mauvais choix, après la VF sur certains film anime qui ont même passé au cinéma Ghost in the Shell ou Appleseed ou juste en DVD Kenshin Tsuioku Hen sont niquel sur la VF...dans les série Death Note n'est pas mauvaisc'est mon avis. Que quelqu'un me trouve une meilleure VF que celle de ce film anime Kenshin Tsuioku Hen... Manga ou Anime ? Bon on va finir là, je pense avoir fait le tour du sujet...donc pour finir la question qui revient souvent pour ceux qui connaissent un peu le sujet mais j'en parle evidemment pour ceux qui ne connaissent pas aussi..."cette série là tu me la conseil en bouquin manga ou en anime ?"....cette question est intéréssante car en fait cela dépent des série, on entre dans plusieurs choix - Certaines série n'existe que en manga comme Priest par exemple donc le choix est simple - D'autre comme Lain n'existe que en anime donc idem le choix est simple - Après on a les série comme Berserk qu'il faut absolument avoir en BD manga pour des raison simple anime baclé, moche, mal animé, manque des tas de choses dont des personnage important et pire que tout...il n'y a que une partie c'est tout ! La suite ? Et bien elle est en bouquin lol donc autant directement le lire... -Après certaines série comme Death Note sont aussi agréable en anime qu'en manga mais là c'est une affaire de goûts et couleur moi par exemple je préfére cette série en anime pour le fait d'être pénard devant sa tv et puis les musiques sont excellente ^_^ Donc voila si vous ne connaissez pas trop tout ça mais que ça vous tente commencez donc par Death Note, après pourquoi pas un petit Kenshin Tsuioku Hen....pour ceux qui veulent de l'humour sans violence en manga jetez-vous sur Love Hina et en anime sur le déjanté Excel Saga, si vous recherchez de l'action avec de l'humour One Piece est fait pour vous mais en manga de préférence ou alors en anime mais VOSTFR....pour ceux qui recherche l'univers sombre le plus noir nescafé possible c'est Berserk et Priest voir Gunnm en manga. Après ce ne sont que les conseil du Batto a vous de trouvez votre voie dans cette univers si vaste qu'est le manga Published by batto - dans Big Dossier Batto
Résumé: En apprenant la mort simultanée de Sully et Carol, ses deux meilleurs amis d'enfance, Bobby Garfield, photographe, se replonge dans ses souvenirs de jeunesse, et plus particulièrement dans ceux du décisif été 1960, durant lequel il rencontra le mystérieux Ted Brautigan. Lorsque celui-ci emménage au-dessus de chez Bobby et sa mère, il devient
Une fois par mois, nos spécialistes des séries Pierre Langlais et Sébastien Mauge se replongent dans les débuts d’une série qui a marqué l’histoire du petit écran. Ce mois-ci, “Magnum”, dont le reboot est diffusé sur TF1. Ce lundi 24 septembre 2018, toutes celles et ceux qui aiment les moustaches ont observé une minute de silence. Thomas Magnum était de retour sur CBS, trente-huit ans après sa première mission. Mais il était glabre, ou presque. A peine un léger bouc. Alors, pour nous consoler, nous sommes allé voir à quoi ressemblait les premiers pas de la version originale de Magnum dans le texte, pour Private Investigator ». Le double premier épisode de la série créée par les très influents Donald P. Bellisario Supercopter, JAG, NCIS et Glen A. Larson L’Homme qui tombe à pic, K2000 présente le détective privé incarné par Tom Selleck, et suit une première enquête autour de la mort suspecte d’un de ses anciens frères d’armes au Viêt Nam. On monte dans la machine à remonter l’histoire cathodique, direction le 11 décembre 1980. Magnum est aussi vieille que nous. Donc, nos souvenirs de la série datent de notre plus tendre enfance, et des centaines de rediffusions qui ont inondées le petit écran français pendant les décennies 1980-1990 sur Antenne 2 dès 1981, puis M6, TF1, France 3, France 4, 13e Rue, Jimmy, TV Breizh… partout quoi. Il faut dire que 8 saisons et 162 épisodes, ça vous remplit une grille de programme un dimanche après-midi après Rick Hunter et Hawai Police d’État. Qu’a-t-on gardé de la série dans notre mémoire encombrée, s’interroge Sébastien. La moustache, les chemises à fleurs, les shorts en jean, Higgins le rigide que l’on associait physiquement à Hitler dans notre enfance et ses deux chiens Zeus et Apollon, la Ferrari, l’hélicoptère, les flashbacks du Vietnam, les jolies filles et le générique tonitruant. En revanche, et ce n’est pas forcément bon signe, aucun souvenir d’une quelconque intrigue remarquable ou d’un épisode phare ». Tom Selleck et John Hillerman dans Magnum CBS Pour celles et ceux qui l’aurait oublié, Thomas Magnum, quatrième du nom, est un ancien marine. Il a servi au Viêt Nam mais récemment quitté les rangs de la Navy pour devenir le Monsieur sécurité » de Robin Masters, un célèbre et richissime écrivain – qui reste invisible, mais dont la voix n’est autre que celle… d’Orson Welles ! Il doit en revanche se coltiner Jonathan Higgins, troisième du nom une génération de moins que lui, donc, l’Anglais rigide dont Sébastien parlait plus haut, gardien de sa luxueuse demeure. Magnum, qui est plus cool que tout le monde sur l’île d’Oahu à Hawaï celle de la capitale Honolulu, choisit ses propres enquêtes. Il est aidé, plus ou moins malgré eux, par deux anciens frères d’armes, le pilote d’hélicoptère Théodore Terry » Calvin et le barman Orville Rick » Wright. Ce premier épisode s’ouvre sur une scène digne d’Alerte à Malibu – sans le short rouge. Tom Selleck surgit des eaux, torse poilu, moustache dressée, pour aller tenter de voler la Ferrari rouge une 308 GTS, pour les puristes – c’est un test, on le comprend vite. Et là, premier choc, la voix off. J’avais oublié que le héros s’adressait au téléspectateur, parfois même en brisant le 4ème mur avec son regard malicieux et ses haussements de sourcils broussailleux. Selleck semble avoir enregistré sa voix dans une cave, ça résonne comme dans un crâne vide ! ». Second choc, la quasi absence de musique et, plus tard, un générique où ne résonne pas le culte tain tain tain tain » vous ne voyez pas de quoi je parle ? Cliquez sur la vidéo ci-dessous. A la place, on a droit à un truc jazzy mou beaucoup trop long. Après recherches, ce générique a tenu 11 épisodes avant d’être heureusement remplacé ». Le rythme de l’épisode est plan-plan, le jeu des acteurs statique, tout comme la mise en scène de Roger Young, dont le dernier fait d’arme est un épisode de Rome, qui s’autorise tout de même de temps en temps des plans aériens particulièrement flous, note Sébastien. Il y a forcément une course poursuite en voiture, plutôt molle, au cours de laquelle Magnum parvient à rester imperturbable alors qu’il se fait copieusement mitrailler ! Sans doute parce que ce n’est pas lui au volant, comme on peut le voir furtivement lors d’une marche arrière… ». En fait, ce premier épisode de Magnum est assez classique, et fidèle à une télé américaine du début des années 1980 qui se pressait bien moins qu’aujourd’hui. On s’ennuierait franchement s’il n’y avait pas la classe de Selleck et, surtout, ses chamailleries avec Higgins, une bromance étonnante, un peu sado-maso sur les bords », précise Sébastien. Revoir ce premier épisode, c’est se souvenir de l’importance que jouait le traumatisme du Viêt Nam à l’époque sur le petit écran américain. Magnum, MacGyver, les membres de l’Agence tous risques, le héros de K2000, ils ont tous combattus dans les jungles d’Asie du Sud-Est. Magnum décroche régulièrement de l’intrigue principale pour nous envoyer dans l’enfer vert aux côtés de son héros. Les flashbacks sont mal foutus, on n’y croit pas une seconde, mais l’idée est là. Et, surtout, la série n’est pas tendre avec l’armée, montrée comme trop rigide, en contraste avec la bienveillance de Magnum – Bellisario se rachètera avec la très martiale JAG, puis NCIS. La série aborde aussi le thème des vétérans qui doivent surmonter leurs traumatismes pour mener une vie normale »», ajoute Sébastien. Tom Selleck sur le tournage de Magnum CBS Il n’y a pas que la moustache, les chemises à carreaux, la Ferrari rouge et les vétérans du Viêt Nam qui font très années 1980. La place des femmes dans la série aussi. La première apparaît… nue, dans un lit. Elle n’a pas de nom. Pas plus que sa copine, comme elle une blonde à accent hollandais – sans doute des amies » de Robin Masters. Et le reste du premier épisode est à l’avenant. Passe encore la sœur du défunt qui s’accroche au premier venu et qui ne dirait pas non à la possibilité de titiller la moustache de notre détective heureusement ce dernier a une morale irréprochable…, précise Sébastien. Le problème ce sont surtout les deux créatures de rêve qui vivent dans la propriété du boss de Magnum. On ne sait pas qui elles sont, ni ce qui justifie leur oisiveté ostentatoire, mais on sait en revanche qu’elles aiment les tenues légères et qu’elles s’adonnent à des bains de minuit intempestifs qui empêchent Magnum de se concentrer. Le sommet, ou plutôt le fond, est atteint lorsqu’elles sont subrepticement comparées aux chiens de Higgins. Zeus ! Apollon ! », crie ce dernier. They are with me !», lui répond magnum en enlaçant les deux jeunes femmes… » Magnum a valu à Tom Selleck un Emmy Awards et un Golden Globe… mais lui a peut-être aussi coûté une place plus glorieuse à Hollywood, puisqu’il a du renoncer à jouer Indiana Jones à cause du tournage. Le premier épisode de la série a pris un coup de vieux, mais a le mérite d’être relativement sobre – passée une scène de discussion grotesque perchée sur un rocher, sans doute imaginée pour satisfaire une demande de l’office du tourisme d’Hawaï. Tom Selleck est Thomas Magnum en deux plans, et on comprends vite comment l’acteur à lui seul a pu tenir la série à bout de bras. On peut craindre que le reboot fera tout l’inverse, en multipliant les scènes d’action spectaculaires et les explosions dans tous les sens, et en oubliant que Magnum, c’est avant tout un type cool. Et, surtout, une moustache. Magnum Met Tom Selleck Donald P. Bellisario Partager Contribuer Sérierama, le blog séries TV de Pierre Langlais Sur le même thème
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